Introduction
Michel de Certeau1 est une figure inclassable, mais ses œuvres, nombreuses et arpentant des domaines très divers, ont été beaucoup commentées2. L’initiative du présent dossier revient à Diana Napoli3, qui s’est associé Pierre Gisel4, et l’horizon choisi en est spécifiquement celui de l’appartenance de Certeau à la Compagnie de Jésus, à un moment de forts bouillonnements et de grande inventivité. Par-delà : le lien à l’Église, même si ce n’est pas strictement identique. La question est donc celle de lieux, marqués, et d’institutions, déterminées, les uns comme les autres traversés de provocations, voire de bousculements historiques. Des lieux et des institutions dont on hérite, ou qui assignent, mais dont on peut répondre de manière très différente, ou au contraire vouloir s’affranchir.
Dire lieux et institutions, c’est avoir affaire à des frontières, à ce qui les pose et à ce en quoi elles bougent. À des passages aussi : les frontières les réclament, mais les permettent en même temps, toutes choses que Certeau n’a cessé d’interroger5.
Avec la thématique des lieux, situés, et des institutions, particulières, on touche une question aujourd’hui centrale au cœur du social – notre société n’est pas dite sans raison « liquide », emblématiquement chez Zygmunt Bauman, ou désinstitutionnalisée –, au cœur du religieux aussi, où tout ce qui relève de l’institution est volontiers vilipendé au profit d’une « spiritualité », mais d’un terme qui n’est alors plus lié à ce que pouvait porter une tradition et que Certeau avait centralement travaillé, mais se veut d’abord et avant tout libre, propre à chacun, vécue au présent, et renvoyant à du divin disséminé, anonyme, peu résistant et non constitutif, hors altérité qui échappe, heurt qui blesse, ou inappropriable foncier qui inquiète et relance.
À l’intérieur même des institutions et des traditions religieuses, notamment en christianisme, se font voir la même critique à l’endroit de l’institutionnel – voire le même refus ou le même déni – et la même volonté de dépassement des médiations, comme si y était à l’œuvre une sorte de « sécularisation interne »6. D’où une inflexion en direction de formes communautaires se profilant en marge du social de tous – elles se retrouvent « folklorisées », comme aime à dire Certeau – et de fonction au mieux compensatoire.
Sur le fond, notre temps ne sait plus penser ce qui structure une vie sociale, ni, c’est lié, les médiations, en tous registres, civil, politique, religieux. Le champ est alors laissé libre à une pure extension du social. Avec ses fonctionnements de plus en plus anonymes, techniques et ainsi obligés, sur fond purement individualisé et laissé à la simple expression des affects.
Or, le pari de Certeau, c’est au contraire de penser le religieux – et le théologique – en rapports constitutifs à l’histoire et au social. Ce qui suppose que le religieux soit partie prenante du social dans ses expressions et ses formes ; et ce qui entraîne du coup qu’il y fait voir et peut y permettre – y accompagner ou y infléchir – l’avènement de corps singuliers transis de ce social.
À l’arrière-plan de la double question des lieux et des institutions se tient celle de l’identité, irréductible mais souvent laissée en friche, ou abandonnée à des replis sur un donné hérité qui autoriserait comme tel – un donné vivant en fin de compte d’autolégitimation et se donnant en forme de systèmes en autoréférences –, ce dont s’écarte résolument Certeau. Le passé n’a en outre, pour lui, pas à être un modèle. C’est qu’il convient de viser une pertinence au cœur du monde et du social, donc au présent, ce qui suppose du coup que soit prise en compte, pensée et validée une inscription du religieux dans de l’anthropologique commun. Et c’est là, doublement, une leçon aujourd’hui à la fois un peu oubliée et urgente.
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Depuis au moins deux décennies, la figure de Michel de Certeau se trouve au centre d’études montrant l’influence que son travail a exercée dans de multiples champs du savoir. Mais si, d’un côté, on peut faire état d’un parcours intellectuel à l’évidence riche et complexe, et souvent hors cadre, qui l’aura poussé à voyager en Europe et sur le continent américain, à enseigner en France et aux États-Unis, il ne faut pas oublier, d’un autre côté, que son chemin sans cesse innovateur et transdisciplinaire ne l’a pas conduit à abandonner la Compagnie de Jésus, à laquelle il a appartenu toute sa vie7.
C’est en son sein que Certeau a fait ses premiers pas d’historien, éditant le Mémorial de Pierre Favre. C’est encore suite à des recherches commandées par la Compagnie qu’il a rencontré la figure de Jean-Joseph Surin, qui deviendra très vite son alter ego, compagnon de route à propos duquel il n’a jamais cessé d’écrire. Et il y a chez lui toute une production animée par des interrogations et des inquiétudes au caractère théologique ou spirituel évident, mais qui ne peut être séparée du reste de ses écrits consacrés à l’histoire, à la socialité ou à l’anthropologie de la croyance. Les thématiques abordées et les horizons ouverts au cœur de cette production déploient directement la problématique religieuse ou spirituelle – elle sera plus spécifiquement reprise dans L’étranger ou l’union dans la différence (1969 et, posthume, 2005), Le christianisme éclaté (1974), La faiblesse de croire (posthume, 1987), Le lieu de l’autre (posthume, 2005) –, mais elles se retrouvent aussi, articulées ou mobilisées autrement, dans la production qui l’a canonisé comme une figure majeure de la culture et des sciences humaines françaises : L’écriture de l’histoire (1975), L’invention du quotidien (I, 1980), La Fable mystique (I, 1982 ; II, posthume, 2013).
