Foi hollandaise et foi flamande ?
Les limites d’une géographie artistique et confessionnelle au XVIIe siècle
À la fin du XVIe siècle, les anciens Pays-Bas ayant jadis appartenu à la Grande Principauté de Bourgogne puis au Saint-Empire sont désormais divisés en deux pays distincts. Au sud se trouvent les Pays-Bas espagnols, qui sont toujours placés sous l’autorité des Habsbourgs. Ils sont majoritairement catholiques, et ils connaissent un véritable renouveau artistique sous l’impulsion de la Contre-Réforme et des peintres qui la soutiennent – Peter Paul Rubens, Anton van Dyck, Jacob Jordaens. Au nord, au contraire, les Provinces-Unies, dites Sept-Provinces, constituent une république indépendante, issue de la révolte menée par Guillaume d’Orange et ses successeurs. Majoritairement calviniste, le pays ne dispose ni d’une cour monarchique, ni d’églises accueillant les œuvres d’art ; mais il connaît un essor économique et financier sans précédent, favorisé par le développement d’un marché de l’art florissant, qui accompagne le développement des genres artistiques et l’émergence de nouveaux peintres, comme Frans Hals, Rembrandt van Rijn ou Johannes Vermeer.
Voici résumés en quelques mots les lieux communs pour ne pas dire les clichés les plus couramment utilisés, depuis le XIXe siècle, dans un grand nombre d’études consacrées à l’histoire de l’art des Pays-Bas du XVIIe siècle. Pourquoi ces clichés ont encore la vie dure ? Sans doute, pour commencer, parce que ces clichés, en tant que clichés, ne sont pas totalement faux. Ils se fondent sur une littérature de seconde main ou désuète, qui véhicule des opinions parfois proches de la vérité historique, mais plus généralement approximatives et incomplètes. Ces approximations méritent toutefois d’être contredites, en reposant ici deux questions simples, mais essentielles. Peut-on considérer, comme on le dit souvent, qu’il existe une véritable distinction entre les pratiques artistiques des Pays-Bas septentrionaux et méridionaux, protestantes et catholiques ? Et quelle place la foi religieuse tient-elle réellement dans la production artistique néerlandaise du XVIIe siècle ? Pour répondre à ces questions, mais aussi mettre en évidence les problèmes qu’elles posent subsidiairement, nous proposons de les regrouper en trois familles d’arguments : les arguments essentialistes, causalistes et généralisateurs.
1. Les arguments essentialistes
L’approche essentialiste, consistant dans la croyance attribuant une existence substantielle ou objective aux idées générales, est, on le sait, difficilement compatible avec le discours scientifique, que ce dernier concerne les sciences exactes, humaines ou sociales. Dans The Poverty of Historicism (1957), Karl Popper a déjà plaidé pour l’unité méthodologique de ces sciences, artificiellement ou maladroitement distinctes, et souligné également que leur fonction n’était pas d’établir prophétiquement les lois du développement historique, mais de proposer, comme il le dit ailleurs, « un conglomérat de problèmes et d’essais de solutions, qui a été délimité et construit artificiellement »1. Or c’est précisément ce sens des « problèmes » ou de la « problématique »2 qui manque trop souvent à l’essentialisme historique, qui préfère toujours privilégier la simplicité accessible des phénomènes à la complexité dérangeante de leur explication :
C’est tout le drame de « l’explication dans les sciences » qu’il faut évoquer : pourquoi explique-t-on et à qui explique-t-on ? Sans doute on explique à qui a besoin d’explication, à qui ne sait pas. Mais sait-il un peu et veut-il savoir davantage ? Et si l’ignorant veut savoir davantage est-il prêt à savoir autrement ? Est-il prêt à recevoir progressivement toute la problématique du sujet étudié ? Bref, s’agit-il de curiosité ou de culture ? Si « l’explication » n’est qu’une réduction à la connaissance commune, à la connaissance vulgaire, elle n’a rien à voir avec l’essentielle production de la pensée scientifique. Or trop souvent, répétons-le sur ce point précis de notre discussion, la philosophie questionnant le savant lui demande de réduire la connaissance scientifique à la connaissance usuelle, voire à la connaissance sensible. Il remonte les siècles pour retrouver l’heureuse naïveté des intuitions premières3.
Même son de cloche chez Popper : « Tout semble se passer effectivement comme si les historicistes essayaient de se consoler de la perte d’un monde immuable en s’accrochant à la croyance que le changement peut être prévu par une loi immuable »4.
Les arguments essentialistes concernant l’histoire des rapports entre art et religion dans les Pays-Bas du XVIIe siècle tournent autour de trois grandes affirmations. La première est qu’il existerait alors deux pays clairement distincts : les Pays-Bas espagnols, d’un côté, et les Provinces-Unies, de l’autre. Nous n’insisterons pas, ici, sur la fragilité d’une telle affirmation, depuis longtemps remise en question5. Certes, la signature de la Trêve de Douze Ans (1609) puis des traités de Westphalie (1648) a affirmé puis confirmé la division politique des Dix-Sept-Provinces issues des Pays-Bas bourguignons6. Mais cette division dissimule de fortes disparités et ce que l’on pourrait appeler, après Walther Rathenau, une forme de balkanisation de ce territoire politique7.
Ces disparités sont d’abord géographiques. Le sud des Pays-Bas espagnols n’a jamais cessé d’être contesté puis annexé par la France, à la fin du XVIIe siècle, notamment lors de la Guerre de Hollande (1672-1678)8. Il convient également de tenir compte de la situation ambivalente de la province rurale de Drenthe, qui n’a pas droit de vote aux États-Généraux, mais aussi du sud des Provinces-Unies. Ce « pays de la Généralité » (Generaliteitslanden), qui représente près de 20 % du territoire des Pays-Bas septentrionaux, est directement gouverné par les États Généraux, mais est constitué de seigneuries et d’enclaves souvent réfractaires au pouvoir central. Ces disparités sont également, de fait, d’ordre politique. Au Sud comme au Nord, le pouvoir est puissamment décentralisé, au bénéfice de provinces ou de villes qui sont partiellement autonomes9. Il faut ajouter que la principauté de Liège, qui n’appartient pas à l’Empire, forme tout de même une enclave à l’intérieur des Pays-Bas méridionaux, gouvernée par des descendants des ducs de Bavière, tout comme il convient de rappeler la cogestion de la ville de Maastricht, par Liège et les Provinces-Unies10.
À ces disparités, il faut ajouter la grande mobilité des acteurs de la vie artistique et confessionnelle. Comme l’a montré Gerrit Verhoeven, les voyages entre le Nord et le Sud sont fréquents, qu’ils soient liés aux activités professionnelles ou personnelles des citoyens, cultivant le goût des « petits voyages de plaisir » (plaisiereijses) et des « petits déplacements d’été divertissants » (divertissante somertogjes)11. Un passeport ou un laissez-passer suffit à traverser la frontière. Il n’est pas difficile, donc, de faire le chemin entre Anvers et Amsterdam – par bateau, en ferry, sur mer, sur les fleuves et les rivières ou le long des canaux, ou encore à cheval : les deux villes se rejoignent en dix heures au trot. Ces facilités expliquent le nomadisme de la plupart des artistes néerlandais, qui remet en cause la pertinence historique de la notion d’« École »12. Le cas d’Adriaen Brouwer [fig. 1] est typique. Ce peintre né près de Gand, formé et actif à Amsterdam et Haarlem, avant de revenir dans le sud des Pays-Bas en 1631, a été imité aussi bien à Anvers et à Bruxelles (David Teniers II, Joos van Craesbeeck, David Ryckaert III) qu’à Haarlem (Adriaen van Ostade) ou Rotterdam (Herman et Cornelis Saftleven)13. Malgré la division politique des deux pays, on ne peut donc parler d’une identité géographique forte des Pays-Bas du sud et du nord. Il est intéressant de constater, de ce point de vue, que les deux pays cherchent à faire valoir des symboles souvent interchangeables14. Dans certaines cartes géographiques [fig. 2], le célèbre Leo Belgicus (Lion Belgique) symbolise l’unité territoriale et politique des anciens Pays-Bas. Mais dans d’autres [fig. 3], le même lion devient le nouvel emblème des Provinces-Unies (Leo Hollandicus), au prix de quelques transformations de sa silhouette et de son attitude.
