Pays et paysages du Languedoc dans l’épisode gascon de Renaut de Montauban
… Dort an der luftigen Spitz’
An Traubenbergen, wo herab
Die Dordogne kommt
Und zusammen mit der prächt’gen
Garonne meerbreit
Ausgehet der Strom.
Hölderlin, Andenken.
En ses successifs épisodes – ardennais, gascon, rhénan – qui inscrivent l’action dans un cadre aussi ample que divers, Renaut de Montauban1 ne déroge nullement à la règle quasi générale qui veut que les poètes épiques traitent avec une souveraine désinvolture la vérité, voire la vraisemblance, de la géographie physique et politique. Plus que les autres, l’immense épisode gascon témoigne d’une méconnaissance tranquille, assumée et d’autant plus créative, de ce grand Sud que notre auteur recompose à son gré, en homme du Nord pour qui une sorte d’écriture d’exotisme commence à jouer aussitôt que ses héros s’aventurent au-delà de la Loire. Disons le d’emblée, avant de le vérifier plus loin, « Montauban » n’est pas à Montauban, et la Gascogne du poème n’a que bien peu à voir avec celle des paysages effectifs.
Il y aurait matière à longue réflexion dans ce singulier dédain affiché vis-à-vis du réel, au profit d’une réalité autre qui en opère la transmutation. Nous nous bornerons ici à une simple remarque liminaire, en notant que cette attitude n’est singulière qu’à nos yeux de modernes, formés et déformés par l’expérience du grand âge littéraire de la description supposée réaliste et de la « documentation » du romancier, ce XIXe siècle qui régit encore avec tant de prégnance nos modes de représentation mentale. Or le « réalisme » est aussi étranger que possible à l’esprit de la littérature médiévale, du moins en ses expressions les plus hautement stylisées, et ce aussi bien dans le domaine de l’épopée que dans celui du roman. Ce serait donc lire les textes à contresens que d’y chercher ce qu’ils ne donnent pas et, pour le dire de façon quelque peu abrupte, ce qu’ils n’ont pas voulu donner. L’argument de la méconnaissance complète ou partielle des contrées lointaines – et, manifestement, la Gascogne est à notre poète infiniment lointaine – ne saurait jouer à tout coup : là même où il y eut contact et direct regard demeurent un flou, une imprécision où l’on se complaît parce qu’elle creuse cette faille de libre imaginaire où s’immisce la poésie, cette distance qui initie le processus littéraire. Plus largement encore, et pour formuler un axiome nécessairement falsificateur en son abusive généralité, il faut admettre que le regard médiéval n’est que rarement porté à l’observation, et moins encore à la conceptualisation de celle-ci. Il suffit à cet égard d’évoquer d’un mot l’Orient de Villehardouin, qui ne voit que ce qui l’intéresse en tant que politique et comme stratège, et celui de Robert de Clari, qui se délecte de voir mais ne comprend guère ce qu’il voit… On nous peut objecter à bon droit la précision de l’Orient de Joinville, qui regarde avec attention et médite fructueusement ce qu’il observe, mais il demeure en cela un cas nettement exceptionnel. Ce qui est vrai de la chronique l’est a fortiori de l’épopée et du roman, même si romanciers et poètes épiques manquent rarement de souligner, conformément à un véritable topos, la véracité de leur propos et la sûreté de leur information.
*
La Gascogne du Renaut est à certains égards une sorte de presque Orient, ne serait-ce que du fait de son occupation partielle, au début de l’épisode, par les Sarrasins qui tiennent Toulouse et menacent Bordeaux, et de la proximité d’une Espagne supposée toute païenne, selon le schéma usuel de la géopolitique de l’épopée française. Il est d’ailleurs frappant de noter que, lorsque les héros proscrits du Renaut se tournent vers ce Sud à la fois protecteur et aventureux, Maugis envisage froidement l’éventualité, au cas où ils ne recevraient pas bon accueil du roi de Gascogne, de passer au service de l’ennemi sarrasin (laisse 98, vers 3886-3890) :
« Ainz parieron au roi se croire me volez,
Et se il nos détient, Dex en soit aorez,
Et se il ne le fait, dirai que vos ferez :
Droitement vers Espaigne vostre chemin tendrez.
Berges le Sarrazin est mult preuz et senez ».
Il y a là un intéressant témoignage sur les excès où les héros épiques peuvent se laisser entraîner, lorsque le furor de la guerre privée les emporte aux antipodes de l’éthique de la guerre sainte : ainsi de Ganelon dans le Roland, ou encore du vieux Fromont dans Gerbert de Mez qui, lui, passe à l’acte et se fait renégat. En un Midi non dépourvu d’ambiguïté, Maugis n’est guère plus regardant quant au lieu où trouver refuge et « soudées ».
Lointaine est la Gascogne, que l’on atteint au prix d’une bien longue route, en contraste inattendu avec le classique recours à ce que nous avons ailleurs défini comme le « topos du voyage-éclair »2 (laisse 135, vers 5480-5482) :
Atant ist de Paris a grant ire reconde,
En dis jors et demi est venu en Gascoingne,
Tot droit a Montauben sor l’eve de Gironde.
