Le Juif de négativité

Quelques réflexions sur le singulier et l’universel dans le judaïsme de l’Europe moderne après la Réforme de Luther

Danielle Cohen-Levinas

Résumé

La contribution des Juifs à la modernité en Europe n’est pas indemne de l’héritage anti-juif de Luther. Dire que les responsables nazis ne devaient rien à Luther, qu’ils n’avaient pas lu, est insuffisant. Avec son pamphlet de 1543, Luther transforme en effet la haine des Juifs en raison d’État, qui contribue à mettre les Juifs à l’index d’une négativité sans relève, incapables que seraient les Juifs d’accéder à l’élévation spirituelle proposée par la Réforme de Luther. Simultanément, l’éclatement du christianisme au sein même de l’Europe aura un effet paradoxal pour le devenir du judaïsme en Europe, permettant l’émergence d’un espace de liberté de conscience religieuse inaliénable qui sera à l’origine d’une modernité inattendue, ne renonçant ni à l’universel, ni au singulier. Malgré ces avancées, la référence au judaïsme reste toutefois de facto négative, même inconsciemment, car c’est en niant le judaïsme que le christianisme se fit reconnaître en tant que tel.
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