Mais dans ce cas, peut-on parler – et c’est là la deuxième affirmation essentialiste – d’un art spécifiquement « flamand » et d’un art spécifiquement « hollandais » ? Pour répondre à cette question, il s’agit de souligner que cette distinction elle-même a une histoire. Au XVIe siècle, tous les textes étrangers, notamment italiens, renvoient à la même entité : celle d’un art « flamand ». Ainsi de Michel-Ange qui, dans ses dialogues avec Francisco de Hollanda, parlent de la « peinture flamande » pour évoquer l’ensemble des peintres issus des Pays-Bas15. Dans son Schilder-boeck (1604), Karel van Mander ne procède pas autrement. Il associe les peintres allemands (hooghduytschen), venus d’Allemagne (Duytschlandts), et les peintres néerlandais (nederlanders ou nederduytsche), venus des Pays-Bas, dans leur ensemble (Neder-landt)16. Cette unité des Pays-Bas, on la retrouve dans tous les recueils de vie et traités néerlandais, jusqu’au début du XVIIIe siècle. Chez Cornelis de Bie, un peintre comme Philippe de Champaigne, actif en France, est considéré comme « de Bruxelles » et non comme « français »17. À la fin du XVIIe siècle, Roger de Piles parle encore de ce qu’il appelle l’« École allemande et flamande », qui va des frères Van Eyck jusqu’à Caspar Netscher, en passant, par exemple, par Albrecht Dürer, Hans Holbein, Peter Paul Rubens, Isaac Oliver et Rembrandt van Rijn18. Et au XVIIIe siècle, la situation ne change guère. En 1745, l’Abrégé de la vie des plus fameux peintres, écrit par Antoine Dezallier d’Argenville, parle de l’« École de Flandre », en opposition à l’« École d’Italie » et l’« École française »19. Il précise, non sans ambiguïtés, que :
l’École de Flandre renfermera quatre parties ou pays : les Allemands, dont Albert Dürer et Holbein seront les chefs ; les Hollandais auront Lucas de Leiden ; les Flamands Jean Stradan ; & les Anglois Guillaume Dobson. Tous ces peintres semblent n’avoir eu qu’un maître ; ils ont en général la même manière, qu’on appelle ordinairement le goût flamand20.
Et si, en 1753, Jean-Baptiste Descamps écrit un livre intitulé La Vie des peintres allemands, flamands et hollandais, ces termes suivent sous sa plume une logique de naissance ou d’activité géographique et non une logique artistique. Le groupe des peintres « flamands » et « hollandais » est régulièrement regroupé sous l’appellation de « peintres flamands », tout comme le territoire des anciens Pays-Bas bourguignons est souvent assimilé à celui des « Flandres ».
L’invention d’une distinction de l’« art flamand » et « hollandais » date du XIXe siècle et de la création du royaume de Belgique, après la révolution belge de 1830 et la signature de la Convention de Zonhoven (1833)21. À partir de ces années, on voit exploser le nombre de travaux universitaires distinguant désormais l’art des Flandres et des Provinces-Unies – à l’exception notable des études consacrées à la gravure, un art plus mobile et, donc, plus « international »22. Les arguments patriotiques prennent désormais le pas sur les enjeux scientifiques. L’art du passé est convoqué pour justifier le pouvoir présent, légitimer les nouvelles frontières et construire une identité moderne. C’est ainsi qu’en 1854, deux ans après que la statue de Rembrandt [fig. 4], conçue par Louis Royer, est installée sur le Botermart d’Amsterdam, Alfred Michiels consacre un livre à Rubens et l’« École d’Anvers », dont il ne dissimule pas la dimension encomiastique : « Chercher, explique-t-il, comment les arts du dessin, en des temps plus éloignés encore, débutèrent sur les rives de l’Escaut, ne sera aux yeux de personne un travail sans intérêt et sans importance. »23
À ces arguments historiques, il faudrait ajouter des arguments méthodologiques. Sur les critères faudrait-il en effet se fonde pour marquer la distinction nationale entre les artistes néerlandais ? Le lieu de naissance ? Dans ce cas, Antoine Watteau, né à Valenciennes, est un peintre hennuyer, et Peter Paul Rubens, né à Siegen, un artiste germanique. Le lieu de mort ? Que faire, alors, de Jacob van Loo, mort à Paris, que les historiens de l’art étudient aussi bien dans le cadre néerlandais et français24, et de sir Peter Lely, décédé et anobli à Londres, mais né dans les Provinces-Unies sous le nom de Pieter van der Faes et formé à Haarlem ?25 Le lieu de formation et d’activité ? À Rome, Pieter van Laer, dit le Bamboche, est un peintre néerlandais parce qu’il a été formé à Haarlem et qu’il fréquente la communauté locale des artistes nordiques26. De retour aux Pays-Bas, pourtant, il est pratiquement considéré comme un peintre italien27. Dans la même logique, il faudrait considérer que les artistes néerlandais actifs à la cour praguoise de Rodolphe II, sont « germaniques », à moins qu’ils ne dépendent d’un « art international », irréductible aux identités géographiques28. Et que faire de Willem Kalf, et des peintres néerlandais qui se sont d’abord fait connaître à Paris, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés ?29 La manière ? L’œuvre de Willem Claesz. Heda est souvent présenté comme spécifiquement « hollandais »30. Mais dans ce cas, Cornelis Mahu et Alexander Adriaenssen, ses imitateurs anversois, sont-ils des artistes flamands ou hollandais ?31 Les mêmes problèmes se posent pour les peintres néerlandais qui, revenus de Rome, ont développé une manière imitant celle du Caravage, de Jusepe de Ribera ou de Bartolomeo Manfredi, comme Hendrick ter Brugghen ou Gerrit van Honthorst32. Faire primer une logique de la manière reviendrait à considérer ces peintres comme des artistes « italiens », tout comme le jeune Sébastien Bourdon, fidèle aux leçons du Bamboche et de Nicolas Poussin, deux artistes souvent considérés comme essentiellement français dans l’historiographie du « Grand Siècle », mais dont les activités sont fondamentalement associées à Rome.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est donc pas simple de déterminer la nationalité « flamande » ou « hollandaise » d’un artiste. Il faudrait ajouter – et ce sera le troisième et dernier enjeu essentialiste qu’il s’agirait de critiquer ici – qu’il n’est pas plus aisé de dire d’un artiste s’il est « catholique » ou « protestant ». Comme l’a montré Benjamin Kaplan, de nombreuses familles néerlandaises sont partagées entre les confessions33. Dans les Pays-Bas espagnols, les décisions politiques ont souvent été fort défavorables, voire hostiles, envers les luthériens et les calvinistes ; mais les persécutions se sont raréfiées au début du XVIIe siècle, sous l’impulsion des archiducs Albert et Isabelle d’Autriche34. La conversion de Jacob Jordaens, qui choisit de renoncer au catholicisme pour entrer dans l’Église réformée, répond peut-être à ses convictions, influencées par son maître et beau-père, Adam van Noort, mais aussi, paradoxalement, à son ambition de pouvoir peindre pour des catholiques comme pour des protestants et de transgresser ainsi les limites des communautés confessionnelles35.
