Une identité d’entre-deux

Les proposants sous le régime de l’édit de Nantes

Thomas Guillemin Julien Léonard

Résumé

Cet article se propose de faire le point sur un statut spécifique quoique particulièrement flou de la carrière pastorale dans le royaume de France sous le régime de l’édit de Nantes : le proposant. Employé sans être défini dans la Discipline, ce mot désigne les étudiants en théologie à la fin de leurs cursus, ainsi que ceux qui sont en recherche d’un premier poste. L’analyse proposée croise approches anthropologique et culturelle, associant lecture qualitative et quantitative, en mobilisant différents types de sources : institutionnelles (actes de synodes nationaux et provinciaux, registres de délibérations de conseil académique), du for privé (correspondances, notes) et éristiques. Il ressort de ce croisement des sources que le proposant occupe une identité d’entre-deux dans les Églises réformées de France. Il n’est plus un simple étudiant, mais pas encore un pasteur. Un certain nombre de contraintes pèsent sur lui : respecter les valeurs qui sont celles du « bon ministre », dépendre d’une Église, d’un synode ou d’un protecteur pour le financement de ses études. Durant leur formation, quand ils sont dans une académie, les proposants composent un corps clairement identifié au sein de l’institution vis-à-vis de laquelle ils peuvent d’ailleurs prendre des initiatives, voire revendiquer leur statut particulier. Auprès d’un pasteur, le proposant apparaît en formation pratique et peut jouer un rôle actif dans la vie d’un troupeau, notamment au sein d’un consistoire. Au terme de sa formation, c’est en quelques semaines que son statut change, par un examen devant un synode provincial, standardisé dans la Discipline, puis devant sa nouvelle Église par l’imposition des mains reçue de députés de ce synode. Jusqu’à ce geste rituel, il demeure un pasteur en devenir.