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Bernard Hort, Gérard Siegwalt. Un protestantisme inclusif

Bruxelles, Academic and Scientific Publishers, 2017, 115 p.

Pierre GISEL

Un petit livre. Profond et théologiquement perspicace. Qui doit faire réfléchir chacun. Dû à la plume de Bernard Hort, professeur de théologie systématique à la Faculté protestante de Bruxelles depuis un quart de siècle, ressortissant du Canton de Vaud et ayant été formé à Lausanne. Comme l’indique son titre, le livre est consacré à Gérard Siegwalt, qui a longtemps enseigné la théologie systématique à la Faculté protestante de Strasbourg. Il en suit l’œuvre, pour en dégager les « axes thématiques » et la « portée civile et sociale », à commencer par sa monumentale Dogmatique pour la catholicité évangélique. Système mystagogique de la foi chrétienne en cinq parties, chacune en deux volumes, parue entre 1986 et 2007. À quoi s’ajoutent notamment cinq recueils, Le défi interreligieux (2014), Le défi monothéiste (2015), Le défi scientifique (2015), Le défi ecclésial (2016) et Le défi humain (2017). On le voit, l’horizon est large : données anthropologiques, réalités socioculturelles, déploiement des sciences, œcuménicité. Et comme l’annonce Hort, le travail se veut « inclusif », au meilleur sens, visant une unité interne, pour ce qui touche tant la personne humaine que le monde et la culture, une unité à chaque fois plurielle et en travail, hors tout monolithisme. Le titre de la dogmatique de Siegwalt l’indiquait, c’est une « catholicité » qui est visée, et le sous-titre en signalait la modalité, une « mystagogie ». On est là, avec Siegwalt comme avec Hort alors en résonance, dans une veine autre que celle qui fut majoritaire dans le XXe  s. protestant, au moins continental, marqué par les héritages de la théologie dialectique. La présence des Pères et du Moyen Âge y est plus forte, le profil du coup à la fois plus traditionnel, in meliorem partem (réfléchie et travaillant en « profondeur »), et en débat décisif, voire constitutif, avec le contemporain et ses rationalités mondaines, philosophie comprise. Hort souligne qu’on est ici loin des replis et autres privatisations « banalisantes » du contemporain (p. 23), et hors aussi bien d'un évangélisme « radicalisé » que d’un libéralisme « purement adaptatif » (p. 19). On aura à mon sens avantage à être attentif à plusieurs des « axes thématiques » suivis : l’Église, assignée à mettre en perspective et à éclairer les épisodes qui font nos vies individuelles et collectives, y reprenant les « lieux centraux de la socialité humaine » (p. 26 sq.) ; le refus d’un « rétrécissement “acosmique” » (p. 33) symptomatique d’une posture occidentale et singulièrement protestante dommageable (d’où, chez Siegwalt, une reprise du romantisme, de Jung, de Drewermann, de traditions ésotériques [cf. p. 63 sq.], à l’encontre d’approches « fragmentaires et mécanistes » [p. 40], sans compter la présence de Tillich en arrière-plan) ; un accent décisif mis sur l’itinéraire, le cheminement, la maturation (p. 37 sq.) ; une christologie « traversée d’un double mouvement, descendant et ascendant » (p. 69), dont l’oubli au profit du seul descendant vaut effectivement test du devenir du christianisme en modernité, et christologie inscrite au cœur des réalités humaines de la création, à l’encontre de toute « “christolâtrie” » (p. 71) ; un plaidoyer pour une critique mutuelle des instances mondaines et de la théologie (p. 80 sq.), en vue de constructions toujours à reprendre, selon « décentrement », « discernement » (p. 50), et sur fond pluriel et sapiential. Au total, l’ensemble vise à proposer une alternative à l’« égotisme » contemporain (p. 101 sq.), lié à un social vidé de sa substance.