Dans les Provinces-Unies, l’Église réformée est la seule Église publique (publieke kerk) ; mais rien n’oblige un citoyen de se convertir au calvinisme36. Vers 1650, seule la moitié de la population de la République appartient à l’Église réformée, mais ces membres ne sont pas tous affiliés de plein droit (lidmaten), beaucoup parmi eux, notamment dans les grandes villes hollandaises, étant de simples « auditeurs » (toehoorders) ou « amateura » (liefhebbers), fort critiques à l’égard de certaines prétentions politiques de leur communauté. À la même époque, les catholiques représentent encore près d’un tiers de la population, le reste des citoyens étant de confession anabaptiste, mennonite, juive, quand une minorité de savants éclairés ne pose pas les bases d’un athéisme croissant37. Les mariages ne sont d’ailleurs pas rares, mêlant catholiques, calvinistes et luthériens, pas plus que les conversions, au Nord comme au Sud.
Le cas de Rembrandt van Rijn est symptomatique de cette complexité des rapports confessionnels dans les Provinces-Unies du XVIIe siècle en général, et dans les réseaux sociaux et familiaux des artistes en particulier38. Fils d’un meunier et d’une fille de boulanger leydois, il naît dans une famille pluriconfessionnelle. Pour la famille catholique de son père et de sa mère, l’instauration de la Réforme à Leyde avait été une véritable catastrophe, entraînant l’exclusion des postes officiels de ses membres qui, nombreux, refusaient de se convertir et d’entrer dans l’Église réformée. Seul le père de Rembrandt, Harmen Gerritsz. Van Rijn, parmi ses frères et sœurs, fait ce choix. Cette structure familiale, qui n’aidera guère Rembrandt à obtenir ses premières commandes à Leyde, au début de sa carrière, explique aussi les liens étroits que le peintre cultivera toute sa vie avec ses amis et sa clientèle catholique, mais aussi la suspicion avec laquelle il fut considéré, notamment sur le plan religieux et politique. Cet aspect religieux explique en grande partie le choix fait par les parents de Rembrandt de retirer leur enfant, qui a fréquenté l’école latine de sa ville, de l’université de Leyde où il s’est inscrit quelques mois plus tôt, le 20 mai 1620, à l’âge de quatorze ans. Il est possible que cette exmatriculation soit une des conséquences de la décision du prince, en octobre 1618, après le coup d’État contre les provinces de tendance arminienne, de déposer le gouvernement de Leyde et de le remplacer par une administration acquise à sa cause et recrutée parmi les rangs calvinistes. Cette politique semble avoir touché un certain nombre des membres de l’école latine et de l’université, où la famille de Rembrandt n’était probablement pas considérée comme suffisamment fiable. Le fait que les parents du jeune garçon, dont son premier biographe, Jan Jansz. Van Orlers, nous dise qu’il « n’avait une inclination naturelle que pour la peinture et le dessin »39, fassent le choix de le placer dans l’atelier de Jacob Isaacsz. van Swanenburgh, confirme sans doute ce contexte où se mêlent enjeux politiques, religieux et artistiques. Van Swanenburgh appartenait en effet à une famille notoirement catholique, dont de nombreux membres avaient officié à des postes prestigieux au sein de l’administration leydoise40. Le propre père du peintre, Isaac Claesz. Van Swanenburgh, avait été non seulement l’un des principaux peintres leydois durant la seconde moitié du XVIe siècle, mais aussi siégé au conseil municipal, élu conseiller à treize reprises et cinq fois bourgmestre, et cela jusqu’à sa mort41. Après leur exclusion des principaux postes officiels de Leyde, les Van Swanenburgh se sont par ailleurs faits connaître pour leurs sympathies ouvertement arminiennes. Enfin, on sait les liens étroits que Rembrandt a tissés, tout au long de sa vie, avec les milieux mennonites, mais aussi avec certains membres de la communauté juive – même si ces liens, particulièrement mis en valeur au XIXe siècle, ont été fortement surévalués.
2. L’argument causaliste
À ces arguments essentialistes, touchant à la géographie artistique et confessionnelle, s’ajoutent des arguments causalistes, qui consistent à établir entre des faits déterminés des relations considérées comme nécessaires et mécaniques. Ces arguments concernent, nous semble-t-il, deux affirmations.
La première de ces affirmations est qu’il existerait des liens étroits entre les spécificités sociales et professionnelles de l’art et du marché de l’art ouvert dans les Provinces-Unies et les Pays-Bas du Sud et les formes artistiques qui y ont été pratiquées. Cette affirmation repose sur trois lieux communs principaux qu’il est utile de déconstruire. Le premier concerne la relation privilégiée que l’art hollandais aurait entretenue avec le marché de l’art ouvert, qui aurait permis le développement de pratiques et de genres particuliers à la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Ce lieu commun, qui a longtemps couru dans l’historiographie, peut être aujourd’hui remis en cause. Les recherches récentes ont souligné l’importance du marché de l’art ouvert dans les Pays-Bas du Sud, également, et plus particulièrement à Anvers et à Bruxelles, qui n’ont rien à envier à Amsterdam42. Quant à la spécialisation des genres, il s’agit d’un phénomène que l’on a trop longtemps cantonné aux seuls Pays-Bas, alors qu’il s’agit d’une situation artistique européenne, que l’on retrouve en Italie, en France, en Grande-Bretagne, et qui est en grande partie liée à l’augmentation considérable de la production de tableaux et à l’internationalisation des échanges commerciaux dans l’Europe de la fin du XVIe siècle.
Les deuxième et troisième lieux communs concernent la spécificité de la situation hollandaise, qui, en l’absence d’une cour monarchique et d’un clergé disposant d’églises, n’aurait pas permis aux peintres locaux de s’illustrer dans le domaine de la peinture d’histoire et les aurait donc poussés vers d’autres genres. Les recherches menées depuis trente ans ont permis aux historiens de l’art de renoncer à cette conception simplificatrice. Les travaux pionniers d’Albert Blankert, mais aussi, plus récemment, d’Angela Jager ont permis de montrer que la peinture d’histoire occupe une place absolument centrale dans la production artistique du nord des Pays-Bas – tant en termes de quantité que de qualité43. Par ailleurs, même si les Provinces-Unies ont fait le choix d’un système républicain, elles continuent à disposer d’une véritable cour informelle, constituée par la famille et l’entourage des Orange-Nassau44. À La Haye et dans ses palais princiers, cette cour fait appel à de nombreux artistes néerlandais. Après 1647, et la mort de son époux, Frédéric-Henri d’Orange-Nassau, Amalia von Solms fait redécorer l’Huis ten Bosch [fig. 5], en faisant appel à de nombreux artistes néerlandais. Aucune distinction, ni politique ni religieuse, ne semble avoir joué : le catholique Van Honthorst est actif dans les Provinces-Unies, tandis que le calviniste Jordaens travaille à Anvers45. Il faut également rappeler l’importance des institutions locales qui, à l’instar des municipalités et des associations de charité, sont de puissantes pourvoyeuses de commandes officielles46. Lors de la construction et de la décoration de l’hôtel de ville d’Amsterdam, commencées en 1648 (date symbolique, s’il en est, pour les Provinces-Unies), les bourgmestres de la ville font appel autant à des peintres locaux qu’à des artistes issus des Pays-Bas espagnols, comme Artus et Erasmus Quellinus47. Quant aux fameuses « églises cachées » ou « clandestines » des catholiques (huiskerken ou schuilkerken), dans les Pays-Bas du Nord, on sait, aujourd’hui, non seulement qu’elles n’étaient ni vraiment cachées, et en aucun cas clandestines, mais qu’elles étaient présentes dans la plupart des grandes villes hollandaises, qu’elles recevaient de nombreux fidèles, dont elles aidaient à la structuration de la communauté, et qu’elles constituaient des sources importantes de commandes religieuses pour les artistes et les artisans48.
