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Le pentecôtisme est-il une tradition mystique ?

Réflexions sur une compréhension pentecôtiste de l’expérience chrétienne

Ruben BINYET

Faculté de théologie, Université de Genève

Pour entamer comme il se doit une réflexion sur le pentecôtisme, il convient de commencer par un témoignage1. Il y a peu de temps, au sein d’un groupe de jeunes d’une Église charismatique genevoise, quatre ou cinq adolescents et jeunes adultes discutaient et se passaient la question suivante : « qu’est-ce que Dieu a fait dans ta vie récemment ? ». Notons, en passant, qu’une telle question est caractéristique de l’ethos pentecôtiste, une spiritualité construite autour du témoignage et de la narration. Dans le groupe, un adolescent prend alors la parole et explique l’événement qu’il considère avoir été le plus marquant dans son cheminement spirituel de ces dernières années. « J’ai enfin compris la Trinité » explique-t-il avec les larmes aux yeux, manifestement encore ému de son expérience. Il continue en donnant le contexte : il avait passé beaucoup de temps à « essayer de comprendre rationnellement » ce qu’était la doctrine de la Trinité, mais un beau jour, alors qu’il priait, Dieu lui a donné de « voir » et de « comprendre » la Trinité dans une expérience qui « dépasse ce que sa raison était capable de saisir par elle-même ». Les larmes coulaient franchement cette fois, alors qu’il exprimait sa joie d’avoir reçu la grâce d’aller par-delà les mots et ce que son intelligence était capable de saisir pour expérimenter le mystère de l’unité des trois personnes divines.

Que fera la théologie académique d’un tel témoignage ? Sourira-t-elle de la naïveté d’un garçon trop « enthousiaste » ? Ou l’associera-t-elle à d’autres témoignages de la tradition chrétienne, des témoignages plus « sérieux », plus « matures », les témoignages « mystiques » ? En guise d’exemple, nous pourrions mentionner le témoignage de Marie de l’Incarnation, mystique du XVIIe siècle au Québec, qui raconte comment, lors de la fête de la Pentecôte, elle vit « le commerce qu’ont ensemble les trois divines Personnes » et déclare : « Je connaissais l’unité d’essence entre les trois Personnes divines, et quoiqu’il me faille plusieurs mots pour le dire, en un moment, sans intervalle de temps, je connaissais l’unité, les distinctions et les opérations dans elles-mêmes et hors d’elles-mêmes. »2

À la suite d’une proposition formulée par Daniel Castelo3, théologien pentecôtiste nord-américain, notre travail propose d’explorer la mesure dans laquelle la notion de « mystique » est capable d’enrichir la compréhension de soi du mouvement. La présente réflexion commencera avec quelques remarques initiales sur le pentecôtisme. Nous nous tournerons ensuite vers une évaluation de la contribution de Daniel Castelo à la question qui nous intéresse. En effet, théologien pentecôtiste et professeur de théologie à Seattle Pacific University, Castelo publie en 2017 un ouvrage central à cet égard, Pentecostalism as a Christian Mystical Tradition. Dans ce livre, il défend qu’une association conceptuelle entre mystique et pentecôtisme permet une meilleure compréhension de ce qu’est le pentecôtisme. Dans notre réflexion, cette contribution sera examinée de manière critique en vertu d’une quête de fidélité à la fois à la notion de mystique et à la spiritualité pentecôtiste. Finalement, par une appropriation de la spiritualité pentecôtiste telle qu’elle est abordée dans le travail de référence du théologien pentecôtiste Steven J. Land, nous tenterons de déterminer dans quelle mesure et avec quelles limites une mystique véritablement pentecôtiste est envisageable.

1. Le(s) pentecôtisme(s) : quelques caractéristiques

Le pentecôtisme est un mouvement disparate difficile à qualifier tant les communautés concernées par cette appellation sont diverses. Cette diversité pousse certains chercheurs à parler des pentecôtismes au pluriel4. Néanmoins, certaines caractéristiques permettent de reconnaître un air de famille entre toutes ces communautés. Il y a notamment deux pratiques communes à toutes les spiritualités « pentecôtistes »5 : la pratique du baptême dans l’Esprit et la pratique des dons spirituels (notamment, la glossolalie et la prophétie)6.

Dans l’intérêt de notre réflexion, il est utile d’envisager une description du pentecôtisme qui dépasse cette simple constatation des croyances pentecôtistes sur l’action de l’Esprit Saint et qui nous aide plutôt à comprendre l’être-au-monde et l’imaginaire charismatique. Pour cela, il est intéressant de se référer à la suggestion du philosophe pentecôtiste James K. A. Smith7 qui a défendu une définition de la vision du monde pentecôtiste qui se décline en cinq aspects :

  1. Les pentecôtistes ont une perspective « d’ouverture radicale » à Dieu, une attente sans cesse renouvelée que Dieu fasse « quelque chose de nouveau » dans le monde et dans leurs vies ;
  2. Ils ont une vision « enchantée » du monde où la culture et toute la création est perçue comme « chargée » ou « habitée » par l’Esprit de Dieu (mais également par d’autres esprits) ;
  3. Les pentecôtistes ont une conception non-dualiste de la corporéité et de la matérialité, comme en atteste l’importance caractéristique qu’ils donnent à la guérison divine ;
  4. L’épistémologie pentecôtiste s’enracine dans la dimension narrative et affective de l’expérience vécue ;
  5. Les pentecôtistes ont une orientation vers le monde (dans les œuvres missionnaires ou les œuvres de justice sociale) qui trouve sa motivation dans une vision et une conscience eschatologique forte.

Certes, ces cinq aspects devraient être pris avec précaution. Plutôt qu’une simple description, il s’agit ici d’un construit qui permet à Smith de faire entrer le pentecôtisme en conversation avec la philosophie continentale contemporaine. Malgré tout, ces dimensions de la vision du monde pentecôtiste permettent de donner une définition du pentecôtisme qui s’avère très utile pour la présente réflexion. Elles peuvent nous servir de repère pour identifier les conséquences sur la vie quotidienne d’une spiritualité qui donne une place aussi centrale à l’Esprit-Saint et au baptême dans l’Esprit.