Qui est donc Michel de Certeau ? La réponse la plus connue est celle qu’il a lui-même donnée : « Je suis seulement un voyageur »8. Son passage à travers les disciplines, de l’histoire à l’anthropologie, de la psychanalyse à la théologie, de même que son parcours intellectuel, peuvent en effet être lus sous le signe du nomadisme et du pèlerinage où se marque une relation à l’espace – l’espace des disciplines et l’espace des institutions –, vu comme traversé de trajectoires et de déplacements. Leur prise en compte par Certeau en fait d’ailleurs un véritable « maître de l’entre-deux »9 ; avec François Hartog, on peut aussi dire de lui qu’en vertu de son choix pour les marges, les lieux inconnus ou d’inconnus, où observer et garder toute liberté de passage possible, il est un « maître contemporain en inquiétante étrangeté »10.
Au cours de ses pérégrinations et de ses transgressions des frontières disciplinaires, Certeau a cependant toujours gardé envers la Compagnie de Jésus, dans laquelle il était entré en 1950, une fidélité qui a résisté même dans les moments où la distance avec l’institution semblait se creuser irrémédiablement, ce qui se passa notamment au moment de la parution du livre Le christianisme éclaté. Dans ce dialogue avec Jean-Marie Domenach, alors directeur de la revue Esprit, Certeau se demandait – on était au début des années 1970 – si le christianisme était capable de garder une spécificité de vérité à même de modifier la vie et le social du croyant, ou s’il était au contraire destiné à n’être rien d’autre qu’une expression historiquement passée de l’expérience d’existence propre à l’homme occidental, simple moment d’une civilisation pareil, dit à titre d’exemple, au moment hellénique.
Les interrogations portées par Certeau – ainsi que les réponses radicales qu’il esquissait –, outre un contexte général de crise des institutions, s’expliquaient aussi par les changements et le dynamisme d’un christianisme où venait d’avoir lieu le Concile Vatican II, avec ses attentes, ses acquis, ses désillusions et son héritage difficile à gérer, et qui commençait à être traversé des diverses théologies de la libération ou simplement politiques11. On assistait au même moment au phénomène de « chrétiens sans Église », une expression que Certeau reprend du titre d’un ouvrage majeur de Kolakowski concernant le XVIIe siècle12 : un éloignement des croyants à l’endroit des institutions ecclésiastiques, recyclant en même temps leur credo dans des contextes non religieux. Dans cette direction s’est donnée à voir une radicalisation progressive de l’engagement social des croyants qui, dans le cadre d’un parcours ayant commencé en France à la Libération, se plaçaient, pour faire écho au titre d’un livre récent de Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel, À la gauche du Christ13. On pouvait aussi se faire spectateur d’une sorte de « sécularisation heureuse » de la quête du rapport à Dieu, sous le signe d’une parole immédiate et d’une relation hors des rituels de l’institution, un contexte dans lequel a pu venir s’inscrire le mouvement charismatique.
Pourtant, même enracinées dans la situation française, les analyses de Certeau s’adressaient à l’Église en général – comme elles s’adressent à celle d’aujourd’hui, en dernière analyse aux prises avec les mêmes défis –, qu’il invitait à renoncer aux fastes d’une puissance perdue pour s’engager non dans la défense d’une identité, mais dans la découverte de l’altérité qui nous détermine et dans la conscience d’un « non-intégrable » qui échappe. Sa critique de l’institution ne correspondait pas au discours contestataire des années 1960, ni ne relevait d’une veine de simple dissidence, ici catholique. Face aux institutions, il n’opposait pas un refus de principe, pas plus que le rappel d’une origine perdue et pure que le cours de l’histoire aurait corrompue. C’était plutôt un ni ni, capable de se glisser aux marges et aux frontières des lieux institutionnels, pour construire autrement le rapport entre une culture qui ne parlait plus le langage chrétien et un christianisme qui ne parlait plus la langue de la culture.