La deuxième affirmation causaliste que nous souhaiterions évoquer ici est qu’il existerait des liens étroits et quasi mécaniques entre la foi des artistes et leur production artistique. Une nouvelle fois, cette idée, séduisante de prime abord, se heurte à de nombreuses difficultés. Rubens a beau être catholique depuis son plus jeune âge, et travailler pour l’Europe catholique, c’est à lui que font appel les plus riches et les plus puissants princes protestants, dans des contextes d’ailleurs fort complexes. C’est ainsi qu’entre 1629 et 1634, le peintre anversois travaille pour Charles Ier d’Angleterre, qu’on ne peut soupçonner de sympathies catholiques, en vue de réaliser le plafond de la Banqueting House, à Londres, qui glorifie la mémoire du père du roi, un catholique, Jacques Ier49. C’est ainsi, également, que la plupart des grandes compositions de Rubens, gravées ou non, font l’objet de reprises directes chez les peintres du nord des Pays-Bas, dans une manière parfois très proche du peintre catholique, comme le montrent les tableaux du mennonite amstellodamois Jacob Adriaensz Backer50.
On a souvent affirmé, il est vrai, que le protestantisme hollandais s’était partiellement construit contre le culte des images ou, tout du moins, dans un contexte peu enclin à l’iconodulie51. Cette vision est sans doute juste ; mais elle est aussi schématique en ce qu’elle néglige deux points fondamentaux. D’une part, cette position de principe concerne surtout les calvinistes les plus orthodoxes, qui ne constituent pas, loin de là, la majeure partie de l’Église réformée néerlandaise52. Les peintres, qui font profession des images, ne peuvent que difficilement suivre les préceptes de Calvin ad litteram. Les querelles théologiques qui ont accompagné les différentes parties de l’Église réformée hollandaise, au XVIIe siècle, ont été probablement plus violentes que les débats entre les catholiques et les protestants qui, durant la même période, se sont sensiblement pacifiés53. La violence a été telle, d’ailleurs, que les catholiques ont été perçus comme les meilleurs alliés des remonstrants et des arminiens, issus de la frange libérale du calvinisme hollandais. Ainsi peut-on expliquer que Johannes Vermeer, un peintre, de confession catholique, ait peint près d’un tiers de son œuvre pour Pieter Claesz van Ruijven, un commanditaire qui faisait notoirement partie du milieu des calvinistes remonstrants54. Ainsi est-il également compréhensible que Thomas de Keyser, un calviniste proche des milieux arminiens, ait peint des portraits pour les familles catholiques, et même un retable pour l’église de Notre-Dame de Huissen, en Gueldre55. En réalité, les peintres sont nombreux, dans les Provinces-Unies, à s’intéresser à des sources bien éloignées de l’orthodoxie. Samuel van Hoogstraten, un ancien mennonite devenu réformé, cite abondamment, dans son Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst (Introduction à la haute école de l’art de peinture, 1678), les Annales ecclésiastiques du prêtre oratorien Cesar Baronius ainsi que les textes de Johannes van Neercassel, alors archevêque d’Utrecht – des sources en principe fort peu recommandables pour qui se voudrait un calviniste authentique56. Pour bon nombre de ces peintres, au Nord comme au Sud de la Meuse, l’enjeu n’est pas de privilégier un corpus de sources spécifique, au nom d’une foi personnelle, mais de faire feu de tout bois, en privilégiant les sources textuelles et visuelles les plus commodes, mais aussi en répondant aux attentes et au goût de leurs clients. C’est ainsi que l’on peut comprendre comment Jan van Bijlert, un membre éminent de l’Église réformée d’Utrecht, accepte de peindre une Vocation de saint Matthieu pour l’église catholique Sint-Maria de Mindere de sa ville. La référence à la célèbre composition du Caravage, qu’il a vue à Rome, dans la chapelle Contarelli de l’église Saint-Louis-des-Français, ne répond pas à un soi-disant « goût caravagesque ». Il s’agit d’abord d’ancrer son tableau dans une tradition visuelle qu’il associe, dans son imaginaire, à une identité proprement catholique et romaine, et cela sans interférer avec ses propres convictions. Rien n’interdit de penser que les variations néerlandaises autour du tableau du Caravage répondaient aux mêmes enjeux identitaires ou communautaires57.
D’autre part, l’idée que la Parole divine, c’est-à-dire scripturaire, prime sur l’image, est partagée par la grande majorité des protestants, mais aussi par une bonne partie des catholiques, ce qui n’empêche pourtant ni les uns ni les autres de faire appel à la puissance des images, textuelles ou visuelles, pour accompagner le mouvement de la foi. En réalité, et si l’on excepte la frange des radicaux, catholiques ou calvinistes, qui sont minoritaires dans les deux pays, la grande majorité de la population néerlandaise accepte le principe du pluralisme confessionnel. Elle partage des valeurs communes, fondées sur une morale chrétienne de type syncrétique, pour ne pas dire œcuménique. Une morale commune, constituée de gestes et d’objets en partage : des gestes quotidiens, comme la prière, le bénédicité et la lecture de la Bible ; et des objets, comme les recueils d’emblèmes italiens, français et néerlandais, ou les manuels de morale domestique du calviniste Jacob Cats, lus au Nord comme au Sud du Rhin58. Cette morale explique qu’y compris dans les milieux protestants, les Vierges et les saints ne disparaissent pas des collections particulières et des murs des habitations. Elle permet également de mieux saisir l’importance de l’image gravée, qui construit l’un des espaces où la circulation des images est la moins entravée par la division politique des anciens Pays-Bas.
Pas plus que les affirmations essentialistes, ces affirmations causalistes ne sont donc satisfaisantes pour comprendre de façon nuancée et complète les relations entre les pratiques et les confessions des artistes néerlandais. Parce que ces affirmations sont trop générales, elles ont tendance à plaquer, sur la complexité des phénomènes qu’elles sont censées décrire, des analyses schématiques et prêtes à l’emploi.
3. L’argument généralisateur
Ce problème de la généralisation constituera un troisième et dernier argument que j’aimerais examiner ici, en appelant « généralisatrice » l’affirmation consistant à faire valoir des vérités générales plutôt que des analyses spécifiques, propres aux objets qu’elle étudie, et, de ce fait, à ne pas faire de différence réelle entre le droit et le fait. On sait que cette différence est fondamentale, notamment dans le domaine de l’histoire des religions. C’est cette différence qui permet de distinguer ce qui relève de la doctrine et ce qui regarde les pratiques quotidiennes de la foi, souvent fort différentes. Nous en donnerons deux exemples.
Le premier est la monumentale histoire des Pays-Bas modernes (Neerderlandsche Historien [Histoires néerlandaises]), commencée en 1647 par Pieter Cornelisz. Hooft et qui développe des idées hostiles à la vulgate calviniste59. Hooft présente, dès les premières pages de cette histoire de la révolte hollandaise, Charles Quint comme le « Néerlandais le plus fameux » de l’histoire. Il décrit la guerre d’indépendance comme le résultat de la politique personnelle de Philippe II. Il ne condamne pas le pouvoir des Habsbourg, mais la volonté, exprimée par le fils de Charles Quint, de diviser son propre pays. Il évoque bien les prédications calvinistes, qui défendaient le principe d’une justification divine de l’indépendance. Mais il le fait avec prudence, en soulignant que la naissance des Provinces-Unies était le résultat de contingences historiques, et non la conséquence de la Providence. Il n’était pas, selon lui, dans le destin des Hollandais de prendre leur indépendance, mais de conserver leur autonomie, sur le modèle de Claudius Civilis, ce chef batave de l’Antiquité qui a permis à son peuple d’accéder à la liberté sans renier son éducation et ses valeurs romaines.