2. Daniel Castelo : le pentecôtisme comme une mystique

Dans son étude, mentionnée ci-dessus, Daniel Castelo propose de concevoir le pentecôtisme comme une manifestation contemporaine des traditions mystiques de l’histoire du christianisme. Sa proposition n’est pas anodine. Ce théologien pentecôtiste ne cherche pas à donner matière à la réflexion en anthropologie ou science des religions, il cherche plutôt à mettre sa pierre à l’édifice de la nouvelle vague théologique pentecôtiste. En effet, depuis les années 19808, les facultés de théologies du monde anglo-saxon ont pu constater en leur sein l’émergence d’une nouvelle génération de théologiens pentecôtistes ayant travaillé à une réappropriation de leur propre tradition. La lutte de ces théologiens se joue sur deux fronts : d’une part renier la tendance anti-intellectualiste qui était dominante au début du mouvement pentecôtiste et d’autre part refuser de laisser la théologie pentecôtiste être assimilée par une approche théologique qui trahisse les convictions et la sensibilité propres au pentecôtisme. L’ouvrage de Castelo porte de bout en bout ce souci d’émancipation vis-à-vis d’une herméneutique issue de la scolastique évangélique vers l’appropriation d’une méthodologie propre au pentecôtisme.

C’est là que lui vient en aide la référence à la mystique : par un regard sur le pentecôtisme selon l’angle mystique, Castelo cherche à affirmer le rapport holistique que les pentecôtistes ont avec la connaissance et plus précisément la connaissance de Dieu. La connaissance mystique ne saurait se limiter à une connaissance propositionnelle, elle est connaissance expérientielle. Ici, le pentecôtiste se retrouve : la méthode théologique ne peut pas faire abstraction de l’expérience vécue et doit intégrer une dimension narrative qui lui est essentielle. La proposition de Castelo, qui trouve un écho chez plusieurs autres théologiens pentecôtistes9, est de fonder la méthode pentecôtiste dans un rapport de corrélation entre la spiritualité (l’expérience pentecôtiste) et la doctrine, permettant ainsi de donner toute sa dignité à l’expérience tout en préservant le souci de fidélité doctrinale. Selon lui, le pentecôtiste résiste à toute séparation artificielle entre expérience (ou spiritualité) et théologie. Malgré le risque d’être marginalisés au sein de l’académie, Castelo enjoint les pentecôtistes à adopter sans scrupule une telle méthode « mystique »10.

En un certain sens, l’ensemble du christianisme est mystique puisqu’il naît de la révélation du mystère de Dieu qui se communique à l’humanité. Mais Castelo semble dresser le portrait d’une sorte de décadence : l’histoire de la théologie chrétienne part de ce fondement mystique mais une transition s’opère peu à peu dans la pensée et la pratique des chrétiens d’Occident dans la direction d’une approche de plus en plus rationaliste et du retrait de l’expérience religieuse à la sphère privée. Plus que du christianisme occidental en général, Castelo cherche à se distancer de l’épistémologie qu’il attribue au mouvement évangélique. Avec un manque surprenant de nuance, il décrie l’épistémologie évangélique comme une scolastique rationaliste et rigide, oubliant des figures fortes d’un évangélisme qui donne la part large à l’expérience, comme Charles Finney ou d’autres personnalités d’un évangélisme qui ne rechigne pas à insister sur l’expérience de Dieu11. La trajectoire que prend Castelo, de considérer la mystique dans son potentiel salvateur pour l’intellect, n’est pas sans nous évoquer les remarques de Bergson dans les Deux Sources12 où la religion dynamique est perçue dans son potentiel d’ouverture, permettant de sortir d’un intellectualisme enfermant. Dans ce débat avec l’évangélisme, nous retrouvons le cœur de l’ambition de Castelo : s’affranchir des contraintes mises en place par le courant qui semblait pourtant être le plus proche des convictions charismatiques. Le pentecôtisme n’est donc pas une sous-branche de l’évangélisme, comme si les pentecôtistes n’étaient que des « évangéliques qui parlent en langue »13. Le pentecôtisme a un ethos et une méthode théologique propres qui s’avèrent particulièrement riches pour la réflexion théologique contemporaine. Mais cette bataille méthodologique pour libérer le pentecôtisme des rigidités de la scolastique évangélique ne nous concerne pas pour la présente réflexion et rend une bonne partie du travail de Castelo légèrement hors de notre propos.

Malheureusement, l’endroit où le projet de Castelo nous intéresse le plus, s’avère être précisément là où son développement se montre le plus faible. Le réalisme théologique et la centralité de la dimension expérimentale dans la spiritualité pentecôtiste suffisent à comprendre pourquoi le rapprochement entre mystique et pentecôtisme est possible, mais ces aspects ne suffisent pas à rendre l’argument concluant. Le plus gros problème de l’ouvrage de Castelo semble être que s’il est effectivement aux prises avec la compréhension du pentecôtisme, il ne l’est pas avec la définition du qualificatif mystique14. Il faut déplorer un certain manque de rigueur dans sa définition du terme ainsi que dans sa méthode qui semble lui permettre d’utiliser en toute abstraction de contexte des exemples historiques pour appuyer son propos15. Pour sa défense, la tâche de définir ce qu’est la mystique est notoirement difficile16.

Ghislain Waterlot avance que définir la mystique commence avec le concept d’union : « L’union de deux réalités qui semblent incommensurables : d’une part, le principe même de l’être, donc ce qui est à la racine de tout et ce sans quoi il n’y aurait pas d’être, mais principe qui, par définition, ne peut faire partie de l’être ; d’autre part, l’esprit humain qui relève pleinement de ce que le principe a fait advenir »17.

