Écrire dans les missions protestantes en Irlande, une histoire de genre(s) ?
Les autrices de la Dingle and Ventry Mission, 1800-1855
Résumé
Au XIXe siècle, une nouvelle figure, celle du missionnaire, apparaît dans la littérature anglaise. Cette présence témoigne non seulement du nouvel engouement pour l’évangélisation des peuples lointains qui suit les réveils protestants, mais aussi des rapports de genre de l’époque victorienne pensés au prisme de la doctrine de la « séparation des sphères », formulée et popularisée par l’écrivaine à succès Hannah More. Paradoxalement, tout en participant de ce que More nomme la « profession » des femmes, l’expansion missionnaire leur offre de nouvelles possibilités d’action dans la sphère publique. Ainsi, de même qu’on a pu voir les femmes participer à la culture pamphlétaire dans l’Angleterre du milieu du XVIIe siècle, la promotion de la Bible en langue vernaculaire favorise au XIXe siècle l’émergence d’autrices au sein de la mission. Par le jeu d’échelles entre le national et le local, cet article se propose d’examiner dans quelle mesure les engagements missionnaires des femmes leur donnent accès à de nouveaux espaces de visibilité et de gouvernance, leur permettant ainsi de s’affranchir des délimitations imposées par la société. Une dynamique d’affirmation de l’agentivité féminine est ainsi mise en lumière, les femmes renégociant leur rôle d’assistantes jusqu’à être pleinement reconnues comme autrices et à affirmer la supériorité de leurs publications sur la littérature grise des missions.