Les étapes du parcours se font en outre de plus en plus imprécises à mesure que l’on s’éloigne de la France du Nord : ainsi, parmi de multiples occurrences analogues, de l’itinéraire d’un autre messager qui, passé Orléans, semble bien flotter dans le grand vague d’une représentation spatiale où ne sont connues – ou du moins retenues comme pertinentes – que les divisions les plus larges (laisse 122, vers 4824-4828) :
De Paris s’en issi sor .i. corant destrier
Et trespasse les terres et le païs plenier,
A Orliens passa Loire en .i. batel corsier,
Et trespasse Poitou et le païs entier,
Desi a Montauben ne se volt atargier.
Méconnaissance ou indifférence ? L’une et l’autre doivent être invoquées, sans doute, dans la démarche du poète, qui perçoit manifestement le Sud comme un vaste ailleurs et s’y donne licence de recomposer en toute liberté topographie et toponymie. Celle-ci s’avère fort riche dans l’épisode gascon du Renaut, mais hormis Toulouse, Bordeaux et Blaye – et, en un plus lointain horizon, Montpellier, Arles et Saint-Gilles – elle n’offre guère, malgré la sagacité des chercheurs, qu’une longue liste de lieux non identifiés. Qu’importe, au demeurant ? Le bois de la Serpent, le gué de Balençon, la plaine de Vaucouleurs tracent une carte aussi densément poétique qu’efficace dans la structuration diégétique, et le poème s’y élabore avec d’autant plus de sûreté qu’il suscite sa propre spatialité.
Plus complexe est le cas de Montauban où se superposent un toponyme et une topographie inconciliables, l’un et l’autre empruntés à la réalité référentielle, mais arbitrairement unis en un tout qui n’appartient qu’au poème. Site et nom de lieu y sont entrés portés par une renommée sans doute imprécise, et l’imaginaire poétique s’en est saisi pour les recomposer en une indissoluble entité, aussi improbable que fascinante. Ce n’est point en effet sur son Tarn effectif que le poète situe Montauban mais… sur la Gironde, au point précis où confluent Dordogne et Garonne, au Bec d’Ambès, non loin d’ailleurs du lieu où l’on peut approximativement placer cet autre haut lieu épique, le non moins erratique Géronville de la Geste des Lorrains3. L’une comme l’autre de ces places fortes purement littéraires témoignent de l’attrait qu’ont exercé dans les chansons de geste, pourtant si majoritairement terriennes, les forteresses maritimes que les indentations littorales assurent d’une défense naturelle et d’un ravitaillement aisé4. C’est là l’un des avatars les plus signifïcatifs de la convention épique qui veut que les citadelles soient imprenables… mais nonobstant toujours prises, par trahison ou famine.
Superbe est le récit de la découverte vernale du site du futur Montauban : la jeunesse des héros y vit à l’unisson d’une sorte de jeunesse du monde, là où l’abrupt du roc – que l’on chercherait vainement en ces lieux ! – et le mouvement puissant des eaux tracent devant eux le refuge inexpugnable qu’appelait leur destinée (laisse 107, vers 4213-4233) :
Ce fu el mois de mai, a l’entree d’esté,
Que florissent li bois et verdissent li pré,
Que cil oiselet chantent el parfont gaut ramé.
En la forest d’Ardenne en sunt charier alé,
.iiii. cers i ont pris, mult se sunt deporté ;
Arriéré s’en reperent panni.i. bois ramé.
Cette singulière Ardenne de Gironde mérite, sans pour autant forcer le trait, qu’on s’y arrête un instant : est-ce là pur syntagme figé suscité par la résurgence involontaire du décor majeur de l’épisode ardennais ? N’y a-t-il pas, plutôt, jeu subtil d’échos internes, dont témoignerait en sens inverse, le nom de Dordone donné à la forteresse natale des quatre fils Aymon, alors que c’est auprès de la Dordogne qu’ils vont élire leur méridional refuge ? Tout se passe ici comme si le Sud était le lieu où retrouver un Nord perdu, comme si la terre d’asile devait renvoyer en miroir l’image du lieu natal. De même que les Lorrains exilés du Gerbert fondent à Géronville une sorte de Lorraine de compensation, de même la Gascogne du Renaut apparaît-elle ici comme un providentiel substitut d’Ardenne5.
C’est bien un semblable locus amoenus féodal par destination que dessinent ici l’estuaire et la montagne qui est supposée le surplomber :
Lez l’eve de Dordone se sunt acheminé.
Si con virent le flot dedenz Gironde entré,
Enz el milieu de l’eve ont .i. leu esgardé :
Une montaigne haute et .i. tertre quarré,
Desus est longue et large quant on i est monté.
Cette sorte d’oppidum tout tracé attire le regard de stratège qu’en guerrier d’expérience Alart porte sur ces lieux apparemment intouchés et vierges de toute activité humaine :
Quant Aalart le vit s’a la regne tiré,
Il apele ses freres et si lor a mostré.