Joseph Moingt remarque qu’il serait difficile de se plonger dans Certeau en situant son œuvre en dehors d’une vision théologique14 ; selon lui, sa manière de faire de l’histoire est liée à une autre manière de faire de la théologie, ce que d’une certaine façon Certeau lui-même explicite, quand il avoue : « Je ne saurais dénier que j’investis ma foi dans l’analyse que je fais de l’histoire, ni “oublier” fictivement que je suis théologien »15. Il s’agit, comme l’observe Stella Morra, d’une réflexion croyante, où l’inquiétude de l’âme et le travail de la science s’entrecroisent pour se nourrir réciproquement : « la scientificité constitue un corps, une visibilité, une lisibilité, une possibilité de circulation de la langue pour le silencieux marcheur intérieur qu’est le croyant »16. Et de cette manière, les disciplines et les savoirs que Certeau a traversés se muent en récits « tracés [...] par l’expérience spirituelle », au gré d’un itinéraire voué à la recherche de Dieu, porté par l’interrogation de ce qu’il y a à la fois de plus profond et de commun dans l’expérience humaine : la passion de croire, où Certeau discernait le lieu décisif de l’acceptation de l’altérité, et le lieu où il est possible de chercher un sens de l’existence et de l’histoire.
Au fond, il s’agit là des questions mêmes qui, à partir des années 1950, avaient bouleversé la Compagnie de Jésus, plongée dans une confrontation en corps-à-corps avec un monde nouveau nécessitant un langage à inventer. Dans cet effort, les jésuites arrivèrent à s’imposer sur la scène culturelle française, au point qu’il serait difficile de faire une histoire des sciences humaines en France, des années 1950 aux années 1970, sans retenir leurs apports. Certeau en est un exemple, peut-être le plus significatif, pour la manière dont il a su décliner le rapport entre le savoir et l’institution, et spécifiquement le rapport entre les sciences humaines et la Compagnie dont il était membre. Ce même rapport, globalement très perturbé et occasionnant trouble, devient pour Certeau le vecteur d’un chemin qui, sans désavouer ses liens d’appartenance, mais les mobilisant autrement que dans la direction d’un savoir autorisé, ne perd jamais de vue une fidélité à ce dont il a hérité. Et là, sous ses coups, l’institutionnel se mue, de lieu qui autorise, en espace à parcourir.
Cette fidélité se love au cœur de l’expérience spirituelle de la Compagnie, dans sa lecture des Exercices spirituels (Certeau avait été, au tout début, chargé par ses supérieurs de se consacrer à l’histoire de la spiritualité ignatienne17, à l’encontre d’un certain raidissement de la doctrine). Sous cet angle, son œuvre peut être vue comme une « manière de procéder » – un « art de faire » ? –, dans le sens où le sont les Exercices selon la définition qu’en donne Pierre Favre. Certeau y trouvera les diverses thématiques de sa production scientifique : le voyage, le désir, le faire-place à l’autre. Lire Certeau, c’est comme suivre les Exercices : son œuvre offre en effet une série d’outils de voyage, qui n’indiquent ni des étapes ni une destination, mais, justement, une « manière de procéder », liée à une expérience spirituelle.
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Le lecteur trouvera ici quatre textes, écrits sous l’angle du rapport de Michel de Certeau aux lieux et à l’institutionnel, et prenant plus spécifiquement en compte son appartenance à la Compagnie de Jésus, ce qu’elle a traversé et ce dans quoi elle s’était engagée18. Ils partent chacun d’une thématique propre, différente à chaque fois, les quatre contributions, ou interrogations, étant complémentaires.
Diana Napoli nous fait d’abord entrer dans ce qu’il en est ou en serait d’un héritage hégélien. Le point pourra surprendre. Mais il a souvent été mis en avant, par Luce Giard pour commencer19. Et Diana Napoli donne tous les éléments historiques de la lecture de Hegel à laquelle s’étaient mis les jésuites français, dans les années 1930 déjà, et en échanges directs, parfois contrastés mais à l’apport reconnu, avec les philosophes hors catholicisme. Il peut y avoir surprise, parce que si le passage par Hegel fut important, voire décisif, ce qui s’en hérite chez Certeau se retrouve non seulement transposé dans d’autres registres – ceux des sciences humaines des années 1960 et 1970, psychanalytiques notamment, sémiotiques et ethnologiques aussi –, mais à l’œuvre au cœur d’autres dispositifs. Du coup, l’héritage en sort à vrai dire transformé. On ne rencontre pas, chez Certeau, les termes propres à Hegel, encore moins les mises en rapports dialectiques qui furent les siennes, mais des motifs différés, tels le passage par l’altérité ; la force du négatif ; un travail non directement sur les doctrines ou autres propositions mais à même l’histoire ; un penser du présent dans son rapport à un passé et à du changement, en lien aussi à ce qui y advient et comment ; le couple particulier et universel ; une thématisation de ce qui survient avec la modernité ; enfin, tout sauf à négliger, un travail réflexif qui est travail sur soi à partir de ses conditions propres et d’effets non voulus, mais effectifs et qui déterminent nos tâches. Bref, une intelligibilité déployée à partir de ce qui arrive et en fonction de ce qui arrive, à la fois et sous un même regard des faits et des aménagements, tous deux à enregistrer et à construire.
