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La stabilité des institutions

(Rousseau, Rawls)

Florent GUÉNARD

École Normale Supérieure, Paris

La théorie de la justice proposée par Rawls comporte dans son élaboration deux moments distincts1. Il faut d’abord mettre en place une conception politique de la justice, indépendante des différentes doctrines du bien qui divisent les citoyens. Pour cela, une procédure est nécessaire : dans une situation originelle hypothétique, des partenaires rationnels représentant les citoyens s’accordent sous voile d’ignorance (c’est-à-dire sans connaître leur position sociale ni les liens affectifs qui peuvent les unir à d’autres individus) sur des principes de justice qui organisent la structure de base de la société. Il faut ensuite vérifier la stabilité des institutions formées selon ces principes, c’est-à-dire vérifier qu’elles sont susceptibles d’engendrer des forces qui les maintiennent à l’existence.

La question de la stabilité est classique en philosophie politique. Rawls distingue deux manières d’y répondre. La première est pratique. Elle consiste à élaborer une conception politique qui semble valide, puis à trouver des moyens de « convaincre ceux qui la rejettent » ou « si c’est impossible, qu’ils agissent en accord avec elle, contraints, si nécessaire, par des sanctions imposées par le pouvoir étatique »2. La stabilité dans ce cas peut s’obtenir par des moyens non libéraux. Mais la théorie rawlsienne de la justice cherche aussi une autre manière de s’assurer de la pérennité des institutions, en déterminant celles qui sont susceptibles, étant donné la psychologie humaine et les conditions sociales, de former le sens de la justice des individus afin que ceux-ci puissent les défendre en conscience. Il s’agit là de ce que Rawls appelle une stabilité pour de bonnes raisons3.

Dans l’histoire de la philosophie politique contractuelle, ces deux modèles de stabilité ont été selon Rawls respectivement portés, de manière significative, par Hobbes et Rousseau. C’est ce que Rawls souligne particulièrement dans ses Lectures on the History of Political Philosophy4. Pour supprimer le risque que font courir aux institutions le « free rider » (c’est-à-dire celui qui profite de ce qu’elles apportent sans contribuer au bien public), Hobbes considère qu’il faut donner au souverain un pouvoir absolu de contrainte5. Le modèle est alors stable, mais il ne l’est pas pour de bonnes raisons. En revanche, les institutions républicaines définies dans le Contrat social sont intrinsèquement pérennes, parce qu’elles parviennent à faire naître chez les citoyens un attachement aux lois qu’ils sont alors prêts à défendre contre tout ce qui les menace.

Je voudrais ici évaluer cette lecture, plus précisément vérifier qu’il existe bien, dans la pensée du philosophe genevois, ce que Rawls croit y lire, c’est-à-dire la mise en place d’institutions susceptibles de donner naissance à des motivations suffisantes pour qu’elles puissent durer. Je m’attacherai, dans un premier temps, à comprendre comment Rawls lit Hobbes et Rousseau, qu’il oppose explicitement. Je montrerai, dans un second temps, les limites de cette lecture : si Rousseau n’a sans doute jamais cessé de chercher les moyens de stabiliser le modèle politique républicain, il n’est pas sûr qu’il ait été réellement convaincu que celui-ci pouvait être stabilisé.

1. Deux modèles de stabilité

Qu’Hobbes et Rousseau appartiennent à la tradition contractualiste n’est pas, aux yeux de Rawls, sans signification. Rawls revendique son appartenance à cette même tradition, qu’il oppose à l’utilitarisme. Les théories du pacte social font valoir qu’une constitution légitime est celle qui pourrait faire l’objet d’un accord parmi des individus également situés et dotés des mêmes droits politiques. Cette légitimité ne vient donc pas de la possibilité d’obtenir la plus grande somme de satisfaction, ce que font valoir les penseurs utilitaristes6. Car, pour ceux-ci, la définition du juste précède l’accord entre les individus, puisqu’il réside dans la maximisation du bien-être social. Rawls oppose ainsi la tradition contractualiste du droit naturel à la théorie de l’utilité7. Hobbes est incontestablement un penseur contractualiste8. Pourtant, Rawls ne l’inclut pas dans le courant dont il se réclame : « Mon but est de présenter une conception de la justice qui généralise et porte à un plus haut degré d’abstraction la théorie bien connue du contrat social telle qu’on la trouve, entre autres, chez Locke, Rousseau et Kant »9. Hobbes ne figure pas dans cette liste parce que, contrairement à la tradition des droits naturels (à laquelle les trois philosophes susnommés peuvent être dits appartenir), il considère que le contrat social n’est subordonné à aucune contrainte morale antérieure. La loi naturelle n’est pas effective dans l’état de nature, car elle exige, pour se faire entendre, des garanties qui n’existent pas dans une situation précontractuelle10. La loi naturelle ne peut précéder le contrat, car elle n’existe en réalité que lorsque le pacte entre les individus a organisé un pouvoir politique qui les assure de sa protection.

