Hieronymus Münzer traverse le Languedoc
En 1494, un riche bourgeois de Nuremberg, âgé de 57 ans et bien établi comme médecin, quitte sa ville avec trois jeunes compatriotes, pour aller visiter l’Espagne en traversant la France. Il s’appelait Hieronymus Münzer, et fuyait en réalité la peste, comme il l’avait déjà fait onze ans plus tôt. Mais au lieu de repartir vers l’Italie, il opta cette fois pour le pèlerinage à Compostelle et la visite de Grenade, tout récemment reprise par les Rois Catholiques.
Hieronymus Münzer n’est pas seulement connu pour le récit en latin qu’il nous a laissé de ce grand voyage1. Il faisait partie du cercle des préhumanistes de Nuremberg, et ses amis s’appelaient Regiomontanus2, mathématicien célèbre mort dix-huit ans auparavant, Martin Behaim, médecin, navigateur et cartographe3, qui venait de terminer son fameux globe terrestre, Conrad Celtis, philosophe et poète, qui fonda la première société scientifique allemande4, ou Hartmann Schedel, dont le Liber Chronicarum magnifiquement illustré venait de paraître en latin et en allemand5 et pour lequel Münzer, passionné lui aussi de cartographie, établit la première carte imprimée de l’Allemagne6. C’est d’ailleurs par une copie exécutée de la main même de son ami Schedel que le journal de voyage de Münzer nous est parvenu7, car l’original s’en est perdu.
Mais Hieronymus Münzer était aussi un grand collectionneur de livres, et sa très riche bibliothèque, commencée déjà à Pavie durant ses études de médecine, et léguée à sa mort8 à son gendre, nous est parvenue9.
Sa culture prédisposait donc Münzer non seulement à accomplir un grand voyage, mais à en tenir un journal régulier pour consigner ses observations, de tous ordres car tout l’intéresse.
Pour cela, il utilise cette langue latine des lettrés et des scientifiques du XVe siècle, langue universitaire et européenne depuis des siècles. Conformément à la mode de la correspondance en latin, il latinisa lui aussi son nom dans tous ses écrits, s’appelant « Hieronymus Monetarius »10.
Il n’est pas très courant au Moyen Age, même au XVe siècle, de voir des pèlerins raconter leur voyage. Leur déplacement s’inscrivant dans une démarche collective d’ordre spirituel, un récit de leurs aventures affaiblirait en effet sa signification, à moins de le doter d’une fonction d’édification, comme le fit le seigneur de Caumont, ou de l’intégrer dans un rapport de mission, comme Aymeri Picaut, ou de signaler aux pèlerins les reliques, les éventuelles indulgences à gagner, tout en les prévenant des difficultés qui les attendent, comme certains récits en forme de guides. Ainsi en 1488 un pèlerin du Nord, Jean de Tournai, décrit son séjour à Toulouse et sa vénération des reliques de « Sainct Cerny », muni du bourdon11.
Le texte de Münzer est tout autre. Non seulement Compostelle n’est pour lui qu’une halte dans un long périple, et non plus l’aboutissement du voyage, mais dans sa préfatio il néglige totalement la dimension religieuse de sa peregrinatio12 au profit de considérations philosophiques sur la grandeur de l’esprit humain qui cherche dans les voyages à observer les lieux et surtout les mœurs des nombreux peuples. Il se situe donc dans cette lignée de voyageurs qui depuis Marco Polo, en passant par le héraut Berry, ont exalté la connaissance et la découverte des terres et des hommes. L’année précédente, en juillet 1493, trois mois après le retour de Christophe Colomb, il envoyait au roi de Portugal un projet d’expédition vers l’Ouest, à la découverte d’une route occidentale vers la Chine ! Peut-être venait-il d’apprendre qu’un navigateur avait abordé dans une île, loin vers l’Ouest ? Peut-être l’ignorait il encore ? Toujours est-il qu’il ne reçut pas de réponse…
Avant d’atteindre l’Espagne et d’être un des premiers touristes dans la ville nouvellement espagnole de Grenade, Hieronymus Münzer traverse donc le Languedoc. Le sentiment qu’il exprime est plutôt enthousiaste. Il ne semble pas que Münzer ait parlé l’occitan ni le français. Mais il avait pour compagnons de voyage trois jeunes gens, fils de riches marchands13, qui parlaient français et italien et durent lui servir d’interprètes. A vrai dire, il entre en contact surtout avec des hommes d’Église – des chanoines à Toulouse – avec qui il partage l’usage du latin. Contrairement à ce qui sera son habitude, il ne semble pas avoir utilisé en Languedoc le système des lettres de recommandations qui lui permettra dans la péninsule d’être introduit auprès de personnages importants. Ses informations sont donc toutes d’origine populaire ou cléricale. Il aura également des contacts sympathiques avec des Allemands ou des Suisses14.
Son voyage se déroule plutôt rapidement. Les périodes de repos sont rares et les chevauchées interminables, entrecoupées cependant de navigations fluviales, par exemple sur le Rhône, d’Arles à St Gilles, ou sur la Dordogne du nord de Gourdon jusqu’à Souillac. A la manière des itinéraires médiévaux, Münzer insère dans sa narration un très grand nombre d’indications de distance, lui conférant ainsi une fonction pratique, preuve sans doute qu’il envisageait une diffusion plus large que le cercle étroit de ses amis, parmi lesquels se trouvaient d’ailleurs des imprimeurs15. Bien que l’estimation d’une lieue soit sujette à caution, et que Münster lui-même distingue de « très grandes lieues » (leucas maximas), ses indications se veulent pour la plupart précises ; mais la valeur de la lieue apparaît bien variable16. Aux fantaisies des données s’ajoutent sans doute des erreurs dans ses notes ou dans ses souvenirs. Il semble en outre ne prendre parfois en compte que les distances parcourues à cheval. Une longue journée à cheval s’étale sur 10 lieues, toute une nuit de chevauchée après Montauban leur fait couvrir 9 lieues. Münster est il est vrai très résistant à la fatigue. Ses jeunes compagnons épuisés le laisseront vers la fin du voyage visiter seul les églises.
