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Latin tardif et langue d’oc : de quelques témoignages sociolinguistiques

Michel BANNIARD

Université de Toulouse II

Latinophonie et occitanophonie

Je parlerai aujourd’hui et ici des rapports entre la latinophonie et l’occitanophonie dans la période génétique qui relie la première à la seconde du IIIe au IXe siècle.

Le terme latinophonie désigne commodément l’espace sur lequel l’accomplissement de la romanisation a fait naître une vaste communauté de locuteurs. A partir du IIIe siècle la communication horizontale s’est démocratisée : on communique de Trêves à Carthage et de Cordoue à Lyon grâce à une parole latine qui est devenue le bien commun des citoyens de l’Empire1. Ce qui est vrai à grande échelle l’est aussi à petite échelle : les Gaules sont désormais ouvertes à la communication générale, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. La latinisation des campagnes elles-mêmes s’achève du IVe au Ve siècle. Généralisation ne signifie pas monolithisme : la parole du latin parlé tardif varie beaucoup selon les lieux, les circonstances, les niveaux sociaux, les substrats, etc.2… En somme, elle a les caractères de toute parole parlée sur de vastes étendues par des locuteurs très différents les uns des autres, dans des contextes énonciatifs eux-mêmes polymorphes3.

Par occitanophonie, on entendra l’ensemble des territoires où, dans le Sud de France, se sont longtemps parlés des dialectes de la langue d’oc4. Dans le cadre de cet exposé, je considérerai que la limite nord de ces dialectes n’a que peu varié depuis le Moyen Age : elle se situe le long d’une zone frontière qui suit une ligne Bordeaux-Limoges-Clermont-Valence. C’est-à-dire que l’hypothèse d’après laquelle les dialectes d’oc auraient remonté à leur naissance beaucoup plus au Nord, jusqu’à la Loire, avant de reculer devant les dialectes d’oïl me paraît peu fondée5. On peut seulement hésiter quant à l’occitanité du triangle Limoges-Poitiers-Saintes jusqu’au XIIIe siècle6. C’est donc sur l’espace défini par la dialectologie moderne que se placent mes considérations.

Par genèse, j’entends l’anamorphose au terme de laquelle le latin parlé tardif s’est transformé en protooccitan7. Les bornes chronologiques sont claires en amont. Le latin parlé évolue à partir du IIIsiècle d’une manière suffisamment significative pour que l’on puisse placer là, non pas le point zéro, mais le premier stade. Les bornes se laissent moins aisément saisir en aval. En effet, nous ne disposons pas, comme en terres d’oïl, de déclaration explicite ressemblant au canon 17 du concile tenu à Tours en 813. D’autre part, les premiers monuments écrits où apparaisse une scripta qui témoigne d’une prise de conscience langagière sont très tardifs (Xe / XIe siècles). Dans ces conditions, ce n’est que dans le cadre de la grammaire générale des langues romanes, que je fixerai le terme de l’étude au IXe siècle8.

Rassurez-vous, il ne s’agit que d’une esquisse. Mon but est surtout d’intéresser les médiévistes qui me font l’honneur de m’écouter, à quelques unes des méthodes nouvelles qui contribuent au progrès de la connaissance en matière de linguistique diachronique. La double question ici est : quelle fut la chronologie du changement ? Quelle terminologie en conséquence devrait être adoptée ? La question de la modélisation du changement est laissée de côté : une présentation même schématique serait trop longue9.

Testimonia : le VIe siècle de Césaire d’Arles

a) De nombreuses disciplines ont été mises à contribution pour retracer l’histoire de la genèse des langues romanes. En général, la linguistique stricto sensu, s’est affrontée à la reconstruction de l’évolution interne de la langue mère pour aboutir aux langues filles. Cette approche a parfois été complétée par le recours à des analyses extra-linguistiques, fondées notamment sur l’histoire de la culture. Pour aller au plus vite, je dirai que depuis 30 ans de nouvelles disciplines sont apparues : grammatologie, pragmatique, sociolinguistique10.

C’est précisément le recours à cette dernière qui a ouvert des voies d’approches neuves aux spécialistes de la genèse langagière11. Appliquée aux siècles de l’Antiquité Tardive et du très Haut Moyen Age, cette méthode est justiciable de l’appellation de sociolinguistique rétrospective. Elle consiste à interroger par le biais de questionnaires appropriés les témoins de la période considérée. Qui sont-ils ? A partir du IIIe siècle, c’est dans l’institution ecclésiale que nous les trouvons. En effet, le christianisme est une religion de la parole qui doit être répétée, transmise et comprise12. A ce titre, il fait entrer la latinophonie dans l’ère de la démocratisation : la communication verticale devient brusquement essentielle, ce qui signifie que les masses de locuteurs illettrés devront coûte que coûte avoir accès aux enseignements et aux prescriptions divins. Le sermo piscatoriusdevient la référence des professionnels de la communication collective13. Les témoignages qui nous instruisent sur cette nouvelle vie de la latinité sont nombreux. Ils permettent d’affirmer que tout ce qui se dit dans le cadre de la parole ecclésiale à destination des foules de fidèles se dit en latin et qu’inversement, toute la parole vive de l’Empire se convertit sans grands problèmes en écrit purement latin. Latinophonie et grammatica latina font bon ménage.