1.1. La force de l’État

De la stabilité des institutions dépend selon Hobbes la paix civile. On ne peut comprendre la pensée politique de Hobbes, explique Rawls, que si l’on prend en compte sa thèse fondamentale : l’état de nature est un état de guerre de tous contre tous, et on ne peut y échapper que par l’instauration d’une souveraineté absolue11. Pour expliquer la manière dont Hobbes procède, Rawls dégage trois grandes propositions théoriques, qui permettent au philosophe anglais de conclure que le Léviathan fournit un modèle politique stable.

La première porte sur le statut du contrat social. Rawls précise bien qu’il ne faut pas l’interpréter comme un événement, mais comme un point de vue12. Ces deux interprétations sont justifiées. Nous pouvons en effet considérer que le contrat social est un événement qui explique le passage de l’état de nature à l’état civil. Cet événement n’est pas historique : Hobbes précise bien, au chapitre 20 du Léviathan, que les républiques ne sont pas d’institution (c’est-à-dire établies parce que les individus se craignent les uns les autres), mais d’acquisition, c’est-à-dire constituées par la force (donc parce que les individus s’assujettissent à celui qu’ils craignent)13. L’événement n’est pas historique, mais constitue une hypothèse à partir de laquelle nous pouvons comprendre la genèse de l’état civil. Cette interprétation, explique Rawls très justement, s’accorde avec la définition qu’Hobbes donne de la philosophie : celle-ci est connaissance des consécutions, car on ne connaît bien une réalité que lorsqu’on connaît les causes qui l’ont engendrée14. Selon Rawls, cette interprétation est fondée, mais elle repose sur l’idée que l’état de nature est un point de départ, même conçu comme hypothétique. Or, Hobbes explique, au chapitre 13 du Léviathan, que l’état de nature, loin d’être seulement une origine, est une possibilité permanente puisque c’est l’état dans lequel nous pourrions nous trouver s’il n’y avait pas de souverain15. On est donc fondé à faire valoir une autre interprétation du pacte social : il ne s’agit pas avec cet accord de concevoir la manière dont on peut sortir de l’état de nature, mais d’envisager ce qui permet de donner une stabilité à un gouvernement existant. C’est un point de vue à partir duquel peut se formuler un jugement rationnel : étant donné les passions qui nous motivent et les dangers, pour notre sécurité, d’une situation où n’existe aucun ordre politique, nous avons intérêt à défendre l’existence d’un souverain effectif. Rawls explique ainsi que le contrat social sert moins à comprendre comment naissent les sociétés civiles qu’à comprendre comment elles peuvent ne pas dégénérer et s’effondrer, donc comment elles peuvent devenir stables16.

Le contrat social est donc un point de vue à partir duquel réfléchir à la nécessité d’un pouvoir souverain. Ce point de vue est pertinent, mais à une condition (c’est la deuxième grande proposition dégagée selon moi par Rawls) : nos passions ne changent pas, la nature humaine est immuable17. Cette condition est importante : Hobbes raisonne à partir des passions qu’il observe autour de lui. Mais l’anthropologie qu’il dégage ne peut être valide que si l’on suppose que la nature humaine est fixe et que ses caractéristiques fondamentales ne changent pas. On peut ainsi faire l’hypothèse qu’à l’état de nature, les hommes éprouvent les mêmes passions que lorsqu’ils vivent dans un État gouverné par un monarque. Et conclure que, la peur étant le ressort le plus puissant des actions humaines, les hommes ont peur les uns des autres tant qu’ils n’ont pas peur du souverain.

La troisième proposition porte sur la rationalité. Rawls distingue le rationnel et le raisonnable, et cette distinction est une proposition fondamentale dans sa réécriture en 1993 de la théorie de la justice comme équité18. Les choix rationnels sont les choix qui s’accordent avec notre propre bien ; les choix raisonnables sont ceux qui sont faits en fonction de caractéristiques morales ou en fonction d’une conception de la justice. Ces deux types de choix éclairent selon Rawls la pensée de Hobbes. Pour ce dernier en effet, il est rationnel de suivre les principes raisonnables de coopération (les lois naturelles) à condition qu’un souverain puisse garantir la réciprocité. Le rôle du souverain est bien, selon Rawls, de changer les conditions de la réflexion que les individus mènent sur leurs intérêts. Mais il n’est pas, nous le comprenons, de changer la nature humaine. La stabilité des institutions ne repose pas sur un changement dans les motivations, comme s’il fallait que les individus, désormais associés, deviennent enclins à collaborer. Elle naît du bon calcul : si le souverain existe, c’est parce que les individus sont égoïstes par nature et qu’ils doivent continuer à l’être dans l’état civil. Et lorsque les individus sont égarés par leurs passions, le souverain s’assure lui-même de son existence par sa puissance propre et la coercition qu’il exerce sur les sujets.