« Barons, dist Aalart, dites moi vérité.
Veez cele montaigne desoz cel pin ramé :
Je cuit ça en arriere i out chastel fenné ».
Cette intuition « archéologique », plus tard confirmée par l’existence d’un antique souterrain qui permettra opportunément l’évacuation de Montauban affamé6, est à plus d’un titre digne d’être relevée, et en particulier comme témoin de la nécessaire auctoritas du lointain passé qui ne saurait faire défaut à une forteresse épique digne de ce nom. Le fait est d’autant plus notable dans le contexte de fondation où l’on se trouve ici et dont le même Alart trace aussitôt le projet :
« Qui en i avret .i. et drecié et levé,
Ne le prendroit pas Karles en trestot son aé.
Se vos me volez croire, au rois iert demandé.
Et se il le nos done, si faison fermeté ».
Ainsi, rien ne manquera à la ville neuve, pas même cette paradoxale inscription dans la longue durée de l’histoire qui forme l’une des assises essentielles des lieux de l’épopée.
Cependant, il lui faut encore un nom, délié, sonore et d’heureux augure ; paradoxe, ici encore : c’est du roi Yon de Gascogne, personnage tout d’ambiguïtés et en définitive profondément négatif, que Montauban reçoit son baptême, avec toute la profonde valeur de l’acte de nommer et ses multiples implications quasi sacrales. Il s’agit bien là d’« inaugurer », au sens étymologique du mot, et l’on ne peut s’empêcher de penser que ce parrainage ambivalent, confié à un suzerain qui incarne tour à tour l’accueil et la trahison, infléchira inéluctablement le sort du Montauban épique, paradis d’abondance d’abord, enfer de la famine ensuite. Ayme, Charlemagne, Yon : autant de figures paternelles qui pèsent de tout leur poids d’ombre dans cette geste des fils. Tout est clair et serein encore à l’heure de l’imposition du nom (laisse 109, vers 4323-4325) :
Li rois Ys de Gascoigne a .i. perron descent,
Renaut l’en a mené el plus haut mandement,
As fenestres de marbres s’apoient en riant.
On retrouve sans surprise, en ce tableau d’harmonie, le double topos du château « marbrin » et celui de la vue plongeante, motifs l’un comme l’autre récurrents dans les chansons de geste7 :
Li rois vit le chastel de grant aaisement
De la dolce clerc eve qui cort ravinement
Et des grans praeries par devers orient.
On notera au passage, sans s’en étonner pour autant, que ce clair cours torrentueux de la Dordogne correspond aussi mal que possible aux liquidités immenses de l’estuaire… Il importe fort peu au poète, qui construit un lieu de pure fiction à partir d’éléments disparates, avant de lui assigner un nom tout aussi allogène :
Il apela Renaut si li dist en riant :
« Com a non cist chastel ? ne me celez noiant.
– Sire, il n’a point de non, jel vos di veirement.
Quant je vine ci a vos o trestote ma gent,
Rois, vos me retenistes mult debonairement ;
Or li metez le non tost a vostre comant.
– Certes, ce dist li rois, ci a leu bel et gent :
Montauben avra non qui sor la roche pent.
Si n’existait le Montauban réel, dont le poème retient, on le verra, une donnée essentielle, on inscrirait volontiers celui-ci dans la longue liste des fictifs toponymes épiques, si souvent dictés par la topographie castrale idéale des sites de hauteur qui fournira d’ailleurs, dans ce même Sud-Ouest, tant de noms de villes neuves et de bastides, au premier rang desquelles figure bien entendu le vrai Montauban dont, avec un peu d’imagination, la roche pent en effet… sur la rive du Tarn.
C’est bien à l’essor aquitain des villes franches que le Renaut emprunte les traits les plus originaux de son « Montauban » : au-delà de la convention attendue du palais forcément a voltes (vers 4310) et bien sûr de marbre (vers 4313), le croquis de la fébrile activité du chantier est plein de verve et de vie (laisse 109, vers 4305-4308) :
Renaut le fiz Aymon ne s’atarga noiant,
Mes de son chastel fere se hasta durement :
Les charpentiers manda, plus en i a de cent,
Et des maschons i et ot .xvi. xx. et .vii.c.
C’est surtout la régularité du plan de la ville qui retient l’attention : elle est en effet caractéristique de l’essor urbain du Sud-Ouest qui, s’il atteint son âge d’or au XIVe siècle, n’en est pas moins déjà sensible aux XIIe et XIIIe siècles. Le poète nous montre bien, avec les quatre portes et les quatre tours de la jeune fermeté de Renaut, le schéma orthogonal qui régira le strict plan en damier de la majorité des bastides (ibid., vers 4311-4313) :
Et le mur de la vile a mult grant fondement ;
.iiii. portes i ot, fetes avenanment,
et .iiii. tors de marbre sor la roche pendant.