Ils séjourneront cependant une semaine à Toulouse, métropole de la province de Languedock, dont il donne l’origine du nom : les Toulousains, quand ils veulent dire ita, disent ock ; de là : langue ock17.
Le trait dominant du Languedock semble résider aux yeux de Münzer dans ses ressources économiques abondantes, principalement agricoles. Son esthétique du panorama épouse le regard du laboureur, la beauté procédant avant tout de la fertilité. Si entre Marseille et Arles, on voit encore des terres arides, à Béziers dit-il, « nous n’avons rien vu de remarquable, si ce n’est une terre fertile ». Apparemment, le souvenir de la croisade albigeoise n’est pas parvenu à sa connaissance. Le château de Lunel « possède une terre abondante et grasse ». Toute la province du Languedoc d’ailleurs lui semble très fertile. La terre toulousaine est, dit-il, « pleine de collines fécondes » notamment le Lauragais, dont la production de pastel l’étonne : « Il y a même, dit-il, autour de Toulouse, un district de quatre lieues sur trois qui produit en une année pour 200.000 écus de pastel. Je ne parlerai pas, ajoute-t-il, du safran, du froment, du vin ni des autres produits. De n’importe quelle province des Gaules, le roi n’obtient pas tant d’or, ni si facilement ». Sur la richesse agricole du pays toulousain, qu’il dit très peuplé, il considère qu’il faudrait établir un rapport complet18. Les productions qu’il admire le plus à Montauban, en dehors du froment, sont curieusement le vin et les figues. O quam amenus est hic locus vino, frumento, ficu etc. !. Il apprécie il est vrai le vin, et de sa traversée du Roussillon il ne retiendra guère que ce praecipuum vinum muscartellum delicatissimum, c’est-à-dire le muscat de Rivesaltes.
Le ressort économique de cette prospérité languedocienne s’articule selon Münzer sur un réseau de fleuves navigables entre les deux mers, la « mer marseillaise » (mare marsilicum) et la « mer océane ». Narbonne tout d’abord dont le commerce et la disposition même de la ville lui semblent curieusement tributaires du fleuve : « Narbonne est baignée par un fleuve navigable très connu (preclarus). Elle est divisée en deux villes que sépare un fleuve central et navigable. Et (elle a) un magnifique pont remarquable par ses arches et voûtes, sur lequel sont tirés des marchandises et des objets à vendre ». Münzer commet ici une erreur. Si les Romains avaient bien en effet détourné l’Aude pour lui faire traverser Narbonne sous ce fameux pont, la rivière avait depuis 1320 repris son ancien cours. Il se peut cependant qu’un cours d’eau ait emprunté parfois l’ancien lit, par où passera plus tard le canal de la Robine. A Toulouse par contre, le fleuve est facilement identifiable :
« On trouve en effet, comme je l’ai dit, un remarquable fleuve navigable, la Garonne, dont les sources sont dans les montagnes des Pyrénées, et qui se jette près de Bordeaux dans la mer occidentale. Elle apporte un très grand profit à la ville, car les denrées nécessaires sont apportées et déchargées par des navires venant de la mer ». C’est, selon lui, grâce à la Garonne que les maisons de Toulouse sont toutes en bois et en argile, car le bois arrive en quantité par le fleuve.
Mais ce commerce fluvial facilite aussi les échanges internationaux. Il renonce, dit-il, « à énumérer tous ces cours d’eau, parmi lesquels plusieurs navigables, grâce auxquels ils envoient le froment et le vin en Angleterre, en Flandre et en Bretagne, recevant de ces pays un très grand nombre de produits ».
Montauban doit aussi sa prospérité à un célèbre fleuve navigable, dont Hartmann Schedel n’a pas su lire le nom, laissant un blanc dans le manuscrit. Le Pont-Vieux actuel, construit au tout début du XIVe siècle, fit d’ailleurs son admiration (per pontem superbum), sans doute par ses tours et sa chapelle19 qui ne disparurent qu’au XVIIe siècle. Il mentionne encore à deux lieues de Montauban un autre fleuve navigable, manifestement l’Aveyron. Chaque cité a son fleuve plein de qualités : celui de Cahors est navigabilis et preclarus ; celui d’U-zerche, Wesala, est clarus ; celui St Léonard est pulcher et son eau douce et potable ; celui de Gordon, la Gordonia, comprenons la Dordogne, est navigabilis et mérite le nom de amnis, et non plus fluvius, peut-être à cause de son courant, tout comme celui de Brive, qui est nobilis avec son pont de 12 arches. La Gascogne également comporte multa preclara flumina.