1.2. Bonté naturelle et contrat social

Rousseau contredit Hobbes sur deux points au moins : d’une part, la politique doit bien changer la nature humaine (et non pas simplement changer les conditions des décisions que nous devons prendre) ; d’autre part, l’état civil fait naître des passions qui n’existaient pas dans l’état de nature. Le modèle politique que Rousseau avance dans le Contrat social se comprend en fonction de cette opposition à Hobbes. Il est selon Rawls stable pour de bonnes raisons parce qu’il ne se fonde pas sur la coercition. Rawls dégage trois propositions qui permettent d’en montrer les ressorts. Elles sont assez symétriques de celles qui caractérisent selon lui la pensée politique de Hobbes.

La première porte sur l’état de nature. Rawls relève très justement l’importance, pour le système de pensée rousseauiste, de la bonté naturelle de l’homme. Rousseau affirme explicitement que c’est là le principe fondamental de toute son œuvre. Mais quelle est la valeur de ce principe ? Comment Rousseau le justifie-t-il ? Selon Rawls, ce principe n’est pas démontré19. Rousseau explique que nous devons notre méchanceté à notre perfectibilité. Mais de ce que nous sommes aujourd’hui méchants, comment pouvons-nous inférer que nous sommes naturellement bons ? Nous pourrions penser que l’histoire n’a fait que révéler que nous sommes originellement mauvais. Mais si Rousseau tient à ce principe, c’est parce qu’il permet selon Rawls de donner un fondement anthropologique à la stabilité de la société politique légitime. L’idéal de coopération qui résulte du Contrat social doit reposer sur l’idée que les individus sont naturellement bien intentionnés. C’est de cette manière que Rawls interprète la première phrase du Contrat social : « Je veux chercher si dans l’ordre civil il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu’ils sont et les lois telles qu’elles peuvent être »20. La stabilité chez Hobbes se fonde sur le calcul rationnel, dont le souverain garantit les conditions de possibilité ; chez Rousseau, elle repose sur une hypothèse anthropologique.

La deuxième proposition découle de la première : elle porte sur nos passions. Rawls considère que si Rousseau peut affirmer que l’homme est bon par nature, c’est qu’il existe deux formes d’amour-propre. Il reprend à son compte une distinction qu’établit Nicholas Dent21. La première forme est naturelle : l’amour-propre y est l’expression de notre désir de reconnaissance, de notre désir de compter tout autant qu’un autre, d’être considéré, donc d’être traité selon un principe de réciprocité. Mais l’amour-propre a également une forme enflammée ou pervertie : c’est l’orgueil, c’est-à-dire la recherche de la domination, de la puissance, de la distinction22. L’amour-propre n’est donc pas en lui-même condamnable, les rapports sociaux ne condamnent pas l’homme à la méchanceté.

La troisième proposition porte sur le contrat social. Rawls souligne qu’à ses yeux Rousseau recommande des institutions politiques qu’il juge réalisables, c’est-à-dire qui s’accordent à la fois aux exigences du droit politique et à celles de la stabilité23. Le contrat social établit un accord de coopération sociale sous le règne de la volonté générale. C’est un modèle de stabilité parce que l’intérêt général est l’intérêt de chaque individu, mais il faut pour le comprendre adopter le bon point de vue et donc s’écarter de tout ce qui tend à séparer volonté générale et volonté particulière. C’est justement ce que l’on fait lorsqu’on vit dans une société où règne la volonté générale. Il ne s’agit pas seulement, comme chez Hobbes, d’un changement dans les conditions de la rationalité : l’individu est transformé par la vie sociale – cette transformation est la fin de la législation24.

Dans ces deux modèles contractualistes de stabilité décrits par Rawls, le pacte social ne joue pas le même rôle. Dans le modèle hobbesien, le pacte social permet d’établir un pouvoir coercitif qui assure la stabilité en cas de désaccord. Sans le Léviathan, les lois naturelles (c’est-à-dire les lois morales) ne sont pas rationnelles ; ou plutôt, il n’est pas rationnel d’y obéir. Le modèle rousseauiste entend établir un cercle vertueux démocratique au sein duquel les institutions modifient les mœurs de telle sorte que celles-ci sont alors pleinement accordées à ces institutions. L’esprit social remplace la coercition.

2. La vertu des gouvernants

Mais Rousseau parvient-il à jeter les fondements de cette stabilité recherchée par Rawls, dans sa Théorie de la justice ? Rien n’est moins sûr. C’est incontestablement son ambition : les lois, ne cesse d’expliquer le philosophe genevois, ne peuvent être effectives que si les mœurs sont droites, c’est-à-dire si elles ne sont pas ressenties comme d’insupportables contraintes25. Politique et éducation sont inséparables : la législation est organisation des passions, formation des mobiles, donc constitution d’un cercle vertueux. Mais quelle forme peut-il prendre ?

