Flavius Josèphe, Les Antiquités juives
Volume VI : Livres XII à XIV, Établissement du texte, traduction et notes par François Villeneuve, Étienne Nodet, Anca Dan et Édith Parmentier. Avec la collaboration de Marie-Christine Marchelesi et Laurianne Seve, Paris, Éditions du Cerf (collection « Œuvres de Flavius Josèphe et études »), 2021, LXVI + 281 p.
S’il a fallu de nombreuses années de travail collectif pour la préparation de ce VIe tome des Antiquités juives de Flavius Josèphe, le résultat est vraiment remarquable à tous égards. D’abord, par l’intérêt des Livres XII à XIV, qui couvrent l’histoire de la Judée depuis les troubles qui ont suivi la mort d’Alexandre le Grand jusqu’à la mort d’Antigone, le dernier monarque asmonéen, c’est-à-dire de 323 à 37 av. J.-C., avec la crise maccabéenne (167 à 164 av. J.-C.) comme pièce maîtresse. Remarquable également est l’établissement des diverses sources utilisées par Josèphe, puis l’examen de ces sources et la manière dont il les traite. La traduction française, qui se veut aussi précise qu’il est possible de l’être et attentive aux difficultés du texte, est fluide et agréable à lire, et les très nombreuses notes explicatives, historiques et linguistiques, qui accompagnent tout à la fois la version grecque et la traduction sont d’une grande utilité pour comprendre le sens du texte, ainsi que les allusions et les intentions de Josèphe.
Il nous semble important de donner ici les conclusions de l’introduction auxquelles sont arrivés les collaborateurs de cette édition : « Josèphe a certainement su réunir une documentation impressionnante, incluant aussi bien des pièces d’archives que des traditions populaires ; il s’est efforcé de ne rien perdre, mettant tout sur le même plan, d’où diverses incohérences. Bien qu’il ait connu au moins une partie des œuvres de Philon, il n’était pas philosophe, mais il a arrangé sa matière selon ses convictions qu’on peut regrouper en quatre points qui apparaissent dans les livres 12 à 14 :
1. Il tient à souligner une continuité du judaïsme, de Moïse à lui-même, fondée sur la Bible et la succession des grands prêtres de Jérusalem, au moins jusqu’aux asmonéens, les samaritains du Garizim n’étant que des dissidents opportunistes.
2. Il s’est efforcé de situer la Judée dans l’histoire générale du Proche-Orient, alors que les historiens ne la remarquent guère avant Antiochos III (200 av. J.-C.), et ne la tiennent pour une réalité politique qu’avec les grands prêtres asmonéens, à partir de Simon, reconnu par Rome (142 av. J.-C.).
3. Disciple de Polybe, il suit la progression de la domination romaine, et considère que, contrairement aux régimes d’Égypte et de Syrie, c’est la seule entité politique qui puisse garantir une certaine tranquillité en fournissant une sorte d’ombrelle. Se voulant aristocrate, il s’intéresse peu à la vie quotidienne du peuple, car pour lui l’histoire est faite par les rois ; sans les interminables guerres et luttes de palais, il aurait peu à dire.
4. Il tient à l’identité juive et aussi à son caractère séparé, ce qui irritait les auteurs gréco-romains. Il est adepte d’un monothéisme rationnel, un peu à la manière stoïcienne, mais il n’a pas une doctrine claire de l’élection d’Israël ».
De précieuses cartes géographiques nous aident à visualiser la complexité des événements, et les arbres généalogiques des dynasties royales et sacerdotales nous permettent de ne pas mélanger les noms, souvent semblables d’une génération à l’autre. Pour les noms propres, les contributeurs ont repris les conventions adoptées par la Bible de Jérusalem ou, le cas échéant, l’usage de la collection Budé. C’est dire que nous disposons, pour la première fois, en français, d’une édition de référence très soignée de ces trois Livres des Antiquités juives, laquelle nous ouvre à une meilleure compréhension de la lecture des deux Livres des Maccabées, et honore aussi le projet de l’édition complète qui a commencé dès 1992 aux éditions du Cerf.