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Karl Jaspers, Siegfried Giedion, Pierre Teilhard de Chardin

Trois penseurs de l’histoire au regard de la préhistoire

Philippe GROSOS

Département de philosophie, Université de Poitiers

Rares sont les pensées, et plus rares encore les philosophies, qui ont su prendre au sérieux le bouleversement de la conception de l’histoire qu’une réelle considération de la préhistoire, discipline inventée désormais depuis un siècle et demi, nécessairement induit.

Pourtant, dès le milieu du XXe siècle, trois d’entre elles surent s’engager, au moins partiellement et ponctuellement, en cette voie. Tel fut le travail mené par le psychologue et philosophe allemand Karl Jaspers (1883-1969), par l’historien d’art suisse Siegfried Giedion (1888-1968) et par le théologien français Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955). Tous trois ont en effet en commun, en une période relativement homogène, celle allant des années 1940 au milieu des années 1960, d’avoir non seulement intégrés ou tentés d’intégrer à leurs travaux l’existence de la préhistoire, alors clairement admise comme discipline scientifique, mais plus encore de s’être efforcés d’en concevoir les enjeux, relativement à une compréhension de l’histoire.

Il faut, afin de prendre la mesure des difficultés que cela ne manque pas de faire naître, se rappeler qu’il est communément admis qu’une pensée de l’histoire se reconnaît à l’importance qu’elle attribue à l’invention de l’écriture et, de la sorte, aux cultures que celle-ci rend possible. Pour l’Occident, deux voies en sont issues, dont l’incessant croisement en a fait en quelque sorte tout le devenir. L’une a conduit aux civilisations du Livre, l’autre à ce qu’Ernest Renan a pu nommer, avant que l’expression ne fasse florès, « le miracle grec »1. Jérusalem et Athènes en sont respectivement les symboles. Ainsi Hegel, dont on sait qu’il n’accorde, dans ses Leçons sur la philosophie de l’Histoire, aucune attention sérieuse à ce qu’il nomme « le préhistorique » – au point de le réduire à ce qui « se trouve au-delà de la vie consciente »2 –, pense fondamentalement l’histoire à partir du christianisme. Cela est d’autant plus remarquable que ses Leçons ne s’ouvrent pas par l’étude de la civilisation juive qui y conduit, mais par l’analyse du monde oriental, puis par celle du monde grec. Ce n’est qu’en abordant, en un troisième temps, l’étude du monde romain, que le christianisme est reconnu. Et là, bien que dissocié du judaïsme, alors il l’est au point de donner tout son sens à l’histoire universelle : « Dieu n’est reconnu comme esprit que si l’on sait qu’il est un en trois personnes. Ce nouveau principe est le gond autour duquel tourne l’histoire universelle. L’histoire aboutit et part de . »3

Telle est la difficulté que toute pensée prenant au sérieux la préhistoire doit avoir à reconsidérer : rien moins que celle de savoir où l’histoire commence et, au moins en Occident, savoir quelle place réattribuer au judéo-christianisme ou à l’antiquité grecque.

Or c’est bien là ce à quoi a difficilement été confronté Karl Jaspers en rédigeant l’ouvrage paru en 1949, Vom Ursprung und Ziel der Geschichte. Difficilement, car si cet ouvrage, près d’un siècle après la reconnaissance de « la haute antiquité » de l’homme, consacre bien un chapitre de son « histoire universelle [Weltgeschichte] » à la « préhistoire [Vorgeschichte] », tout en lui laisse penser qu’il peine à en reconnaître les enjeux. Désireux « d’esquisser le schéma d’une conception d’ensemble de l’Histoire »4, Jaspers s’est en effet efforcé de comprendre, comme le titre de l’ouvrage l’indique, à quoi l’histoire s’origine (décidant ainsi de son commencement), et à quoi dès lors celle-ci nous destine. Or, afin de donner corps à ce projet encore fort idéaliste, toute la thèse du philosophe consiste, sur un modèle somme toute fort hégélien, à déterminer quel est l’axe pivot autour duquel le sens de l’histoire tourne. Là où chez Hegel le christianisme remplissait une telle fonction, le « défaut » qu’y voit désormais Jaspers est d’avoir proposé une solution qui n’est « valable que pour le chrétien »5. Et c’est pourquoi, comme toute la suite de l’ouvrage va s’efforcer de le confirmer, cet axe doit être pensé non à partir de l’avènement d’une réalité unique, mais bien d’une conjonction de « choses extraordinaires »6 qui, en survenant toutes en une période relativement condensée de l’histoire de l’humanité, ont si fondamentalement pesé sur son devenir qu’elles en ont irrémédiablement déterminé le cours autant que l’enjeu.