Mais c’est à Toulouse qu’il a sa plus grande surprise, devant l’activité industrielle des moulins de la Garonne : en plus des roues destinées à la fabrication du papier, aux foulons et aux autres métiers, il observe deux grands moulins comportant chacun deux très grandes meules « formées, dit-il, de 5 ou 6 parties assemblées par un cercle de fer ; elles moulent si vite et si efficacement qu’on a peine à le croire. Le maître meunier a dit qu’avec une seule roue il mout en un jour et une nuit 24 charges de blé, c’est-à-dire autant que 24 rudes chevaux peuvent en porter ». Il s’agit bien sûr de ces fameux moulins du Bazacle et du Château-Narbonnais, plus sans doute ceux de la Daurade, dont Münzer ne semble connaître aucun équivalent dans les villes allemandes. La présence de dizaines de moulins, dont de nombreux moulins flottants, est attestée depuis le XIe siècle, mais remonte probablement au Bas-Empire. Leur exploitation, fondée juridiquement sur de véritables sociétés de personnes, avait pour obstacle majeur l’impétuosité du fleuve et les incendies20. Mais tous les témoignages s’accordent avec ceux de Münzer pour accorder aux moulins du Bazacle, installés au cœur d’une région céréalière, la suprématie sur tous les autres moulins connus en Europe. Finalement, Münzer a eu de la chance, car il a visité Toulouse dans une courte période d’abondance. Il n’a pas observé la famine, qui, en plus de la peste, sévissait sporadiquement dans ces années 90 à Toulouse et aux alentours. Des documents attestent qu’il fallait à cette époque 42 mille sétiers de blé pour nourrir la population toulousaine entre mars et la saint Jean, sans compter les religieux21. Ces beaux moulins n’eurent pas toujours trop de blé à moudre.
La richesse marchande de Toulouse se mesure aussi dans ses rues, surtout dans l’axe rue du Taur – les Salins22 : « Il y a une rue, depuis l’église Saint Sernin jusqu’au Palais Royal, qui est très longue, et l’une des plus célèbres de toute la cité, et dont la plus grande partie consiste en commerces ».
Mais pour un clerc du XVe siècle, Toulouse est avant tout une ville universitaire, c’est-à-dire dotée de tout un ensemble d’édifices et d’institutions ecclésiastiques, églises, couvents, collèges vénérables. Antiqua est la cathédrale St Etienne, avec ses remarquables stalles. Antiquissima est la basilique St Sernin, toute de brique et de pierre, « deux fois plus grande que l’église de Nuremberg ».
Avec l’ancienneté des églises, c’est leur beauté que la sensibilité de Münzer, peut-être influencée par la tradition latine de la laudatio, souligne à maintes reprises en utilisant les mêmes qualificatifs que pour les fleuves : preclarus, pulcherrimus etc. L’église de saint Dominique, plus récente, est belle et grande, avec une très élégante salle capitulaire, et « un réfectoire si grand qu’on croirait une église ». Beauté également du panorama, car Münzer et ses amis ont eu le privilège de monter en haut du clocher de St Sernin, d’où, nous dit-il, « la beauté de la vue et de la situation des lieux nous ont offert un agréable spectacle. » Il est vrai aussi qu’à cette époque, comme il nous le confirme, Toulouse a « de très beaux parcs et nombreux, car sa circonférence est grande et elle n’est qu’à moitié peuplée ».
A l’arrivée de Münzer, rien ne va plus dans le petit monde des chanoines toulousains. Le roi ayant annulé une élection du chapitre, nous dit-il, les chanoines se divisèrent et, à la stupéfaction de Münzer, mirent le feu à tour de rôle aux salles du chapitre. Un chanoine, bien informé, lui apprit qu’il y avait en France 22 évêques « qui étaient tous plongés dans l’agitation et la division ». Münzer ne nous en dit pas plus, mais l’histoire des évêques de Toulouse nous aide à situer ces événements. La nomination d’Hector de Bourbon comme archevêque en février 1491 avait bien été confirmée par le pape. Mais un autre prétendant, Pierre de Rousergue, chancelier de l’Université, prévôt du chapitre de Toulouse et neveu d’un précédent évêque, s’était fait élire quelques jours plus tôt et reconnaître par les évêques de Narbonne et de Bourges qui exerçaient une tutelle toute théorique sur ces nominations. Au sein de l’Eglise toulousaine éclata un véritable schisme, dont Münzer nous dévoile la violence. Si l’Université soutenait Pierre de Rousergue, la noblesse toulousaine était tout entière derrière Hector de Bourbon. Ce conflit prendra fin en décembre 1494, avec une décision du Parlement de Bordeaux en faveur d’Hector de Bourbon23.
De l’Université toulousaine, il ne retient que le studitim des dominicains, et ses lectoría (chaires), c’est-à-dire la Faculté de Théologie, qui était restée en effet dans les mains des Dominicains. Il précise qu’une salle de lecture était située près du couvent des prêcheurs. Certes, comme à Montpellier, il signale que le droit canonique et le droit civil (jus utrumque) ainsi que la médecine, sont à l’honneur, et nous savons la place croissante que le droit civil y avait prise au détriment du droit canonique24. Mais l’absence de commentaires de sa part témoigne de la stagnation de l’Université de Toulouse à cette époque. Alors que Nuremberg voyait se préparer le mouvement humaniste, Toulouse resta fermée aux idées nouvelles, et un visiteur comme Jérome Münzer ne pouvait que s’en rendre compte. Sa pensée l’éloigne déjà des réflexes culturels des hommes du Moyen Age. Il est frappant de constater qu’à Roncevaux, en pays basque, après avoir admiré le cor de Roland, il signale surtout des mines de très bon fer ; que le cimetière des Aliscans, à Arles, ne lui évoque en rien la geste de Guillaume, qu’il devait pourtant connaître au moins par le Willehalm de Wolfram von Eschenbach, mais lui inspire une réflexion de sagesse toute antique : « Ces nombreuses sépultures consistent en une urne carrée faite en pierre scultée très dure, pouvant contenir chacune 10 ou 14 corps, et fermées par des portes de pierre. Ces urnes sont innombrables, comme si elles voulaient se perpétuer ignorant que rien ne peut résister au temps, sans qu’il ne ronge tout ». Sa description des ruines d’Arles révèle de façon frappante son intérêt pour la civilisation romaine, et sa méditation devant les arênes n’est pas sans nous rappeler Chateaubriand : « Il y a aussi à Arles un théâtre construit jadis par les Romains de façon remarquable. C’est une grande surface plane circulaire entourée de 62 arcs en pierre très dure de grande taille, pleine de voûtes et de cintres comme furent construits le théâtre de Vérone et le Colysée de Rome. Des ressources inestimables ont été sans aucun doute dépensées pour cette réalisation si stupéfiante. Mais aujourd’hui de pauvres hommes habitent à l’intérieur de ce théâtre sous les voûtes, ainsi que dans la partie plane, où ils ont des cabanes25. Et sans aucun doute, comme il apparaît partout d’après les ruines Arles est très ancienne, et célèbre depuis très longtemps ». Déjà en quittant Marseille il avait admiré, durant 15 lieues, les arches des aqueducs.
