Michel Angot, Les mythes des Indes
Paris, Seuil, 2019, 556 p.
Comment retrouver la saveur propre et le sens originel de la mythologie des Indes, si riche d’enseignements spirituels atemporels sur la nature de l’indicible et la profondeur de la parole, mais en-deçà des interprétations réductrices que les occidentaux en ont faits à leur convenance et, surtout, en deçà de l’appropriation identitaire et de la récupération nationaliste récente ? Tel est le défi que Michel Angot relève avec brio. À travers une érudition savante qu’il sait rendre accessible au grand public, il remet d’abord quelques pendules à l’heure concernant l’approche existentielle et profonde que les hindous eux-mêmes ont eu et veulent encore avoir aujourd’hui de leurs récits, auxquels la science moderne a donné le nom de mythes, mais qu’ils considèrent comme de l’histoire, leur histoire. Et, pour entrer dans l’intériorité de l’âme indienne, il faut bien comprendre que « chaque être existe sur des plans différents : tout être céleste est susceptible de disposer d’une forme terrestre et tout être terrestre dispose d’un équivalent céleste, la nature des choses n’est pas définie ni limitée. Un dieu, un homme, tous les êtres peuvent vivre un certain temps sous la forme d’un animal ». C’est ainsi que s’éclairent la complexité des naissances et des combats des dieux, les cosmogonies et l’irruption des dieux dans le monde humain, la nature du temps et de l’immortalité, la diversité des rites, le sens de l’amour et du mal, du faux et du vrai. « Les histoires qui sont contées ici, dit l’auteur en conclusion d’une magistrale introduction, ne sont pas des contes pour enfants, loin de là ; éminemment sérieux, le mythe dit la vérité que nos sens ne perçoivent pas, la vérité d’un plan du cosmos où les hommes n’ont pas accès par la perception. Le mythe que nous connaissons et qu’ils ignorent, c’est la poésie ». Un cahier de douze illustrations en couleurs et une vingtaine d’illustrations en noir et blanc insérées dans le texte font de cet ouvrage la meilleure présentation d’ensemble actuelle, en langue française, des mythes védiques et bouddhiques, ainsi que des mythes des épopées et des Puranas. Chaque chapitre est doté d’une bibliographie sélective propre à orienter vers d’autres lectures ou recherches. « Pour comprendre l’autre, disait Massignon, il ne faut pas se l’annexer, mais devenir son hôte ». C’est à ce bel exercice que nous invite Michel Angot.