3. Union et intériorité : le défi d’une identification du pentecôtisme à la mystique

Peut-on vraiment affirmer que le pentecôtisme soit une spiritualité de l’union ? N’est-ce pas plutôt une spiritualité de la rencontre comme l’avancent certains théologiens ?18 Castelo voit une continuité directe entre rencontre et union19 mais ne défend nullement cette perspective alors qu’il s’agit d’un point tout à fait crucial de la corrélation entre mystique et pentecôtisme. Les deux notions se confondent difficilement : une spiritualité de la rencontre pourrait aisément ne pas aboutir à une spiritualité de l’union en se contentant, par exemple, d’une vision épisodique de la rencontre avec Dieu. Il faut ajouter que la mystique telle que la définit Ghislain Waterlot est un parcours vers l’intériorité : « La présence de Dieu ne peut être qu’intérieure à l’homme, tout en le débordant infiniment. L’impossible devient réalité : ce qui m’est incommensurable peut et doit cependant se rencontrer en moi, et par-là même me conduire au-delà de moi »20. Or, le pentecôtisme n’est-il pas orienté et régi par l’extériorité ? N’est-ce pas une spiritualité « bruyante » où les services religieux peuvent prendre l’aspect de concerts de musique pop alors que le professeur Waterlot définit la mystique comme un voyage vers le silence ?21 N’est-ce pas une spiritualité qui flirte trop souvent avec le sentimentalisme et qui insiste sur les manifestations physiques comme le parler en langues ?22 Que dire encore de l’insistance sur les guérisons miraculeuses ou sur la recherche de la prospérité ? La méfiance à l’égard du pentecôtisme ou en tout cas le refus d’attribuer le qualificatif « mystique » à la spiritualité pentecôtiste pourrait bien se résumer par ces mots de Ghislain Waterlot : « Dieu se trouve “dans le secret” plutôt que dans les grands rassemblements collectifs pourvoyeurs de frissons et de transes relevant davantage du “feu sacré” ou des puissances chtoniennes que de la présence divine. »23

Dans son ouvrage, Castelo n’interagit pas avec cette critique importante : en ne partageant pas la même emphase sur l’intériorité et la notion d’union, le pentecôtisme peut-il sérieusement être considéré comme une mystique ? Pour relever le défi d’une telle critique, deux trajectoires possibles s’ouvrent à nous. D’une part il est possible de montrer que la spiritualité pentecôtiste peut être pensée en donnant une place de choix à l’union et à l’intériorité. D’autre part, il est également possible de déplacer le débat en montrant de quelle manière la spiritualité pentecôtiste peut être comprise dans ses propres termes et ainsi redéfinir ce que pourrait être une « mystique pentecôtiste ».

Dans la première trajectoire, nous pourrions observer que si la notion de rencontre n’est pas un équivalent de la notion d’union, cela n’implique pas pour autant que l’insistance sur la rencontre vienne abolir l’aspiration à l’union. Bien au contraire, le théologien pentecôtiste Simon Chan, dans son ouvrage Pentecostal Theology and the Christian Spiritual Tradition24 parvient à montrer de manière convaincante que l’union avec Dieu est une véritable préoccupation de la spiritualité pentecôtiste. Pour Chan, cette aspiration à l’union est vécue dans la spiritualité du baptême dans l’Esprit. Il admet cependant que cette aspiration est régulièrement trahie par une lacune dans la théologie et la pratique pentecôtiste qui n’ont pas su laisser suffisamment de place à l’ampleur du « pas encore » de cette fameuse tension eschatologique entre le « déjà » et le « pas encore ». Ce lien avec la spiritualité mystique permet à Chan de défendre l’importance pour les pentecôtistes d’apprendre de la tradition ascétique chrétienne afin de lutter contre les tendances les plus superficielles du pentecôtisme.

De plus, il nous semble que pour les grands auteurs mystiques la primauté du vocabulaire de l’union par rapport à celui de la rencontre n’est ni universelle ni toujours évidente. Ne pourrions-nous pas avancer que dans la mystique la recherche de la rencontre est au service de l’union ? Quant à la critique du pentecôtisme comme d’une spiritualité de l’externalité, centrée sur les manifestations physiques, la guérison ou la mission, notons que la réalité est beaucoup plus nuancée. Certes, cette spiritualité donne beaucoup d’attention à ces caractéristiques externes, mais cela n’implique pas qu’elle ne donne pas plus d’attention à un regard pour la vie intérieure formulé par l’attention pour la communion avec le Saint Esprit. Certes, le baptême dans l’Esprit a souvent pris la forme d’une manifestation physique de l’intervention divine, mais dès le départ cette manifestation a été comprise comme menant à une plus grande richesse de communion intérieure avec Dieu. Cette richesse intérieure se comprenant aussi par l’effet extérieur qu’elle produit. Ce cheminement allant de l’extérieur vers l’intérieur, puis de l’intérieur vers l’extérieur ne se retrouve-t-il pas dans la spiritualité mystique ? « Le mystique chrétien, de par son expérience même, ne peut être que renvoyé vers les autres. Aimer Dieu, c’est aimer d’un amour actif toute la création. »25

Ainsi, l’option de défendre la possibilité pour le pentecôtisme de s’accommoder du vocabulaire de l’union et de l’intériorité est non seulement viable, elle paraît aussi donner un apport salutaire à cette spiritualité, comme l’a montré Simon Chan. Cette trajectoire défendue par Chan peut se lire dans les évolutions du Renouveau charismatique au sein de l’Église catholique romaine26. Le lien fort des communautés du Renouveau charismatique avec leur tradition catholique leur permet de se retrouver dans le vocabulaire de la tradition ascétique sans trop d’effort d’imagination. Si Chan parvient facilement à envisager la mystique pentecôtiste en ces termes, c’est certainement en raison de son propre attachement à des formes liturgiques traditionnelles27. Cependant, de nombreuses églises pentecôtistes issues de la Réforme se distancient volontairement des formes liturgiques traditionnelles, ainsi utiliser des catégories de la tradition ascétique pour les désigner peut paraître quelque peu forcé. Voilà pourquoi il est judicieux d’envisager ici la deuxième option qui semble potentiellement plus fructueuse dans le contexte de communautés éloignées des formes liturgiques traditionnelles car elle évite d’encourir le risque de faire violence à la compréhension que ce pentecôtisme a de lui-même.