Il semble bien y avoir là, sous l’affabulation poétique et malgré l’abrupte transplantation du site, une connaissance au moins superficielle de ce que furent les origines du Mons Albanus historique, fondée en 1144 par le comte de Toulouse Alphonse Jourdain sur un plan régulier où s’inscrit toujours son admirable place.
Plus probant encore est à cet égard le passage consacré aux franchises et exemptions qu’accorde le roi Yon à ceux qui viennent peupler la ville nouvelle (laisse 109, vers 4337-4345) :
Savoir le fist li rois au pople et a la gent :
Qui au novel chastel prendra herbergement
Costume ne paage ne mile rien vivant
Desi a.xiiii. anz n’ipaiera noiant,
Toz les jors de sa vie i vivra franchement.
Il y a bien là contact précis avec les realia juridiques et démographiques d’une région que le poète ne méconnaît donc pas complètement et sur laquelle il a pu recueillir, certes de seconde main, un certain nombre d’informations assez exactes. Les vers suivants décrivent avec bonheur l’afflux d’une population où se côtoient bellatores et laboratores mais d’où les clercs semblent curieusement absents : c’est là un point commun de plus avec le Géronville des Lorrains, où les oratores semblent pareillement placés dans une situation de tacite exclusion8. Il y a là, convergents, deux indices de la relative laïcisation de la représentation mentale de la ville autour de 1200, avant le grand essor urbain des ordres mendiants. C’est bien une population à la fois chevaleresque et laborieuse qui nous est ici montrée (ibid., vers 4342-4345) :
Donc veïssiez venir borjois espessement,
Chevaliers et serjanz et vilains franchement,
Et poplent le chastel et font herbergement ;
Lor aveir i ameinent et l’or fin et l’argent.
La laisse suivante s’attarde à évoquer occupations et métiers, avec un zèle inhabituel dans les chansons de geste où l’attention aux « civils » est rarement aussi précise et soutenue (laisse 110, vers 4347-4360) :
Or est Montauben fet, le chastel et la tor ;
Li pople s’i herberge a force et a vigor ;
.v.c. borjois i ot de mult riche valor :
Li .c. sunt tavemier et li .c. pescheor
Et li .c. sunt bochier et li .c. changeor
Et li .c. marcheant jusqu’en Inde major.
…………………
Chevalier et serjeant, vaslet et jugleor,
Tuit vindrent a Renaut et li font grant onor.
Tout comme à Géronville, le paradis de la féodalité bien comprise est aussi lieu d’élection des jongleurs ; quant au grand négoce de haute mer, il est à l’évidence lié à la transplantation girondine de tout ce minutieux paysage civique.
Au terme de ce rapide examen, et sans avoir pour autant épuisé la riche matière de ces laisses, il est possible de se représenter le mécanisme générateur de la création du Montauban épique : le poète s’est très librement saisi d’une réalité multiple, reçue sans doute de récits de marchands ou de pèlerins, et il en a somme toute assez justement extrait l’essence de la grande « Gascogne » qu’il se représentait de fort loin : l’ample Gironde, ses rives fertiles, les vineuses collines qui de loin la dominent, un nom attesté et euphonique, l’industrieuse vague démographique peuplant sous d’heureux statuts villes franches, sauvetés et bastides. De tout cela il a su faire un lieu qui, pour imaginaire qu’il soit, ne s’en impose pas moins à la pensée avec un très paradoxal réalisme, et avec ce don du plus vrai que nature qui est le propre du grand art littéraire.
*
Il est dans le poème un sombre revers au lumineux et jovial Montauban, envers pire encore que le Montauban de la disette : la lugubre plaine de Vaucouleurs enchâsse dans la féconde et fertile Gascogne un microcosme noir, une sorte de mandala en négatif, un véritable locus horribilis9. Le théâtre de l’embuscade tendue à Renaut et à ses frères est traité avec une ampleur sans équivalent dans les chansons de geste, et qui ne trouve d’approximatif symétrique que dans l’évocation de la plaine de Salebieres dans la Mort Artu. Silencieux et désert, un immense panorama régi par une quadripartition hostile, qui dessine en creux l’image inversée de celle de Montauban, rend d’autant plus frêles et menues les silhouettes des quatre frères aventurés sans armes en ce lieu inhospitalier et oppressant en sa vastitude (laisse 161, vers 6855-6875) :
Desi en Valcolor n’i out arestoison.
Or devez bien aprendre de cest val la façon :
Se je ne le vos di, n’en savrez la raison.
Une roche i a haute vers le ciel contremont,
.vii. m. pieres i a rangies environ.
Arrêtons-nous un instant à cet exceptionnel environnement lithique, qui s’avèrera providentiel en fournissant à Renaut, autour de la roche qui forme une sorte de naturelle fermeté, d’abondants projectiles. Au centre de cette plaine tétramorphe parcourues par quatre rivières et quatre routes, occupée par quatre forêts, la roche Mahon10 est en quelque sorte l’ombilic de cette noire imago mundi. Quant aux pierres rengies environ, on pense bien sûr à quelque alignement de mégalithes que le poète aurait pu connaître directement ou indirectement. Même si elle ne peut que demeurer pour nous purement conjecturale, il faut qu’il y ait là une source, un lieu de référence, un récit originel, car le trait est trop rare et surtout trop singulier pour n’être qu’invention.
