Le pouvoir de Calypso

À propos d’une poétique odysséenne

David Bouvier

Abstract

Si l’Iliade et l’Odyssée sont directement issues d’une même tradition orale, chacun des deux poèmes reflète et suppose une conception propre de cette tradition. La relation que le poète entretient avec l’instance inspiratrice de la Muse diffère d’un poème à l’autre, de même que diffère la présentation que le poète donne de son art. Cette problématisation du sens et de la fonction de la poésie implique ses propres données mythologiques, contribuant ainsi à créer une mythologie de la poétique que l’on découvre surtout dans l’Odyssée. Etudiant le vocabulaire de l’inspiration poétique et la définition de différents registres de paroles, cette étude montre comment l’Odyssée oppose à l’image traditionnelle du chant inspiré par les Muses un savoir de conteur dont Ulysse, qui parle sans aucun secours divin, devient le principal représentant. Oscillant entre une Muse – qu’il invoque encore mais qu’il oublie aussi facilement – et un héros auquel il prête bien volontiers sa voix, le compositeur de l’Odyssée s’ingénie à multiplier les images et les métaphores qui associent son art à un savoir constructeur, tandis que, sur un autre plan, il se plaît à faire du personnage de Calypso un véritable double négatif de la Muse : une anti-Muse.