b) Cette situation caractérise la Gaule du Sud au Ve siècle, ni plus ni moins que les autres parts de la Romania. Certes, tous les auteurs ne se livrent pas à une débauche de démocratisation : la tradition impériale demeure suffisamment forte pour que les niveaux supérieurs de la latinité demeurent vivants et ipso facto peu aptes à la communication générale. Mais, à côté du latin hiératique d’un Sidoine Apollinaire, il existe un latin beaucoup plus naturel comme celui de Cassien (pourtant venu de l’Orient). Je laisse de côté ce siècle pour en venir immédiatement à un des témoins principaux du VIe siècle, Césaire, évêque d’Arles de 503 à 54214. Nous avons de lui une abondante production écrite qui est une véritable mine de renseignements dans le domaine de la communication générale15. Outre son charisme, le personnage présente des caractéristiques importantes : moine, ascète, lettré, il a légué dans ses écrits à la fois une théorie et une pratique de la parole latinophone.

Les résultats principaux de l’enquête sociolinguistique conduite à son sujet sont les suivants :

1) Les locuteurs qui ne parlent que leur langue maternelle sans être passés par les chemins de l’école sont l’objet d’une attention continue de la part de l’évêque16. Cette catégorie de locuteurs est naturellement très largement majoritaire, même dans des cités de vieille tradition romaine comme Arles. Elle est désignée sous trois dénominations : rudes, rustici, illitterati. J’attire l’attention sur le fait que le terme rusticus (« inculte ») ne désigne les paysans qu’en contexte spécifique ; sinon, c’est un lexème qui forme (de manière conforme à une tradition remontant au temps de Cicéron) une paire antonymique avec urbanus (« cultivé »)17. Le terme illitteratus est le plus net : il désigne ceux qui ne savent ni écrire ni lire et a pour synonyme l’expression traditionnelle non noui litteras18. Les problèmes que pose l’instruction des fidèles de tous milieux reviennent récuremment dans les propos de l’évêque. En fait, c’est toute la problématique de la communicaton générale qui est posée et traitée dans ses homélies19.

2) Le principe du recours à un style sans recherche (sermo rusticus, vocabulaire placé dans le droit fil du sermo humilis augustinien20) pour être compris du public des locuteurs illettrés est énoncé à plusieurs reprises. Césaire s’excuse auprès des locuteurs lettrés en des termes significatifs : « Voici la raison pour laquelle je demande humblement aux oreilles érudites d’endurer avec bonne humeur mes paroles incultes : le troupeau du Seigneur en son entier peut recevoir sa nourriture spirituelle si elle lui est transmise par une parole simple et, pour ainsi dire, allant à pied. Et puisque les fidèles à la simplicité non dégrossie ne peuvent se hisser aux hauteurs des intellectuels, que les érudits daignent se pencher jusqu’à se mettre au niveau de cette ignorance »21. Cette belle prise de position pastorale et stylistique22 requerrait une analyse mot à mot23. On en déduira trois informations : 1) Il existe sans doute toujours une minorité de lettrés exigeants ; 2) Le prédicateur emploie un style sans apprêt et produit un énoncé sans complications24 ; 3) Ces précautions prises, les locuteurs / auditeurs illettrés peuvent comprendre ce qui leur est dit.

3) Allons plus loin : cela signifie-t-il que la langue employée à l’intention des auditeurs était latine ? Autrement dit, quel est le degré d’identité entre la parole prononcée et les textes qui nous sont accessibles ? Cette question a été très débattue. Pourtant, on ne peut pas faire l’économie, là aussi, des propres témoignages du temps. Toutes les enquêtes menées en ce sens chez les auteurs de l’Antiquité tardive montrent que les sermons dont les manuscrits nous sont parvenus ont été dits à haute voix tels quels. C’est particulièrement vrai d’Augustin dont les sermons, souvent improvisés, étaient pris à la volée par les tachygraphes25. Césaire procédait différemment : il rédigeait ses sermons à l’avance ; ce travail lui paraissait absorbant. Nous avons les preuves qu’ils étaient lus directement dans l’église soit par lui-même, soit par des remplaçants. En effet, sa Vita, dont même un éditeur hypercritique comme B. Krusch reconnaît la fiabilité, dit qu’« il enseigna de mémoire aussi longtemps qu’il le put en prêchant toujours à haute voix dans l’église26 ». Lorsque l’évêque était malade, il confiait à ses prêtres, voire à ses diacres la tâche de lire l’homélie qu’il avait préparée27.