Le paysage à dominante forestière est plus attendu : il est l’une des constantes de la représentation de la solitude et du « désert » dans la littérature médiévale. Seule frappe ici son ordonnance symétrique, que prolonge l’énumération des rivières qui la cloent environ :
.iiii. forez plenieres que nos vos nomeron,
La menor a .x. liues a .i. mul arragon
Si en a .v. de lé, que de voir le set on ;
.iiii. eves ravinasses la cloent environ :
L’une a a non Gironde et l’autre a non Dordon,
La tierce Noire Penne, la quarte Balençon.
Si dans les passages que nous avons cités plus haut le doute était permis, il semble évident ici que le poète confond Garonne et Gironde. A cela près, nous avons ici un excellent exemple du mode de constitution de l’espace « gascon » du Renaut, où quelques données réelles flottent dans beaucoup d’imaginaire : deux hydronymes attestés et bien connus cohabitent avec deux noms de pure invention. Nous avons déjà noté que l’on serait bien en peine de trouver Balençon sur quelque carte que ce soit, et il en va évidemment de même de cette Noire Penne dont les sinistres connotations sont bien accordées à la tonalité lugubre de la laisse. Importent surtout ici le caractère en quelque sorte cartographique de la représentation spatiale, le probable souvenir demi conscient des quatre fleuves du Paradis, le fascinant contraste entre l’immense étendue embrassée et le tragique isolement des quatre personnages, si petits et si démunis au milieu de ce panorama à l’échelle délibérément démesurée.
Pour remarquable que soit l’originalité de cette page, elle ne s’en inscrit pas moins dans une série épique, certes assez courte mais pourtant significative, où l’on pourrait faire figurer telle page d’Aspremont, telle autre du Charroi de Nîmes, et la vue panoramique qui ouvre avec éclat la Prise d’Orange11. Toutes témoignent de distorsions de la perspective où se lisent et la difficulté qu’éprouve la conscience médiévale à se représenter l’espace, et cette sorte de regard à vol d’oiseau qui est le sûr indice d’une connaissance lointaine des lieux évoqués : Chateaubriand aura encore recours aux mêmes artifices dans l’éblouissant et stéréoscopique prologue d’Atala… Au pied d’une tour qui confirme nos remarques quant à cet intense besoin de la dimension historique qui marque la géographie épique, convergent quatre routes qui condensent et la traditionnelle valeur maléfique ou à tout le moins périlleuses des carrefours, et l’insertion de Vaucouleurs dans une étoile d’itinéraires au long cours qui en dilatent encore l’étendue :
Une tor i a haute le tret a .i. bojon,
Un jaiant la ferma qui Sortibant out non,
A .iiii. liues granz n’a chastel environ,
Iluec fu porparlee la mortel traïson.
.iiii. chemins departent de soz le pin Roont,
S’en vet li uns en France, a Rains et a Sesson,
Li autre en Normandie, a Saint Michel del Mont,
Et li autre en Galice par devers Carrion,
Et li quart en Gascoingne droitement vers les monz.
En chascun des chemins avoit, m. compaignons.
Voilà le piège refermé, et le combat épique va pouvoir commencer, après le déroutant introït de cette page descriptive aux proportions à tous égards inusitées. Elle intéresse d’autant plus qu’elle n’est en rien la simple mise en place d’un décor narratif : le poète l’a voulue et conduite bien au-delà des nécessités de la seule diégèse, ou plutôt elle semble s’être imposée à lui avec une énigmatique évidence qui la détache non seulement comme la plus originale de l’œuvre, mais aussi parmi les plus singulières du genre12.
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Dans ce poème qui avec jubilation s’attarde en un Montauban pour le moins composite et en ce Vaucouleurs à la tonalité quasi onirique, les villes réelles font figure de parentes pauvres. Toulouse n’apparaît qu’épisodiquement et l’évocation de Bordeaux est purement topique (laisse 104, vers 4147-4149) :
Li rois Ys est venuz a Bordeax sa cité,
Et descent au perron desoz .i. pin ramé,
Et monte les degrez de vert marbre listé.
Tous les familiers des chansons de geste reconnaîtront là des éléments qui, pour significatifs qu’ils soient sur un autre plan – et jusque dans leur réitération même – comptent dans le corpus épique des milliers d’occurrences. Rien, donc, qui donne à voir en ce croquis aussi mince qu’attendu. Presque aussi brève, la présentation de Toulouse est cependant nettement moins stéréotypée et son nom est valorisé par un éloquent qualificatif qui en fait la mirable cité ; il y a là, dans une écoute du Nord, l’écho d’une renommée et d’un prestige qui feront vibrer, il est vrai avec une immense charge émotionnelle qui ne pouvait exister ici, le nom de Toulouse dans la Chanson de la croisade albigeoise13.