Plus que d’un axe, il s’agit bien dès lors de prendre acte d’une « période axiale [Achsenzeit] » : celle, située « entre 800 et 200 avant notre ère ». C’est à ce moment qu’en Chine apparaissent Confucius et Lao-Tseu, et avec eux « toutes les tendances de la philosophie chinoise » ; aux Indes, c’est alors « le temps des Upanishads et du Bouddha », et ainsi d’une grande diversité de possibilités philosophiques. « En Iran, Zarathoustra enseigna l’âpre vision d’un monde déchiré par le combat du bien et du mal. En Palestine, se levèrent les prophètes [...]. La Grèce vit Homère, les philosophes – Parménide, Héraclite, Platon –, les tragiques, Thucydide et Archimède. » Bref, « la nouveauté de cette époque est que, dans les trois mondes, l’homme prend conscience de l’être dans sa totalité, de lui-même et de ses limites »7. C’est à cette époque, comme l’écrit à la suite Jaspers, que « furent engendrées les catégories fondamentales, selon lesquelles nous pensons encore aujourd’hui, ainsi que les grandes religions dont vivent les hommes jusqu’à aujourd’hui. En tous sens, le pas vers l’universel fut accompli »8.

Une telle conception axiale de l’histoire a inévitablement pour conséquence, déterminant un avant et un après, de préjuger de leur signification. Aussi, au sein de l’idéalisme un peu trop prévisible qui irrigue cette pensée, l’après se laisse concevoir d’une façon fort téléologique : c’est celui d’une « unité de l’histoire [qui] ne sera jamais achevée en tant que devenir-un de l’humanité. » Certes, celle-ci y aspire ; mais si l’homme n’achèvera jamais de parcourir la « grande route de l’histoire », c’est que « l’unité de l’humanité est plutôt la limite de l’histoire. Ce qui signifie que cette unité atteinte, accomplie, serait la fin de l’histoire »9. Quant à l’avant, d’une façon non moins anticipable, il est reconduit à un rôle de faire-valoir. Si la période axiale, qui par définition est le cœur de la période historique, est bien celle en laquelle « l’homme prend conscience » de toute chose, de l’être, de lui-même, de ses limites, alors inévitablement celle qui précède est celle où il n’en avait pas encore conscience, voire n’avait conscience de rien. L’histoire, croit alors pouvoir écrire Jaspers, et toujours de façon fort hégélienne, « c’est le passé devenu clair aux hommes ; c’est le cadre dans lequel ils s’approprient ce passé et prennent conscience de leur provenance. La préhistoire, bien que factuellement fondée, c’est le passé non conscient. »10 Toutefois, ne pouvant faire sombrer dans une telle absence de conscience la totalité de ce qui précède l’avènement de l’histoire, sans du même coup faire surgir celle-ci de façon miraculeuse, Jaspers va devoir en penser l’émergence. Or là où Hegel aurait quant à lui parlé d’un accès progressif de l’esprit à la conscience de soi, il va être ici question, et cette fois-ci en suivant implicitement Schelling, de distinguer « deux formes de la préhistoire » :

la préhistoire absolue, qui précède les grandes civilisations antiques apparues 4 000 ans avant Jésus-Christ ; et la préhistoire relative, qui se déroule en même temps que la marche de ces civilisations qu’on connaît par les documents qu’elles ont laissées, en partie dans leur proximité et sous leur influence, en partie loin d’elles et n’ayant avec elles presque aucun contact, – telle est d’une part la préhistoire des peuples récemment civilisés, comme le monde germano-roman et slave, d’autre part celle des peuples indigènes [Naturvölkern] jusqu’à aujourd'hui – une préhistoire permanente11.

Conformément à ce qui se passait pour la philosophie schellingienne12, le fait qu’ici cette « préhistoire relative » ne remonte pas au-delà des 4 000 ans avant notre ère permet donc de la penser comme relevant d’une période protohistorique. En cela, elle s’inscrit, au moins partiellement, dans l’histoire, puisque son ancienneté, dit clairement Jaspers, est celle de la « tradition linguistiquement documentée [sprachlich dokumentierte Überlieferung] ». Or celle-ci ne remontant « nulle part au-delà de 3 000 ans avant Jésus-Christ », il faut alors en déduire que « l’histoire dure depuis environ cinq mille ans. »13 Quant à « la préhistoire absolue », celle qui nous rapporte à une période antérieure à 4 000 ans avant notre ère, nous n’en savons rien et n’en pouvons rien savoir !

On mesure ainsi à ces lignes l’étonnante modestie, pour ne pas dire pauvreté, de la conception que Jaspers se fait de la préhistoire. Certes, le philosophe peut bien écrire que celle-ci s’entend « comme le germe de l’histoire [als Keim der Geschischte] »14, et à ce titre lui conférer l’importance d’une origine ; toutefois, il note aussi que « ce n’est que dans l’histoire que surgit ce qu’est authentiquement [eigentlich] l’homme. »15 Qu’était-il dès lors auparavant ? Pour ne pas demander ce que sont aujourd’hui toujours ces « peuples indigènes » figés en une « préhistoire permanente » !

