Rachi (Salomon ben Isaac), La Bible de Rachi. Volume 1 : la Torah – le Pentateuque. Commentaire de la Torah par Rachi
Introduction et annexes par Gilbert Wendorfer, Paris, Cerf, 2019, 940 p.
Rachi est pour le judaïsme ce que Thomas d’Aquin est pour le christianisme : une référence incontournable et, comme le dit l’éditeur Gilbert Werndorfer, « celui qui incarne le savoir juif et la sagesse absolue ». De son vrai nom, Rabbi Salomon fils d’Isaac, est né à Troyes en 1040. Très jeune il quitta son pays natal et alla étudier dans les académies talmudiques de Worms et de Mayence. A l’âge de vingt-cinq ans, il revint alors à Troyes pour y fonder sa propre école talmudique, et c’est là que, jusqu’à sa mort en 1105, il se consacra à l’enseignement, à la rédaction de commentaires de l’Écriture et du Talmud, ainsi qu’à de multiples recherches qui firent de lui l’un des savants les plus vénérés dans l’Europe entière. Exégète, légiste, décisionnaire, poète, penseur et, pour assurer sa subsistance, vigneron en Champagne, Rachi a légué à la postérité une œuvre qui n’est pas seulement importante pour les juifs, mais également pour les chrétiens. En effet, Rachi, qui s’est toujours voulu un homme d’ouverture tout en restant fidèle au judaïsme, a eu une large audience et influence sur l’interprétation chrétienne de la Bible. Le franciscain Nicolas de Lyre, ainsi que Luther, pour ne prendre que ces deux exemples, lui en sont redevable. La traduction française de ce premier volume de son commentaire de la Bible est un événement spirituel et culturel, tant par la profondeur des différents niveaux de lecture et de compréhension du texte sacré qu’il propose que par l’humilité et la modestie qu’il a toujours gardées pour approcher les mystères de la Parole de Dieu : « J’ai donc résolu d’appréhender le sens des versets, et d’en établir le commentaire selon leur ordre et les midrashim auxquels nos maîtres ont fixé, midrash par midrash, leur place véritable ». Les principes de cette méthodologie, dont le but essentiel fut de rechercher le sens littéral des versets (pechat), n’avaient rien de nouveau, sinon que Rachi les a mis en œuvre avec sagacité et une détermination sans faille pour toute la Bible, ce qui en a fait la somme de référence par excellence pour toutes les générations d’étudiants qui ont suivi, jusqu’à nos jours. Le drach trouve sa justification dans le verset de Jérémie 23,29 : « Est-ce que ma parole ne ressemble pas au feu, dit IHVH, et au marteau qui fait voler en éclats le rocher ? ». Parmi les étincelles que produit le feu de la parole divine, le drach prend sa place en toute légitimité. Il ne recourt à l’aggada que si elle s’harmonise avec le pechat et permet de rétablir la continuité du récit biblique en le parachevant. On mesure au fil du commentaire l’importance des ressources connues de la grammaire et de la philologie de son temps, les discussions et les choix délibérés que Rachi a faits et, afin d’être compris par ceux auxquels il cherchait à s’adresser, l’inclusion dans son commentaire de plus de mille trois cents mots étrangers, les laazim, (cf. Ps 114,1) presque tous en vieux français. Pour Rachi, on le comprend bien, le commentaire de la Torah n’était pas d’abord un prétexte à discussions philosophiques, mais la quête de la vérité de la parole de Dieu, telle qu’elle doit être accueillie par tout fidèle juif. Il est également important à noter que ce commentaire n’est pas non plus influencé par les doctrines des piétistes juifs allemands qui furent à l’origine du mouvement des hassidim d’Ashkenaz. Le commentaire de Rachi sur le Pentateuque, plus populaire que celui des Prophètes et des Hagiographes, connut très tôt une consécration totale et presque une canonisation. Premier livre imprimé en 1475 à Riva di Tiento, il connut par la suite des centaines de rééditions. En annexe à cette traduction se trouvent une chronologie biblique, un glossaire des concepts les plus importants, l’alphabet hébreu, l’ordre de composition du Talmud, une brève bibliographie et quelques ouvrages cités par Rachi lui-même dans son commentaire.