Le messager de Charlemagne est grandement impressionné par l’apparat qui entoure le roi Yon, assis en majesté et assistant à un combat d’animaux qui rappelle de fort près les venationes d’amphithéâtre de l’Antiquité romaine, et qui fait converger sur sa personne toutes les connotations bien connues de la cynégétique royale, lointaines reliques de l’aura antique de la représentation du roi comme cosmocrator (laisse 146, vers 5899-5904) :
Venuz est a Tolose, la mirable cité,
Et trova roi Yon, le fort roi coroné,
Et .iii.m. chevaliers qui la sunt assemblé
Et font lor vers conbatre et les senglers beter.
C’est là encore l’un de ces traits trop typés pour n’être que le fruit de l’imagination du poète : il doit renvoyer à une réalité que nous n’avons pu pour l’heure identifier, mais que l’examen des chroniques permettrait peut-être de repérer. La majesté du roi est rehaussée par un dais de soierie, autre attribut éminent de la symbolique du pouvoir, rationnalisé ici par une intéressante notation climatique :
Li rois ot fait .i. paile par desor lui jeter
Por la chalor qu’est grant qu’il ne puet endurer.
Le trait est rare, et contraste avec l’atmosphère doucement tempérée qui semble baigner les chansons de geste d’une sorte de printemps perpétuel. Il s’inscrit dans l’intéressante série de mentions climatiques au contraire très contrastées qui forme l’une des particularités du Renaut14. Attentif aux variations de la température comme aux intempéries, le poète a dû connaître par ses sources orales quelque chose du caniculaire été toulousain.
Au reste, dans la mirable cité, pas un mot du sanctuaire de Saint-Sernin, pourtant renommé dans tout l’Occident et pour son prestigieux trésor de reliques et comme étape majeure sur les chemins de Saint-Jacques. Pas un mot non plus, d’ailleurs, de Saint-Romain de Blaye ni de Saint-Seurin de Bordeaux, cependant vénérés de la tradition épique rolandienne. Il se confirme ici une représentation singulièrement laïque de l’espace urbain, face à l’horizon forestier des ermitages15, qui ne se verra démentie que par le pieux épisode colonnais du martyre et de la sanctification de Renaut, il est vrai passablement abrégé dans le manuscrit Douce. Quoi qu’il en soit, à la différence de Montauban et de Vaucouleurs, Bordeaux et Toulouse ne sont guère dans le Renaut que deux noms prestigieux et scintillants, l’un des fastes les plus convenus, l’autre d’un éclat à l’orient plus rare. L’une et l’autre se rangent en définitive dans cette galerie des villes du Sud vues du Nord qui brillent dans l’épopée sans y être vraiment individualisées, à l’exception remarquable de Narbonne et d’Orange dans la Geste de Guillaume.
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Il nous faut, pour n’être pas trop long, refermer ici ce dossier des paysages de Gascogne en tant que géographie physique et humaine, et orienter notre conclusion en fonction de brèves remarques portant sur la géographie politique et historique. Bien loin de prétendre épuiser ici ce vaste ensemble de problèmes, nous nous bornerons à baliser quelques pistes essentielles. La première question qui se pose en cette voie est celle de la définition même de la « Gascogne » dans le poème. Celle-ci semble en effet affectée d’une géométrie fort variable, et en tout cas nettement décalée par rapport à celle des entités politiques des entours de 1200. Les états du roi Yon s’étendent beaucoup plus loin à l’Ouest que ne le firent jamais ceux des comtes de Toulouse, si bien que Bordeaux et Toulouse se trouvent réunies dans une unité inconnue du Moyen Age central. C’est en définitive aux contours de l’Aquitaine carolingienne, voire gallo-romaine16 que s’identifie en ses grandes lignes – au demeurant des plus vagues, comme on en a pu juger – la Gascogne du Renaut.
Il y a là une longue, indistincte et prégnante trace de mémoire, qui rejoint bien d’autres traits analogues épars dans les chansons de geste. En celles-ci se superposent imparfaitement, tels des calques légèrement déplacés, deux cartes géopolitiques discordantes, celle de la France capétienne n’occultant qu’en partie celle, plus qu’à demi effacée mais lisible encore, de la Francia des temps carolingiens. A ce très ancien arrière-plan se rattache l’existence même d’un « roi » de Gascogne17, qui renvoie en dernière analyse au royaume d’Aquitaine tel qu’il brilla de tout son éclat sous Louis le Pieux, avant son accession à l’Empire. Ici comme en d’autres pages épiques se pose l’insoluble question du degré de conscience que le poète pouvait avoir de semblables résurgences : en est-il le simple et quasi automatique médium ? Les a-t-il reçues des longs siècles d’oralité antérieurs à la mise en texte ? Les contrôle-t-il au moins en partie comme nécessaires à l’élaboration d’un cadre spatio-temporel carolingien conforme au sujet de son poème ? On serait tenté de répondre, sans pour autant chercher à éluder la question, que les trois démarches ont dû coexister, se combiner et s’imbriquer en de fort variables proportions. On touche là à l’immense problème, aux solutions moins simples et surtout moins monolithiques qu’on ne les a longtemps voulu croire, du rapport de la chanson de geste à l’histoire.