L’herméneutique théologique pentecôtiste par excellence est celle d’un retour à l’imaginaire créé par le texte biblique. C’est de l’école théologique post-libérale28, avec la contribution du théologien Hans Frei et son ouvrage The Eclipse of Biblical Narrative29, que la théologie académique pentecôtiste a trouvé le vocabulaire pour rendre compte de son herméneutique particulière. L’herméneutique pentecôtiste, à l’image de l’herméneutique post-libérale, consiste en une immersion dans le monde narratif créé par le texte biblique qui permet au lecteur de voir son propre contexte transfiguré. L’un des grands systématiciens pentecôtistes contemporains le formule ainsi : « Les histoires que racontent les pentecôtistes et les danses qu’ils font dans le monde constitué par le grand récit scripturaire sont un moyen par lequel la fonction narrative des Écritures peut ré-émerger de manière proéminente dans la vie de l’Église »30. L’imaginaire pentecôtiste est restaurationiste31 et revendique une continuité d’expérience et de charisme avec l’Église primitive.

La question de comprendre le pentecôtisme comme une mystique pourra donc être explorée de la meilleure façon en partant de la manière dont les pentecôtistes conçoivent et habitent l’imaginaire constitué à partir de leur rapport au récit biblique. Dans un ouvrage clé, Pentecostal Spirituality : a Passion for the Kingdom, le théologien Steven Land a su rendre compte de la spiritualité pentecôtiste d’une manière à la fois fidèle et programmatique pour le mouvement. Il n’est ni possible ni judicieux de s’attarder sur chaque point du développement de Land. Il suffira ici de mentionner quelques caractéristiques que Land traite comme centrales pour la spiritualité pentecôtiste – c’est-à-dire l’ensemble composé par les croyances, les pratiques et les particularités de la vie émotionnelle des communautés pentecôtistes.

4. Steven J. Land et les caractéristiques mystiques du pentecôtisme

Land décrit une spiritualité trinitaire. Tout en reconnaissant que les pentecôtistes peuvent parfois être accusés, à raison, de ne pas être suffisamment christocentriques dans leur approche, Land défend de manière tout à fait convaincante que cette spiritualité a une détermination trinitaire certaine mais prend plus spécifiquement une orientation où « Christ est le centre et l’Esprit Saint en est la circonférence »32. Par l’Esprit, cette spiritualité est un voyage vers Dieu avec Dieu33. En effet, « le Saint Esprit est la condition de connaissabilité de Dieu qui permet le don de la connaissance de soi à l’humanité »34.

Cette spiritualité trinitaire est aussi apocalyptique35. Selon celle-ci, le Royaume de Dieu se manifeste dans une histoire dont les croyants font partie, conscients d’être dans les « derniers temps ». « Pour les Pentecôtistes, le Saint Esprit est l’agent du Royaume de Dieu. Christ est le roi ou le régent, et l’Esprit Saint est la présence active et régnante. C’est l’Esprit qui fait connaître Christ et le Père. C’est dans l’Esprit que les croyants sont présentés au Père par le Christ. Le Royaume de Dieu est déjà présent, mais il n’est pas encore pleinement accompli »36. L’orientation pentecôtiste, centrée sur le Christ qui a « tout accompli » (Jn 19,30), qui donne l’Esprit à l’Église et qui reviendra dans la gloire, est résolument eschatologique et vécue dans une ferveur et une urgence apocalyptique. Cette spiritualité est animée par la tension d’un Royaume qui est à venir (de manière imminente) et qui pourtant est déjà là, se manifestant par des charismes, des guérisons, par la sanctification et par l’amour. Cette vision comprend l’histoire comme un processus « eschatologique et trinitaire », toute l’histoire est « missionnaire » en ce sens-là, ce qui implique qu’être « un chrétien rempli de l’Esprit, revient à faire partie d’un processus téléologique de souffrance, de guérison, d’espérance et de victoire en vue du Royaume de Dieu »37.

Land décrit une spiritualité dont le noyau d’intégration des différents éléments qui la constituent est affectif. Pour Land, ce qui permet d’intégrer l’orthodoxie et l’orthopraxie pentecôtistes de manière cohérente est un noyau affectif d’orthopathie, c’est-à-dire des « passions affectives distinctives formées par des croyances, orientés par une praxis » et qui font le caractère d’une personne ou d’une communauté38. Les passions pentecôtistes sont décrites par Land comme centrées sur Dieu (il en est la source mais aussi l’objet). Ce sont des passions apocalyptiques puisqu’elles sont une participation présente de réalités à venir. Elles sont profondément relationnelles, elles dépendent et définissent la relation du croyant à la Trinité, à sa communauté ecclésiale et au monde. Ces passions apocalyptiques pentecôtistes que Land décrit ne sont pas simplement des émotions ou des réactions émotionnelles, elles sont le « noyau existentiel de la foi »39, ce sont des dispositions qui fondent et déterminent de manière profonde le caractère des pentecôtistes et leur rapport au monde. Il décrit trois passions apocalyptiques pentecôtistes caractéristiques en lien avec les vertus théologales : la gratitude, la compassion et le courage. La gratitude trouve sa source dans la justification et s’exprime par une foi qui « triomphe du monde » ; la compassion trouve sa source dans l’amour de Dieu et s’exprime par une passion pour la sanctification ainsi que par l’amour du prochain ; le courage trouve sa source dans l’œuvre de l’Esprit parmi les croyants et s’exprime par l’espérance dans le Règne de Dieu qui est déjà là même s’il reste à venir.