Il n’est donc pas si aisé, au sein d’une telle conception axiale et axiologique du devenir de l’homme, d’intégrer la préhistoire à l’histoire universelle. Fort de tels présupposés, guidé par une philosophie idéaliste de l’histoire qui n’est bien souvent qu’une téléologie de l’advenue à soi de la conscience, il est même presqu’impossible de faire de la préhistoire « un chapitre de l’histoire de l’esprit humain », comme pourtant le préhistorien Émile Cartailhac et l’abbé Henri Breuil engageaient les philosophes à le faire, en conclusion de leur ouvrage consacré, en 1906, à la caverne d’Altamira – cette cavité en laquelle fut, pour la première fois (bien que difficilement), reconnue l’existence d’un art figuratif pariétal. Citons ce texte aussi méconnu qu’essentiel :

Notre page d’archéologie préhistorique et locale s’est transformée en une vue mondiale. L’intérêt du sujet s’impose à tous les ethnographes. Il n’échappera ni aux philosophes, ni aux artistes, car des profondeurs de nos cavernes ornées sort vraiment un chapitre de l’histoire de l’esprit humain16.

Qu’a-t-il donc manqué à Jaspers pour véritablement prendre au sérieux la préhistoire et ne pas la laisser à la porte, sur le seuil de l’histoire ? Manifestement au moins deux choses essentielles : une véritable connaissance des cultures préhistoriques ainsi que la possibilité de disposer des concepts susceptibles d’en tenir compte. On est en effet frappé, à lire cet ouvrage daté de 1949, de l’extrême pauvreté de la culture préhistorique de son auteur, lequel semble projeter sur cette discipline, alors vieille de près d’un siècle, l’ignorance qui est la sienne. Aucun site n’est évoqué et encore moins étudié, ni aucun préhistorien nommé. Le seul nom qu’il mentionne à l’appui de ses analyses est celui de Johann Jakob Bachofen (1815-1887), ce juriste et historien du droit allemand qui est surtout connu pour ses travaux sur le matriarcat dans la Grèce antique ; et encore ne l’évoque-t-il que pour affirmer que, si riches soient ses « visions », elles ne nous donnent « pas non plus un aperçu avéré de la préhistoire, laquelle nous reste en fait fermée. »17

Comme il le précise encore :

Nous ne pouvons directement connaître la préhistoire elle-même que de l’extérieur, dans la mesure où des découvertes d’hommes préhistoriques (restes d’os) et de leurs artefacts le permettent. Ces découvertes sont à ce jour quantitativement très nombreuses, mais en termes de contenu, elles sont maigres : à partir d’elles, nous n’obtenons rien ou seulement des représentations très vagues de l’âme, de la disposition intérieure, des croyances et de l’activité spirituelle de tels hommes. [...] Un contenu disparu ne nous est jamais autant restitué qu’à partir des documents linguistiques de l’histoire18.

Outre que Jaspers fait vraiment peu de cas des travaux de l’archéologie préhistorique, particulièrement française, depuis le début du XXe siècle, et qu’il ne pourrait qu’être étonné des avancées de l’archéologie actuelle, il est frappant que son propos semble comme enfermé dans un mauvais syllogisme, lequel se transforme en un cercle épistémologiquement vicieux : nous ne pouvons vraiment connaître que ce qui est éclairé par « des documents linguistiques », c’est-à-dire que ce qui bénéficie du témoignage de l’écriture ; or la préhistoire ne connaît pas l’écriture ; nous ne pouvons en conséquence rien connaître de la préhistoire. Comme on le comprend alors, et bien qu’il donne l’illusion de l’intégrer à une histoire universelle, Jaspers la laisse en fait sur son seuil. Aussi une des leçons importantes, bien que négatives, qu’il est possible de tirer de cette analyse consiste à rappeler que, dès que nous prenons l’écriture comme critère d’authentification de l’histoire, toute possibilité de concevoir la préhistoire comme « un chapitre de l’histoire de l’esprit humain » devient au mieux aporétique, au pire impossible. Ici la place accordée à l’écriture joue le rôle de ce que Gaston Bachelard a su nommer un véritable « obstacle épistémologique »19. Ainsi empêche-t-elle de concevoir une philosophie de la préhistoire.

Sans que telle ait été l’aspiration de Siegfried Giedion lorsqu’il fit paraître, au début des années 1960, les deux volumes de son ouvrage The Eternal Present: A Contribution on Constancy and Change20, il est toutefois permis de penser que le travail mené par cet historien d’art représente un apport majeur en vue d’une réintégration de la préhistoire au sein de l’histoire, même si, là encore, la question préjudiciable fut celle du commencement de l’ère historique. L’objectif avoué de cet ouvrage est certes fort différent de celui de Jaspers. Toutefois en se mettant en quête d’une « recherche des éléments constants de la nature humaine », telle que celle-ci apparaît depuis « l’origine de l’art »21, Giedion ne pouvait en fait que d’emblée rencontrer la question préhistorique. Car, il le savait bien, là est l’origine, au moins temporelle, de l’art.