Cette réflexion sur ces cabanes au milieu du théâtre romain nous fait regretter l’absence d’informations sur les hommes, femmes ou étudiants de Toulouse. Il semble cependant sensible à certaines misères, signalant comme un bienfait la fondation par des cardinaux de 6 collèges à Toulouse, pour nourrir et loger des étudiants pauvres, « comme on le fait, ajoute-t-il, en Italie ». Il n’en dit guère plus.
Du point de vue climatique, Toulouse n’a pas bonne réputation. On dit que « l’endroit est très malsain » (pestilens), dit le docteur Münzer, qui ajoute : « mais je ne sais pourquoi ». Nous pourrions peut-être avancer comme explication l’humidité qui règne parfois à Toulouse, jointe à la douceur du climat. Cela rejoindrait en effet la relation souvent établie au Moyen Age entre peste et chaleur humide26. La peste ne sévissait pas qu’à Nuremberg, cette année-là. A Montpellier, il trouva fermé le Collège des élèves en médecine et en droit, car la peste avait fait fuir professeurs et étudiants. « Plus de 5000 personnes, écrit-il, étaient mortes entre mai et août de la même année, à cause du fléau pestilenciel ».
L’épidémie semble décidément poursuivre Münzer, qui la retrouvera à Cahors, et devra alors poursuivre sa route sans étape jusqu’à Gourdon, se bornant à constater avec regret que la région de Cahors « était un lieu réellement délicieux et très fertile ». La future Nationale 20 lui fut d’ailleurs éprouvante, car la veille, 21 février, la rumeur qu’une bande de voleurs rôdait dans les parages les avait poussés à quitter Montauban en pleine nuit pour Lhospitalet.
Ces deux exemples nous rappellent la constante et sourde présence de la peur chez les voyageurs médiévaux, par delà leurs cris d’admiration devant les merveilles et les nouveautés de l’ailleurs. Rumeur, sentiment d’insécurité et terreur de la peste, devant laquelle le médecin Münzer fuit, aussi effrayé que tous les hommes27.
Mais Münzer reste un pur produit de la clergie catholique, en cette période où son compatriote Martin Luther n’avait encore qu’une dizaine d’années. Ses préoccupations préhumanistes, toutes orientées vers la conciliation de la pensée antique et de l’éthique chrétienne, ne vont pas jusqu’à mettre en doute les dogmes et les pratiques de son Eglise. Sa vénération des reliques, alliée à la fascination de l’or qui les entoure, nous le démontre amplement. Toulouse lui en fournit abondamment, en attendant les trésors des églises espagnoles. Bien des ossements et surtout des crânes lui furent montrés dans ce voyage, accompagnés souvent de mises en scène, voire de chants, visant comme il le dit devant la tête de saint Anthonin à Marseille à « remplir de terreur l’observateur attentif ». A Arles, les corps de saint Trophime et de saint Etienne au milieu d’objets d’or et d’argent magnifiquement décorés. Aux Saintes-Maries de la Mer (« la ville des Trois Maries »), les corps de Marie Cléophas28 Marie Salomé et Marie Jacobé, dont le culte commençait à se développer depuis les fouilles ordonnées par le roi René. A Tarascon, le corps de sainte Marthe, souvent sollicitée, dit-il, pour quelque service. A Saint-Gilles, la tête du saint au milieu de joyaux en or, protégée par des verrous et des barres de fer. Les bénédictins de Montpellier lui montrèrent les têtes de saint Benoît, de saint Germain et de saint Blaise et « d’innombrables autres reliques, rehaussées d’argent, d’or et de pierres précieuses », sans parler des magnifiques tableaux encadrés d’or et d’argent au dessus de l’autel, ni de ceux cachés en dessous, tous des cadeaux d’Urbain V.