Finalement, Land décrit cette spiritualité comme communautaire et missionnaire40. La vie religieuse pentecôtiste se vit et se transmet sur le mode narratif et est ponctuée par un culte émotionnellement riche (et parfois exubérant). La prière, vécue individuellement mais aussi dans ce contexte d’expériences et de relations communautaires forme les passions pentecôtistes. La communauté est un lieu vital d’expression et de formation des passions apocalyptiques pentecôtistes. De plus, comme nous l’avons vu, ces passions sont orientées vers Dieu mais également vers son action dans le monde : le témoignage et la prière rappellent ce que Dieu a fait, ce qu’il est en train de faire et anticipent ce qu’il fera. Ces passions poussent donc les pentecôtistes vers la mission sur le mode d’une passion pour le Royaume de Dieu.

Ces quelques observations sur la spiritualité pentecôtiste, sa dimension trinitaire, apocalyptique, affective, communautaire et missionnaire, permettent d’identifier avec plus de précision sa structure. Elles nous permettent de comprendre le pentecôtisme certes comme une spiritualité mystique puisqu’elle donne une place de choix à l’expérience et à l’union au Dieu trinitaire, mais surtout comme une spiritualité qui envisage les catégories d’intériorité et d’union dans une articulation différente que celle envisagée par la tradition ascétique. Si la spiritualité pentecôtiste doit être considérée comme une mystique, nous devons admettre qu’il s’agit d’une mystique communautaire, apocalyptique et missionnaire41. La thèse qui sert de conclusion à notre réflexion est que ces trois éléments, sans être en contradiction avec la tradition ascétique, vont dans une direction qui résiste à une identification facile à cette tradition.

5. Le pentecôtisme comme une mystique communautaire, apocalyptique et missionnaire

Si les termes communautaire, apocalyptique et missionnaire peuvent s’appliquer à certains aspects de la spiritualité ascétique, la différence avec le pentecôtisme se jouera dans la manière d’accentuer et de prioriser ces éléments. Nous insisterons ici sur la place particulière que joue la communauté dans le pentecôtisme, mais nous suggérerons aussi quelques pistes de réflexions sur les aspects apocalyptiques et missionnaires du pentecôtisme.

La dimension fortement communautaire de cette spiritualité semble impliquer une conception de l’intériorité qui se formule et se vit différemment que ce que laisserait entendre la perspective de Chan. S’il y a une orientation certaine vers l’intériorité dans la pratique spirituelle pentecôtiste, celle-ci sera toujours en négociation avec la nature communautaire de la quête de Dieu et de son Royaume. La menace du sentimentalisme, voire de la manipulation affective, par différents moyens tel que l’usage parfois abusif d’une musique particulièrement entraînante, reste un risque à prendre pour pouvoir demeurer dans la lignée d’une « mystique communautaire » à la mode pentecôtiste. Une tentation nécessaire contre laquelle il faudra – évidemment – lutter. La quête pentecôtiste de Dieu s’entreprend individuellement, mais aussi et surtout ensemble et se manifeste par des réunions de prière et des cultes qui rassemblent la communauté dans ce but. C’est notamment l’influence des cultures afro-américaines et africaines42 qui permet au pentecôtisme de ne pas rougir face à une approche résolument incarnée de la spiritualité : le corps de l’individu est intégré dans la quête de Dieu en lien avec le corps de chaque autre croyant et le corps dans la communauté dans son entier43. Cette expérience d’une « immédiateté médiée »44 impliquant le corps et la communauté dans le rapport à Dieu confirme le regard sacramentel que les pentecôtistes posent sur le monde45 tout en étant une approche qui diffère de manière significative de celle développée par les traditions ascétiques qui accompagnent souvent le mysticisme. En effet, les communautés ascétiques manifestent souvent un souci comparable pour la communauté et pour la matérialité, mais le rapport pentecôtiste au corps semble ici questionner les priorités et la compréhension du rapport entre mystique et communauté. Notre réflexion nous pousse à comprendre le pentecôtisme comme une « mystique communautaire » sans pour autant empêcher de considérer les communautés pentecôtistes comme de « foyers de mysticité »46, c’est-à-dire des communautés desquelles peuvent émerger des expériences mystiques individuelles. La spiritualité charismatique peut donner lieu et encourager des cheminements mystiques individuels à la manière défendue par Simon Chan, dans la mesure où sa vie communautaire est déjà un engagement mystique – entendons le terme comme décrivant ici un parcours vers Dieu, en Dieu. Si l’on comprend comme mystique la quête communautaire de Dieu telle qu’elle se vit dans les communautés charismatiques, alors la tradition pentecôtiste revêt un intérêt et des enjeux particuliers. Cet intérêt et ces enjeux sont ceux liés à la perpétuation de la vie mystique de la communauté à travers le temps. En d’autres termes, comme l’a démontré la sociologue Margaret Poloma dans ses études de terrain sur les communautés Pentecôtistes et néo-charismatiques47, il y a une manière typiquement pentecôtiste de rencontrer le problème de la routinisation ou de l’institutionnalisation du charisme. Les communautés charismatiques, au même titre que toutes les communautés religieuses, rencontrent des problèmes liés à la transmission du charisme originel, néanmoins, la spiritualité que nous avons décrite semble avoir des ressources particulièrement efficaces pour qu’après plus d’un siècle d’existence, elle puisse continuer sa croissance impressionnante tout en expérimentant des mouvements successifs de renouveau et cela en préservant un désir apparemment sans compromis pour l’expérience de l’Esprit. Ainsi, plus que d’être des curiosités sociologiques, de telles communautés semblent avoir une réelle contribution à apporter à la réflexion ecclésiologique.

À côté de cet aspect communautaire, la dimension apocalyptique de la spiritualité charismatique vient questionner également les catégories qui nous intéressent. En effet, la conception ascétique de la spiritualité mystique peut manifester des caractéristiques eschatologiques mais rarement apocalyptiques. Eschatologique, cette spiritualité peut l’être au sens d’une attente de la parousie48. Elle peut aussi l’être dans la mesure où elle considère la grâce présente comme le gage d’une réalité à venir49. Elle ne prétend jamais que l’union recherchée soit déjà accomplie mais la considère comme à venir50. Cependant, ici aussi, si nous faisons attention aux éléments de définition retenus pour caractériser la mystique, l’intériorité et l’union, nous voyons une subtile différence : l’orientation eschatologique de la spiritualité mystique se manifeste dans une ferveur apocalyptique. La spiritualité pentecôtiste a cela de particulier qu’elle est déterminée de manière fondamentale par une forme d’attente imminente qui – dans les mots de Smith mentionnés plus haut – est une attente toujours renouvelée que Dieu fasse « quelque chose de nouveau ». Cette attente apocalyptique a des répercussions non seulement sur la liturgie – une liturgie qui se veut ouverte aux interruptions et aux bouleversements de l’Esprit – mais sur toutes les dimensions de la vie susceptibles d’être touchées par les charismes de l’Esprit Saint (de la prière pour les malades à la gestion des finances). Cette attente apocalyptique est explicitement « extérieure » même si elle nourrit la faim d’union intérieure.