Afin de mieux cerner ses collègues et de les contraindre à instruire leurs fidèles28, il leur recommande de faire lire les homélies toutes prêtes d’Augustin, d’Ambroise ou d’autres Pères, sinon de lui-même29. Prêcher simplement, fréquemment, un peu partout devant des publics qui ne représentaient pas l’élite sociale et culturelle du Sud pouvait être une rude corvée. Tous les pasteurs n’avaient pas l’âme dévouée d’un ancien moine comme Césaire. Les puissants évêques venus tout droit des grandes familles sénatoriales30 trouvaient peu de gloire à ces missions. Césaire insiste : « Et si jamais messeigneurs les évêques trouvent lassant de prêcher par eux-mêmes, pourquoi n’introduisent-ils pas l’antique coutume des chrétiens, qui est jusqu’à aujourd’hui observée de manière salutaire, de faire lire à haute voix des homélies des anciens pères par l’intermédiaire des prêtres ?31 ». L’initiative du prélat ne resta ni sans écho, ni sans effet, puisque le concile de Vaison a entériné et prescrit cette extension des voies médiatiques32. Elle a concerné non seulement les cités, mais aussi les bourgs et les églises rurales33. C’est d’ailleurs parce que la christianisation des campagnes progressait rapidement, qu’a été requise l’adoption de mesures énergiques pour que les masses rurales aient un accès, même réduit, à l’instruction chrétienne. Cette contrainte pastorale justifie la proclamation lancée par le primat : « Il n’y a rien de choquant à ce qu’on enjoigne même à des diacres de lire en public à haute voix les homélies des saints Pères à l’église34 ». Il ne reste réellement aucune ambiguïté si l’on veut bien tenir compte des explications qu’il prodigue à la publication d’un recueil de ses sermons : « Inspiré par l’amour paternel et la sollicitude propres à tout pasteur, nous avons, pour répondre aux besoins des paroisses, consigné par écrit dans ce recueil des injonctions sans prétention que les saints prêtres ou les diacres auront à charge de lire à haute voix aux paroissiens confiés à leurs soins…35 ». Ses propres homélies furent copiées un peu partout36. D’autres prescriptions ne laissent pas de doute sur la régularité de la procédure. L’écart entre l’écrit et l’oral relève donc de l’écart ordinaire entre la graphie et la phonie, ni plus, ni moins.

4) L’accès direct à la parole latine est confirmé par les prescriptions qui concernent la lecture de l’Ecriture (souvent, en fait, de l’Evangile). Répétitivement, Césaire invite les fidèles dans leur ensemble à cet exercice. Il récuse par avance les esquives ; en particulier, il n’admet pas comme excuse le fait d’être illettré : « Cette dérobade est sans fondement… parce que même si un illettré ne peut pas lire l’Ecriture, il peut mettre sa bonne volonté à l’écouter lue par un lecteur37 ». Cette obligation n’est pas réservée aux citadins ; les paysans sont énergiquement invités à la même écoute active38. Après tout, s’écrie Césaire, ils sont bien capables de retenir par cœur des chansons érotiques du plus mauvais aloi39 ! Il recommande que les paysans apprennent par cœur le credo et le pater et les psaumes 50 et 90. Cela donne d’intéressantes indications sur l’accessibilité articulatoire de ces derniers : le chant psalmique avec ses exigences phonétiques, accentuelles, musicales ne paraît nullement hors de portée des gorges provençales. La parole du cantus rusticus et celle du cantus diuinus ne sont pas hétérogènes.

Allant encore plus loin, l’évêque invite les illettrés fortunés à payer un lettré dans le besoin pour se faire faire cette lecture indispensable au salut de leur âme40. Ces recommandations furent-elles suivies d’effet ? Il est difficile d’en juger. Après tout, les communautés paysannes pieuses des Etats-Unis se sont longtemps illustrées par leur accès direct à la Bible. Mais l’important se trouve surtout dans un argument a silentio : parmi les multiples raisons qui sont avancées par les fidèles récalcitrants, il n’est jamais question d’un obstacle langagier. Quelle excellente raison cela aurait pourtant été que de se réfugier derrière l’impossibilité de comprendre tout simplement la lecture à haute voix du texte des Evangiles (et la rareté des traducteurs).

c) En fait, le faisceau des indices et des témoignages converge vers une indication claire et nette : être illitteratus en Provence au VIe siècle ne signifie en aucun cas ne plus être latinophone. La communication verticale latine fonctionne pratiquement comme dans l’Afrique du Ve siècle. Pour se faire une idée plus précise de sa qualité, il convient de lire et d’analyser précisément ces sermons qui nous ont été légués par la tradition manuscrite. Le latin qu’ils emploient est du latin tardif appartenant au registre du sermo humilis(le « style terre-à-terre ») : on est loin des canons du grand style oratoire ; mais on est en présence d’une latinité colorée, évolutive, parfois pittoresque, bref bien vivante. Les auditeurs illettrés comprennent ce latin à partir de leur propre et unique langue maternelle. Même si la parole de ces illettrés différait de la parole qui leur était adressée, la langue qu’ils parlaient ne pouvait être déjà non latine : quels que soient les tours de passe-passe accomplis par une partie des diachroniciens en recourant au concept-miracle de diglossie, toute l’évidence linguistique plaide en ce sens41.