A Toulouse, les Dominicains lui montreront naturellement le corps de saint Thomas d’Aquin, dans une belle châsse derrière l’autel, et sa tête dans la sacristie29. Mais c’est à Saint-Sernin que le pèlerin trouvera d’innombrables reliques30 et même, dans la crypte, les corps de six apôtres et de plusieurs saints31 : saint Simon, saint Jude32 saint Philippe, dont la tête est à Rome, saint Jacques le Mineur, dont la tête est à Compostelle, saint Barnabé, saint Gilles33, dont il a vu la tête près du Rhône, saint Saturnin34, saint Exupère35 et bien d’autres. Mais plus que tout, dans une magnifique arche, le corps de saint Jacques le Majeur, et séparément, sa tête ornée de pierres précieuses serties dans l’argent. Par chance, Münzer trouva un chanoine de Saint-Sernin, d’origine allemande, né près de Berne, qui en son honneur fit exceptionnellement ouvrir la châsse pour leur permettre d’embrasser le crâne de saint Jacques. La force probante de l’émotion, jointe à la primauté du manuscrit sur la tradition orale, convainquit alors Münzer du bon droit des chanoines, dans la querelle des vraies reliques qui opposait Toulouse à Compostelle : « Ils ne le tiennent que de leur crédulité, dit-il, tandis que les Toulousains possèdent le récit selon lequel Charlemagne, après avoir vaincu l’Espagne, en rapporta saint Jacques et plusieurs autres corps, et les répartit dans toute la France »36. Le trésor sacré de Saint-Sernin acheva de le fasciner, avec notamment un manteau brodé de fil d’or et de soie, illustrant l’Ancien Testament, et confectionné, lui a sans doute glissé son compatriote chanoine, « par un Allemand, il y a deux cents ans », une Bible en lettres d’or37, un très grand calice en or etc. Son admiration se porte également, sans plus y mettre de recul que ses contemporains, sur un ongle de griffon, dont la présence dans le trésor de Saint-Sernin atteste la symbolique chrétienne, probablement plus démoniaque que christique, car il est noir et mesure quatre paumes et demi. Il existe, nous dit-il, un pied entier de griffon avec des ongles à Paris, à la Sainte-Chapelle, et il espère bien le voir, deo duce, « sous la conduite de Dieu », ce qui n’est peut-être pas ici une simple formule de voyageur. On notera toutefois que Münzer ne mentionne pas les reliques qui impressionnaient le plus les pèlerins, comme la sainte Epine, le morceau de la vraie Croix, la robe de la Vierge, la pierre sur laquelle la Vierge mit au monde le Christ, le froc de saint Pierre, un fragment de la Table de la Cène, le sang de st Etienne, etc.
La valeur testimoniale des reliques accrédite toutes les légendes hagiographiques, et Münster en reçoit les récits dans un esprit conforme à la tradition catholique. Les miracles de saint Léonard, dont la tête dans une châsse d’argent domine l’autel du monastère de Saint-Léonard, sont attestés par des choses vues : le puits miraculeux, les chaînes déposées en ex-voto par des prisonniers libérés. Ceux de saint Gilles tirent leur historicité de la visite d’une chapelle en ruines et de la grotte où ce saint fut blessé lors de sa chasse légendaire. La chapelle de la Vierge, à Montpellier, « où brillent en permanence auprès du grand autel neuf lampes d’argent » est elle aussi pleine de miracles.
Et ces récits, ainsi fixés en des lieux, bois et fontaines, familiers aux voyageurs et aux pèlerins, touchent naturellement aux racines du merveilleux, dans cette lutte incessante des prêtres, des moines et des clercs contre les génies locaux, traqués dans les forêts ou près des sources où la christianisation les a repoussés, avant leur intégration forcée à une sainte figure38. L’histoire de saint Léonard que Münzer nous raconte est sur ce point exemplaire. Dans la forêt ancienne, pleine de bêtes sauvages et appelée « épouvante »39, la reine éprouvant les douleurs de l’enfantement fut sauvée par ses prières à saint Léonard. En ce lieu perdu, Léonard fit plus tard construire un monastère, et transforma un trou sec en puits d’eau vive. Pour plus de détails, Münzer renvoie au texte même de sa légende40. Nous trouvons dans ce récit le schéma classique de l’hagiographie : forêt mythique nocturne, démons invisibles, péril de vie et surtout d’une âme à naître. Prière du plus grand péril. Intervention décisive du saint invoqué, suivie d’une colonisation de l’espace démoniaque par les moines, miracle du saint qui fait jaillir l’eau d’une terre sèche, c’est-à-dire la vie de Dieu dans la terre stérile du diable. Exit le démon, que le monastère empêchera à jamais de revenir.
Pourtant, de très curieuse manière, Münzer sait parfois faire preuve d’un sens de l’observation d’autant plus étonnant qu’il va à l’encontre du mode de pensée magique traditionnellement à l’œuvre dans ce type de situation. Voici le récit de sa visite à Saint-Gilles sur le Rhône : « Quittant le monastère, nous arrivâmes au lieu de la pénitence [de saint Gilles], où à présent se trouve une chapelle ancienne et tombant en ruines, située sous une grotte où il avait été blessé par un familier de Flavius, lorsque ce dernier pourchassait une biche. Et à cause de cela c’était depuis un bois sacré et un taillis inaccessible, irrigué par une source. A présent cependant, l’endroit de la source est assez humide, mais la source n’apparaît pas à cause du tas de pierres provenant des ruines. Tandis que nous étions là, des habitants nous dirent que depuis la fête de Jean-Baptiste, ce qui fait presque trois mois, il n’avait pas plu ».
Jusqu’à présent le récit est assez clair et on croit deviner où Münzer veut en venir : depuis que saint Gilles, par sa pénitence, a chassé les démons, le lieu saint n’a plus été entretenu et les moines l’ont déserté, le sanctuaire en ruines étant le signe visible de cet abandon. De ce fait, les génies du lieu se sont réinstallés et la source s’est retrouvée tarie, étouffée par les ruines même de la chapelle. La sécheresse est survenue juste après la saint Jean Baptiste, c’est-à-dire la dernière fête des eaux baptismales, transformant ce terroir en « terre gaste ». Pour la suite du récit, on attendrait donc une invocation à saint Gilles, ou un appel à la restauration de la chapelle, c’est-à-dire implicitement à reprendre la lutte monastique contre les esprits tutélaires. Or voici ce qu’il ajoute : « J’ai examiné le lieu avec attention et je n’ai pas douté que si on creusait deux aulnes ou trois de profondeur, ils n’aient de l’eau vive. En effet, juste sous cette grotte se trouve un endroit humide et plein de roseaux. Il se pourrait que sous la terre un conduit de source coule vers ces joncs ».