2.1. La vertu des citoyens

Il me semble qu’on peut en trouver une première forme dans ce que Rousseau dit du règne de la vertu. En un sens politique, celle-ci se définit comme la conformation de la volonté particulière à la volonté générale. Dans le Discours sur l’économie politique, Rousseau fait de l’éducation à la vertu l’objet fondamental de la politique que les gouvernants doivent mettre en place. Le premier principe de l’économie publique, ce que Rousseau appelle « la règle fondamentale du gouvernement »26, consiste à établir le règne de la volonté générale puisque le bien du peuple en dépend. Il faut aussi, en conséquence, que les chefs suivent les lois. La question n’est évidemment pas aussi simple, puisque ceux qui gouvernent sont aussi les plus difficiles à convaincre qu’il faut suivre l’intérêt général. Rousseau est très explicite : « en général ce serait une grande folie d’espérer que ceux qui dans le fait sont les maîtres, préféreront un autre intérêt au leur »27. Ce problème peut être résolu de deux manières différentes : par la pratique et par la raison. Dans le Discours sur l’économie politique, Rousseau ne donne pas d’exemple montrant comment la pratique peut s’assurer de l’obéissance des magistrats ; ce qui l’intéresse, c’est la possibilité de régler cette question par la raison c’est-à-dire de parvenir à une économie publique au sein de laquelle l’intérêt des chefs coïncide avec l’intérêt du peuple.

Incontestablement, nous aurions là un mode stable de gouvernement démocratique, si « démocratique » signifie le règne de la volonté générale, et non ce que Rousseau nomme explicitement démocratie, c’est-à-dire une forme de gouvernement28. Le problème auquel chaque gouvernement démocratique est confronté (la tyrannie des chefs) trouverait ainsi une solution. Mais comment cette solution peut-elle se mettre en place ? Le raisonnement de Rousseau est le suivant : une économie publique populaire, définie comme « celle de tout État où règne entre le peuple et les chefs unité d’intérêt et de volonté »29 existe lorsque la loi règne ; mais la loi ne peut régner que si volonté particulière et volonté générale coïncident. Il faut donc faire régner la vertu. Lorsque c’est le cas, le cercle est vertueux : « La patrie ne peut subsister sans la liberté, ni la liberté sans la vertu, ni la vertu sans les citoyens ; vous aurez tout si vous formez des citoyens »30. Nous avons bien là un cercle vertueux : pour être dans un État libre, il faut des citoyens, mais pour obtenir ces citoyens, il faut que la volonté générale règne dans l’État.

Ce cercle est-il réellement vertueux ? Règle-t-il par la raison et non par la pratique la conduite des gouvernants ? Rousseau ne dit rien d’explicite sur cette question, mais il me semble que son raisonnement est le suivant : les gouvernants étant choisis parmi les citoyens, la paideia qu’un régime républicain met en place lui donne une assise qui peut le rendre pérenne. Pour le dire autrement, on peut penser qu’il y a cercle vertueux puisque les gouvernants se conduiront vertueusement, et que cette conduite se manifestera d’abord par le souci de former les citoyens.

Mais ce raisonnement, que l’on peut extraire du Discours sur l’économie politique, ne tient pas si on considère ce que Rousseau écrit dans le Contrat social sur la psychologie des gouvernants. Le constat semble sans appel : on ne peut espérer que dure un corps politique bien constitué, puisque la volonté particulière du gouvernement agit sans cesse contre la volonté générale du peuple. Il ne dure pas parce qu’il est animé par une volonté de corps qui a suffisamment de force pour recouvrir la volonté générale que les magistrats ont comme citoyens. Rien ne s’y oppose : « comme il n’y a point ici d’autre volonté de corps qui résistant à celle du Prince fasse équilibre avec elle, il doit arriver tôt ou tard que le Prince opprime enfin le Souverain et rompe le traité social. C’est là le vice inhérent et inévitable qui dès la naissance du corps politique tend sans relâche à le détruire, de même que la vieillesse et la mort détruisent le corps de l’homme »31. D’où naît cette volonté de corps ? De la position même qu’occupe le gouvernement : c’est « la volonté commune des magistrats qui se rapporte uniquement à l’avantage du Prince »32. Elle se forme parce qu’il faut qu’un corps de gouvernement se forme. Rousseau insiste : sans elle, le gouvernement n’a pas de vie réelle et cette vie réelle suppose que tous les membres qui le composent agissent de conserve, qu’ils se sentent appartenir à un ensemble distinct de l’État : « il faut un moi particulier, une sensibilité commune à ses membres, une force, une volonté propre qui tende à sa conservation »33. La volonté souveraine ne peut exister sans puissance exécutive, mais celle-ci n’existe pas sans une volonté de corps. Ce qui menace le corps politique bien constitué émane de lui-même et de sa bonne constitution. La fragilité est interne34.