Testimonia du VIIe siècle et après

a) Si j’ai un peu creusé la question à propos de Césaire, c’est que son œuvre permet d’ouvrir un chantier de fouilles exemplaire. Qu’en est-il ailleurs et plus tard ? Au VIIe siècle, il faut recourir à des documents différents, les Vitae. Destinées à la lecture à haute voix à l’occasion des fêtes du saint (ou de la sainte), elles sont de longueur et de qualité très diverses. Leur public peut également différer (moines ou laïcs) ; mais pour certaines d’entre elles, il ne fait pas de doute qu’elles étaient lues à la communauté de fidèles placés sous le patronage de leur saint local42.

b) La nonne Baudonivie rédige peu après le décès de Radegonde (abbesse du monastère qu’elle a fondé à Poitiers) une Vie dont elle affirme qu’elle est destinée à la lecture tant publique que privée43. La langue dans laquelle elle est rédigée, à la fois savoureuse et sans prétention, est analogue à celle qui se lit dans les homélies de Césaire, c’est-à-dire qu’elle relève du sermo humilis ou rusticus, comme le déclare la rédactrice elle-même44. Outre le niveau langagier, les thèmes traités appartiennent à un registre que l’on peut qualifier de fort humble45, autrement dit de popularisant, ce qui n’est pas le moins important pour la réception du message par les illitterati46. Je ne peux, faute de place que citer quelques échantillons de cette latinitas minor : Ergo suis uicibus scopans monasterii plateas… Secretum etiam purgare opus non tardans, sed occupans, ferens foetores stercoris… Extra suam ebdomadam infirmantibus serviens, ipsa cibos decoquens, aegrotis facies abluens, ipsa calidum porrigens, visitabat quos fovebat47… Quanto fervore excitata ad coquinam concursitabat, suam faciens septimanam ? Aquam de puteo trahebat et dispensabat per vascula. Holus purgans, legumen lavans, flatu focum vivificans…, vasa de foco ipsa levans, discos lavans et inferens…48.

Il existe ainsi une intercirculation entre l’énoncé latin et les récepteurs analphabètes. L’histoire de Radegonde est exemplaire : elle met en scène des traits qui relèvent de l’austérité monacale, tout en magnifiant des travaux et des jours bien modestes, que pouvaient comprendre les paroissiens du Poitou, cela d’autant plus que le langage adopté reflète par moments la respiration de leur propre parole. La communication ne fonctionne donc pas qu’à sens unique : les structures de l’énoncé spontané innervent de temps en temps le latin de Baudonivie. D’un autre côté, le latin de la liturgie chantée passe également les barrières claustrales, comme nous l’apprend involontairement une jolie anecdote de la même Vita. Un beau soir, le site du monastère était entouré par la musique (bruyante) de divers instruments dont jouaient un grand nombre de laïcs (sans doute à l’occasion de quelque fête). C’est alors qu’une des moniales annonce à Radegonde avec un mouvement de joie qu’elle a reconnu une de ses propres compositions jouée par les artistes derrière les murs. Radegonde répond l’air très pincé que ce mélange entre la religion et le siècle est inacceptable. Réussit-elle à tarir le contentement de la religieuse ? On peut en douter. Mais l’important est cette interaction entre la liturgie latinophone et les jeux des artistes : ces deux mondes n’étaient pas séparés49.

c) Les testimonia couvrent l’ensemble des terres d’Oc. Partons du Nord : en Poitou, Radegonde (j’annexe le Sud du Poitou) ; en Limousin, Pardoux, évêque de Guéret50 ; en Auvergne, Bonnet évêque de Clermont51 ; en Quercy, Ambroise52, puis Didier53, évêques de Cahors ; dans le Tarn, Ségolène, abbesse du Troclar54 ; en Provence, Rusticule, abbesse du monastère d’Arles55. Ces Vies ont en commun d’offrir les documents qui permettent d’y reconnaître une théorie et une pratique de la communication verticale56. Les caractères essentiels de la situation sociolinguistique que j’avais dégagés pour le VIe siècle perdurent, malgré de lents glissements qui autorisent des recalages (la langue des Vies est parfois très évoluée, et pas seulement au niveau de la graphie).

d) Par économie de temps, j’arrête là mes considérations sur l’enquête de sociolinguistique rétrospective en futures terres d’oc. Le problème de la naissance de la langue d’oc, de la prise de conscience de son existence et de sa consécration par une scripta est une question connexe, mais différente, que je me suis efforcé de traiter ailleurs. Je me contente d’indiquer que puisque la prise de conscience d’une différence de nature entre la langue traditionnelle et la langue populaire ne date que du IXe siècle en terres d’oïl, il est plus que vraisemblable qu’elle ne saurait avoir eu lieu qu’au plus tôt à la même époque dans le Sud. Toutefois, les fameux conciles réformateurs de 813 sont muets sur la nécessité de traduire dans le Sud. En Arles justement, deux siècles et demi après la mort de Césaire, il est bien recommandé aux prêtres de prêcher à la campagne, sans autre précision57. Me voici assez avancé pour passer à quelques conclusions de linguistique diachronique.

Observations sur la diachronie

a) Il a sans doute existé deux explications au décalage, en chronologie et en intensité, entre la crise langagière dans le Nord et la crise dans le Sud.

Causes externes d’abord. On sait qu’à partir de la fin du VIIIe siècle, la réforme langagière engagée par les intellectuels carolingiens a entraîné un tel relèvement du niveau de la communication orale latine que les locuteurs illettrés ont purement et simplement refusé cette latinophonie révolutionnaire pour eux58. Le tri langagier s’est accompli : on a cessé de confondre la parole quotidienne et l’héritage latinophone. Dans le Sud, la réforme fit sentir ses effets avec retard : l’arc culturel le plus important et l’archipel des monastères étaient largement en dehors des terres d’oc59. Les évêques et les prêtres du Sud suivent de loin et avec retard ces instructions60. Il faudra en fait attendre le Xe siècle pour que la latinité du Sud change61.