Quelle surprise ! Voici que notre Münzer produit soudain un énoncé d’ingénierie, orienté sur l’aide aux paysans, réduisant ainsi à néant le potentiel catéchétique de ses observations. Son esprit curieux de tout, et notamment de techniques, brouille à son insu la lecture allégorique du sanctuaire en ruines. Sans percevoir la bizarrerie de sa réflexion, il termine en disant : O ! nobilis et metuendus Christiano est locus ille ! Il ressent donc confusément que, même pourvue de canalisations, cette source restera un locus terribilis, c’est-à-dire le dernier réduit des puissances numineuses qu’il faudra sans cesse veiller à tenir à distance.
Mais Hieronymus Münzer n’est pas homme à faire des miracles, encore moins des travaux pour les paysans. Il lui faut poursuivre sa route, mais dans ses interminables chevauchées on le sent peut-être envieux de ces moines à la vie si douce, comme les Bénédictins d’Arles qui vivent dans un magnifique et riche monastère, dans lequel se trouve, nous dit-il, « sous l’église, une très grande crypte pour le chœur des frères, où ils ne sont pas accablés, l’été par la chaleur, l’hiver par le froid », ou comme ces Bénédictins de Montpellier entourés de tant de richesses, ou le collège de chanoines de Narbonne qui dans l’église Saint-Paul-Serge « composent assez pieusement des louanges à Dieu ». Sa sensibilité à la musique transparaît aussi à Lunel, où il note que « les cloches qui sonnent ensemble donnent une très belle harmonie ».
Les cloches de Lunel ne le retiennent pas. Münzer veut avant tout connaître des terres et des hommes, avec le rêve secret d’en découvrir d’inconnus, au delà de la mer océane. Il ne sait pas encore en ce mois de février 1494 que son projet est dépassé, que Colomb est reparti depuis cinq mois et se prépare à explorer Cuba. La postérité ne retiendra de lui que son banal voyage au sud de l’Europe. Il témoigne en tout cas de l’attrait que les terres romanes, et le Languedoc en particulier, ont pu alors exercer sur des Allemands.
Curieusement, un siècle exactement plus tard, un Bâlois, étudiant en médecine à Montpellier, visitera le Bas-Languedoc, nous laissant lui aussi ses observations. Il s’appelle Thomas Platter41, et ses impressions se recouperont avec celles de Münzer : richesse économique (safran, pastel, vigne, figues…) ancienneté de Toulouse, douceur du climat, beauté des églises, panorama du haut de St Sernir (sur le toit de laquelle on avait alors installé des canons contre les protestants), bateaux sur la Garonne, et surtout les moulins du Basacle : « les plus beaux moulins, dit-il, qu’on puisse voir dans le monde entier », où les bourgeoises les plus considérables de Toulouse aiment à venir, masquées, répandre de leurs mains du grain sur les meules. On dit vulgairement, ajoute-t-il, que Toulouse possède deux merveilles, qui sont Basacle le molin, l’Eglise Saint-Sernin. Platter nous donne une description précise de l’ingénieux système de ces deux moulins à deux roues chacun, dont chaque roue actionne dix meules, soit de quoi fournir, lui a-t-on dit, de la farine chaque jour à cent mille personnes. Pas plus que Münzer un siècle auparavant, il n’a jamais rien vu de tel en Allemagne.
Mais c’est aussi l’organisation municipale que Platter, qui n’a pourtant passé que trois jours à Toulouse, décrit longuement, à la différence de Münzer qui n’en dit mot. La splendeur des Capitouls, et leurs défenses farouches des franchises de la ville, l’ont impressionné. Quant à l’Université, il en retient les privilèges des étudiants et les libertés qu’ils s’arrogent42, sans cacher les actes graves, vols, agressions de toutes sortes43. Il reconnaît cependant, comme Münzer, que la Faculté de Droit soutient sa réputation.
Hiéronymus Münzer apparaît donc bien au XVe siècle comme un esprit éclairé de son temps. Très riche sur l’Espagne, sa relation pour ses amis contient cependant des aspects intéressants concernant le Languedoc.
Tout en se situant encore dans les modes médiévaux de la pensée, et surtout désireux de fuir la peste malgré ses responsabilités de médecin municipal, il a, sans le vouloir vraiment, établi un des premiers guides du voyageur humaniste.
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1 Il existe des éditions partielles de cette œuvre ; voir notamment en ce qui concerne l’Espagne : Pfandl, Ludwig, Itinerarium hispanicum Hieronymi Monetarii, extrait de la Revue Hispanique, t. XLVIII, 1920 ; pour le début de son voyage en France, voir la Revue Humanisme et Renaissance, tome VI, Droz, Paris, 1939 (la suite n’a jamais paru, semble-t-il) ; voir également Annales du Midi, t. 47, 1936, p. 53-79 (texte latin établi par E. Deprez) ; Sur la Picardie, voir Bulletin de la société des antiquaires de Picardie, tome XXXVIII (1939-40), Amiens 1941, p. 244-5, et l’article de W. Spiewok, dans Perspectives médiévales, n° 20, 1994, p. 64-67 ; sur Münzer lui-même, voir E.Ph. Goldschmidt, Hieronymus Münzer und seine Bibliothek, Londres, 1938, t. IV des Studies of the Warburg Institute. Une traduction de la partie française du voyage est annoncée à l’Université d’Amiens.
2 1436-1476 ; de son vrai nom Johan Müller, Regiomontanus perfectionna les instruments de navigation.