À la différence de Jaspers, la connaissance que Giedion a de la préhistoire est fort savante, comme en témoignent les nombreux sites d’art pariétal qu’il mentionne (Altamira, El Pendo, Pech-Merle, Les Trois-Frères, Marsoulas, Le Portel, etc.), mais également les nombreuses reproductions d’œuvres préhistoriques qui viennent illustrer le premier volume de son analyse. Plus encore, il est remarquable qu’afin de porter l’attention sur cette expérience fondamentale qu’est l’art, Giedion le fasse naître avec homo sapiens, « à l’époque de l’Aurignacien-Périgourdien »22, et qu’il souligne d’emblée qu’une :

des révolutions les plus profondes dans les rapports de l’homme vis-à-vis de l’univers débuta à la fin de l’époque paléolithique : le détrônement de l’animal. Avec la domestication de certains animaux et après l’institution d’une hiérarchie sociale rigide, l’animal fut détrôné de sa majesté. À partir de ce moment, l’homme se considéra comme le maître élu de la création23.

Or c’est manifestement là une thèse à laquelle Giedion tient fortement puisqu’il la reprend et la développe dans la suite de son ouvrage :

La transition de l’attitude zoomorphe de l’homme à l’attitude anthropomorphe a constitué la révolution la plus profonde qui ait marqué son destin. [...] Des révolutions intérieures et extérieures suivirent cette rupture initiale : la structure hiérarchique de la société humaine, l’établissement de cités, de royaumes et d’empires. Mais aucun de ces bouleversements ne pénétra aussi profondément le noyau même des relations de l’homme et de l’univers avec son environnement, que le gouffre qui s’ouvrit à la fin de l’âge zoomorphe entre les créatures24.

Mais dès lors, prendre au sérieux une telle thèse, n’est-ce pas avoir à repenser notre rapport à l’histoire ? En effet, si « la révolution la plus profonde qui ait marqué [le] destin » de l’homme est celle qui surgit « à la fin de l’époque paléolithique », cela ne signifie-t-il pas qu’afin de comprendre qui il est, la distinction entre Paléolithique et Néolithique devient plus essentielle que celle ordinairement proposée entre préhistoire et histoire ? Un tel constat, si puissamment affirmé, ne devrait-il pas engager une contestation de la définition habituelle de l’histoire qui, en étant basée sur le rapport à l’écriture, rejette ordinairement dans le même bloc obscur de la préhistoire, les époques paléo- et néolithiques ? Et même à supposer que la distinction entre ce qui est historique et ce qui ne l’est pas doive conserver un sens, ne devrait-elle pas alors au moins s’efforcer d’articuler le Néolithique à ce qui lui succède, et d’opposer le tout au Paléolithique ?

Telle ne sera pourtant pas la conclusion que Giedion en déduira. En effet, engageant, dans le second volume de son ouvrage, une comparaison entre les civilisations égyptienne et mésopotamienne, et bien que « partant d’une continuité relevant de la préhistoire, et nullement en l’envisageant du point de vue de la Grèce »25, l’historien d’art commencera par regretter qu’il n’y ait « pas unanimité – pas de communis opinio – pour déterminer avec précision le commencement de l’ère historique. [...] Les conservateurs du British Museum, du Metropolitan Museum de New York et du Musée de Boston établissent le début de l’histoire en 3 200 avant notre ère, alors que J. Vandier, du Louvre, préfère la date de 3 300. »26

Un tel propos, presque comique du fait de sa fausse précision, revient malencontreusement à soustraire à l’histoire ce qui a été préalablement pensé comme « la révolution la plus profonde » qui se soit, pour l’homme, jamais produite. Comment comprendre un tel paradoxe ? sinon comme le maintien d’un impensé – celui du privilège accordé à l’invention de l’écriture – qui prend ses racines dans une insuffisante remise en question de ce que nous nommons histoire, et probablement encore également dans une insuffisante appropriation de ce « chapitre de l’histoire de l’esprit humain » que de façon manifestement préjudiciable nous nommons préhistoire ?

Telle est une des difficultés majeures à laquelle doit se confronter toute pensée soucieuse de prendre en considération les données relevant de la préhistoire : elle ne peut savamment s’y attacher qu’à la condition d’interroger en retour le rapport à l’histoire qu’ainsi elle induit. Et c’est là la raison pour laquelle une philosophie de la préhistoire non seulement ne peut être qu’une philosophie critique de l’histoire, mais également n’être qu’une philosophie critique du terme même de préhistoire.

