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Luc Foisneau (dir.), Dictionnaire des philosophes français du XVIIe siècle. Acteurs et réseaux du savoir

2 vol., Paris, Classiques Garnier, 2021, 2 631 p.

Simone ZURBUCHEN

Publié pour la première fois en 2015 sous forme d’un gros livre relié, ce Dictionnaire est maintenant disponible dans une version poche, en deux volumes, qui trouvent plus facilement leur place dans les bibliothèques privées. Il est également possible de consulter l’ouvrage en ligne, via le site de la maison d’édition (accès payant). Il s’agit d’une œuvre monumentale qui présente la philosophie française du siècle classique dans toute sa diversité, en partant de l’usage large qu’on fait au XVIIe siècle de la notion de philosophie, qui s’étend notamment aux sciences naturelles et aux sciences occultes et qui reste fortement empreinte par des disciplines voisines telles que la théologie et la médecine. Comme Luc Foisneau le rappelle dans l’avant-propos, le Dictionnaire est le résultat d’une collaboration internationale complexe : il s’agit en fait d’une refonte du Dictionary of Seventeenth-Century French Philosophers, paru en 2008, dont les premières notices furent en grande partie rédigées en français, puis traduites en anglais. Pour la version française, toutes les notices ont été révisées et actualisées, et pas moins de 108 entrées sont venues les compléter. La présente édition comprend 690 entrées, rédigées par 167 auteurs faisant partie du réseau international des meilleurs spécialistes de l’histoire de la philosophie à l’âge classique. Chacune des entrées présente la vie de l’auteur, un aperçu synthétique de son œuvre ainsi qu’une bibliographie. Ceci permet de rendre compte des contextes d’élaboration de la philosophie au lieu de privilégier une approche thématique ou disciplinaire. Le Dictionnaire comprend néanmoins des outils précieux pour permettre au lecteur, outre la recherche d’informations précises sur tel ou tel philosophe, de se faire une idée des courants et des thématiques majeurs de la philosophie française du XVIIe siècle. Il s’agit d’une part des huit introductions thématiques, dont plusieurs sont d’un intérêt certain pour les lecteurs de notre Revue. Ainsi, l’article « Controverses religieuses et naissance de la République des lettres », rédigé par Antony McKenna, rappelle non seulement les grandes lignes de la Réforme augustinienne (ou « janséniste ») ainsi que de la « rivalité apologétique » de Malebranche et Pascal au sein de la Contre-Réforme ; il évoque également différents courants philosophiques auxquels se heurte la foi religieuse, tels le scepticisme et le naturalisme spinoziste, qui ont profondément marqué la philosophie dite « clandestine » (à laquelle est d’ailleurs réservée une autre introduction thématique) ; l’article de McKenna traite enfin de la Réforme protestante et de la forte dynamique transnationale créée par les philosophes réfugiés auxquels sont réservés des notices dans ce dictionnaire. On peut également penser à l’article « “Libertins” et esprits forts » issu de la plume d’Isabelle Moreau, qui rend compte des réseaux ainsi que des méthodes utilisés pour diffuser les idées hétérodoxes en France. Outre les introductions, il faut aussi mentionner l’Index, qui est d’une grande utilité pour exploiter au mieux les informations comprises dans l’ouvrage. On y trouve notamment les noms de philosophes qui ont connus une réception importante en France, mais auxquels aucune entrée n’a pu être réservée parce qu’ils ne comptent pas parmi les philosophes français, même entendu dans le sens large adopté par l’équipe directrice du Dictionnaire, et qui comprend par exemple les huguenots exilés. On peut mentionner comme exemples Thomas Hobbes – qui a passé de nombreuses années à Paris, faisait partie du cercle de Marin Mersenne et dont on connaît par exemple les objections adressées aux Méditations de Descartes –, Spinoza et les références à son œuvre pour fonder une philosophie matérialiste dans les manuscrits clandestins, ou encore Leibniz, qui adopta le français comme une de ses langues philosophiques de prédilection. Mais l’Index, qui se veut « historique et raisonné », renvoie également aux matières les plus importantes dont il est question dans les notices ainsi que, par exemple, à des ouvrages publiés anonymement, tel le fameux Traité des trois imposteurs. Grâce à l’expertise rassemblée dans cet ouvrage, ce dictionnaire constitue un outil incontournable pour explorer la philosophie française du XVIIe siècle.