3 1459-1507 ; il fut le médecin personnel du roi Jean II de Portugal. Mais, élève de Regiomontanus, il participa surtout à la découverte des côtes africaines jusqu’à l’embouchure du Congo, et fabriqua un globe terrestre l’année même du départ de Christophe Colomb, si bien que cette remarquable synthèse des connaissances de l’époque ignore l’Amérique. Ce globe de 1492, le plus ancien conservé, se trouve au Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg.
4 Conrad Celtis (1459-1508), nommé par l’empereur Maximilien 1er à l’Université de Vienne, y créa le Collegium Poetarum et Mathematicorum. A la suite de Celtis qui avait publié la Germania illustrata, cette société développa fortement la cartographie viennoise.
5 Das Buch der Chroniken, paru en 1493 chez Koberger, illustré par M. Wolgemuth et W.Ch. Pleydenwurff ; on peut voir plusieurs exemplaires des chroniques de Nuremberg à la Réserve de la Bibliothèque Nationale.
6 A vrai dire, cette « Schedel »-Karte von Deutschland n’est pas considérée comme un chef-d’œuvre par les spécialistes, comparée aux cartes de son contemporain Nicolas Germanus (mort en 1490) ou d’autres.
7 Münchner Staatsbibliothek, Codex Latinus Monacensis 431 : « Für das Andeken seines Mitbürgers hat Hartmann Schedel in drei von ihm selbst herrührenden Handschriften gesorgt », Revue Hispanique, XLVIII, 1920, p. l
8 Münzer mourut le 27 août 1508.
9 Conservée au château de Nikolsburg en Moravie, elle fut vendue en 1934.
10 Münzer signifie en effet « monnayeur » en allemand (die Münze : « la monnaie »).
11 Cf. Annales du Midi, 1938, p. 312-315.
12 Le titre de son récit, tel qu’il est donné par Hartmann Schedel, est d’ailleurs : Itinerarium sive peregrinatio per Hispaniam, Franciam… L’équivalence de ces deux termes est donc manifeste.
13 Anton Herwart, d’Augburg, Kaspar Fischer et Nikolaus Wolkenstein, tous deux de Nuremberg
14 Il s’en laissera même conter, puisqu’il rapportera l’histoire selon laquelle le 3éarn est une colonie suisse de gens de Berne, ce qui explique qu’on y reçoive si bien les Allemands…
15 Deux de ses camarades d’études à Leipzig, de 1464 à 1470, Johann Sensenschmid et Andreas Frisner, furent les premiers imprimeurs de Nüremberg. Parmi les étudiants de Leipzig durant ces années-là se trouvait aussi le célèbre graveur Martin Schongauer, que Münzer a certainement fréquenté. Cf. Goldschmidt, op.cit. p. 15.
16 Certes, les routes n’ont pas exactement le même tracé aujourd’hui. Mais pour Arles-les Saintes-Maries (38 km) il indique 6 lieues, Montpellier-Béziers (65 km), 6 lieues ; Béziers-Narbonne (27 km), 4 lieues ; pour Toulouse-Montauban (52 km), il indique Toulouse-Fronton 4 lieues et Fronton-Montauban 3 lieues ; Souillac-Uzerche (70 km), 10 lieues ; Uzerche-Saint Léonard de Noblat (57 km), 10 lieues. Rapportées aux mesures et unités actuelles, ces lieues feraient respectivement 6,33 km, 6,75 km, 10,83 km, 7,42 km, 7 km et 5,7 km, soit une moyenne de 7,33km. C’est bien cette distance qu’il faut retenir pour Narbonne-Bordeaux qu’il évalue à 54 lieues. Nous sommes loin des lieues de 2,2 à 3,5 km attestées depuis le Haut-Moyen Age.
17 Mais les Français (Galli), disent oii (ms : oij).
18 de bonitate huius agri opus esset integrum commentarium edere.
19 Ce pont-forteresse, long de 205 m, s’appuie sur 7 arches ogivales percées d’ouverture ; une chapelle des mariniers au centre, était dédiée à sainte Catherine ; une cage de fer suspendue à un treuil était destinée à plonger à trois reprises les blasphémateurs dans le Tarn.
20 Voir la très riche thèse de G. Sicard, Aux origines des sociétés anonymes, Les Moulins de Toulouse au Moyen Age, Université de Toulouse, Faculté de Droit, 1952.
21 Cf. Cayré, p. 291 de l’ouvrage cité note 23. On comptait 29 hôpitaux dans Toulouse à la fin du XVe siècle.
22 Au XVe siècle : rue St Sernin, rue du Taur, rue de la Porterie, rue St Rome, rue des Changes, la Grand rue, place des Salins. Actuellement : rue du Taur, Place du Capitole, rue St Rome, rue des Changes, rue des Filatiers, rue Pharaon, place des Salins. Le Palais, siège du Parlement, était situé à côté du vieux Château Narbonnais. A son emplacement se trouve aujourd’hui le Palais de Justice.
23 Voir sur ce sujet Cayré, Histoire des évêques et archevêques de Toulouse, p. 288-293 ; Dictionnaire d’Histoire et de Géographie ecclésiastique, tome X, Paris, 1938, col. 119 ; Vayssete, Histoire du Languedoc, tome IV, p. 255, 360, 439, 461 ; Dictionnaire de Biographie française, tome VI, Paris, 1954, col. 1397.
24 Depuis le début du XIVe, Toulouse comptait trois chaires de droit civil et six de droit canonique. Mais les juristes supplantant de plus en plus les canonistes, dès 1516 la parité sera acquise (3-3), Cf. Henri Gilles, L’Université de Toulouse et l’enseignement du droit, XIIIe-ΧVIe siècle, Univ. Sc. Soc. de Toulouse, Picard Diffusion, 1992, p. 215-216.