L’aspect missionnaire est semble-t-il présent dans toute spiritualité mystique comme cela a été vu précédemment, cependant le pentecôtisme tire de sa parenté avec l’évangélisme un activisme51 qui joue une place prépondérante au cœur de son identité. L’activisme missionnaire pentecôtiste influence sa liturgie – donnant à chaque service religieux une tournure évangélistique – mais également la manière dont chaque laïc va percevoir sa vocation professionnelle ou encore la manière d’envisager l’impact de la communauté dans la société52. Selon le théologien Wolfgang Vondey, les pentecôtistes comprennent la création comme un « autel cosmique de la rédemption où l’humanité incarne, par l’Esprit, l’image de Dieu pour le monde »53. Leur spiritualité tout entière, étant tournée vers Dieu, est tournée vers le monde et pressée par une ferveur apocalyptique.

6. Remarques conclusives : vers la compréhension d’une mystique contemporaine

Nous avons pu brièvement démontrer la relation complexe qu’entretiennent la spiritualité charismatique et ces deux éléments clés d’une définition conventionnelle de la mystique que sont l’union et l’intériorité. Il nous a semblé que sans entrer dans une contradiction insurmontable avec lui, le pentecôtisme en tant que spiritualité communautaire, apocalyptique et missionnaire, en accueillant le qualificatif, tend à en modifier la portée. Dans notre réflexion, nous avons cherché à montrer que l’utilisation de ce concept notoirement complexe et délicat à manipuler pourra s’employer le plus efficacement pour caractériser le pentecôtisme s’il ne sert pas à éluder les spécificités de cette spiritualité, mais plutôt à mettre en lumière le potentiel que celles-ci lui apportent. En effet, même au-delà de l’avantage que donne cette notion à l’épistémologie pentecôtiste en admettant la nature holistique de la connaissance théologique, comme l’a défendu Daniel Castelo, nous pouvons envisager de réelles opportunités à parler de « mystique pentecôtiste » : d’une part, cela permet de profiter de l’apport essentiel des traditions ascétiques pour cultiver un regard critique sur les pratiques pentecôtistes (Simon Chan), mais d’autre part, cela offre la perspective d’un potentiel théorique prometteur qui consiste à aborder la mystique chrétienne sous le prisme de la communauté charismatique54 et cela avec une attention renouvelée sur les possibilités mystiques du rapport au corps ainsi qu’au rôle de l’eschatologie dans la conception de la vie spirituelle.

Pour le mot de la fin, mentionnons une remarque de l’éthicien nigérian Nimi Wariboko : selon lui, « le pentecôtisme (dans sa furie, son énergie exubérante et sa croissance rapide) est l’archétype religieux de l’élan vital de notre ère »55. L’étude du mysticisme à la mode pentecôtiste est d’un intérêt particulier puisqu’elle nous ouvre une perspective nouvelle sur une spiritualité qui par ses aspects populaires, globalisés, énergiques, rapides et hyper-connectés, nous renvoie aux possibilités spirituelles de notre temps. Si notre analyse est cohérente, le pentecôtisme témoigne d’une mystique qui passe encore plutôt inaperçue au cœur du monde contemporain : suffisamment d’attention n’a pas encore été donnée à ces femmes et ces hommes de toutes les langues et toutes les nations, qui dansent, ivres de Dieu.

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1Témoignage anonyme recueilli personnellement pendant l’été 2020.

2Marie de l’Incarnation, Autobiographie, p. 53-54, cité dans Raymond Brodeur, Dominique Deslandres et Thérèse Nadeau-Lacour (dirs), Lecture inédite de la modernité : aux origines de la Nouvelle-France. Marie Guyart de l’Incarnation et les autres fondateurs religieux, Québec, Presses de l’université Laval, 2009, p. 387.

3Daniel Castelo, Pentecostalism as a Christian Mystical Tradition, Grand Rapids, Eerdmans, 2017.

4Cf. Notamment Allan Anderson et Walter Jacob Hollenweger, Pentecostals after a Century: Global Perspectives on a Movement in Transition, Sheffield, Sheffield Academic, 1999, p. 34 ; Allan Anderson, Spreading Fires: The Missionary Nature of Early Pentecostalism, Maryknoll, Orbis Books, 2007, p. 4.

5Le mot « pentecôtisme », écrit délibérément avec un p minuscule, désigne ici toutes les formes de christianisme charismatique tenant pour très importantes la pratique des dons spirituels et la pratique du baptême dans l’Esprit. Il ne s’agit pas uniquement des dénominations se revendiquant comme « pentecôtistes ».

6Cf. Peter D. Hocken, « Charismatic Movement », in : Stanley M. Burgess (éd.), The New International Dictionary of Pentecostal and Charismatic Movements, Grand Rapids, Zondervan, 2002, p. 477-519.

7James K. A. Smith, Thinking in Tongues: Pentecostal Contributions to Christian Philosophy, Grand Rapids, William B. Eerdmans Pub. Co., 2010, p. 12. Il convient de préciser ici le contexte protestant de ces remarques sur l’apport potentiel de la théologie pentecôtiste. En effet, la théologie catholique romaine semble avoir un rapport avec ce que l’on nomme la « théologie mystique » bien moins troublé que ce qui est envisagé par Smith et Castello.