Sur un horizon qu’on peut dire marqué par la lecture de Hegel, ce sont, chez Certeau, l’absence, les passages, les marges et l’innovation qui s’avèrent décisifs. Et tous demeurent, résistent ou reviennent. On est ainsi non en sursomption, mais dans un répondre-de. Et c’est sur cet arrière-fond, fait d’un manque originaire et incitant, que peut se cristalliser une vérité de modalité chrétienne, une vérité qui n’est ni dans une réalité donnée, ni dans des textes, encore moins dans des institutions, mais dans un rapport – et ici rapport de différents –, un rapport au réel, déterminé, un rapport aux textes, situés, un rapport aux institutions, diverses et héritées.
Andrés Freijomil20 restitue ensuite ce qui se cherche et se noue chez Certeau du milieu des années 1950 et tout au long des années 1960, avant les grands textes qui le feront connaître. Certeau participe pleinement de ce qui anime alors la Compagnie – un véritable lieu d’incubation –, particulièrement autour de la revue Christus, fondée en 1954, dont Certeau fut l’un des parrains et dont il assumera des responsabilités éditoriales centrales, en collaboration notamment avec François Roustang que nous avons évoqué ci-dessus. La visée était de faire fructifier et de diffuser le geste de la spiritualité ignatienne, en ce temps d’abord préconciliaire, puis d’investissement délibéré du champ des sciences humaines21 et de la culture (notons que Christus comptera plus de 10 000 abonnés à la fin du Concile). C’est là que se cristallise chez Certeau un mode « pèlerin » et « nomade », dit Freijomil, deux types de trajectoires un peu différents mais qui peuvent se mêler ou se côtoyer, sur le fond d’une sorte d’exil intérieur, d’une différence maintenue et habitée, d’une discordance foncière, ici productive, qui va déplacer les savoirs et ouvrir sur une cartographie de figures construites. On y a affaire à un ordre propre, qui ressortit au symbolique et lui donne corps, permettant des pratiques ou des opérations créatrices. C’est un ordre décalé, qu’auront ouvert non des coordonnées autorisantes, mais des chemins de « migration » et, surtout, diverses « traversées » d’espaces donnés, et qui dispose non des objets définis par les disciplines reconnues, mais des produits de « braconnages ». Se seront joués de la déterritorialisation – de soi, pour commencer –, de l’écart et de l’échappée toujours reprise, tous suspendus à de l’hétérologique ou à une vérité en hors-lieu, à la fois dehors et dedans, ailleurs et ici, et, pour des données qui sont en cause, à la fois cela et autre.
On s’y trouve hors tout commun que pourrait disposer une institution sociale ou que pourrait mettre en place une discipline (Andrés Freijomil note d’entrée qu’institutions et disciplines sont toutes deux des espaces à traverser, déplaçant alors leurs données et faisant bouger leurs frontières). Mais s’il n’y a pas une communion donnée par un corps ou par une intellectualité, il y a une puissance tierce, ou Autre, qui fait voir des enjeux et commande à de l’échange, à de la vie et à des visées – pour chacun et pour tous –, ou à de l’existence à faire advenir et dont les traces attendent lecture et relancent continûment de l’écriture.
On peut dire que le troisième texte, de Giuseppe Riggio22, qui se penche sur deux articles de Certeau publiés dans Christus en 1966 et 1973, s’inscrit dans la ligne de celui d’Andrés Freijomil, mais en se concentrant plus spécifiquement sur la place et l’influence des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola dans la pensée de Certeau, dès les années 1950.
À bien voir, les Exercices donnent le condensé d’une spiritualité ignatienne qu’on ne négligera en rien à l’arrière-plan de la vie et de l’œuvre de Certeau. On a d’ailleurs même pu dire que cette spiritualité, son type et ses modes, étaient ce qui liait la diversité et la multiplicité de ses textes. Dans son travail pastoral, Certeau a donné les « exercices » au début des années 1960, au cours de plusieurs retraites ; il en avait déjà rencontré la spiritualité à Fourvière dans les années 1950 ; il s’est expliqué en profondeur avec elle au gré de son travail d’historien, en archives, sur le Mémorial de Pierre Favre, compagnon d’Ignace, à quoi s’ajoute son corps-à-corps avec Jean-Joseph Surin, du XVIIe, un siècle plus jeune que Favre donc. Et la contribution précédente, d’Andrés Freijomil, a montré que c’était la perspective mise en œuvre par la revue Christus dans laquelle s’était engagé Certeau.
Ce qui tient cette spiritualité, c’est une « manière de procéder », non des « contenus », intellectuels ou autres, sur lesquels se brancher et à approfondir. L’attention est donnée à ce qui se passe et comment, pendant et à l’occasion des « exercices », et la fin en est d’assurer que quelque chose se produise chez le retraitant, qu’il convient au reste de laisser parler, sans rien lui imposer, à qui on aura juste à indiquer des « pièges possibles » et à « ouvrir davantage des voies ». Une spiritualité faite de dialogue, à plusieurs instances et dimensions, et où le Dieu à trouver ou à entendre – de fait, et ici aussi de droit, une quête sans terme ni satisfaction qui la terminent – est, caché, partout et en toutes choses. Elle se déploie hors itinéraire déterminé, proposant plutôt une « architecture », « à explorer et à habiter », et « en composant son propre itinéraire », ou offrant « un jardin construit pour un marcheur venu d’ailleurs », dit Certeau, alors repris par Riggio.
