Book Title

Dietmar Mieth, Nicht einverstanden. Meine Erfahrungen als Laientheologe und Ethiker

Freiburg, Herder, 2020, 328 p.

Ruedi IMBACH

Il s’agit de l’autobiographie d’un des théologiens catholiques de langue allemande très connus. Son parcours mérite une attention particulière pour deux raisons principales : l’auteur a commencé ses études de théologie dans les années soixante. Il voulait étudier la théologie, mais n’entendait pas devenir prêtre et s’engager au célibat. L’auteur écrit qu’à ce moment-là dans l’Église catholique un tel cheminement n’était pas du tout habituel, d’autant plus qu’il envisageait des études doctorales. Son habilitation, déposée en 1974 à la Faculté de théologie de Tübingen, compte parmi les premières habilitations théologiques préparées par un laïc. Et lorsqu’il est devenu professeur d’éthique à la Faculté de théologie de Fribourg en 1974 (où il enseignera jusqu’en 1981), il fut incontestablement l’un des premiers professeurs laïcs pour cette discipline dont l’enseignement dans les Facultés de théologie catholique nécessite un nihil obstat, donc une autorisation, du Vatican. La deuxième raison qui confère à la biographie de cet auteur une importance qui dépasse la portée purement individuelle est le fait que l’auteur fut à l’origine, en janvier 1989, de la célèbre Déclaration de Cologne. Il s’agit d’un document signé dans un premier temps par plus de deux cents enseignants de théologie en Allemagne et en Suisse. Ce manifeste, intitulé « Contre une mise sous tutelles – pour une catholicité ouverte », réclame un débat sur les nominations épiscopales, la mission canonique d’enseigner et surtout la compétence magistérielle du pape. Ce document qui a connu une diffusion internationale témoigne d’une réaction significative dans le monde catholique contre ce que l’on doit bien appeler l’autoritarisme dans l’Église romaine. Dans un certain sens, cette initiative de celui qui fut professeur de théologie à Tübingen de 1981-2010 résume bien l’engagement de ce scientifique dans l’Église catholique en vue de l’établissement et du maintien d’un espace de discussion libre à l’intérieur de l’Église. Cela explique donc le titre de l’ouvrage : l’expression « pas d’accord » ne définit pas tant une attitude subjective ; l’auteur cherche plutôt à établir « un bilan concernant le rapport aux institutions, aux attitudes et actions [...] qui ont provoqué des critiques et des protestations » (p. 11) et à esquisser des propositions alternatives. La deuxième partie de l’ouvrage (p. 227-317) tente d’établir les conclusions à la fois théoriques et pratiques que la riche expérience à la fois académique, sociale et politique décrite dans cette esquisse autobiographique suggère. L’auteur s’efforce notamment de clarifier ce que cela veut dire de « ne pas être d’accord » ; il pense que cela résulte d’un conflit entre l’ordre et l’expérience. Il s’agit donc d’une forme de non-conformisme : l’auteur plaide pour un non-conformisme constructif qui serait capable de réfléchir sur la conformité correspondante (p. 241). L’auteur plaide notamment pour une reconsidération de la place des laïcs – et particulièrement des femmes – dans l’Église. Il serait nécessaire selon lui de se souvenir que tous les chrétiens sont des laïcs, et par conséquent il faudrait en fin de compte dépasser la division entre laïcs et clercs (p. 261-271). Parmi les contributions les plus importantes de Mieth, il convient de mentionner ses travaux sur l’éthique narrative. Le recours à cette approche de la morale est selon lui capital, puisqu’il accorde une place prépondérante à l’expérience (Erfahrung). Il insiste cependant sur l’importance, dans une telle démarche, de l’analyse littéraire qui ne doit pas être négligée (p. 96, 301). Finalement, il esquisse, à l’opposé d’une éthique normative, une éthique de ce qui est possible (Könnensethik, p. 303-306). Selon lui, il faudrait concevoir celle-ci dans une corrélation triangulaire qui tient compte de l’expérience, qui est narrative, puisqu’elle se réfère aux récits historiques, et qui doit en même temps être discursive, donc argumentative (p. 311). Cet ouvrage est d’abord un témoignage significatif d’un engagement critique au sein de l’Église catholique, mais contient aussi, comme ce résumé succinct le suggère, d’intéressantes propositions théoriques qui ne concernent pas seulement le rapport entre philosophie et théologie, mais encore entre l’éthique et le comportement du citoyen.