Les masques du temps

Étienne Darbellay

Résumé

L’expérience du présent musical constitue une source d’observation précieuse pour enrichir notre connaissance de l’expérience cognitive du temps en général. Fondée sur une combinaison d’étalons multiples d’un haut degré de complexité (que certains considèrent comme des universaux cognitifs), elle permet de mettre en évidence une surprenante indépendance fonctionnelle entre les différents niveaux hiérarchisés d’appréhension des “présents”, et cela malgré une apparente homogénéité d’organisation au plan des langages eux-mêmes. On peut en quelque sorte parler ici d’une forme de “variance de niveaux”, qualifiant individuellement, comme “prolongation”, chaque trame de durée (ou unité de sens dynamiquement cohérente), dans la mesure où par elle se définit un profil de forme distinct et particulier, et cela malgré son appartenance simultanée à tous les niveaux de segmentation temporelle en cours, corrélés dans la perspective commune d’un tempo ayant le présent pour points de fuite. Il s’opère en fait quelque chose comme une lutte que soutient l’auditeur contre son asservissement au présent, écartelé entre imminence et échéance, au moyen d’une appropriation de la durée qu’il consolide en “états stables” par des séquences homologues, et dès lors “passéifiables”.