Le temps dans la forme musicale

Jean-Pierre Boon Ilya Prigogine

Abstract

Il existe une consonance, une relation – non de cause à effet, mais plutôt un parallélisme – entre l’expérience musicale et certains problèmes de la science d’aujourd’hui tels que les bifurcations, les phénomènes de cohérence et les corrélations. Le temps et la durée y apparaissent comme des notions fondamentales. Tant en musique qu’en physique, la composante temporelle joue un rôle essentiel : il n’y a pas de forme musicale sans le déroulement du temps. Il s’inscrit dans la musique une irréversibilité fondamentale : son expression n’a d’existence matérielle ni en deçà ni au-delà du temps pendant lequel elle se déroule. Avec cette particularité que la forme sonore n’est sous-tendue que par la seule dimension du temps. C’est ce qui, en regard de l’infinie complexité des multiples formes artistiques, rend la musique plus accessible à l’analyse quantitative. En particulier une séquence musicale peut être considérée comme un phénomène physique régi par l’évolution au cours du temps d’un signal acoustique. Selon cette interprétation, la séquence musicale se traduit dans le langage de la physique comme une série temporelle. Elle devient dès lors susceptible d’être analysée avec les outils que la physique et les mathématiques modernes ont construits pour décoder la dynamique de phénomènes complexes tels que le chaos et la turbulence. Les concepts de dimensionnalité et d’entropie – notions essentielles en théorie des systèmes dynamiques – doivent être redéfinis pour être appliqués à l’analyse de la dynamique temporelle en musique. Ces grandeurs peuvent alors être explicitées et quantifiées ; l’analyse qui en découle est appliquée à des pièces échantillonnées dans la littérature musicale du XVIIe au XXe siècle.
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