Le deuxième exemple est le traité de Münster signé en 1648, dans le cadre de la paix de Westphalie, qui a permis la reconnaissance officielle des Provinces-Unies et des Pays-Bas espagnols. Les calvinistes orthodoxes y sont hostiles. Ils considèrent la guerre contre l’Espagne comme une croisade contre le papisme. Ils sont majoritaires au sein et autour des instances dirigeantes des Provinces-Unies, et, a fortiori, après la victoire formelle des gomaristes sur les arminiens. Pourtant, leurs idées sont minoritaires dans les cercles savants et artistiques, ainsi que dans la population. Le traité de Münster, en effet, est vécu par une large majorité de la population néerlandaise comme un véritable soulagement, comme une libération, et comme une promesse de bonheur, largement célébrée par la gravure et la peinture [fig. 6]. De façon paradoxale, cette séparation de fait entre les Pays-Bas espagnols et les Provinces-Unies rend désormais possible une réconciliation. Dans sa pièce de théâtre historique, Leeuwendalers, écrite en 1647 pour célébrer la conclusion annoncée du traité de Münster, Joost van den Vondel met en scène deux communautés qui, depuis des décennies, s’opposent l’une à l’autre en sacrifiant chaque année un jeune homme pour satisfaire la soif d’une divinité de la Guerre, appelée l’Homme Sauvage. Or dans cette pièce, la guerre n’est pas présentée sous la forme d’un conflit entre deux pays, mais entre les deux quartiers d’une même ville. Et la Paix n’advient pas par la division du village, mais lorsque le prince du quartier sud offre à celui du quartier nord « une liberté pour elle-même » (een Vryheid op zichzelf), c’est-à-dire non pas une indépendance, mais une autonomie. Cette acceptation de la séparation des deux territoires permet ainsi, paradoxalement, la restauration de l’unité ancienne de la communauté. Une restauration qui prend la forme d’un mariage entre une jeune fille du Nord, appelée Hageroos (« la rose de La Haye ») et un jeune homme du sud, Adelaert (« La nature de l’aigle »). Lorsque les noces ont lieu, le chœur s’exclame : « Le Sud et le Nord, tout comme ce couple, / Se réunit dans le mariage. »60
Ce paradoxe d’une division qui favorise la réconciliation est également mis en scène par les artistes. Chez Gerard ter Borch [fig. 7], cette réconciliation par la séparation est métaphorisée sous la forme du serment61. Chez Adriaen van de Venne, le fleuve illustre la séparation des deux pays, en 1614 ; mais il est aussi le motif qui les réunit, par la force de l’image [fig. 8]62. Et chez Johannes Vermeer, enfin, la carte à l’arrière-plan de l’Art de peinture reconstitue, de façon performative, l’unité perdue, mais encore vivante et voulue, des Pays-Bas [fig. 9]63.
La plupart de ces arguments généralisateurs s’articulent, on le voit, autour de la notion d’identité. Il s’agit en effet de prôner non seulement l’existence de deux identités, protestante ou catholique, hollandaise ou flamande (c’est le principe essentialiste), mais aussi de défendre la possibilité d’expliquer cette identité à partir d’un enchaînement simple de faits et d’événements (c’est le principe causaliste). Or cette analyse exprime une vision simpliste de la notion d’identité. Qu’est-ce, au fond, en effet, qu’une identité – qu’elle soit géographique, politique, confessionnelle ou artistique ? Comme l’ont montré les travaux de nombreux philosophes et historiens, des Politiques d’Aristote jusqu’aux récents et passionnants Embarras de l’identité de Vincent Descombes64, l’identité est toujours une production qui articule l’individu et la collectivité à laquelle il appartient ou affirme appartenir. L’identité constitue un ensemble de valeurs qui sont consciemment prises en charge par une collectivité, et qui sont destinées tout autant à elle-même qu’aux autres, par différenciation :
Il ne suffit pas de demander : Qu’est-ce qui fait que la cité d’aujourd’hui est la même que celle d’hier ? Il faut pour cela qu’elle accepte d’être la même. Il faut donc que les Athéniens eux-mêmes se demandent : Qu’est-ce qui fait que nous sommes les Athéniens ? Et il faut aussi que la cité athénienne se fasse accepter comme ce qu’elle veut être par les autres peuples autour d’elle65.
Pour le dire autrement, dans le je suis d’une identité se cache toujours un nous sommes. C’est au sein de cette conception différentialiste et comparatiste de l’histoire qu’il nous semble nécessaire d’intégrer nos réflexions sur les rapports entre art et religion dans l’espace néerlandais du XVIIe siècle, en examinant la manière dont les artistes eux-mêmes ont été perçus, et se sont perçus, en leur temps, afin de contribuer à la construction de leur propre identité. Cette conception de l’identité comme une construction réflexive ou, pour parler comme Benedict Anderson, comme une « communauté imaginée » ou « culturelle »66, nous permet de mieux comprendre comment, par exemple, les récits produits par les membres de la communauté catholique hollandaise, et structurés autour des notions de persécution, de minorité et de victimisation, au sein d’un « État protestant », comment ces récits ont permis à cette communauté de se structurer en tant que collectivité autonome, à travers un storytelling partagé par tous ses membres. Comme l’ont montré les travaux de Charles H. Parker, cette construction de l’identité catholique hollandaise s’est faite contre, mais aussi avec les idées réformées, à travers une fidélité presque surjouée aux principes de la Contre-Réforme romaine, paradoxalement facilitée par l’absence des infrastructures diocésaine et paroissiale de l’Église67.
À cette construction des identités confessionnelles, il faut ajouter celle des identités nationales, qui jouent un rôle évidemment essentiel même si, une nouvelle fois, il ne faut pas prendre l’affirmation d’une identité pour la traduction d’une identité réelle. Dans bien des cas, en effet, les identités nationales puisent dans un répertoire d’images et de symboles souvent interchangeables, en vertu d’une conversion des métaphores d’autant plus aisée qu’elles relèvent en grande partie de la logique des lieux communs. Les motifs, fort connus, de la « Vierge de Hollande » et du « jardin hollandais » (Hollandse tuin) sont loin d’être cantonnés au seul territoire de la province septentrionale. Certes, quand, en 1626, Adrianus Valerius veut célébrer, sur le mode nostalgique, le temps de la Pacification de Gand durant lequel les Dix-Sept Provinces avaient su se réunir contre l’oppresseur espagnol, il les montre sous la forme de dix-sept jeunes vierges, protégées par la barrière du « jardin néerlandais »68. Cette haie symbolise ainsi l’inviolabilité d’un territoire, métaphorise la liberté reconquise de la Patrie batave – la Libertas Patriae69. Un an plus tôt, dans cette fameuse estampe de Willem Buytewech [fig. 10], le « jardin hollandais » s’est considérablement réduit, devenant en réalité celui des Sept-Provinces, dont on reconnaît les armoiries, et qui se retranchent derrière la barrière de leurs frontières, face à la tyrannie espagnole. Et trente ans plus tard, en 1642, la signification du même symbole est à nouveau déplacée. Dans le frontispice de son traité, le Lof der schilderkonst (Éloge de l’art de peinture), Philips Angel s’empare du motif de la « Vierge de Hollande » et du « jardin hollandais », mais moins pour glorifier l’art « hollandais » que pour célébrer l’excellence des artistes de Leyde, où il travaille – ce texte est d’ailleurs issu d’un discours prononcé par Angel devant les membres de la guilde de Saint-Luc de Leyde.