Causes internes ensuite. L’évolution du phonétisme d’oc a été moins marquée que celle du phonétisme d’oïl. Je n’en prends pour exemple que quelques éléments du système vocalique. Certes, il existe d’importants points communs : les voyelles atones et certaines anciennes longues latines (I et U) sont conservées (la palatalisation – tardive – de U ne gênait pas le rapport graphie/ phonie) ; les voyelles accentuées en syllabe fermée le sont également. Mais en syllabe ouverte, alors que deux anciennes brèves et deux anciennes longues latines se diphtonguent (E et O), elles demeurent (là aussi, sauf contextes spécifiques) intactes en langue d’oc. L’écart entre la graphie latinisante et la phonie romanisante, moins tranché, laissait place à des échanges durables entre l’écrit traditionnel et la parole innovante. En outre une partie du domaine d’oc ignore les palatalisations mérovingiennes62.

b) Cela étant, la communication verticale latinophone continue de fonctionner au sens large au moins jusqu’au VIIIe siècle inclus. D’excellente et d’un haut rendement au VIe siècle, elle se maintient d’abord par compromis (VIIe / VIIIe s.), puis quelque peu par rafistolage (VIIIe / IXe s.). En conséquence de quoi, je suggère de distinguer deux périodes : IIIe-Ve s., impériale ; VIe-VIIIe s., mérovingienne (ou plutôt gothique, pour distinguer la spécificité du Sud). La langue d’oc proprement dite se cristallise au VIIIe siècle pour émerger, sous une scripta propre, puis avec sa littérature, aux IXe-Xe s. On parlera donc dans le Sud de Latin Parlé Tardif de phase 1 (LPT1 impérial) jusqu’au Ve siècle inclus ; de Latin Parlé de Phase 2 (LPT2 gothique) jusqu’au VIIe siècle ; de Protooccitan au VIIIe.

Explicit feliciter

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1 Je renvoie aux livres fondamentaux de V. Väänänën Introduction à l’étude du latin vulgaire (3e éd.), Paris, 1981 et de G. Reichenkron, Historische Latein-Altromanische Grammatik, I Teil : Das sogennante Vulgärlatein und das Wesen der Romanisierung, Wiesbaden, 1965.

2 On se reportera en particulier aux travaux de J. Herman, La différenciation territoriale du latin et la formation des langues romanes, in Actes du XVIIe congrès international de linguistique et de philologie romanes, t. 2, Marseille, 1982, p. 15-62 ; La langue latine dans la Gaule romaine, in ANRW (Aufstieg und Niedergang der römischen Welt), t. 29 / 2, Berlin, 1983, p. 1045-1062 ; Les ardoises wisigothiques et le problème de la différenciation territoriale du latin tardif, in Latin vulgaire, latin tardif(L. Callebat éd.), t. 4, Hildesheim-Zurich-New-York, 1995, p. 63-75. Cf. également la synthèse de V. Väänänën, Le problème de la diversification du latin, in ANRW, t. 2, 29, 1, 1983, p. 481-506.

3 Sur tous ces concepts et sur cet outillage méthodologique, cf. W. Labov, Sociolinguistique, Paris, 1976 et Le parler ordinaire, La langue dans les ghettos noirs des Etats-Unis, Paris, 1978.

4 Présentation dans P. Bec, Manuel pratique de philologie romane, t. 1, Paris (Picard). Mise au point détaillée par X. Ravier, Les aires linguistiques occitanes, in Lexicon der romanischen Linguistik, t. 5, 2, Tubingen, 1991, item 347, p. 80-105.

5 Présente en dernier lieu chez W. Von Wartburg, La fragmentation linguistique de la Romania, Paris, 1967.

6 Cf. la thèse de J. Pignon, L’évolution phonétique des parlers du Poitou, Paris, 1960.

7 Sur cette problématique, on peut se reporter à la mise au point de Μ. Banniard, Latin tardif et français prélittéraire : observations de méthode et de chronologie, in BSL, t. 88, 1993, p. 139-162.

8 Cf. l’étude proposée par Μ. Banniard, Naissance et conscience de la langue d’oc, in X. Barral y Altet, D. Iogna-Prat (éd.), La Catalogne et la France méridionale autour de l’an mil, Barcelone, 1991, p. 351-361.

9 On se reportera aux synthèses publiées par R. Wright, Late Latin and the Romance Languages…, à la série des colloques Latin vulgaire, latin tardif (4 vol. parus), au recueil de J. Herman, Du latin aux langues romanes (recueil d’articles), Tubingen, 1990, et aux nouvelles reformulations proposées par Μ. Banniard, Oralité et formes marquées : entre expressivité et changement langagier, in L’oralité latine, (edd. J. Dangel ; Cl. Moussy), Paris (sous presse aux PUPS).

10 On trouvera un exposé détaillé de ces nouvelles entreprises dans Μ. Banniard, Viva voce : Communication écrite et communication orale du IVe au IXe siècle en Occident Latin, Paris (Etudes Augustiniennes), 1992.