Du voyage donc, et des trajectoires. Appuyés sur du désir, à « dé-régionaliser », non pour le limiter, mais pour lui donner au contraire une « extension » inédite et infinie. Ce désir est bien sûr toujours situé, dans la condition de « la place d’où je parle », mais ce lieu est un point de départ pour un voyage où sera découvert et fait place à l’autre, l’itinéraire ne se nouant que si l’on ose se laisser « altérer ».
On l’aura perçu, les motifs, ici de registres « spirituels » – tactique, pratique, rupture initiale, désir, faire place à l’autre, volonté, absence, manque, note Riggio –, sont ceux qu’on retrouvera à l’œuvre dans les textes de Certeau inscrits dans d’autres champs, de déchiffrements et d’écritures d’histoire, ou de constructions théoriques. Y est central ce qui tient la spiritualité des Exercices, la capacité à faire face à soi et à la société, à « penser différemment », à prêter attention à ce qui est habituellement « ignoré ou oublié », à formuler des questions venant d’« en-dehors du chœur ».
Enfin, le texte de Pierre Gisel s’arrête moins à tel moment de l’œuvre de Certeau qu’il ne se propose d’en prolonger la teneur et la force au cœur de la question du statut et de la fonction possible des « communautés religieuses », dont l’Église. Le champ est donc celui de la société contemporaine et des diverses institutions qui la traversent, devant y assurer de la structuration qui permette d’y déployer des existences.
Le texte reprend à sa manière ce qui a été exploré dans les contributions précédentes, non sans souligner en même temps tel aspect, telle visée ou telle disposition qu’il retient plus spécifiquement du travail certalien et de la posture qui s’y donne à voir, dont l’originalité est une nouvelle fois soulignée. Avec, à l’arrière-plan, aussi bien la prise en compte délibérée et constitutive de ce qui fait le monde et les corps que le souci, décisif, de ce que le mot Dieu condense et indique d’un décalage, d’une différence, d’un impossible à intégrer. En d’autres termes : des corps, sociaux et personnels comme lieux obligés et requis, mais comme lieux d’un travail aussi, de fait à l’œuvre et de droit à reprendre. Non donc des lieux à épouser, pour « faire corps ». Du coup, la critique – parce qu’il y a critique – des institutions et autres circonscriptions et figurations sociales se déploiera non à partir d’une référence ou d’une instance extérieure, mais à même ces corps, ce qu’ils condensent et ce qui s’y passe, et à même les pratiques qu’ils supposent, les écarts et les reprises qu’ils permettent. On est ici de bout en bout dans de l’institutionnel et de l’imaginaire, qui ne sont pas à quitter, mais, lieux d’inscription des jeux qui font l’humain et l’histoire, sont à scruter, à aménager aussi. Les réalités de l’Église, liées à sa place, à son statut et à sa fonction – comme les réalités des communautés autres que chrétiennes, même si ces dernières sont ici privilégiées, ne serait-ce que parce qu’elles ont marqué notre histoire, ses affirmations et ses refus –, sont partie prenante de ce jeu, de fait d’abord, à l’encontre de tout déni croyant, et comme lieu de ce qui nous requiert ensuite, à l’encontre de toute visée idéale.
Certeau n’a pas quitté la Compagnie, ni l’Église, contrairement à bien d’autres, de la même génération et souvent sur le même arrière-fond. Mais cette Église n’a de sens et de portée, pour lui, que si elle condense une consistance et des propositions particulières, « théoriquement énonçables et sociologiquement repérables », que si, dit en d’autres termes, elle ne se laisse pas emporter dans la dissémination ou l’évanouissement auxquels peut la conduire le social contemporain, confortant alors, au surplus, un trend à l’œuvre au cœur du social même et pour sa perte. Comme les autres réalités religieuses, l’Église présentera un profil propre, sauf à sombre dans l’insignifiant de « Monsieur tout le monde », dit Certeau, et ce qui fait sa proposition serra de teneur limitée, sauf à se vouloir, idéologiquement et non sans hypostasier frauduleusement ses références, contre-modèle.
La contribution s’arrête un instant sur le texte énigmatique de Certeau, « Extase blanche » (1983), articulé autour de la question de la vision, celle de Dieu pour commencer, mais ce qui y est entraîné est plus large. On peut lire ce texte comme décisif. Une vision de Dieu, c’est d’abord ce que proposait, au travers de figures et sur des modes divers, l’institution-Église, non sans une propension récurrente à la confiscation (Certeau le sait et s’en écarte). C’est aussi ce vers quoi se mettent en quête les spirituels et autres mystiques (Certeau les a centralement travaillés), mais dont le cheminement fait voir, ou toucher du doigt, une réalité inattendue, plus complexe, vers laquelle aller plus en profondeur, au gré d’un chemin qui sera celui d’une transformation de ce qui devait se donner à voir, ainsi que du sujet parti en quête de vision et du chemin qui devait y mener. De la perte donc, ouvrant sur tout autre chose. Et une vision, c’est encore – alors plus « éclairée » –, ce à quoi la société séculière entend donner accès.