On constate par ailleurs que ces identités nationales et confessionnelles se doublent, le plus souvent, d’identités régionales, voire régionalistes, très fortes, peut-être plus fortes encore, comme l’ont montré notamment les travaux de E. H. Kossmann70. Au Nord, cette mythologie régionaliste s’exprime à travers de nombreuses figures, comme la Baeto, cette divinité imaginaire inventée par Pieter Cornelisz. Hooft en 1617 pour donner un ancêtre aux tribus bataves primitives, qui redouble d’ailleurs celle de Claudius Civilis71. Dans son livre De antiquitate reipublicae Batavicae (De l’Antiquité de la République batave, 1610), Hugo Grotius fait ainsi de Civilis l’ancêtre historique et symbolique des Hollandais du XVIIe siècle, justifiant implicitement leur soulèvement en soulignant l’existence d’une « identité batave » dès l’Antiquité. Mais, trente ans plus tard, Grotius revient sur son livre, expliquant dans une lettre du 24 janvier 1643, qu’il avait eu tort et qu’il ne pensait plus qu’un état batave avait effectivement existé72. Pour lui, comme pour Hooft, les Bataves sont d’abord les ancêtres des Néerlandais avant d’être ceux des Hollandais. Dans le Sud des Pays-Bas, cette affirmation régionaliste est également présente. En 1665, Theodoor Boeyermans peint une célèbre allégorie des arts à Anvers où il met notamment en scène les figures de Rubens et de Van Dyck, mais aussi celle de la rivière anversoise de l’Escaut73. Une nouvelle fois, toutefois, il faut se méfier de l’apparente simplicité et naïveté de cette image. Dans la carrière de Boeyermans, en effet, ce tableau joue un double rôle. Il est installé en 1665 dans la nouvelle schilderskamer de la guilde de Saint-Luc d’Anvers. La fabrication visuelle de l’« art anversois », structuré autour des deux figures de Rubens et de Van Dyck, est donc le moyen choisi par Boeyermans pour se faire un nom en l’inscrivant dans l’auguste lignage de ces deux peintres et en entrant en émulation avec Jordaens, qui domine alors la scène artistique d’Anvers.
Nous espérons avoir montré les avantages que nous pouvons tirer de la notion d’identité dans nos réflexions sur les rapports des arts et des confessions au sein de l’espace néerlandais du XVIIe siècle. En nous référant non pas aux catégories traditionnelles de la géographie artistique, aux notions des « écoles », des « styles », des « courants », des « influences » ou des « personnalités artistiques », mais à celle d’identité, il est en effet possible de séparer ce que Willem Frijhoff a distingué, en parlant d’identiteit et d’identiteitsbesef74 – ce que nous pourrions appeler, en français, l’identité objective et l’identité subjective, l’identité telle qu’elle est, et l’identité telle qu’on la ressent. On peut se sentir américain, sans avoir le passeport américain, et peut-être même sans y vivre, en développant des pratiques par lesquelles on s’associe à ce que l’on conçoit comme l’identité américaine – la langue, la littérature, le sport, les rituels sociaux, etc. On peut également avoir la nationalité américaine et ne pas se sentir américain, renier cette culture, ses pratiques, son contenu. Dans ces deux exemples, que l’on pourrait tout à fait assimiler à ceux qui intéressent les articles de cette revue, l’identité n’est pas un donné, mais un construit. Les identités nationales, confessionnelles, régionales, existent donc bien ; mais elles n’ont qu’une valeur relative, souvent liée à des enjeux spécifiques. À la façon de mythologies, ces identités ne traduisent pas des réalités, mais, plutôt, des désirs de réalité, qui nous renseignent sur la manière dont des individus, ou des groupes d’individus, concevaient le rapport à leur propre histoire, à leur propre espace, et à leur propre inscription confessionnelle, au sein de cet espace-temps.
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1Karl Popper, « La logique des sciences sociales », in : Theodor W. Adorno, Karl Popper (éds), De Vienne à Francfort. La querelle allemande des sciences sociales, Bruxelles, Complexe, 1979, p. 79.
2Gaston Bachelard, Le Rationalisme appliqué, Paris, Presses universitaires de France, 1949, p. 56.
3Gaston Bachelard, L’Activité rationaliste de la physique contemporaine, Paris, Presses universitaires de France, 1951, p. 86.
4Karl Popper, Misère de l’historicisme (1944), Paris, Plon, 1956, p. 1.
5Sybrandus Johannes Fockema Andreae, De Nederlandse staat onder de Republiek (1961), Amsterdam, Noord-Hollandsche Uitgevers Mij, 1969.
6Willem Frijhoff, Marijke Spies, 1650 : Hard-Won Unity, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2004 ; Simon Groeneveld, Het Twaalfjarig Bestand 1609-1621 : de jongelingsjaren van de Republiek der Verenigde Nederlanden, Hilversum, Verloren, 2009.
7Maria Todorova, Imagining the Balkans, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 33-34.
8Jean-Pierre Poussou, Les Îles britanniques, les Provinces-Unies, la guerre et la paix au XVIIe siècle, Paris, Economica, 1991 ; Jonathan Israel, The Dutch Republic: Its Rise, Greatness and Fall, 1477-1806, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 796-825 ; Charles-Édouard Levillain, Vaincre Louis XIV, Angleterre-Hollande-France : histoire d’une relation triangulaire, 1665-1668, Seyssel, Champ Vallon, 2010 ; John A. Lynn, Les Guerres de Louis XIV, Paris, Perrin, 2014.
9Marijke Gijswijt-Hofstra, Wijkplaatsen voor vervolgden. Asielverlening in Culemborg, Vianen, Buren, Leerdam en IJsselstein van de 16 de tot eind 18 de eeuw, Dieren, De Bataafsche Leeuw, 1984.
10Bruno Demoulin, Jean-Louis Kupper, Histoire de la principauté de Liège, de l’an mille à la Révolution, Toulouse, Privat, 2002 ; Émile Ramakers, Historische atlas van Maastricht, Amsterdam, SUN, 2005 ; Bruno Demoulin (éd.), Histoire de Liège : une cité, une capitale, une métropole, Bruxelles, Marot, 2017.
11Gerrit Verhoeven, « “Een Divertissant Somertogje” : Transport Innovations and the Rise of Short-Term Pleasure Trips in the Low Countries, 1600-1750 », Journal of Transport History 30/1 (2009), p. 78-97 ; Id., « Foreshadowing Tourism: Looking for Modern and Obsolete Features – or Some Link – in Early Modern Travel Behavior (1675-1750) », Annals of Tourism Research 42 (2013), p. 262-283 ; Id., Europe Within Reach: Netherlandish Travellers on the Grand Tour and Beyond, Leiden, Brill, 2015. Voir aussi Eric Duverger, « Bronnen voor de geschiedenis van de artistieke betrekkingen tussen Antwerpen en de Noordelijke Nederlanden tussen 1632 en 1648 », Miscellanea Jozef Duverger : bijdragen tot de kunstgeschiedenis der Nederlanden, t. 1, Gand, Vereniging voor de Geschiedenis der Textielkunsten, 1968, p. 336-373.
12Jan Blanc, Léonie Marquaille, « Écoles de peinture (Siècle d’or) », in : Catherine Secretan, Wilhelmus Frijhoff (éds), Les Pays-Bas au Siècle d’or : de l’Union d’Utrecht à la Paix d’Utrecht (1579-1713), Paris, CNRS Éditions, 2018, p. 205-210.
13Maria-Isabel Pousão-Smith, « Adriaen Brouwer’s Hybrid Technique and Social Indeterminacy », in : Meredith McNeill Hale (éd.), Cambridge and the Study of Netherlandish Art, Turnhout, Brepols, 2016, p. 107-123 ; Angela Jager, Stijn Lybeert, Martine Vanwelden, Erik Verroken, « Natif d’Audenaerde? Nieuwe inzichten in de afkomst van Adriaen Brouwer en zijn leven in de Noordelijke Nederlanden », in : Katrien Lichtert (éd.), Adriaen Brouwer: meester van emoties, tussen Rembrandt en Rubens, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2018, p. 37-49.
14H. A. M. van der Heijden, Leo Belgicus: An Illustrated and Annotated Carto-bibliography (1998), Alphen aan den Rijn, Canaletto, 2006.