Or c’est là ce que, d’une façon plus radicale encore, a su mettre en évidence l’analyse menée par Pierre Teilhard de Chardin. Si Giedion n’envisageait guère la question de la transition entre préhistoire et histoire qu’à partir de l’héritage antique des civilisations polythéistes (mésopotamienne, égyptienne, et plus marginalement grecque), et qu’il ne s’intéressait en outre à la préhistoire que du point de vue de la naissance d’un art conçu comme figuratif, ne remontant pas, de ce fait, au-delà du Paléolithique récent (c’est-à-dire pas avant 40 000 ans), tel ne sera pas le cas de Teilhard de Chardin. D’une part, sa foi lui faisait, bien évidemment, accorder plus d’attention à la révélation du christianisme qu’à l’émergence du « miracle grec » ; mais, d’autre part, sa formation de paléontologue le poussait nécessairement à prendre en considération un temps fort long, bien antérieur à celui du Paléolithique récent et à l’apparition de l’art pariétal développé par homo sapiens en Europe occidental.

Ainsi, dès son premier ouvrage, intitulé Le Phénomène humain – texte publié en 1955 bien que débuté juste avant-guerre –, le théologien a été soucieux de prendre en considération la totalité de l’univers en le pensant au sein d’une théorie de l’évolution et, du fait de la Création, comme un phénomène dynamique téléologiquement orienté. Les quatre parties de son ouvrage tracent alors un parcours, menant de ce qu’il nomme la « Prévie », où tout débute par la « matière élémentaire », à la « Survie » en laquelle, de façon fusionnelle, matière comme esprit convergent vers « le point Oméga », en passant par l’apparition de la Vie organique puis, en elle, par l’émergence de la pensée. Aussi faut-il remarquer que le principe directeur d’une telle cosmologie – ou ontothéologie, aurait dit Martin Heidegger – réside essentiellement dans l’idée selon laquelle « l’Évolution [...] est une montée vers la Conscience. »27 Mais dès lors, et afin que « l’Univers-Futur », dans le fameux « point Oméga », puisse être ultimement conçu comme ce règne de « l’hyper-personnel »28 qu’une théologie chrétienne peut revendiquer, encore faut-il que l’idée même de personne soit reconnue dans toute son importance. Or c’est là ce que Teilhard de Chardin ne va cesser de méditer, en concevant l’Homme à la fois comme un « centre de perspective » et un « centre de construction de l’Univers »29. Loin d’en faire le « centre statique du Monde – comme il s’est cru longtemps », il est ici question de le penser comme « axe et flèche de l’Évolution, ce qui est bien plus beau »30.

Reste qu’une telle thèse évolutionniste a, pour les questions qui ici nous intéressent, deux incidences majeures. La première concerne la prise en compte du processus d’hominisation. Tirant profit de sa formation ainsi que de ses missions archéologiques – lesquelles avaient débutées dès les années 1920, en Chine, au moment où le premier « Sinanthrope » ou « Homme de Pékin » avait été découvert, puis s’étaient plus tard poursuivies dans le reste de l’Asie et en Afrique –, Teilhard de Chardin comprit d’emblée qu’un tel processus, qui ne pouvait se penser que sur une très longue durée, n’était fait que de micro-variations quantitatives dont l’accumulation seule pouvait produire des variations qualitatives. « Saute morphologique infime ; et en même temps incroyable ébranlement des sphères de la Vie : tout le paradoxe humain... »31, note-t-il. Ainsi sut-il remarquer « combien “Anthropos”, en dépit de certaines prééminences mentales incontestables, diffère peu, anatomiquement, des autres anthropoïdes »32. Et si l’on insiste sur le fait qu’il dispose d’un « meilleur cerveau », ce qui est vrai, alors il convient également de se rappeler ce qui l’a rendu possible. Comme l’écrit Teilhard de Chardin :

Si l’être dont l’Homme est issu n’avait pas été bipède, ses mains ne se seraient pas trouvées libres à temps pour décharger les mâchoires de leur fonction préhensible, et par suite l’épais bandeau de muscles maxillaires qui emprisonnait le crâne ne se serait relâché. C’est grâce à la bipédie libérant les mains que le cerveau a pu grossir ; et c’est grâce à elle, en même temps, que les yeux, se rapprochant sur la face diminuée, ont pu se mettre à converger, et à fixer ce que les mains prenaient, rapprochaient, et en tous sens présentaient : le geste même, extériorisé, de la réflexion !...33

Aussi « l’Hominisation, qui est d’abord, si l’on veut, la saute individuelle, instantanée, de l’instinct à la pensée », est-elle aussi, « en un sens plus large, la spiritualisation phylétique, progressive, en la Civilisation humaine, de toutes les forces continues dans l’Animalité »34.