Nécessairement tendue, en sa nature même, entre le temps du récit et le temps de l’écriture, l’épopée juxtapose en une mouvante synthèse des images contradictoires, parfois incompatibles et néanmoins indissolublement solidaires. L’instable statut de Toulouse dans le Renaut en est un exemple fort éclairant : en peu de laisses, la mirable cité apparaît tour à tour occupée par Berges le sarrasin, puis libérée comme par miracle, sans que le texte en dise rien, et rendue au roi Yon qui y tient, on l’a vu, une cour brillante, enfin dotée d’un comte Raymond, cil qui tenoit Tolose18, bien sûr plus conforme aux réalités du XIIe siècle… A l’évidence, cette image politique brouillée emprunte ses traits incompatibles en synchronie aux strates successives d’une longue sédimentation diachronique où s’amalgament les alluvions de l’histoire et celles de la légende. La triple Toulouse du récit s’avère ainsi à la fois proche et lointaine, dans un espace-temps sans cohérence et d’autant plus ouvert, en ses brèches assumées, à l’intrusion de l’imaginaire.
L’affrontement entre Charlemagne et les fils Aymon, devenus pour lors les vassaux méridionaux du roi Yon, implique celui-ci en un conflit où s’écrit encore un autre clivage politique et qui laisse transparaître, peut-être, quelque reflet d’une actualité fort brûlante autour de 1200. Entre les dénombrements des hommes de Charles et ceux de Yon se dessine assez nettement une fracture Nord-Sud. L’armée impériale est essentiellement septentrionale, à l’exception d’un contingent d’Espaigne dont la présence semble dictée par l’inadvertance et les besoins de la rime (laisse 138, vers 5560-5564) :
« Seignors, dist Kallemaigne, que grant bien vos aviegne !
Mon ban ferai crier, que nus bom n’i remaigne,
Si manderai par non toz les barons d’Espaigne,
Alemans et Frisons, icele gent grifaigne,
Et toz celx de Sessons et toz celx de Borgoingne. »
L’armée de Yon est géographiquement très cohérente, reflétant un territoire de repli dont les Pyrénées forment l’épine dorsale (laisse 147, vers 6005-6006) :
« Mandez donc vostre empire et vostre arierebant
De Bascle et de Navare, de Gascoigne la grant. »
Ici comme en certaines pages de Girart de Roussillon se dessine tacitement ce que l’on pourrait regarder, au risque de simplifier abusivement une réalité infiniment plus complexe et diverse, comme les linéaments de l’antagonisme profond entre un Nord centralisateur et un Sud centrifuge.
Allons plus loin, quitte à nous aventurer davantage encore dans l’incertain : l’épisode gascon du Renaut ne reflète-t-il pas en quelque mesure le grand affrontement de la croisade albigeoise, ou du moins de ses prolégomènes ? Qu’il ait composé dans les dernières années du XIIe siècle ou dans les premières du XIIIe19, le poète pouvait difficilement tout ignorer de la crise qui affectait les états du comte de Toulouse. L’ambiguïté de la figure épique du roi Yon ne transpose-t-elle pas quelque chose de celle du Raymond VI historique ? On ne saurait bien sûr trancher avec certitude, mais il est tout de même bien troublant de voir la fin du « royaume de Gascogne » prophétiser de loin, mais avec une rare perspicacité, celle de l’autonomie du Languedoc (laisse 183, vers 9235-9238) :
Bien l’avez oï dire, frans chevalier baron,
Que Renata fu traïz es plains de Valcolor,
Ou roi Ys de Gascoigne le vendi a Karllon ;
Puis n’out roi en Gascoigne por cele traïson.
Il serait téméraire de faire plus que de poser la question ; on se bornera à conclure de manière provisoire que le Renaut paraît bien transporter dans le conflit épique un pan, certes malaisément mesurable, d’une réalité historique immédiate, inextricablement mêlée au profond substrat antique et carolingien dont nous avons repéré plus haut les confus affleurements.
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Texte riche, texte dense et à quelques égards retors, Renaut de Montauban ouvre sur les terres d’Oc une perspective plus profonde qu’il n’y paraît d’abord. Le flou, le vague et la globale méconnaissance inhérents à un regard irréductiblement septentrional n’y excluent pas une forme de compréhension seconde, ou plutôt une paradoxale aptitude à refléter l’ailleurs méridional sans le comprendre vraiment, à le recomposer à partir d’un petit nombre d’éléments pertinents – un site, un nom de lieu, telle notation climatique – à merveille tressés aux mailles plus lâches du libre imaginaire. Comme l’Espagne du Roland, comme l’Italie d’Aspremont ou la Bourgogne de Girart de Roussillon, comme la Lorraine des Lorrains, la Gascogne du Renaut est un pur terroir littéraire, où la créativité épique fixe ses lieux de prédilection dans les interstices du réel réseau des villes et des fiefs, dans les espaces vierges de la carte effective, dans ce tissu topographique falsifiant qu’elle suscite et qu’elle charge pourtant d’une obscure et allusive mémoire.