11 Parmi ceux-ci, je citerai Μ. Richter, Kommunicationsprobleme im lateinischen Mittelalter, in Historische Zeitschrift, t. 222, 1976, p. 43-80 ; The Formation of the Medieval West, Studies in the Oral Culture of the Barbarians, Dublin, 1994 ; Μ. Van Uytfanghe, Le latin des hagiographes mérovingiens et la protohistoire du français, in Romanica Gandensia, t. 16, 1976, p. 5-89 ; Histoire du latin, protohistoire des langues romanes et histoire de la communication, in Francia, t. 11, 1984, p. 579-613 ; L’hagiographie et son public à l’époque mérovingienne, in Studia patrística, t. 16 / 2, 1985, p. 52-62 ; Les expressions du type quod uulgo uocant dans les textes latins antérieurs au Concile de Tours et aux serments de Strasbourg : témoignages lexicologiques et linguistiques de la ‘langue rustique romaine’? in ZRPh, t. 195, 1989, p. 28-49 ; The Consciousness of a Linguistic Dichotomy (Latin-Romance) in Carolingian Gaul : the Contradictions of the Sources and of their Interpretation, in R. Wright, Latin and the Romance Languages, p. 114-129 ; R. Wright, Late Latin and Early Romance in Spain and Carolingian France, Liverpool, 1982 ; (ed.), Latin and the Romance Languages in the Early Middle Ages, Londres-New-York, 1991.

12 Sur tout ceci je renvoie à Viva voce.

13 Sur la genèse de cette terminologie, le dossier le plus détaillé est dans E. Norden, Die antike Kunstprosa vom VI Jahrhundert v. Chr. bis in Zeit der Renaissance, t. 2, Leipzig, 1898, p. 516 sqq. Cf. également pour la mise en place de la parole chrétienne « non classique » A. Borst, Der Turmbau von Babel, Geschichte der Meinungen über Ürsprung und Vielfalt der Sprachen und Völker, t. 1, Stuttgart, 1957, t. 2, 1958 et L. Lentner, Volkssprache und Sakralsprache. Geschichte einer Lebensfrage bis zum Ende des Konzils von Trient, Vienne, 1963.

14 Mises au point les plus commodes sur Césaire dans les diverses introductions à l’édition de ses œuvres aux Sources chrétiennes (t. 175, Sermons, 1 ; t. 345, Œuvres monastiques, 1).

15 L’œuvre écrite par l’évêque nourrit largement ou en partie les travaux de G.P. Beck, The Pastoral Care of souls in Southern France, Rome, 1950 et de C. Delaplace, Paganus, Images du paysan et de la société rurale en Occident à la fin de l’Antiquité (IVe-VIe siècles), Thèse de doctorat de Paris-IV, 1986 (3 vol. dactyl).

16 Ces traits, esquissés par S. Felici, La catechesi al popolo di S. Cesario di Arles, in Salesianum, t. 46, 1979, p. 375-392 et par C. Rapisarda, Lo stile umile nei sermoni di s. Cesario d’Arles. Giustificazioni teoriche e posizioni polemicheot, in Orpheus, t. 19, 1970, p. 115-159, ont été analysés de manière méthodique par C. Delaplace, Paganus, vol. 2, p. 360 sqq.

17 On trouvera une récapitulation de cette évolution dans Viva voce, chap. 2.

18 Contrairement à une doxa trop souvent répétée depuis l’article de référence d’H. Grundmann, Litteratus-illitteratus, Die Wandlung einer Bildungsnorm vom Altertum zum Mittelalter, in Archiv für Kulturgesch., t. 40, 1958, p. 1-65, illitteratusne signifie nullement dès les Ve-VIe s. « qui ignore et ne comprend pas le latin ». Cf. Μ. Banniard, Iuxta uniuscuiusque qualitatem : l’écriture médiatrice chez Grégoire le Grand, in Grégoire le Grand, col. CNRS, edd. J. Fontaine, R. Gillet, Paris, 1986, p. 477-487.

19 Une étude approfondie de cet aspect n’ayant pas encore été conduite, je renvoie par souci d’économie aux index de l’édition de Dom G. Morin, Sancti caesarii arelatensis sermones, CC, t. CIII-CIV, aux rubriques : Augustinus, Caesarius, homilias, lectio, litterati, oratio, praedicatio, psalmodia, psalmi, rustici, symbolum.

20 Sur la filiation sermo piscatorius (« style des pêcheurs ») – sermo humilis (« style terre-à-terre ») – sermo rusticus (« style d’illettré »), je renvoie à Viva voce (qui donne la bibliographie de cette vaste question).

21 Caes. Arel, Sermo 86 : « Et ideo rogo humiliter ut contentae sint eruditae aures uerba rustica aequanimiter sustinere, dummodo totus grex Domini simplici et ut ita dixerim pedestri sermone pabulum spiritale possit accipere. Et quia imperiti et simplices ad scholasticorum altitudinem non possunt ascendere, eruditi se dignentur ad illorum ignorantiam inclinare ».