15Francisco de Hollanda, Quatre dialogues sur la peinture (1548), Paris, Honoré Champion, 1911, p. 28, 29, 32, 127, 144 et 147.
16Karel van Mander, Het Schilder-boeck, Haarlem, Paschier van Wesbusch, 1604, fol. 193ro et 198vo.
17Cornelis de Bie, Het gulden cabinet vande edele vry schilder-const, Anvers, Juliaen van Montfort, 1662, p. 273. Voir Jan Blanc, « “Quelle est la nation d’un artiste ?” Le cas de Philippe de Champaigne », in : Gaëtane Maes, Jan Blanc (éds), Les échanges artistiques entre les anciens Pays-Bas et la France, 1482-1814, Turnhout, Brepols, 2010, p. 303-315.
18Roger de Piles, Abrégé de la vie des peintres, Paris, François Muguet, 1699, p. 345-456.
19Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres (1745-1752), t. 1, Paris, De Bure l’Aîné, 1762, p. XIX.
20Ibid., t. 1, p. XX. Nous soulignons. Cf. Patrick Michel, « Dezallier d’Argenville’s Abrégé de la vie des plus fameux peintres: A Guide for Contemporary Collectors or a Survey of the Taste for Paintings of the Northern Schools? », Simiolus 34 (2009-2010), p. 212-225 ; Gaëtane Maës, « Dutch Art Collections and Connoisseurship in the Eighteenth Century: The Contributions of Dezallier d’Argenville and Descamps », Simiolus 34 (2009-2010), p. 226-238.
21Jan Blanc, « Pourquoi Rembrandt ? », in : Stephanie S. Dickey, Jochen Sander (éds), Rembrandt à Amsterdam : créativité et compétition, New Haven, Yale University Press, 2021, p. 347-355.
22John Smith, A Catalogue Raisonné of the Works of the Most Eminent Dutch, Flemish, and French Painters, Londres, Smith & Son, 1830 (t. 2), 1831 (t. 3), 1833 (t. 4), 1835 (t. 5), 1836 (t. 6) ; Franz Kugler, Handbuch der Geschichte der Malerei (Handbuch der Geschichte der Malerei in Deutschland, den Niederlanden, Spanien, Frankreich und England), Berlin, Duncker & Humblot, 1837 ; Roeland van Eijnden, Adriaan van der Willigen, Geschiedenis der vaderlandsche schilderkunst sedert de helft der XVIII eeuw, Haarlem, Wed. A. Loosjes, 1840 ; Johannes Immerzeel, De levens en werken der Hollandsche en Vlaamsche kunstschilders, beeldhouwers, graveurs en bouwmeesters, Amsterdam, J. C. van Kesteren, 1842-1843, 3 vol. ; Alfred Michiels, Histoire de la peinture flamande et hollandaise, Paris, A. Vandale, 1845-1849, 4 vol. ; Frédéric de Reiffenberg, Philippe Baert, Mémoires sur les sculpteurs et architectes des Pays-Bas, Bruxelles, M. Hoyez, 1848 ; Frederik Muller, Beschrijvende catalogus van 7000 portretten van Nederlanders, Amsterdam, F. Muller, 1853, 3 vol. ; Franz Kugler, Handbook of Painting, the German, Flemish, Dutch, Spanish and French Schools, 1837, Londres, J. Murray, 1854, 2 vol. ; Alfred Michiels, Rubens et l’École d’Anvers, Paris, A. Delahays, 1854 ; Édouard Fétis, Les Artistes belges à l’étranger, Bruxelles, M. Hayez, 1857 ; Christiaan Kraam, De levens en werken der Hollandsche en Vlaamsche kunstschilders, Amsterdam, Gebroeders Diederichs, 1857-1864, 3 vol. ; Gustav F. Waagen, Handbook of Painting. The German, Flemish and Dutch Schools, Londres, J. Murray, 1860, 2 vol. ; Frederik Muller, Beredeneerde beschrijving van Nederlandsch historieplaten, zinneprenten en historische kaarten, Amsterdam, F. Muller, 1863-1882, 4 vol. ; Alfred Michiels, Histoire de la peinture flamande depuis ses débuts jusqu’en 1864, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1865-1876, 10 vol. ; Charles Blanc, Histoire des peintres de toutes les Écoles : École flamande, Paris, Veuve J. Renouard & H. Loones, 1868 ; Eugène Fromentin, Les Maîtres d’autrefois. Belgique, Hollande, Paris, Plon, 1876 ; Edmond Marchal, Mémoire sur la sculpture aux Pays-Bas, pendant les XVIIe et XVIIIe siècles, précédé d’un résumé historique, Bruxelles, F. Hayez, 1877 ; Alfred Michiels, L’Art flamand dans l’est et le midi de la France, Paris, H. Loones, 1877 ; Max Rooses, Geschiedenis der Antwerpsche schilderschool, Anvers, J. E. Buschmann, 1879 ; Antonino Bertolotti, Artisti belgi ed olandesi a Roma, Florence, Gazzetta d’Italia, 1880 ; Charles Blanc, Histoire des peintres de toutes les Écoles : École hollandaise, Paris, Veuve J. Renouard & H. Loones, 1883 ; Franz Josef Peter van den Branden, Geschiedenis der Antwerpsche schilderschool, Anvers, J. E. Buschmann, 1883 ; Alphonse Jules Wauters, La Peinture flamande, Paris, F. Hayez, 1883 ; Jan Frederik van Someren, Beschrijvende catalogus van gegraveerde portretten van Nederlanders, Amsterdam, F. Muller, 1888-1891, 3 vol. ; Wouter Nijhoff, Bibliographie van Noord-Nederlandsche plaatsbeschrijvingen tot het einde der 18 de eeuw, La Haye, F. Muller, 1894. Voir aussi Godefridus Joannes Hoogewerff, De Noord-Nederlandsche schilderkunst, La Haye, Martinus Nijhoff, 1936-1947, 4 vol. Cf. Kees van der Ploeg, « The Reception of Hoogewerff’s De Noord-Nederlandsche Schilderkunst », in : Claudine Albertine Chavannes-Mazel, Anne-Maria J. van Egmond (éds), Medieval Art in the Northern Netherlands before Van Eyck, Utrecht, Clavis, 2014, p. 34-38.
23A. Michiels, Rubens et l’École d’Anvers, op. cit., p. 5-6.
24David Mandrella, Jacob van Loo, 1614-1670, Paris, Arthena, 2011.
25Caroline Campbell (éd.), Peter Lely: A Lyrical Vision, Londres, Courtauld Gallery, 2012.
26Giulio Briganti (éd.), I Bamboccianti: pittori della vita quotidiana a Roma nel Seicento, Rome, Bozzi, 1983.
27Axel Janeck, Untersuchung über den holländischen Maler Pieter Van Laer, genannt Bamboccio, Würzburg, Offset-Druck Gugel, 1968.
28Thomas DaCosta Kaufmann, The School of Prague: Painting at the court of Rudolf II, Chicago, University of Chicago Press, 1988.
29Mickaël Szanto, « Les peintres flamands à Paris dans la première moitié du XVIIe siècle : géographies d’une communauté », in : Marie-Claude Chaudonneret (éd.), Les Artistes étrangers à Paris, Berne, Peter Lang, 2007, p. 71-83.
30Laurens J. Bol, Holländische Maler des 17. Jahrhunderts nahe den grossen Meistern: Landschaften und Stilleben, Brunswick, Klinkhardt & Biermann, 1969.
31Edith Greindl, Les Peintres flamands de nature morte au XVIIe siècle, Bruxelles, Elsevier, 1956.
32Bernd Ebert (éd.), Utrecht, Caravaggio und Europa, Munich, Hirmer, 2018.
33Benjamin Kaplan (éd.), Catholic Communities in Protestant States : Britain and the Netherlands, c. 1570-1720, Manchester, Manchester University Press, 2009.