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1 Notre étude s’appuie sur l’édition du manuscrit Douce procurée par Jacques Thomas, Genève, Droz, 1989.
2 Voir notre article, « Itinéraire et territoire dans les chansons de geste », dans Terres médiévales, Actes du colloque d’Orléans, avril 1990, éd. Bernard Ribémont, Paris, 1993, p. 159-201.
3 Sur ce rapprochement, voir la riche communication de Bernard Guidot lors du colloque de Reims-Charleville d’octobre 1996, consacré à la Geste des Quatre fils Aymon et organisé par Danielle Queruel, à paraître dans les Actes. Sur Géronville, voir notre article, « Un locus amoenus de la féodalité menacée : la description de Géronville dans Gerbert de Mez », dans La description au Moyen Age, Actes du colloque de Lille, 25-26 septembre 1992, éd. Aimé Petit, Bien Dire et Bien Aprandre, n° 11, 1993, p. 239-260.
4 Nous avons étudié cette configuration privilégiée de la représentation épique du site fortifié idéal dans un article récent, « Un cas particulier de la topographie castrale des chansons de geste : la forteresse maritime », dans La chanson de geste. Ecriture, intertextualités, translations. Textes présentés par François Suard, Littérales, n° 14, 1994, p. 61-82.
5 Le toponyme est d’ailleurs assez répandu, comme l’atteste par exemple le nom de Lardenne, aux portes de Toulouse.
6 Laisses 309-311.
7 Voir Jean-Pierre Martin, « “Vue de la fenêtre” ou “panorama épique” : structures rhétoriques et fonctions narratives », dans Au carrefour des routes d’Europe : la chanson de geste, Actes du Xe Congrès de la Société Rencesvals, 1985, Senefiance, n° 20-21, Aix-en-Provence, 1987, p. 851 ss.
8 Voir l’article cité supra n. 3, et la pénétrante étude de Jean-Pierre Martin, « Oratores et bellatores dans le cycle des Lorrains », dans Actes du XIe Congrès de la Société Rencesvals, Barcelone, 22-27 août 1988, Memorias de la Real Academia de Buonas Letras de Barcelona, t. XXII, 1990, p. 25-38.
9 Voir Philippe Vereist, « Le locus horribilis. Ebauche d’une étude », dans La chanson de geste (…), p. 41-59. Il n’est pas impossible qu’une lointaine connaissance des étendues inhospitalières des Landes de Gascogne ait, au moins pour partie, inspiré cette page.
10 Nommée notamment, sans plus d’explications sur l’origine de ce toponyme, aux vers 7173, 7228, 7399. Ainsi que l’a justement observe Micheline de Combarieu du Grès (voir infra, n. 12), cette roche à .iiii. costez – tout va par quatre à Vaucouleurs comme à Montauban – forme une naturelle fermeté. Elle se substitue en quelque sorte à la tour du « géant Sortibant », simplement mentionnée au vers 6867 et qui, assez paradoxalement, ne joue aucun rôle dans la suite du récit.
11 Voir, sur ces pages, notre « Itinéraire… ».
12 Sur l’épisode de Vaucouleurs et les forteresses du Renaut, voir la belle communication de Micheline de Combarieu du Grès au colloque de Reims-Charleville.
13 Voir Micheline de Combarieu du Grès, « Le nom de la ville. Toulouse dans la Chanson de la Croisade albigeoise », dans Farai chansoneta novele. Hommage à Jean Charles Payen, Caen, 1989, p. 138-149. Sur les villes du Sud vues du Nord et l’exemple privilégié de Narbonne, voir sa contribution au présent volume.
14 Voir notre article, « Le ciel de Renaut de Montauban : climats, intempéries, signes divins », à paraître dans les Actes du colloque de Reims-Charleville.
15 Nous ne résistons pas au plaisir de donner ici la délicate description de l’ermitage où se retire Maugis (laisse 230, vers 10856-10859), petit tableau plein de charme où se dessine une autre figure du microcosme, ici pleinement positive et protectrice, qui s’oppose en tout au sombre Vaucouleurs :
Lors regarda sor destre, vit .i. viel hermitage
Dedesor une roche qui est del tens d’aage ;
Droit au pié de la porte, par devers le boscage
Sort une fontenele a un petit rivage.
16 Ainsi que l’a très judicieusement fait observer Xavier Ravier lors du débat qui a suivi notre communication. Dans cette direction, voir en particulier Michel Rouche, L’Aquitaine, des Wisigotbs aux Arabes, naissance d’une région, Paris, 1979.
17 Le roi Yon de Gascogne apparaît également dans le Cycle des Lorrains, en particulier dans le Gerbert, peut-être sous l’influence du Renaut.
18 Vers 6106.
19 Sur la datation de l’œuvre, voir les précises indications données par François Suard dans sa communication au colloque de Reims-Charleville.