22 Ce passage a suscité les commentaires de P. Riché, Education et culture en Occident barbare, VIe-VIIIe s. (3è éd.), Paris, 1972, p. 131-132 et de Dag Norberg, Manuel pratique de latin médiéval, Paris, 1968, p. 93. Μ. Van Uytfanghe, La Bible et l’instruction des laïcs en Gaule mérovingienne : des témoignages textuels à une approche langagière de la question, in Sacris erudiri, t. 34, 1994, p. 67-123, p. 67-69, enrichit cette interprétation par des testimonia parallèles pris dans l’œuvre homilétique de Césaire.

23 Le vocabulaire comme les idées s’inscrivent dans une tradition pastorale qui se condense avec Augustin et perdure au VIIe siècle. Cf. Viva voce, chap. 5, p. 274 sqq.

24 La langue de Césaire n’a pas fait l’objet d’études approfondies. On trouve des éléments dans l’ouvrage cité de Dag Norberg, Manuel, p. 94-104 et dans divers articles : I. Bonini, Lo stile net sermoni di Cesario di Arles, in Aevum, t. 36, 1962, p. 240-257 ; E. Clerici, Il servio humilis di Cesario di Arles, in Rendic. dell’ Istituto Lomb., Lettere, t. 105, 1971, p. 339-364 ; E. Coli, Osservazioni sull’uso del diminutivo in Cesario d’Arles, in GIF, t. 33, 1981, p. 117-133.

25 Cf. Viva voce, chap. 2, p. 94 sqq.

26 Vitae Caesarii episc. libri duo, MGH, SRM, t. 3, par. 54 : « Docuit praeterea memoriter, quamdiu potuit, altaque uoce semper in ecclesia praedicauit ».

27 Vita, 1, 54 : « … ut, cum ipse pro infirmitate iam non posset ad ipsum officium peragendum accedere, presbyteros et diaconos imbuerit atque statuerit in ecclesia praedicare… ».

28 Vita, 1, 54 : « Quo facilius nullus episcoporum se ab hac necessaria cunctis exhortatione cuiuscumque impossibilitatis excusatione suspenderit… ».

29 Vita, 1, 54 : « Si uerba Domini et prophetarum siue apostolorum a presbyteris et diaconibus recitantur, Ambrosii, Augustini seu paruitatis meae aut quorumcumque doctorum catholicorum a presbyteris et diaconibus quare non recitentur ?… Quibus data est auctoritas euangelium legere, credo et licitum esse homelias seruorum Dei… in ecclesia recitare ». Le verbe recitare signifie « lire à voix haute ». Le parallèle entre legere euangelium et recitare homilias confirme l’identité de l’opération.

30 Μ. Heinzelmann, Bischofherrschaft in Gallien, Munich, 1976.

31 Sermo, 1, 15 : « Et si forte aliquibus dominis meis sacerdotibus per seipsos laboriosum est praedicare, quare non intromittunt antiquam sanctorum consuetudinem, quae in partibus Orientis, usque hodie salubriter custoditur, ut pro salute animarum per ministerium sanctorum presbyterorum antiquorum partum homiliae in ecclesiis recitentur… ». Je crois que c’est une erreur d’attribuer à une baisse culturelle (bien hypothétique et démentie par les excuses de Césaire sur son style d’illettré) le recours à cette solution. La répugnance des distingués prélats l’explique tout aussi bien.

32 Le concile est de 529. Commentaires dans C. Delaplace, Paganus, t. 2, p. 378-380.

33 Sermo 1, 12 : « Non solum sacerdotes Domini in ciuitatibus, sed etiam in parochiis presbyteri uel diaconi et possunt et debent frequentius praedicare ».

34 Sermo 1, 15 : « Vere dico quia etsi presbyteri desint qui hoc facere possint, non est incongruum uel indignum si homelias sanctorum patrum publice in ecclesia praecipiatur etiam diaconis recitare ».

35 Sermo 2 : « Pro intuitu paternae pietatis et qualiscumque pastoris sollicitudine admonitiones simplices parochiis necessarias in hoc libello conscripsimus, quas in festiuitatibus maioribus sancti presbyteri et diacones debeant sibi populis commissis praedicare ».

36 Vita, 1, 54 : « Longe uero positis in Francia, in Gallias, atque in Italia, in Hispania diuersisque prouinciis constitutis transmisit per sacerdotes, quid in ecclesia praedicare deberent ».

37 Sermo6, 1 : « Inanis est et inutilis excusatio ista… Primum est, quod lectionem diuinam etiamsi aliquis nesciens litteras non potest legere, potest tamen legentem libenter audire ».

38 Sermo 6, 1 : « Sed dicit aliquis : Homo rusticus sum et terrenis operibus iugiter occupatus sum ; lectionem diuinam nec audire possum nec legere ».

39 Sermo 6, 3 : « Quam multi rustici et quam multae mulieres rusticanae cantica diabolica amatoria et turpia memoriter retinent… », Sur tous ces passages, commentaires de C. Delaplace, Paganus, t. 2, p. 399 sqq. et de Μ. Van Uytfanghe, La Bible et l’instruction…, p. 68.

40 Sermo 6, 2 : « Nouimus enim aliquos negotiatores qui cum litteras non nouerint, requirunt sibi mercennarios litteratos… Tu, quicumque es, qui litteras non nosti, quare etiam non cum pretio et mercede rogas, qui tibi debeat scripturas diuinas relegere, ut ex illis possis aeterna praemia conquirere ? ». Cf. aussi le sermo 8.