Or de telles analyses ont pour conséquence la thèse à la fois sobre, remarquable et essentielle selon laquelle « l’Homme est entré sans bruit... »35 ; sans bruit, c’est-à-dire, sans que sa singularité distinctive ne puisse jamais, à aucun moment de son évolution, être clairement assignée à quelques critères que ce soit. Aussi est-il entré sans bruit « dans son entourage, d’abord », puisque qu’une « forme animale, nous le savons par la Paléontologie, n’apparaît jamais seule ; mais elle se dessine au sein d’un verticille de formes voisines, parmi lesquelles elle prend corps, comme à tâtons. » Il est entré sans bruit « dans la morphologie de sa tige, ensuite » car, « avec la multiplication des “formes-sœurs”, ce qui trahit, pour le naturaliste, l’origine d’un rameau vivant, c’est une certaine convergence de l’axe de ce rameau avec l’axe des rameaux voisins » qui se manifeste. Ou encore, cela signifie que penser l’hominisation, c’est bien penser l’humain que nous sommes devenus en le mettant en rapport avec « le Pithécanthrope et le Sinanthrope, après les Néanderthaloïdes », c’est-à-dire en rapport à ce qu’on nomme aujourd’hui l’ensemble des homininés, dans leur différence d’avec les ponginés. Il est entré sans bruit « dans la structure de son groupe, enfin », ne pouvant être singularisé qu’à partir de celui-ci.

On comprend que l’évolutionnisme d’une telle pensée ait pu longtemps paraître hétérodoxe aux autorités ecclésiastiques. Et c’est d’ailleurs là la raison pour laquelle, à l’exception d’un ouvrage de spiritualité publié en 192336, ses œuvres, pourtant nombreuses, n’ont paru que de façon posthume. Et pourtant, cette prise en compte du processus d’hominisation n’a jamais détourné Teilhard de Chardin de sa foi. Elle l’a, ce qui est tout autre, obligé à la repenser et à la reformuler en l’articulant à une métaphysique (une ontothéologie) de la Vie, pensant à la fois sa provenance et sa destination. C’est d’ailleurs là ce que Max Bégouën, un des trois fils du comte Henri Bégouën, cette figure majeure des milieux de l’archéologie préhistorique au début du XXe siècle, avait parfaitement compris, comme en témoigne la lettre datée du 14 juin 1953 qu’il adressa à son ami jésuite. Se ressaisissant des thèses du théologien, il lui exprime alors sans détour ce que sa propre pensée lui a rendu évident :

Est-il possible de croire au Progrès de l’Esprit, est-il possible d’être Chrétien, sans croire en l’évolution-mutation ? ? [sic] Le problème se retourne. Autrefois on disait : comment être chrétien si on croit en l’évolution ? Maintenant je pense qu’il n’est pas possible de croire au Christ si on nie l’évolution. Il faut pardonner aux fossiles, « car ils ne savaient ce qu’ils faisaient », lorsqu’ils agissaient de telle façon qu’ils refusaient le risque37.

Mais en outre, un second point rend cette thèse évolutionniste tout à fait remarquable. Il tient au fait qu’en portant attention au long processus d’hominisation, Teilhard de Chardin n’a jamais été tenté d’insister sur un critère qui, plus qu’un autre, façonnerait l’homme. Que celui-ci soit « axe et flèche de l’Évolution » ne peut être dû à telle ou telle de ses caractéristiques ou de ses acquisitions, mais au processus même de la Vie. C’est pourquoi l’invention, somme toute tardive, de l’écriture ne joue, dans la méditation du « phénomène humain », aucun rôle particulier. L’approche paléontologique que Teilhard de Chardin a eu de l’homme l’a en quelques sortes dispensé de la thèse, naïve autant que douteuse, selon laquelle celui-ci ne serait devenu authentiquement humain qu’à partir du moment où il serait entré dans une histoire, que seule viendrait authentifier l’acquisition de l’écriture. Aussi, contrairement à ce qui se passe pour Jaspers et probablement encore pour Giedion, l’invention de l’écriture constitue d’autant moins ici un obstacle épistémologique à l’intelligence de la préhistoire qu’elle n’est pas même explicitement mentionnée. Mais la conséquence ultime de cela, c’est qu’en l’absence d’un tel frein, ce sont l’ensemble des rapports entre histoire et préhistoire qui peuvent et doivent être repensés. C’est là ce qu’un passage de l’ouvrage de 1955 énonce sans ambiguïté :

Nous avons retenu l’habitude, du temps où nous ignorions la Paléontologie humaine, d’isoler dans une tranche spéciale les quelque six mille ans pour lesquels nous possédons des documents écrits ou datés. L’Histoire, par opposition à la Préhistoire. En réalité, une pareille coupure n’existe pas. Mieux nous rétablissons les perspectives du Passé, plus nous constatons que les temps dits « historiques » (jusque, et y compris, le début des temps « modernes ») ne sont rien autre chose que les prolongements directs du Néolithique. Complexité et différenciation grandissantes, – c’est évident, et nous allons le dire. Mais essentiellement suivant les mêmes lignes, et sur le même palier38.