Le texte de l’« Extase blanche » laisse alors penser que la vision ne va pas sans un évanouissement des choses vues et des humains, ou du monde. Le visiteur mis en scène espérait en effet découvrir « un lieu, un temple, un ermitage où loger la vision », mais il est renvoyé à une « plaine sans ombre ». Et c’est là une « fin du monde », comme un eschatologique en négatif. C’est qu’il n’y a en réalité de monde, et du coup de vérité possible pour l’humain, que dans l’entrelacs des distances et des différences, où peut seul se nouer l’avènement de singularités, de paroles proposées et de sujets qui les portent, en particularité assumée à chaque fois.
Du coup, pour l’Église ou autres communautés religieuses, se dessine la tâche : se constituer en « hétérotopies », des lieux et réalités au profil propre sans quoi rien n’est opéré, mais de bout en bout articulés à horizon du monde, en en partant même. Y sera visée non une appartenance spécifique, mais une habitation du monde de tous, au gré d’une « opération » ou d’un « geste » noué en corps-à-corps avec le social donné et articulé à ce-qui-ne-va-pas au cœur de ce social. S’il est requis de récuser les tentations de préserver un modèle se légitimant par lui-même, et de ne pas sombrer dans un pur nivellement où plus rien ne se passe, il faut des lieux consistants de décalage et de propositions, de mises en œuvre aussi. Pierre Gisel se risque alors à esquisser quelques tâches et fonctions autour desquelles leur donner corps.
La contribution se termine sur une dernière considération, qui peut aussi valoir conclusion. On peut estimer que la posture de Certeau est foncièrement attachée à ce qui fait le procès de réalisation ou d’accomplissement de l’humain et du créé, qui peut être de fait bon ou mauvais, avorté ou prometteur. C’est là une perspective ancienne (elle remonte à l’Antiquité chrétienne). Elle doit sûrement être tenue ou retrouvée. Mais la question pendante est celle du comment, des modalités et du type de disposition dans laquelle ce procès s’insère en termes de rapport au monde et à ce qui le dépasse, donc de rapport à soi et aux autres. Cela nous ramène à la situation contemporaine du christianisme. Le catholicisme a connu la crise moderniste, dont les suites ont bien occupé les jésuites, crise déclenchée par la critique d’un « extrinsécisme » où l’humain est placé sous la seule dépendance d’un Dieu hétéronome, hors histoire et hors subjectivation. Certeau s’inscrit de bout en bout dans le refus de cette posture, tout en en développant une critique qui, pour décidée qu’elle soit, se déploie dans des modes et sur des registres propres. Et il n’entend pas non plus, et de manière tout aussi décidée, prêter la main à ce qui, en contre-pied, serait, selon ses termes, une « fusion dans une totalité immanente ».
On peut estimer qu’au total, Certeau reprend ce qui est en jeu au cœur de la crise moderniste, mais en en modifiant de fond en comble les coordonnées du débat ; et il le fait d’une autre manière que celles de la « nouvelle théologie » ou autres « renouveaux », dont ses maîtres, à commencer par Henri de Lubac, ont été les promoteurs, qui visaient tout autant un dépassement de la crise moderniste. Un héritage qui a marqué le XXe siècle doit être ici sûrement revisité – celui qu’a d’ailleurs repris Vatican II –, autour du motif de l’accomplissement de l’humain et du monde justement, où se joue l’articulation de l’ordre du monde comme positivité autonome (la « création »), avec ses lois et ses données à respecter et à valider – la seule question étant ici celle de ce qu’on en fait –, et de l’ordre d’une vérité selon Dieu touchant ce que sont les fins de l’humain (ce dont en fin de compte relève ce qu’on nomme un « salut »). Certeau n’abandonne pas plus ce dernier ordre qu’il n’abandonne les positivités du monde, focalisé qu’il est sur des écarts à marquer, des différences dont jouer, des opérations à favoriser, à l’encontre d’une intégration sans reste ou d’une dissolution dans le commun. Il en renouvelle plutôt la donne, vue et travaillée comme un procès justement, où se tient centralement la question de l’altérité, moment inscrit au cœur du monde et moment de provocation à être.
L’enjeu est celui de la réalisation ou de l’accomplissement de l’humain à même le monde23, dans les champs de la sexualité, du politique, de la production, matérielle et culturelle, du religieux aussi. À même le monde, donc décalé de Dieu. Sans quoi on s’approprie indûment ces réalités du monde, idéalisant en outre la donne qu’on en sanctionne. Il convient ici de tenir que les réalités du monde sont bonnes comme occasion pour un bien possible, non comme réalités qui seraient, comme telles, à intégrer dans ce qui dessine une finalité de dernière instance. Certeau pense l’« accomplissement » comme procès humain – s’inscrivant en l’humain, en participant, et où du transcendant ou de l’extériorité n’opère que selon un axe transversal – qui se joue en forme de gestes à inscrire au cœur du monde et d’avènement d’existences singulières.