41 Cf. Viva voce, chap. 9, p. 506 sqq.

42 Sur cette évolution, F. Graus, Volk, Herrscher und Heiliger im Reich der Merowinger, Prague, 1965.

43 De uita sanctae Radegundis libri duo, Liber 1, Prol., MGH, SRM, t. 2 : « … illa, cuius uitae praesentis cursum, licet tam priuato sermone, ferre temptamus in publico, ut cuius uita cum Christo, memoria gloriae relicta celebretur in mundo ».

44 Ib., Liber 2, Prol. : etsi non digno, deuoto tamen eloquio… ; non polito sed rustico… sermone. Baudonivie se déclare minus docta, plus deuota.

45 Cf. S. Gäbe, Radegundis : sancta, regina, ancilla. Zum Heiligkeitsideal der Radegundisviten von Fortunat und Baudonivia, in Francia, t. 16/1, 1989, p. 1-30.

46 Cf. Μ. Banniard, Viva voce, chap. 8 et Les deux vies de saint Riquier : du latin médiatique au latin hiératique, in Médiévales, t. 25, p. 45-52.

47 Vita, 1,23 : « A son tour, elle balayait les places du monastère, y compris les angles… Ne retardant pas la tâche de nettoyer les cabinets… En dehors de sa semaine, elle servait les infirmes, cuisait la nourriture elle-même, lavait le visage aux malades, offrait elle-même l’eau chaude, visitait ceux qu’elle réconfortait ».

48 Vita, 1, 24 : « De quelle ferveur excitée elle courrait souvent à la cuisine, faisant sa semaine ! Elle tirait l’eau du puits et la dispensait par des vases. Elle purgeait les plantes, lavait les légumes, vivifiait le feu par son souffle… levait les vases elle-même du feu, lavait les assiettes et les apportait ». J’ai décalqué le texte latin, quitte à donner un français raide pour souligner le caractère popularisant de ce latin tardif. Encore ce trait s’accentuerait-il si on le rendait en… ancien français ! L’ordre OVS en particulier, alors fréquent, accentuerait l’impression de proximité. En outre, le vocabulaire est largement passé dans l’un ou l’autre dialecte roman : un balai se dit escoba en occitan, etc. Cf. le REW et le FEW.

49 Vita, 1, 36. On n’a peut-être pas fait suffisamment attention au fait que c’est le propre chant (paroles latines et musique) composé par la moniale qui a franchi les murs.

50 Vita Pardulfi abbatis Waractensis, MGH, SRM, t. 6.

51 Vita Boniti episcopi Aruerni, MGH, SRM, t. 6.

52 Vita Ambrosii cadurcensis episcopi (AASS, Octobre), sur laquelle, cf. P. Bonnassie, L’évêque, le peuple et les sénateurs : scènes de la vie à Cahors d’après la Vita Ambrosii, in Hommages à Ch. Higounet, Toulouse, 1990 et Μ. Banniard, Une Vita mérovingienne ? Langue et style de la Vie de saint Ambroise, évêque de Cahors, in Ann. du Midi, t. 106, p. 229-235.

53 Vita Desiderii Cadurcensis urbis episcopi, MGH, SRM, t. 4.

54 Vita s. Segolenae abb. (AASS, Juillet). Sur celle-ci, cf. I. Real, Vie et Vita de ste Ségolène, abbesse du Troclar au VIIe siècle, in Le Moyen Age, t. 101, 1995, p. 385-406.

55 Vita s. Rusticulae, MGH, SRM, t. 2.

56 Pour une étude détaillée de ces aspects, cf. Viva voce, chap. 5, Echanges linguistiques en Gaule mérovingienne. Il n’y a pas du point de vue sociolinguistique de différence nette entre le Nord et le Sud au VIIe siècle.

57 Cf. sur tout ceci Viva voce, chap. 9.

58 Sur tout ceci, Μ. Banniard, Genèse culturelle de l’Europe (Ve-VIIIe siècle), Paris, 1989, chap. 6 ; Viva voce, chap. 7.

59 Cf. J. Paul, L’église et la culture en Occident, t. 1, Paris, 1986, p. 108 et 146.

60 Cf. les remarques de J. Fontaine, De la pluralité à l’unité dans le « latin carolingien », in Settimana 27, Spolète, 1981, p. 765-818.

61 L’exemple le plus frappant en est donné par le dossier réuni à Conques autour de Sancta Fides. Cf. en dernier lieu L. Robertini (éd.), Liber miraculorum sanctae Fidis, Spolète, 1994. Si les livres 1 et 2 sont du savant Bernard, maître de l’école épiscopale d’Angers, les livres 3 et 4 sont dus à un moine anonyme de Conques. Cf. P. Bonnassie et F. de Gournay, Sur la datation du Livres des miracles de sainte Foy de Conques, in Ann. du Midi, t. 107, 1995, p. 457-473. Ces dernières rédactions sont également de très bonne qualité.

62 Ka- et Ga- perdurent au sud d’une ligne Sarlat-Aurillac-Valence.