2.2. Le désir de domination

L’existence même du gouvernement dans un corps politique légitime, dirigé par la volonté générale, réfute l’idée que le modèle proposé par Rousseau puisse être stable, c’est-à-dire puisse de lui-même engendrer une dynamique affective qui empêche la volonté particulière de se dissocier de la volonté générale. Ou plutôt, s’il est possible de concevoir une formation démocratique des citoyens, de telle sorte qu’ils puissent devenir vertueux, il n’est pas possible de considérer que cette paideia suffise à supprimer le problème que pose l’existence, nécessaire, d’un gouvernement. Cela ne suffit pas parce que la volonté de corps du gouvernement n’est pas simplement une volonté particulière (qu’il faut en quelque sorte subsumer sous la volonté générale) mais une volonté qu’il faut veiller à faire naître afin que le gouvernement puisse avoir une réelle efficacité. Pour le dire autrement, c’est insuffisant parce que si la volonté particulière est naturelle35, la volonté de corps est politique, comme la volonté générale.

Le modèle politique est instable : il ne parvient pas à contrer les tendances dissociatives qu’il fait naître parce qu’il est bien ordonné. Il faut cependant être plus précis. L’existence d’une volonté de corps du gouvernement ne menace, en toute rigueur, que les républiques qui donnent une forme aristocratique à la puissance exécutive. L’unité du gouvernement ne repose sur la volonté de corps ni dans une monarchie (où la volonté particulière du prince décide) ni dans une démocratie (où le prince et le souverain sont une seule et même personne). On peut trouver étrange que Rousseau présente comme un vice structurel ce qui n’appartient en réalité qu’à une des formes possibles de gouvernement. Mais c’est parce que Rousseau considère l’aristocratie élective comme la forme de gouvernement la plus propre à conserver la liberté36. L’argument est donc a fortiori : même dans le régime exécutif le plus favorable à la liberté, les institutions sont menacées par les passions qu’elles font naître nécessairement.

Mais si l’intérêt de corps s’éveille par la force des choses, ne faut-il pas veiller à ce que les conditions économiques et sociales empêchent le désir de puissance des magistrats, puisque l’éducation à la vertu ne peut suffire en elle-même ? L’égalité, explique Rousseau, est la condition nécessaire de la liberté, qui est la fin de la législation : « il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soient absolument les mêmes, mais que, quant à la puissance, elle soit au-dessous de toute violence et ne s’exerce jamais qu’en vertu du rang et des lois, et quant à la richesse, que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre »37. Le nivellement relatif des conditions et des fortunes doit empêcher que les riches puissent acheter les pauvres qui se laissent vendre. Avons-nous là une stabilisation du modèle politique proposé dans le Contrat social ? Peut-on considérer que l’égalisation permet de lutter, plus efficacement que la seule vertu, contre l’ambition et le désir de puissance, en mettant en œuvre une politique qui ne se contente pas d’agir sur les motivations mais qui agit sur les conditions sociales de la domination ? Faut-il alors conclure qu’un régime républicain ne saurait être stable sans une action continue contre la constitution des fortunes et les inégalités qui, quoi qu’on fasse, travaillent contre l’intérêt général ?

Il n’est pourtant pas sûr que nous obtenions par cet égalitarisme le cercle vertueux qui permettrait une stabilisation des institutions.

D’abord, parce que Rousseau précise bien que les mesures économiques et sociales prises en ce sens ont également des conditions psychologiques : il faut, du côté des pauvres, « modération d’avarice et de convoitise »38. Le législateur doit agir sur l’inégalité des fortunes par des lois somptuaires, mais ses décisions ne peuvent pas tout : elles doivent être accompagnées par des modifications morales, c’est-à-dire, à nouveau, par une formation de la vertu.

Ensuite et surtout, parce que le désir de domination n’est pas réductible au désir de richesses. Rousseau fait sien, dans le second Discours, l’argument de La Boétie : si les hommes peuvent renoncer à leur liberté, c’est parce qu’en échange ils obtiennent le droit de commander39. L’ambition est première, et la richesse n’en est, au mieux, qu’un des moyens. Le désir de puissance est l’effet de l’amour-propre qu’enflamment les comparaisons intersubjectives. Rousseau en montre la genèse dans l’Émile, et les moyens de la prévenir. Lorsqu’à la puberté Émile commence à se mesurer aux autres, le gouverneur l’empêche de devenir orgueilleux et méchant en développant sa disposition à la compassion : il faut qu’Émile se considère comme un homme parmi les autres hommes, il faut lui faire sentir les liens qui l’attachent à son espèce, afin de faire obstacle à son amour-propre qui le pousse à se distinguer40. Il doit pour cela apprendre aussi de l’histoire, qui lui montre, avec toute la distance nécessaire, le jeu des passions humaines. Le gouverneur lui présente un tableau de l’ambition. Émile comprend, en lisant Plutarque et Suétone, que le bonheur des puissants n’est qu’apparent : « Auguste, après avoir soumis ses concitoyens et détruit ses rivaux régit durant quarante ans le plus grand empire qui ait existé ; mais tout cet immense pouvoir l’empêchait-il de frapper les murs de sa tête et de remplir son vaste palais de ses cris en redemandant à Varius des légions exterminées ? »41. Il réalise que le désir de domination est incompatible avec ses propres aspirations et avec la manière dont il se figure son propre bonheur. Cette éducation, évidemment, n’est pas faite pour le disposer à entrer en politique : il ne se mêlera pas des affaires publiques, il n’ira pas « faire le sage et le défenseur des lois chez les grands, chez le magistrat, chez le Prince »42.