On dira volontiers que le christianisme est aujourd’hui en diaspora. Qu’il est minoritaire et doit l’assumer, sans pour autant se faire sectaire. Or, minoritaire, il l’est sur un arrière-fond éclaté, où personne n’a, du moins dans nos contrées, une position dominante ; fait même défaut un accord sur comment organiser le socioculturel, le multiple des différences y occupant tout l’espace. Mais si nous avons perdu un universel ou un commun, sommes-nous pour autant condamnés à une pure juxtaposition des différences, sans relief ? Faire son profit d’une lecture de Certeau, c’est peut-être s’engager à aménager des lieux où des différences s’exposent et se confrontent pour le bien de chacun, indirect mais à assurer, et pour le bien de tous, différé mais effectif. On aura alors passé par un changement de paradigme. À notre sens, Certeau l’a mis en œuvre, et nous pouvons, à sa suite, lui donner chair.
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1Michel-Jean-Emmanuel de La Barge de Certeau, né à Chambéry, en Savoie, le 17 mai 1925. Pour plus, cf. le texte, dense et riche d’enjeux, de Luce Giard, « Petite biographie de Michel de Certeau », in : Id. (éd.), Michel de Certeau. Le voyage de l’œuvre, Paris, Éd. Facultés jésuites de Paris, 2017, p. 245-258.
2Outre ce qu’on pourra découvrir au fur et à mesure de la lecture des textes du dossier, on trouvera, de Luce Giard, une « Biobibliographie » in : Id. (éd.), Michel de Certeau, Paris, Centre Georges Pompidou, 1987, p. 245-253, et une « Bibliographie complète » établie par Luce Giard, dans les Recherches de science religieuse 76/3 (dorénavant RSR), 1988, p. 405-457 ; depuis, ont paru des textes importants, posthumes et édités par Luce Giard, notamment Le lieu de l’autre. Histoire religieuse et mystique, Paris, Seuil, 2005, et La Fable mystique II, XVIe-XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 2013.
3Diana Napoli est professeure invitée à l’Università Antonianum de Rome. Elle a travaillé sur Certeau pour sa thèse de doctorat à l’EHESS (en 2012, sous la direction de François Hartog) et au cours de ses recherches postdoctorales à l’EPHE. Elle a publié de nombreux articles sur Certeau, en italien, en français et en espagnol, ainsi qu’une monographie, Michel de Certeau. Lo storico smarrito, Brescia, Morcelliana, 2012. Elle a édité les dossiers suivants : « Michel de Certeau. Un teatro della soggettività », Aut-Aut 269 (2016), « Michel de Certeau et Jean-Joseph Surin », Humanitas (2016/4), et, avec Paola Di Cori, « Michel de Certeau. Il corpo della storia », Humanitas (2012/4). Elle est professeure de lycée à Rome.
4Pierre Gisel est professeur honoraire de l’Université de Lausanne, Faculté de théologie et de sciences des religions. Il a publié sur le croire, la ritualité, la tradition, les phénomènes d’institutionnalisation, les monothéismes (dont tout spécialement le judaïsme), le christianisme en modernité, les recompositions contemporaines du religieux. Du milieu des années 1970 au milieu des années 2010, il a été proche de la revue jésuite des RSR, participant à presque tous ses colloques bisannuels à Chantilly, au cours desquels il a beaucoup échangé avec Michel de Certeau, jusqu’à sa mort. Sur Certeau, il a publié « La pertinence théologique de la pensée de Michel de Certeau. L’indiscipline de l’interdisciplinarité », Teología y Vida 57/2 (2016), p. 257-280 (texte d’un exposé donné à un colloque Certeau tenu à Santiago-du-Chili où il avait été invité en nov. 2015, avec Luce Giard et Dominique Salin, par le jésuite chilien Carlos Alvarez actuellement en rédaction de thèse au Centre Sèvres de Paris, annoncée sous le titre « Sécularisation et crise : la mystique. Continuités et ruptures entre Henri de Lubac et Michel de Certeau ») et, comme co-éd. avec Christian Indermuhle et Thierry Laus, « Lire Michel de Certeau », RThPh 136/4 (2004), où il signe un « Lire Michel de Certeau en théologien », p. 399-415 (aux textes des trois éditeurs s’ajoutent ceux de Jacques Le Brun, Henri Laux, Jean-Claude Monod, Guy Petitdemange et Isabelle Ullern) ; il a également dirigé la thèse de Christian Indermuhle, Cristallographie(s). (Montesquieu, Certeau, Deleuze, Foucault, Valéry), Paris, Van Dieren, 2007.
5On notera à cette occasion que la ou les « frontières » – le mot et ce qui y est attaché – ou la « périphérie » est ce à quoi renvoie régulièrement le premier pape jésuite de l’histoire, François, qui a d’ailleurs pu dire : « Pour moi, Certeau reste le plus grand théologien pour aujourd’hui », cité par François-Xavier Dumortier, « Ouverture », in : Luce Giard (éd.), Michel de Certeau. Le voyage de l’œuvre, op. cit., p. 17-23, ici p. 20.
