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Nicola Gardini, Vive le latin. Histoires et beauté d’une langue inutile

Traduit de l’italien par Dominique Goust, avec la collaboration d’Ilaria Gabbani, Paris, Éditions de Fallois, 2018, 278 p.

Jean BOREL

Cet ouvrage parlera-t-il dans le vide ou suscitera-t-il un intérêt au-delà de quelques nostalgiques du latin ? Il est difficile de prévoir d’avance comment il sera reçu par ceux auxquels l’auteur aimerait tant s’adresser, « les jeunes gens, garçons et filles des écoles, qui, plus que quiconque, cherchent à trouver un sens à ce qu’ils font et voient » (p. 19), sans oublier les moins jeunes, latinistes ou non, et si possible « signaler quelque chose de vital et de nécessaire à des hommes politiques, enseignants, gens de commerce et médecins, avocats et écrivains qui, par curiosité et sans préjugé, se demandent ce qu’est le latin » (Ibid.). Comment l’auteur s’y prend-il donc pour réussir son vœu et faire en sorte que son livre ne tombe pas des mains de ceux qui seront tentés de s’y plonger ? En montrant comment et combien « le latin est beau », dépassant ainsi d’un coup les arguments de ses détracteurs qui n’en voient pas ou plus l’utilité, et ceux de ses laudateurs pour lesquels la première vertu du latin serait de former l’esprit. Ce que font également toutes les autres langues, pour peu qu’on les étudie sérieusement. « Quiconque étudie le latin, dit-il en résumé, doit l’étudier pour une raison fondamentale ; parce que c’est la langue d’une civilisation ; parce que c’est dans le latin que l’Europe s’est accomplie. Parce que c’est en latin qu’ont été écrits les secrets de notre identité la plus profonde et que, ces secrets, l’on veut les déchiffrer » (p. 247). C’est ainsi qu’en vingt-deux chapitres, évoquant de manière vivante le parcours de l’auteur lui-même redécouvrant au cours de ses études « l’espace de bonheur » que représentait pour lui la possibilité et l’apprentissage du latin – sans lequel « notre monde ne serait pas ce qu’il est » (p. 30) – son évolution, sa large diffusion et ses divers modes d’expression, il opère un beau choix de textes qu’il a particulièrement aimés dans l’histoire de la littérature latine, et qui ont peu à peu constitué ce qu’il appelle sa « maison intérieure ». De Catulle à saint Augustin et saint Jérôme, en passant par Horace, Cicéron, César, Virgile, Ovide, Sénèque, Tite-Live, Lucrèce, Juvénal et Properce, il nous fait apprécier au fil de leurs extraits reproduits et traduits, non seulement la voix propre de quelques-uns des plus grands témoins de la langue latine, mais aussi la richesse, la diversité et la finesse des pensées qu’elle a suscitées au cours des siècles. « Il ne suffit pas que celui qui parle soit vivant pour qu’il puisse dire que sa langue est vivante, dit l’auteur en conclusion. Vivante est la langue qui dure et qui produit une autre langue, ce qui est justement le cas du latin » (p. 249) qui, de surcroît, fut créateur et modèle d’autres littératures, comme autant de conversations nouvelles offertes à qui voudra bien s’engager dans ce dialogue enchanté. Une bibliographie de base et quatre index des auteurs, personnages historiques, personnages mythologiques et passages cités seront utiles à un travail d’approfondissement.