2.3. L’approbation publique

Le problème demeure : il semble bien que le modèle politique rousseauiste soit instable, puisqu’aucune paideia ne peut lutter contre l’amour-propre des gouvernants – amour-propre qui n’est pas séparable de la position qu’ils occupent. Le droit politique ne peut pas trouver une solution à ce problème. Mais si la raison ne le peut pas, la pratique le peut. C’est à la prudence qu’il faut faire appel pour pallier les défauts qui naissent, nécessairement, du corps politique pourtant bien constitué. Il faut, par la prudence, pallier les faiblesses que les institutions républicaines recèlent intrinsèquement (donc, en termes rawlsiens, passer de la théorie idéale à la théorie non-idéale, qui tient compte du fait que les circonstances peuvent ne pas correspondre totalement aux principes de la justice43).

Rousseau entend relever ce défi dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne. Le roi préside la Diète, et c’est elle qui légifère. Il est également chargé de la puissance exécutive. Et il tend à usurper la puissance souveraine. Le problème est énoncé en toutes lettres : « C’est un grand mal que le Chef d’une nation soit l’ennemi né de la liberté dont il devrait être le défenseur »44. Or, il est impossible en Pologne de se passer du roi, c’est-à-dire « d’un chef suprême qui soit à vie »45. Mais comment alors préserver ces institutions et leur donner une forme de stabilité ?

Il faut avant tout que le roi soit élu. L’hérédité est certes facteur de stabilité, mais c’est celle de l’ordre et non celle de la liberté46. Celle-ci est alors menacée, puisqu’une famille royale l’emportera toujours sur la législation47. L’élection au contraire sert la liberté et la stabilité : elle demande au peuple (par ses représentants) de concourir au choix du chef, et change la nature de l’ambition. Le roi ne peut plus aspirer transmettre un pouvoir usurpé à ses enfants. Le seul objet dont il peut s’enorgueillir, c’est alors la prospérité de l’État. Ce n’est plus par l’hérédité que le nom du roi peut survivre à la mort de ce dernier, mais par sa renommée. C’est en se rendant cher à son peuple qu’il peut désormais satisfaire son amour-propre : il lui faut « illustrer son règne par des établissements utiles [...], qui fasse bénir après lui sa mémoire »48. L’augmentation de sa puissance passe ainsi par celle du bien public. Il ne s’agit pas d’éteindre l’ambition, mais de changer son objet.

La question se pose alors de savoir qui peut prétendre se faire élire roi. L’interrègne est une période où les troubles peuvent naître si on laisse libre cours à toutes les prétentions. Il est donc nécessaire de canaliser et de restreindre les ambitions dans le royaume, par conséquent de désigner par un suffrage ceux qui peuvent prétendre être roi. Rousseau explique qu’ils seront choisis par une Diète d’élection parmi les Palatins, qui eux-mêmes ont été choisis parmi les Gardiens des lois, à l’issue d’une série de désignations à laquelle Rousseau entend soumettre l’ensemble de l’administration. L’honneur public est ainsi, à tous les échelons, le critère qui doit l’emporter. Mais les élections sont susceptibles d’alimenter les brigues des puissances étrangères qui souhaitent s’immiscer dans les affaires polonaises. Il faut les empêcher en introduisant le tirage au sort : trois candidats sont choisis par la Diète d’élection, et le hasard désignera, parmi eux, celui qui exercera la fonction royale.

La question du gouvernement est ainsi réglée par cette combinaison entre élection et tirage au sort. Et c’est de cette manière qu’institutions et motivations peuvent aller dans le même sens. Le roi n’est pas coupé du peuple, puisqu’il est le dernier maillon d’une chaîne qui lie ensemble tous les citoyens au bien public : « Par ce projet adopté dans toute son étendue tout est lié dans l’État, et depuis le dernier particulier jusqu’au premier Palatin nul ne voit aucun moyen d’avancer que par la route du devoir et de l’approbation publique »49. Il reste cependant encore un problème. La désignation du roi par élection et tirage au sort permet de choisir un citoyen méritant, mais elle ne permet pas de régler la question de l’exercice du pouvoir, donc d’empêcher que le roi n’abuse de sa position – le dispositif ne peut pas freiner l’ambition qui naît de la position de pouvoir : « Le Roi seul, une fois élu, ne voyant plus que les lois au-dessus de lui n’a nul autre frein qui le contienne »50. Il faut alors encore jouer sur son amour-propre : une fois le roi défunt, son œuvre est soumise à l’approbation publique, et son nom est honoré si on juge qu’il a été bon et juste51.