8Cf. Amos Yong, « Pentecostalism and the Theological Academy », Theology Today 64/2 (2007), p. 244-250.

9Voir, par exemple la proposition méthodologique de Christopher A. Stephenson, Types of Pentecostal Theology: Method, System, Spirit, Oxford, Oxford University Press, 2013.

10James K. A. Smith adopte cette même posture : exhorter les penseurs pentecôtistes à ne pas renier ce qui fait leur particularité et leur identité (cf. J. K. A. Smith, Thinking in Tongues, op. cit.). Il convient de préciser ici le contexte protestant de ces remarques sur l’apport potentiel de la théologie pentecôtiste. En effet, la théologie catholique romaine avec son approche de la « théologie spirituelle » semble avoir un rapport à l’expérience bien moins troublé que ce qui est envisagé par Smith et Castello. Cf. par exemple Sandra Marie Schneiders, « The Discipline of Christian Spirituality and Catholic Theology », in : Bruce H. Lescher et Elizabeth Liebert (éds), Exploring Christian Spirituality: Essays in Honor of Sandra M. Schneiders, New York, Paulist Press, 2006, p. 196-212.

11Voir la critique d’Evan B. Howard, « Pentecostalism as a Christian Mystical Tradition by Daniel Castelo (Review) », Spiritus: A Journal of Christian Spirituality 19/1 (2019), p. 161-163.

12Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, éd. par Frédéric Worms, Paris, PUF, 201311, p. 161-69.

13D. Castelo, Pentecostalism as a Christian Mystical Tradition, op. cit., p. xiv.

14Sans expertise dans l’étude de la mystique, notre réflexion ne saurait prétendre pouvoir combler de manière satisfaisante les lacunes du projet de Castelo sur le sujet. Cette réflexion permettra cependant de suggérer des pistes qui nous paraissent prometteuses pour l’avenir de cette question.

15Cf. E. B. Howard, « Pentecostalism as a Christian Mystical Tradition », art. cit.

16Cf. par exemple, Maurice Blondel, Le problème de la mystique, Paris, Bloud & Gay, 1929.

17Ghislain Waterlot, « Mystique(s) », in : Éric Gaziaux, Laurent Lemoine et Denis Müller (éds). Dictionnaire encyclopédique d’éthique chrétienne, Paris, Cerf, 2013, p. 1363.

18Cf. notamment : Keith Warrington, Pentecostal Theology: A Theology of Encounter, London, T&T Clark, 2008.

19Cf. D. Castelo, Pentecostalism as a Christian Mystical Tradition, op. cit., p. 80.

20G. Waterlot, « Mystique(s) », art. cit., p. 1364.

21« [Le] Pseudo-Denys invite clairement à cette expérience à travers un dépassement de toutes les formes et conceptions qui étaient nécessaires et admises aux commencements de l’expérience. Au terme de ce dépassement ne demeure que le silence car “c’est dans le Silence en effet qu’on apprend les secrets” de Dieu dont on ne peut alors plus parler qu’en usant d’oxymores. » Ghislain Waterlot, « Pourquoi s’intéresser à la mystique ? Présentation et problématisation du dossier “De la théologie mystique à la mystique” », Revue de Théologie et de Philosophie 142/34 (2010), 197.

22À cet égard, Simon Chan défend une corrélation intéressante entre la pratique de la glossolalie et la pratique ascétique du silence. Cf. Simon Chan, Pentecostal Theology and the Christian Spiritual Tradition, Sheffield, Sheffield Academic Press, 2000, p. 77-82.

23G. Waterlot, « Mystique(s) », art. cit., p. 1369.

24Cf. S. Chan, Pentecostal Theology and the Christian Spiritual Tradition, op. cit., p. 73-74.

25G. Waterlot, « Mystique(s) », art. cit., p. 1369. Voir aussi la déclaration « L’union mystique n’annule pas l’action, elle y conduit ». Mariel Mazzocco, « “Mystique”, Histoire et métamorphose d’un mot (XVIIe-XXe siècles) », in : François Trémolières, Ghislain Waterlot, et Mariel Mazzocco (éds), L’université face à la mystique : un siècle de controverses ? actes du colloque international tenu à l’Université de Genève du 28 au 30 avril 2016, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 20.

26Cf. par exemple ce compte rendu de la relation du Renouveau à l’institution : Valérie Aubourg, « Les quatre saisons du Renouveau charismatique 1967-2017 », Social Compass 66/3 (2019), p. 151-163.

27Cf. par exemple : Simon Chan, Spiritual Theology: A Systematic Study of Christian Life, Downers Grove, InterVarsity Press, 1998.

28Cf. l’exemple du théologien pentecôtiste Frank Macchia : Frank D. Macchia, Baptized in the Spirit: A Global Pentecostal Theology, Grand Rapids, Zondervan, 2006, p. 52.

29Hans W. Frei, The Eclipse of Biblical Narrative, London, Yale University Press, 1980.

30« Pentecostals telling stories and dancing within the world of the larger narrative of Scripture is one way in which the narrative function of Scripture can emerge once more as prominent in the life of the church. » (Traduction personnelle, F. D. Macchia, Baptized in the Spirit, op. cit., p. 52-53).

31Sur ce point, soulevons le commentaire de Steven Land qui précise que le restaurationisme pentecôtiste n’est pas un rejet de la tradition ou de la réflexion théologique en tant que telles, mais uniquement dans la mesure où celles-ci servent de résistance à l’œuvre de l’Esprit dans l’Église (cf. Steven Jack Land, Pentecostal Spirituality: A Passion for the Kingdom, A&C Black, 1993, p. 22). Le primitivisme pentecôtiste n’est pas forcément anhistorique mais peut être une manifestation du désir de revenir aux racines ou au cœur du christianisme (cfIbid., p. 59-60).

32« Indeed, Jesus Christ is the center and the Holy Spirit is the circumference of a distinctive Pentecostal spirituality whose lineaments it is the task of this work to trace » (traduction personnelle, S. J. Land, Pentecostal Spirituality, op. cit., p. 12).

