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Renzo Ragghianti, Le lexique du droit dans les Essais de Montaigne

Florence, Leo S. Olschki (Quaderni di Rinascimento 53), 2019, 138 p.

Jean-Pierre SCHNEIDER

On sait que Montaigne a occupé diverses fonctions judiciaires, qu’il a été en particulier magistrat au Parlement de Bordeaux (cour de justice), à la Chambre des Enquêtes, pendant plus de dix ans. On présuppose qu’il avait fait des études de droit, peut-être à Toulouse. On sait aussi que la question de la législation et de son application a suscité chez Montaigne de nombreuses réflexions, souvent critiques ou désabusées et empreintes de scepticisme (par exemple au début du ch. XIII du livre III [« De l’expérience »]). On attendra donc d’un lexique du droit dans les Essais un éclairage particulier sur l’œuvre. Le Glossaire occupant le corps du présent ouvrage (p. 27-138), précédé d’une introduction érudite (p. 1-21), est constitué par la confrontation de la Concordance des Essais de Montaigne (R. Leake [éd.], Genève, 1981) avec le Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l’explication des termes de Droit, d’Ordonnances, de Coutumes et de Pratique (C.-J. de Ferrière, 17584), ainsi qu’avec le Glossaire de l’Ancien Droit Français contenant l’explication des mots vieillis ou hors d’usage qu’on trouve ordinairement dans les Coutumes et les Ordonnances de notre ancienne jurisprudence (P. Dupin et É. Laboulaye [éds], Paris, 1846). En parcourant les entrées de ce glossaire, on est frappé par l’aspect non technique et souvent métaphorique des usages que fait Montaigne de la langue du droit principalement coutumier, comprise ici dans un sens très large. On en vient même à penser que, pour une part, la langue du droit que retiennent les dictionnaires mentionnés ainsi que l’auteur s’appuie sur l’usage devenu commun de la langue et que l’auteur des Essais s’inscrit simplement dans une certaine continuité de ce langage commun. L’auteur est sans doute conscient d’un phénomène de cet ordre, quand il affirme : « Il faut aussi relever la formalisation encore élémentaire d’une large portion de ce lexique [juridique], et l’utilisation que le Bordelais en fait va largement dans le sens d’en limiter tout aspect technique pour le rapprocher de la langue de tous les jours » (p. 20). Quelques exemples suffiront : (1) « “adveu”, reconnaissance d’un supérieur ; reconnaissance de la vérité d’un fait, d’une dette, d’une convention », avec la citation des Essais : « N’y a-t-il que ces muscles et ces veines qui s’elevent et se couchent sans l’adveu, non seulement de nostre volonté, mais ausi de nostre pensée ? » (I 21,102) ; (2) sous l’entrée « loi », parmi les quatre citations données, on lit : « Les loix naturelles leur commandent encores » (I 31,206) et « Il semble aussi que les loix Romaines condamnoient anciennement à mort ceux qui avoient fuy » (I 16,70) ; (3) « “règle”, loi, ordonnance, maxime, principe », avec la citation : « Car c’est la regle des regles, et generale loy des loix, que chacun observe celle du lieu où il est » (I 23,118). Notons aussi que R. Ragghianti est l’auteur d’une autre recherche érudite sur l’ami de Montaigne, publiée dans la même série (Quaderni di Rinascimento 48, 2010) : Rétablir un texte. Le Discours de la servitude volontaire d’Étienne de la Boétie.