Dès lors, un des intérêts du propos de Teilhard de Chardin, et non le moindre bien qu’il reste dans l’ombre de sa théorie de l’évolution, est de porter attention au concept de Néolithique, au point d’en souligner l’extrême importance : « Le Néolithique, âge dédaigné par les préhistoriens, parce qu’il est trop jeune. Âge négligé par l’Histoire, parce que ses phases ne peuvent être exactement datées. Âge critique, cependant, et solennel entre tous les âges du Passé : la naissance de la Civilisation. »39 S’il ne s’agit pas ici d’accorder au théologien le fait que le Néolithique corresponde à « la naissance de la Civilisation » – comme si les cultures du Paléolithique y étaient en tous points étrangères ou n’avaient rien développé de tel –, il faut en revanche lui attribuer le mérite d’avoir clairement reconnu en lui un « âge critique » à partir duquel le devenir même de l’humanité peut être reconsidéré. Un « âge critique » et non simplement, comme pour Jaspers, une « période axiale », laquelle est à la fois trop étroitement resserrée sur le seul dernier siècle avant notre ère et surtout trop dépendante du concept d’écriture.

C’est pourquoi, le fait que la coupure entre histoire et préhistoire n’existe pas ne signifie pas pour autant que l’évolution humaine ne soit qu’un long fleuve tranquille, comme si nul moment de rupture, c’est-à-dire finalement de réorientation, ne s’était jamais produit en son sein, ni ne pouvait encore se produire. Mais cela signifie, comme Giedion l’avait vu, bien que pour d’autres raisons, qu’une telle discontinuité, si elle existe, n’est pas à chercher là où cette opposition la formule.

Que retenir dès lors de telles analyses ? La leçon majeure que nous ont transmise, bien qu’inégalement et jusque dans leurs apories, ces pensées attentives avant bien d’autres à ce qu’on nomme encore fort mal préhistoire tient probablement dans le fait qu’aucune philosophie sérieuse de l’histoire ne devrait plus pouvoir aujourd’hui faire comme si elle n’avait pas à tenir compte des données issues de l’archéologie préhistorique. Et cela, non parce qu’alors elle laisserait derrière elle quelques millénaires dont nous pourrions toujours dire, qu’étant soustrait au primat supposé de l’écriture, nous n’en savons pas grand-chose et n’en pouvons rien faire ; mais parce qu’une étude approfondie des données issues de l’archéologie préhistorique montre précisément qu’un tournant a eu lieu lors du processus de néolithisation, et qu’il a fondamentalement engagé le sens même de ce que nous nommons l’histoire telle que nous la faisons naïvement remonter à l’Antiquité. Pour le dire encore autrement, ce que ces pensées nous montrent, c’est que l’Antiquité qu’on croit ancienne est en fait tardive. Ce seul propos est une invitation à repenser entièrement, deux siècles après son invention hégélienne, la philosophie de l’histoire, afin de l’élargir à des périodes dont le philosophe allemand ne savait encore rien, ni ne pouvait encore rien savoir. Autant dire qu’il s’agit de la refonder.

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1Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Paris, Nelson & Calmann-Lévy éditeurs, 1883, p. 60.

2Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte, Werke 12, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1970, p. 142 ; trad. J. Gibelin, Leçons sur la philosophie de l’Histoire, Paris, Vrin, 1979, p. 89. Même si le mot « préhistoire » existait déjà en son temps, on rappellera évidemment qu’en mourant en 1831, Hegel ne pouvait rien connaître des données issues de l’archéologie préhistorique, cette discipline ne s’étant véritablement installée en Europe qu’à partir des années 1860.

3Ibid., p. 386 ; trad. J. Gibelin, op. cit., p. 247.

4Karl Jaspers, Vom Ursprung und Ziel der Geschichte (1949), Gesammtaugabe, Bd. I/10, Basel, Schwabe Verlag, 2017, p. 16. De cet ouvrage, il existe une traduction que l’on doit à Hélène Naef et Wolfgang Achterberg. Parue en 1954 sous le titre Origine et sens de l’Histoire, elle eut certes le mérite d’exister. Toutefois, outre le fait qu’elle soit aujourd’hui presque introuvable, celle-ci ne correspond plus aux critères de traduction désormais en vigueur. Aussi, plutôt que de la mentionner en ne cessant de la modifier, je propose d’emblée mes propres traductions. Une retraduction complète de cet ouvrage serait bienvenue. En outre, et pour une présentation plus générale de la pensée de Karl Jaspers, on lira l’ouvrage désormais classique de Jeanne Hersch, sobrement intitulé Karl Jaspers (1978), Lausanne, L’Âge d’Homme, 2007, ainsi que celui, plus récent, de Jean-Claude Gens, Karl Jaspers, Paris, Bayard, 2003.

5Ibid., p. 17.

6Ibid.

7Ibid., p. 17-18.

8Ibid., p. 18.

9Ibid., p. 243.

10Ibid., p. 39.

11Ibid., p. 44.