***

Les institutions polonaises sont-elles stables ? Il est possible que le dispositif mis en place engendre des motivations qui le renforcent. La question du gouvernement est traitée de telle sorte que la volonté de domination, inhérente à la fonction exécutive, soit orientée vers le bien public. Le dispositif consiste ainsi à remplacer la vertu par l’opinion ; on ne compte pas sur la volonté du roi de servir le bien commun mais sur le jugement du public, qu’on considère suffisamment vertueux pour juger pour de bonnes raisons (il l’est non pas par hypothèse, mais parce que l’éducation publique est supposée avoir cet effet52).

Cependant, peut-on en conclure que le modèle républicain théorisé dans le Contrat social est, comme l’interprète Rawls, un modèle de stabilité démocratique ? La question est complexe. Premièrement, à supposer (ce qui peut être contestable) que les Considérations soient une application des principes énoncés dans le Contrat social, ce qui est vrai pour les Considérations n’est pas pour autant vrai pour le Contrat social (l’application supposant de toute façon une adaptation aux situations nationales). D’autant que, deuxièmement, si le dispositif de désignation mixte (élection et tirage au sort) et d’approbation publique paraît bien adapté à une puissance exécutive monarchique, rien ne dit qu’il puisse être efficace contre la volonté de corps d’un gouvernement aristocratique. Celui-ci installe une sorte d’association partielle dans l’État, qui a son propre régime d’approbation.

Nous pouvons considérer que la constitution polonaise proposée par Rousseau résout le problème de la stabilité qui lui est posée. Mais s’il y a cercle vertueux, force est de constater qu’il l’est parce que Rousseau recommande aux Polonais de s’appuyer sur l’amour-propre enflammé, sur l’ambition et l’orgueil des rois, bref sur leur désir de distinction. Voilà qui doit nous rendre prudent avec la lecture de Rawls : il n’est pas sûr que Rousseau ait besoin, pour envisager la stabilité de son modèle politique, de présupposer la bonté naturelle de l’homme, comme si celle-ci pouvait n’être qu’un postulat nécessaire à la démonstration d’ensemble.

Rawls voit dans le Contrat social la théorisation d’un cercle vertueux démocratique. Sa lecture est évidemment biaisée par ses propres réflexions sur la stabilité. Elle l’amène à radicaliser l’opposition de Rousseau à Hobbes, en considérant que l’enjeu pour Rousseau est de répondre au philosophe anglais et donc de proposer un modèle démocratique stable, contre la conception monarchique qu’Hobbes a de l’État. Mais le plus intéressant, dans les propos de Rousseau sur la conservation et la dissolution de la liberté, ce n’est peut-être pas ce qu’il écrit sur les moyens que l’on peut trouver pour éviter l’usurpation de la souveraineté (inévitable à termes), mais le fait qu’il indique, à qui veut le lire, que l’idée démocratique est intrinsèquement fragile, que ce qui la menace est qu’elle doit composer avec des forces institutionnelles non-démocratiques qu’elle engendre elle-même – forces que Rawls, dans sa théorie de la justice comme équité, ne prend sans doute pas suffisamment en compte53.

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1John Rawls, Libéralisme politique, trad. C. Audard, Paris, P.U.F., 1995, p. 179.

2Ibid., p. 181.

3John Rawls, Théorie de la justice, § 76, trad. Catherine Audard, Paris, Seuil, 1987, p. 536 sq.

4John Rawls, Lectures on the History of Political Philosophy (désormais Lectures), édité par S. Freeman, Cambridge-London, The Belknap Press of Harvard University Press, 2007, p. 23-93 et 191-248.

5Théorie de la justice, opcit., p. 537.

6Ibid., § 6, p. 56.

7Ibid., p. 58.

8On peut même penser qu’il a inventé la doctrine moderne du contrat social. Voir sur ce point Jean Terrel, Les théories du pacte social. Droit naturel, souveraineté et contrat de Bodin à Rousseau, Paris, Seuil, 2001, en particulier ch. 4.

9Théorie de la justice, § 3, op. cit., p. 37.

10« Les lois naturelles obligent in foro interno ; autrement dit : nous sommes tenus par elles de désirer qu’elles prennent effet ; mais elles n’obligent pas toujours in foro externo, c’est-à-dire à les mettre en application. Car celui qui serait mesuré et accommodant, et qui exécuterait toutes ses promesses, en un temps et en un lieu où nul autre n’agirait de même, celui-là ferait de lui-même la proie des autres, et provoquerait avec certitude sa propre ruine, contrairement au fondement de toutes les lois de nature, qui tendent à la préservation de la nature. » Thomas Hobbes, Léviathan, ch. 15, trad. François Tricaud, Paris, Sirey, 1971, p. 158.

11Rawls, Lectures, op. cit., p. 41.

12Ibid., p. 33.

13Hobbes, Léviathan, ch. 20, op. cit., p. 207.

14Ibid., ch. 5, p. 43.

15Rawls, Lectures, op. cit., p. 32.

16Ibid., p. 33.

17Ibid., p. 42 sq.

18Libéralisme politique, op. cit., p. 76 sq.

19Lectures, op. cit., p. 204.

20Rousseau, Du Contrat social, dans Œuvres complètes, t. III, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1964, p. 351.

