« Séparer le bon grain de l’ivraie »
Le contrôle des lectures féminines en France et dans les Pays-Bas espagnols au temps de la Réforme catholique (XVIe-XVIIe siècles)
Résumé
En rendant compte des apports récents de l’historiographie, cet article se propose de présenter les agents et les modalités de contrôle des lectures féminines en France et dans les Pays-Bas espagnols à l’âge de la Réforme catholique, entre le milieu du xvie siècle et le milieu du xviie siècle. À cette époque, ce sont avant tout les clercs qui revendiquent un magistère sur les livres et édictent les normes de la « bonne » lecture. Favorables à un encadrement strict des lectures féminines, ils replacent cette activité dans un rapport hiérarchique au sein de la sphère familiale, sociale et religieuse. Rejouant la parabole biblique du bon grain et de l’ivraie, ces auteurs entendent ôter des mains des femmes les livres réprouvés, qu’ils soient impies ou impudiques, et leur substituer des lectures saines (livres liturgiques, vies de saints, ouvrages de spiritualité et de dévotion). Au fil du xviie siècle, on observe un écart grandissant entre un discours prescriptif quasiment inchangé et les pratiques de lecture des femmes, en lien avec les transformations qui touchent le monde de l’édition. Même si l’acte de lire apparaît fortement réglementé et contrôlé, il a pu constituer pour certaines femmes un espace de liberté et d’agentivité.