33Cf. S. J. Land, Pentecostal Spirituality, op. cit., p. 69.

34« The Holy Spirit is the knowability of God who gives his self-knowledge to humanity as a gift » (S. J. Land, Pentecostal Spirituality, op. cit., p. 166).

35Ici, les qualificatifs « apocalyptique » et « eschatologique » se distinguent. Le second désigne ce qui est relatif aux « choses dernières », tandis que le premier désigne l’attente imminente de la réalisation de celles-ci. Cet usage est attesté notamment chez le théologien luthérien et pentecôtiste Kärkkäinen (Veli-Matti Kärkkäinen, Hope and Community, A Constructive Christian Theology for the Pluralistic World 5, Grand Rapids, Eerdmans, 2017, p. 9).

36« For Pentecostals, the Holy Spirit is the agent of the kingdom of God. Christ is the king or regent, and the Holy Spirit is the active reigning presence. It is the Spirit who makes Christ and the Father known. It is in the Spirit that believers are presented to the Father through Christ. The Kingdom of God is already present, but not yet consummated » (traduction personnelle, S. J. Land, Pentecostal Spirituality, op. cit., p. 44).

37« According to this understanding of history as eschatological trinitarian process, all of history is missionary history, and to become a Spirit-filled Christian is to become a part of the teleological process of suffering, healing, hope and victory which presses toward the kingdom in God » (S. J. Land, Pentecostal Spirituality, op. cit., p. 200).

38CfIbid., p. 33.

39Harvey Cox, « A Review of Pentecostal Spirituality : A Passion for the Kingdom by Steven J. Land », Journal of Pentecostal Theology 2/5, 1994, p. 4.

40« The Pentecostal passion for the kingdom of God is formed and expressed in and through a Pentecostal community. This community exists in the pronounced eschatological tension of the already-not yet. The strategy of the Holy Spirit in announcing and previewing the kingdom is to form and sustain the community of the king » (S. J. Land, Pentecostal Spirituality, op. cit., p. 177-178).

41L’élément trinitaire et l’élément affectif ne sont pas discutés puisqu’ils semblent pouvoir être accommodés tel quel par la tradition ascétique.

42À cet égard, voir notamment : Amos Yong et Estrelda Y. Alexander, Afro-Pentecostalism: Black Pentecostal and Charismatic Christianity in History and Culture, New York, New York University Press, 2011.

43Cf. Michael Wilkinson, « Worship: Embodying the Encounter with God », in : Wolfgang Vondey (éd.), The Routledge Handbook of Pentecostal Theology, London, Routledge, 2020.

44Peter D. Neumann, « Experience: The Mediated Immediacy of Encounter with the Spirit », in : W. Vondey (éd.), The Routledge Handbook of Pentecostal Theology, op. cit. ; Peter D. Neumann, Pentecostal Experience: An Ecumenical Encounter, Eugene, Pickwick Publishing, 2012.

45Plusieurs théologiens pentecôtistes ont récemment défendu un lien fort entre la spiritualité pentecôtiste et la théologie sacramentaire. Cf. notamment : Joseph Lee Dutko, « Beyond Ordinance: Pentecostals and a Sacramental Understanding of the Lord’s Supper », Journal of Pentecostal Theology 26/2 (2017), p. 252-271 ; Chris E. W. Green, « Sacraments: Rites in the Spirit for the Presence of Christ », in : W. Vondey (éd.), The Routledge Handbook of Pentecostal Theology, op. cit. ; Amos Yong, « Beyond Ritual: Sacramental Theology after Habermas – Siobhán Garrigan », Religious Studies Review 32/4 (2006), p. 247.

46Cette expression est tirée d’une remarque de Ghislain Waterlot (G. Waterlot, « Pourquoi s’intéresser à la mystique ? », art. cit., p. 196).

47Margaret M. Poloma, Main Street Mystics: The Toronto Blessing and Reviving Pentecostalism, Walnut Creek, AltaMira Press, 2003 ; Ead., The Toronto Report: A Preliminary Sociological Assessment of the Toronto Blessing, Bradford-on-Avon, Terra Nova, 1996 ; Ead., The Assemblies of God at the Crossroads: Charisma and Institutional Dilemmas, Knoxville, University of Tennessee Press, 1989 ; Ead., « The “Toronto Blessing”: Charisma, Institutionalization, and Revival », Journal for the Scientific Study of Religion 36/2 (1997), p. 257 ; Margaret M. Poloma et Brian F. Pendleton, « Religious Experiences, Evangelism, and Institutional Growth within the Assemblies of God », Journal for the Scientific Study of Religion 28/4 (1989), p. 415.

48Par exemple : Jordan Aumann, Spiritual Theology, London/New York, Continuum, 2006, p. 80.

49Rowan Williams, « Mystical Theology and Christian Self-Understanding », in : Mark Allen McIntosh et Edward Howells (éds), The Oxford Handbook of Mystical Theology, Oxford, 2020, p. 19.

50Hugh Feiss, « Eschatology », in : M. A. McIntosh et E. Howells (éds), The Oxford Handbook of Mystical Theology, op. cit., p. 662.

51Cf. par exemple : Mark A. Noll, David Bebbington, et George M. Marsden, Evangelicals: Who They Have Been, Are Now, and Could Be, Grand Rapids, William B. Eerdmans, 2019.

52Cf. par exemple : Donald E. Miller et Tetsunao Yamamori, Global Pentecostalism: The New Face of Christian Social Engagement, Berkeley, University of California Press, 2007.

53Wolfgang Vondey, Pentecostal Theology: Living the Full Gospel, London, T&T Clark, 2018, p. 199 (traduction personnelle).

54En contraste avec des études de la mystique souvent centrées sur les individus.

55« Pentecostalism (in its fury, exuberant energy and rapid growth) is the religious archetype of the impetus of our age. » (Traduction personnelle, Nimi Wariboko, The Charismatic City and the Public Resurgence of Religion : A Pentecostal Social Ethics of Cosmopolitan Urban Life, New York, Palgrave Macmillan, 2014, 30).