6Cf. François-André Isambert, « La sécularisation interne du christianisme », Revue française de sociologie 17 (1976), p. 573-589.
7À ce sujet, on lira avec profit le « moment 1966 » que rappelle le collectif François Roustang, Le troisième homme, entre rupture personnelle et crise catholique (Ève-Alice Roustang éd.), Paris, Odile Jacob, 2019, dont notamment, à côté de textes d’Étienne Fouilloux et de Danièle Hervieu-Léger, celui de Claude Langlois, « Un long compagnonnage. François Roustang et Michel de Certeau (1956-1966) », p. 63-98.
8Michel de Certeau, « L’expérience spirituelle », Christus 17, nº 68 (1970), p. 488.
9Paola Di Cori, « Michel de Certeau. Una po(i)etica della storia », Contemporanea 10/2 (2007), p. 317-326.
10François Hartog le dit de Michel de Certeau et de Paul Ricœur, « L’inquiétante étrangeté de l’histoire », Esprit, févr. 2011, p. 66.
11Cf. à ce propos Gerd-Rainer Horn, The Spirit of Vatican II. Western European Progressive Catholicism in the Long Sixties, Oxford, Oxford University Press, 2015.
12Cf. Leszek Kolakowski, Chrétiens sans Église, Paris, Gallimard, 1969.
13Paris, Seuil, 2012 ; le texte analyse le monde chrétien dans son ensemble, au-delà du seul catholicisme.
14Joseph Moingt, Figures de théologiens, Paris, Cerf, 2013, p. 113.
15Michel de Certeau, « Faire de l’histoire. Problèmes de méthodes et problèmes de sens », RSR 58 (1970), p. 481-520.
16Stella Morra, « Pas sans toi ». Testo parola e memoria verso una dinamica della esperienza ecclesiale negli scritti di Michel de Certeau, Roma, Editrice Pontificia Università Gregoriana, 2004, p. 38.
17Dans le présent dossier, on écrira, selon l’usage classique, ignatien et non ignacien, comme cela se rencontre assez souvent aujourd’hui : Dominique Salin rappelle qu’Ignace s’appelait Inigo, prénom basque qui n’a rien à voir avec le latin ignis, et que lorsqu’il inscrit à l’Université de Paris à 37 ans, il prend le prénom Ignatius et a ensuite toujours signé ainsi.
18Sur ce même thème, cf. Denis Pelletier et François Trémolières (éds), « Michel de Certeau, jésuite », Revue d’Histoire de l’Église de France 104 (253), 2018, numéro de revue dont nous n’avons pu prendre connaissance qu’après la mise sur pied du présent dossier.
19Tout particulièrement dans « Mystique et politique, ou l’institution comme objet second », in : Id., Hervé Martin et Jacques Revel, Histoire, mystique et politique. Michel de Certeau, Paris, Jérôme Millon, 1991, p. 9-45, ici p. 27-36 : « La matrice hégélienne ».
20Andrés Freijomil est professeur d’histoire à l’Universidad nacional de General Sarmiento en Argentine, où il est titulaire de la chaire « Problème de la connaissance historique » et dirige l’unité de recherche « Poétique de l’historiographie ». Ses travaux portent sur l’œuvre de Michel de Certeau (cf. Arts de braconner. Une histoire matérielle de la lecture chez Michel de Certeau, Paris, Garnier, 2020 [préface de Roger Chartier]), ainsi que sur l’historiographie européenne et latino-américaine. On pourra lire aussi, non sans lien à la contribution au présent numéro, son « Pratiques du réemploi et historicité des titres dans La Fable mystique, XVIe-XVIIe siècle I », in : Luce Giard (éd.), Michel de Certeau. Le voyage de l’œuvre, op. cit., p. 111-119.
21La présence des sciences humaines marquera aussi constitutivement l’arrière-fond des RSR des années 1970 aux années 1990 ; Pierre Gisel en fait état dans la section « Les cent années des Recherches. Relecture partielle et orientée » de son article « Théologie et sciences religieuses à l’enseigne de la sécularisation. D’une dualité à déplacer. Les RSR mises en perspective », RSR 101/2, 2013, p. 181-199, ici p. 187-191 (et, pour des exemples : p. 190 sq.) ; plus globalement, sur les RSR, cf. Pierre Gibert et Christoph Theobald (éds), Théologie et vérité au défi de l’histoire (RSR 1910-2010), Leuven, Peters, 2010.
22Giuseppe Riggio est rédacteur en chef de la revue jésuite milanaise Aggiornamenti sociali ; il a passé sa licenza en théologie fondamentale à la Facoltà teologica dell’Italia settentrionale. Sa thèse, revue, a été publiée : Michel de Certeau, Brescia, Morcelliana, 2016.
23Sur ce point, cf. l’article perspicace de Daniel Bogner, « Michel de Certeau : contribution à une théologie du monde », in : Luce Giard (éd.), Michel de Certeau. Le voyage de l’œuvre, op. cit., p. 59-67.