12Cette distinction instaurée par Friedrich Wilhelm Schelling se trouve dans l’ouvrage intitulé : Einleitung in die Philosophie der Mythologie, Erstes Buch: historisch-kritische Einleitung in die Philosophie der Mythologie, Schellings Werke, Sechter Band, M. Schröter (Hrsg.), München, 1979, p. 237 ; Introduction à la philosophie de la mythologie, trad. J.-F. Courtine et J.-F. Marquet (dir.), Paris, Gallimard, 1998, p. 230. Pour une présentation de la pensée schellingienne à ce propos, on se réfèrera à l’ouvrage de Xavier Tilliette, La mythologie comprise. L’interprétation schellingienne du paganisme (1984), Paris, Vrin, 2002.

13Karl Jaspers, Vom Ursprung und Ziel der Geschichte, op. cit., p. 39.

14Ibid., p. 54.

15Ibid., p. 55.

16Émile Cartailhac et l’abbé Henri Breuil, La Caverne d’Altamira à Santillane près Santander (Espagne), Monaco, Imprimerie de Monaco, 1906, p. 243. Afin de mesurer l’impact de Cartailhac dans cette reconnaissance progressive de l’art préhistorique, il convient de lire l’article décisif qu’il fit paraître en 1902 dans la revue L’Anthropologie (t. 13, no 1, janvier-février, p. 348-354) : « Les cavernes ornées de dessin. La grotte d’Altamira, Espagne. “Mea culpa” d’un sceptique ». Celui-ci est accessible sur le site : https://gallica.bnf.fr. Quant à l’ouvrage de l’abbé Breuil qui rassemblera, du moins jusqu’à l’apparition des thèses d’André Leroi-Gourhan, l’état du savoir sur ces questions, il paraît en 1952 sous le titre Quatre cents siècles d’art pariétal : les grottes ornées de l’Âge du renne. Il a été depuis réédité aux éditions Max Fourny (1985).

17Karl Jaspers, Vom Ursprung und Ziel der Geschichte, op. cit., p. 43.

18Ibid., p. 42.

19Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique (1938), Paris, Vrin, 2011, p. 15.

20Siegfried Giedion, The Eternal Present: A Contribution on Constancy and Change, vol. 1 : The Beginnings of Art, New York, Bollingen Foundation, 1962 ; vol. 2 : The Beginnings of Architecture, New York, Bollingen Foundation, 1964. Siegfried Giedion est essentiellement lu en tant qu’historien d’art spécialiste d’architecture. On connaît à ce sujet son importante trilogie : Space, Time and Architecture : The Growth of a New Tradition, ouvrage publié par Harvard University Press en 1941, puis traduit en français sous le titre Espace, Temps, Architecture (Bruxelles, La connaissance, 1968, repris en 1978 par les éditions Denoël/Gonthier, Paris). À propos de cet auteur, on lira également avec profit l’ouvrage de Sokratis Georgiadis, Siegfried Giedion: An Intellectual Biography, Édimbourg, Edinburgh University Press, 1994.

21Siegfried Giedion, L’éternel présent. Constance et changement, t. 1 : La Naissance de l’art, trad. É. Bille-De Mot, Bruxelles, Éditions de la Connaissance, 1965, p. 14.

22Ibid., p. 16.

23Ibid., p. 17.

24Ibid., p. 200.

25Siegfried Giedion, L’éternel présent. Constance et changement, t. 2 : La Naissance de l’architecture, trad. É. Bille-De Mot, Bruxelles, Éditions de la Connaissance, 1966, p. 14.

26Ibid., p. 21.

27Pierre Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain, Paris, Seuil, 1955, p. 287. Publiée de façon posthume, par les éditions du Seuil, de 1955 à 1976, l’œuvre de Teilhard de Chardin est fort conséquente : elle comprend 13 volumes. Nombre d’ouvrages ont été depuis consacré à cet auteur. Parmi ceux-ci, on lira particulièrement l’ouvrage de François Euvé, Pour une spiritualité du cosmos. Découvrir Teilhard de Chardin, Paris, Salvator, 2015.

28Ibid., p. 289.

29Ibid., p. 27.

30Ibid., p. 30.

31Ibid., p. 179.

32Ibid., p. 185.

33Ibid., p. 187-188.

34Ibid., p. 199.

35Ibid., p. 203. Toutes les citations qui suivent sont extraites de la p. 204.

36Pierre Teilhard de Chardin, La Messe sur le monde, 1923.

37Lettre de Max Bégouën à Pierre Teilhard du 14 juin 1953, dans Michel Hermans, Pierre Sauvage (éd.), Pierre Teilhard de Chardin. Le rayonnement d’une amitié. Correspondance avec la famille Bégouën (1922-1955), Bruxelles, Éditions Lessius, 2011, p. 210.

38Pierre Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain, op. cit., p. 229.

39Ibid., p. 226.