34Luc Duerloo, Dynasty and Piety: Archduke Albert (1598-1621) and Habsburg Political Culture in an Age of Religious Wars, Farnham, Ashgate, 2012.
35Christian Tümpel, « Jordaens, a Protestant Artist in a Catholic Stronghold: Notes on Protestant Artists in Catholic Centres », in : Jordaens (1593-1678), t. 1, Anvers, Musée royal des beaux-arts, 1993, p. 31-37.
36Yves Krumenacker (éd.), Entre calvinistes et catholiques : les relations religieuses entre la France et les Pays-Bas du Nord (XVIe-XVIIIe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; Herman J. Selderhuis (éd.), Handbook of Dutch Church History, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2014.
37Pierre Lurbe, Sylvie Taussig (éds), La Question de l’athéisme au XVIIe siècle, Turnhout, Brepols, 2004.
38Shelley Perlove, Rembrandt’s Faith: Church and Temple in the Dutch Golden Age, University Park, Pennsylvania State University Press, 2009.
39Jan Jansz. Van Orlers, Beschrijvinge der stadt Leyden, Leyden, 1641, p. 375.
40Jan Gerrit van Gelder, Rembrandt’s vroegste ontwikkeling, Amsterdam, N. V. Noord-hollandsche Uitgevers Maatschappij, 1953.
41Rudolf E. O. Ekkart, Isaac Claesz van Swanenburg, 1537-1614: Leids schilder en burgemeester, Zwolle, Waanders, 1998.
42Elizabeth Alice Honig, Painting and the Market in Early Modern Antwerp, New Haven, Yale University Press, 1998.
43Albert Blankert (éd.), Gods, Saints and Heroes: Dutch Paintings in the Age of Rembrandt, Washington, National Gallery of Art, 1980 ; Angela Jager, «Galey-schilders» en «dosijnwerck»: de productie, distributie en consumptie van goedkope historiestukken in zeventiende-eeuws Amsterdam, Amsterdam, Ridderprint, 2016.
44Peter van der Ploeg (éd.), Princely Patrons: The Collection of Frederick Henry of Orange and Amalia of Solms in The Hague, Zwolle, Waanders, 1997.
45Margriet van Eikema Hommes, De Oranjezaal in Huis ten Bosch: een zaal uit loutere liefde, Zwolle, Waanders, 2013.
46Anne E. C. McCants, Civic Charity in a Golden Age: Orphan Care in Early Modern Amsterdam, Chicago, University of Illinois Press, 1997 ; Lex Heerma van Voss, Marco H. D. van Leeuwen, « Charity in the Dutch Republic: An Introduction », Continuity and Change xxvii/2 (2012), p. 175-197.
47Jean-Pierre de Bruyn, Erasmus II Quellinus (1607-1678): de schilderijen met catalogue raisonné, Freren, Luca-Verlag, 1988 ; Frits Scholten, Artus Quellinus: beeldhouwer van Amsterdam, Amsterdam, Nieuw Amsterdam Uitgevers, 2010.
48Xander van Eck, Kunst, twist en devotie: Goudse katholieke schuilkerken 1572-1795, Delft, Eburon, 1994 ; Lia Schade van Westrum, Van schuilkerk tot modern geloofscentrum: oud-katholieke kerken in Nederland, Hilversum, Verloren, 2019.
49Gregory Martin, « Rubens and King James I », in : Cynthia P. Schneider (éd.), Shop Talk. Studies in Honor of Seymour Slive, Presented on his Seventy-Fifth Birthday, Cambridge, Harvard University Art Museums, 1996, p. 168-170 ; Gunther Martin (éd.), Rubens in London: Art and Diplomacy, Londres, Miller, 2011.
50Peter van den Brink (éd.), Jacob Backer (1608/1609-1651), Zwolle, Waanders, 2009.
51Anne McClanan, Jeff Johnson (éds), Negating the Image: Case Studies in Iconoclasm, Aldershot, Ashgate, 2005 ; Mia Mochizuki, The Netherlandish Image after Iconoclasm, 1566-1672: Material Religion in the Dutch Golden Age, Aldershot, Ashgate, 2008.
52Keith D. Staglin, Arminius and the Assurance of Salvation: The Context, Roots and Shape of the Leiden Debate, 1603-1609, Leyde, Brill, 2008.
53Pierre Brachin, Ludovicus Jacobus Rogier, Histoire du catholicisme hollandais depuis le XVIe siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1974 ; Willem Frijhoff, Embodied Relief: Ten Essays on Religious Culture in Dutch History, Hilversum, Verloren, 2002.
54John Michael Montias, « Vermeer’s Clients and Patrons », The Art Bulletin 69 (1987), p. 68-76.
55Léonie Marquaille, La Peinture hollandaise et la foi catholique au XVIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, p. 213-217.
56Ibid., p. 125.
57Ibid., p. 67.
58Renaud Milazzo, Le Marché des livres d’emblèmes en Europe, 1531-1750, thèse de doctorat, Université Paris-Saclay, 2017.
59Jean-Pierre Kintz, Georges Livet (éds), 350e anniversaire des traités de Westphalie : une genèse de l’Europe, une société à reconstruire, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1999 ; Lucien Bély, L’Europe des traités de Westphalie : esprit de la diplomatie et diplomatie de l’esprit, Paris, Presses universitaires de France, 2000.
60« De Ziidt- en Noordtzy paren / Wich in dit paer te hoop » (Joost van den Vondel, Leeuwendalers, 1647, Zwolle, Tjeenk Willink, 1899, p. 93).
61Alison McNeil Kettering, Gerard ter Borch en de Vrede van Munster, Zwolle, Waanders, 1998.
62Gerhardus Knuttel, Das Gemälde des Seelenfischfangs von Adriaen Pietersz. van de Venne, La Haye, Martinus Nijhoff, 1917.
63Jan Blanc, Vermeer : la fabrique de la gloire, Paris, Citadelles & Mazenod, 2014, p. 166-171.
64Vincent Descombes, Les Embarras de l’identité, Paris, Gallimard, 2013.
65Ibid., p. 207.
66Sur ce point, cf. Jan Blanc (éd.), Golden Age(s): The Shaping of a Cultural Community, Turnhout, Brepols, 2021.
67Charles H. Parker, Faith on the Margins: Catholics and Catholicism in the Dutch Golden Age, Cambridge, Harvard University Press, 2008.
68Jan Blanc, Le Siècle d’or hollandais : une révolte culturelle au XVIIe siècle, Paris, Citadelles & Mazenod, 2019, p. 168.
69Catherine Secrétan, Les Privilèges, berceau de la liberté, Paris, Vrin, 1990 ; Eco Oste Gaspard Haitsma, Wyger Velema (éds), Vrijheid: een geschiedenis van de vijftiende eeuw tot de twintigste eeuw, Amsterdam, Amsterdam University Press, 1999.
70Ernst Heinrich Kossmann, « Une ou plusieurs libertés ? Le modèle néerlandais du siècle d’or », Théorie politique et histoire, Naples, Vivarium, 2003, p. 21-46.
71Jan Blanc, « Rembrandt and the Historical Reconstruction of his Conspiracy of Claudius Civilis », in : W. Klooster, L. Cruz (éds), Myth in History/History in Myth, La Haye, Brill, 2010, p. 237-253.
72Henk J. M. Nellen, « Hugo Grotius and the Right to Wage War », Acta Conventus Neo-Latini Upsaliensis xiv (2012), p. 745-755.
73Anvers, Musée royal des Beaux-Arts.
74Willem Frijhoff, « Identiteit en identiteitsbesef: de historicus en de spanning tussen verbeelding, benoeming en herkenning », Bijdragen en mededelingen betreffende de geschiedenis der Nederlanden, CVII/4, 1992, p. 614-634.