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André Vauchez, Jean-Robert Armogathe (éds), Dictionnaire des saints et grands témoins du christianisme

Paris, CNRS Éditions, 2019, 1 414 p.

Jean BOREL

Si l’on ne sait plus très bien ce que représente aujourd’hui la sainteté chrétienne, ce dictionnaire viendra merveilleusement pallier à cette forme d’inculture. Et, disons-le d’emblée, la perspective œcuménique de ce dictionnaire, aussi généreuse que bienveillante, en fera une référence de consultation utile et appréciée par les chrétiens de toutes appartenances ecclésiales, comme pour ceux qui ne se disent membres d’aucune confession. Nous ne saurions donc assez remercier André Vauchez et Jean Robert Armogathe de l’ouverture qu’ils ont voulu donner à leur ouvrage, en incluant des hommes et des femmes dont le témoignage a marqué l’histoire de leur Église et, plus largement, du christianisme en général, et favorisé le rayonnement de l’Évangile, sans pour autant avoir été canonisés de manière officielle par le magistère catholique au rang des saints que l’on peut alors invoquer sur les autels. À cet égard, il est remarquable que la première phrase qui ouvre ce trésor affirme que « la sainteté n’est pas une marque déposée, qu’elle est une vocation commune à tous les fidèles et que le nombre des saints n’est pas épuisé par les listes des calendriers liturgiques ! » Ce n’est certainement pas ce que l’on aurait commencé par dire si l’on avait rédigé un dictionnaire des saints au XVIIe siècle ! N’oublions pas que la sainteté chrétienne et la vénération des saints a une très longue histoire, et qu’elle s’origine dans le martyr et les persécutions sanglantes que beaucoup de croyants des premières générations ont subis de la part des Romains, puisqu’ils étaient alors considérés par les autorités comme appartenant à une « religion illicite ». Garder et respecter la mémoire de celles et ceux qui ont eu le courage de confesser jusqu’à la mort leur foi en Jésus-Christ est donc bien la moindre des choses que l’on puisse attendre des vivants qui leur ont succédé, et la Bible, en premier, par le soin que les différents rédacteurs ont eu de rappeler les hauts faits de Dieu par l’intermédiaire de ceux que Dieu avait appelés, nous conduit sur cette voie de la mémoire vivante, car c’est bien elle qui nous engage à nous considérer comme faisant partie d’une longue chaîne de témoins dont chacun n’est qu’un petit maillon. Sans qu’il nous soit possible de faire droit à chacun des 380 noms que les deux auteurs ont retenus, et sur lesquels ils ont rédigé des notices biographiques suffisamment précises et documentées pour donner du sens et du poids aux actes d’hommes ou de femmes dont la foi et l’exemplarité de vie ont été attestées et reconnues par les autres, qu’il nous suffise de mentionner non pas les plus célèbres d’entre eux que l’on connaît déjà, mais ceux dont la présence dans ce dictionnaire, qui a été conçu par deux historiens et théologiens d’obédience catholique, est nouvelle, bienfaisante et sera féconde dans l’esprit des lecteurs. Si la sainteté des premiers apôtres n’a jamais fait problème, ni celle des premiers témoins de Jésus-Christ qui ont suivi, ni celle des Pères de l’Église et des Pères du désert comme Macaire, Pachôme, Paul l’Ermite, qui constituent pour toutes les Églises les racines qui nous portent, cela fait plaisir de trouver parmi eux, selon l’ordre alphabétique, des saints orthodoxes comme Tikhon de Zadonsk (1724-1783), Serge de Radonège (1314-1392), Séraphim de Sarov (1759-1833), Syméon le Nouveau Théologien (949-1022) et Syméon Stylite l’Ancien (400-459), Athanase l’Athonite (925-début du XIe s.) et Grégoire Palamas (1296-1359). Quant aux croyants réformés, ils seront heureux de rencontrer, dans ce concert de la sainteté multiforme, Karl Barth (1886-1968) et Jean Calvin (1509-1564), Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) et Jean Arndt, (1555-1621), Oscar Cullmann (1902-1999), Martin Luther (1483-1546) et Alexandre Vinet (1797-1847) et, puisque nous sommes suisse, Nicolas de Flüe (1417-1487). Nous sommes également gré aux auteurs de ne pas avoir oublié les martyrs de Chine (1648-1930), d’Espagne (1934-1939), du Mexique (1926-1937) et les martyrs de la Seconde Guerre mondiale. Bien sûr, le corps principal du dictionnaire est fait de tous les saints que l’Église catholique a toujours vénérés au cours de ses liturgies quotidiennes, et qui donnent à l’histoire des siècles qui nous précèdent une densité de don de soi et d’amour de Dieu qui donne le vertige. Mais l’intérêt de ce dictionnaire se poursuit dans le fait qu’il offre aussi le calendrier journalier des fêtes des saints et des bienheureux, ainsi que les « Patronages » que leur a décernés l’Église, et les différentes et nombreuses « Protections » (épreuves et maladies diverses, accouchements difficiles, calamités ou malheurs publics, catastrophes climatiques, objets perdus ou volés, maladies psychiques, mort accidentelle, causes désespérées, coups et blessures, infestations, animaux domestiques ou venimeux) pour lesquelles les fidèles peuvent invoquer leur intercession. Dans leur substantielle introduction générale, les auteurs brossent une brève, mais solide histoire de la sainteté et des critères qu’elle implique, aussi bien pour le magistère catholique que pour les Églises orthodoxes d’Orient et les Églises issues de la Réforme. Ce qui ressort de la lecture de ces notices, c’est l’extraordinaire diversité que la sainteté chrétienne a pu prendre au cours de l’histoire, ce qui nous invite inévitablement à la reconnaissance des multiples dons que l’Esprit Saint accorde à ceux qui l’invoquent en vérité.