21Voir Nicholas Dent, Rousseau. An Introduction to his Psychological, Social and Political Theory, Oxford/New-York, Blackwell, 1989, p. 52 sq.; ID., Rousseau Dictionary, op. cit., p. 33-36.

22Rawls, Lectures, op. cit., p. 198-199.

23Ibid., p. 214.

24Ibid., p. 237 sq.

25Voir sur ce point la Lettre à d’Alembert, dans Œuvres complètes, t. V, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1995, p. 60 sq. ; sur la nécessaire convenance des lois et des mœurs, je me permets de renvoyer à Florent Guénard, Rousseau et le travail de la convenance, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 493 sq. Sur la lecture générale de Rousseau par Rawls, voir Céline Spector, Au prisme de Rousseau. Usages politiques contemporains, Oxford, Voltaire Foundation, 2011.

26Rousseau, Discours sur l’économie politique, édition, introduction et commentaire sous la direction de Bruno Bernardi, Paris, Vrin, 2002, p. 48.

27Ibid., p. 48-49.

28Rousseau, Du Contrat social, III, 4, op. cit., p. 404-405.

29Discours sur l’économie politique, op. cit., p. 49.

30Ibid., p. 60.

31Du Contrat social, III, 10, op. cit., p. 421.

32Ibid., III, 2, p. 400.

33Ibid., III, 1, p. 399.

34« Le corps politique, aussi bien que le corps de l’homme, commence à mourir dès sa naissance et porte en lui-même les causes de sa destruction. » Ibid., III, 11, p. 424.

35« [...] chaque individu peut comme homme avoir une volonté particulière contraire ou dissemblable à la volonté générale qu’il a comme citoyen. Son intérêt particulier peut lui parler tout autrement que l’intérêt commun ; son existence absolue et naturellement indépendante peut lui faire envisager ce qu’il doit à la cause commune comme une contribution gratuite [...]. » Ibid., I, 7, p. 363.

36« En un mot, c’est l’ordre et le plus naturel que les plus sages gouvernent la multitude, quand on est sûr qu’ils la gouverneront pour son profit et non pour le leur. » Ibid., III, 5, p. 407.

37Ibid., II, 11, p. 391-392.

38Ibid., p. 392.

39« Il est très difficile de réduire à l’obéissance celui qui ne cherche point à commander, et le Politique le plus adroit ne viendrait pas à bout d’assujettir des hommes qui ne voudraient qu’être Libres. » Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Œuvres complètes, t. III, op. cit., p. 188. La Boétie a montré que dans un régime tyrannique, le désir de domination l’emportait sur la satisfaction qu’apporte le sentiment d’être libre : « il se trouve enfin quasi autant de gens à qui la tyrannie semble profitable, comme de ceux à qui la liberté serait agréable. » Discours de la servitude volontaire, Paris, GF-Flammarion, 1983, p. 163.

40Rousseau, Émile ou de l’éducation, Œuvres complètes, t. IV, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1969, p. 520.

41Ibid., p. 533.

42Ibid., p. 544.

43Rawls, Théorie de la justice, § 39, op. cit., p. 282.

44Rousseau, Considérations sur le Gouvernement de Pologne, Œuvres complètes, t. III, op. cit., p. 989.

45Ibid.

46« La Pologne est libre parce que chaque règne est précédé d’un intervalle où la nation rentrée dans tous ses droits et reprenant une vigueur nouvelle coupe le progrès des abus et des usurpations, où la législation se remonte et reprend son premier ressort. » Ibid., p. 991.

47« Que deviendront les pacta conventa, l’égide de la Pologne, quand une famille établie sur le trône à perpétuité le remplira sans intervalle, et ne laissera à la nation entre la mort du père et le couronnement du fils qu’une vaine ombre de liberté sans effet, qu’anéantira bientôt la simagrée du serment fait par tous les Rois à leur sacre, et par tous oublié pour jamais l’instant d’après ? » Ibid, p. 991-992.

48Ibid., p. 993.

49Ibid., p. 1033.

50Ibid.

51« Je voudrais donc qu’après la mort de chaque Roi son corps fut déposé dans un lieu sortable, jusqu’à ce qu’il eût été prononcé sur sa mémoire ; que le tribunal qui doit en décider et décerner sa sépulture fût assemblé le plus tôt qu’il serait possible ; que là sa vie et son règne fussent examinés sévèrement ; et qu’après des informations dans lesquelles tout citoyen serait admis à l’accuser et à le défendre, le procès bien instruit fut suivi d’un arrêt porté avec toute la solennité possible. » Ibid., p. 1034.

52Rousseau le précise bien : ce qu’il dit de l’éducation est « l’article le plus important » de ses Considérations (ibid., p. 966).

53J’ai développé cette question dans un article, « Amour de soi et estime de soi : Walzer, Rawls, Rousseau » (Modernités de Rousseau, Lumières, no 15 (2010), p. 113-129), auquel je me permets ici de renvoyer.