25 Plus de 200 masures s’élevaient ainsi au milieu des arènes d’Arles, empruntant leur matériau à l’amphithéâtre. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que cet espace sera dégagé et restauré.
26 Voir J. Delumcau, La peur en Occident, Paris, Fayard, 1978, p. 102
27 En 1483, lors de la précédente peste à Nuremberg, les médecins de la cité, H. Münzer, Johannes Kramer, Hermann et Hartmann Schedel, sollicités par leurs concitoyens, leur enjoignèrent avant tout de fuir et, à défaut seulement, d’utiliser diverses poudres et pilules en vente chez les apothicaires (Voir Goldschmidt, op. cit. p. 26). Nous savons que Münzer s’appliqua toujours à lui-même le premier conseil et s’en trouva bien. Mais ne voyait-on pas des prêtres en faire autant et laisser des chrétiens agoniser sans absolution ?
28 Marie Cléophas, mère de Jacques et de Joseph, est appelée aussi « l’autre Marie » pour la distinguer de la Vierge et de Marie-Madeleine (cf. Vigouroux, Dictionnaire de la Bible) ; apparemment, Münzer s’éloigne ici de la tradition provençale, puisqu’il ne mentionne ni Marie-Madeleine, ni Sarah, qui sont pourtant si vénérées aux Saintes-Maries de la Mer.
29 Thomas d’Aquin, mort en 1274, fut canonisé en 1323. Ses reliques seront transférées à Saint Sernin sous la Révolution, à la suite de la fermeture des Jacobins.
30 Münzer ne cite que peu de reliques au regard de toutes celles qui se trouvaient à Toulouse et faisaient sa réputation de ville sainte. La plupart de ces reliques avaient sans doute été ramenées par des croisés toulousains, notamment ceux qui accompagnaient Raymond de Saint-Gilles à la première croisade. Mais le pape Calixte II en avait aussi donné à l’église Saint-Sernin, notamment des ossements de saint Pierre et de saint Paul, que Münzer ne mentionne pas. Toutefois bien des légendes rapportent à Charlemagne la présence de reliques. Le chanoine ami de Münzer s’en fait ici l’écho.
31 Sur ses reliques et le trésor, voir Alphonse Brémond, Histoire de toutes les reliques conservées dans l’insigne basilique de Saint Saturnin, Toulouse, Cluzon (sans date) ; et Raymon Daydé, L’histoire de Saint Sernin ou l’incomparable Tresor de son eglise abbatiale de Tolose. Non est in toto Sanctior urbe locus. A Tolose, par Arnaud Colomiez, imprimeur, 1661.
32 St Jude et st Simon sont cités ensemble, car leurs reliques furent ramenées ensemble d’Orient. C’est le pape Calixte II qui consacrant le 16 juillet 1119 l’autel dédié à st Augustin y plaça les reliques des deux apôtres (cf. A.Brémond, op.cit. p. 64).
33 Les reliques de st Gilles furent portées à Toulouse lors de la croisade « albigeoise ».
34 Saint Saturnin fut le premier évêque de Toulouse ; il mourut en 250. Sa légende est bien connue, et son martyre serait à l’origine du nom de la rue du Taur.
35 St Exupère fut le 6e évêque de Toulouse. Mort en 414, ses reliques avaient la vertu de guérir des fièvres. Une église lui est consacrée à Toulouse.
36 Münzer se trompe ici, et appelle « corps » ce qui n’était que quelques petits ossements. Le corps de St Jacques est bien en effet à Compostelle ; c’est Alphonse Jourdain qui ramena lors de plusieurs pèlerinages des ossements et une partie du crâne (et non la tête comme le dit Münzer). Mais la présentation de ces reliques pouvait être telle que, recouvertes d’habits ecclésiastiques, elles pouvaient donner l’impression d’un corps entier. En 1661, Raymond Daydé cite encore dans sa liste : « corps et teste de saint Jacques le Majeur, Apostre » (op.cit. p. 83).
37 Il s’agit sans doute du lectionnaire de Charlemagne.
38 Voir à ce sujet Claude Lecouteux : Démons et génies du terroir, Paris, Imago, 1995.
39 En fait pavum, mais le mot est corrigé en pafum dans le manuscrit ; ce mot évoque de toutes façons la terreur, pavor.
40 in legenda eius lacius habebis.
41 Thomas Platter D.J., Beschreibung der Reisen durch Frankreich, Spanien, England und die Niederlande (1595-1600), ed. R. Keiser, Schwabe & Co. Verlag, Basel-Stuttgart, 1968. Edition française traduite du dialecte bâlois, Montpellier, 1892 (et Laffitte Reprints, Marseille, 1979). Son frère, Felix, de 38 ans son aîné, avait lui aussi étudié à Montpellier et a laissé son autobiographie, tout comme l’avait fait leur père, Thomas Platter, dans sa passionnante Lebensbeschreibung (1499-1582).
42 « un jour, par exemple, que j’assistais à un cours dans leur auditorium, je les vis se livrer à toutes sortes de jeux, pendant que le professeur était en chaire, faisant Un vacarme affreux pour l’interrompre et l’apostrophant, afin de le forcer à terminer plus vite, ce qu’il fit en effet, au milieu de leurs acclamations et de leurs bruyants vivats ».
43 « Ils ont aussi pour habitude de s’introduire dans les bals honnêtes et d’y commettre les actes les plus répréhensibles ; par exemple d’éteindre toutes les lumières de la salle et de se permettre, à la faveur de l’obscurité, toute espèce de licences envers les danseuses… ».