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Adin Steinsaltz (éd.), Le Talmud, L’Édition Steinsaltz, Chabat 4 / Adin Steinsaltz (éd.), Le Talmud, L’Édition Steinsaltz, ‘Erouvin 1 / Adin Steinsaltz (éd.), Le Talmud, L’Édition Steinsaltz, ‘Erouvin 2

Commenté par le rabbin Adin Steinsaltz (Even Israël), (Vol. XXXV), Jérusalem, Institut israélien des Publications talmudiques/Biblieurope, 2017, 343 p. / Commenté par le rabbin Adin Steinsaltz (Even Israël), (Vol. XXXVI), Jérusalem, Institut israélien des Publications talmudiques/Biblieurope, 2017, 341 p. / Commenté par le rabbin Adin Steinsaltz (Even Israël), (Vol. XXXVII), Jérusalem, Institut israélien des Publications talmudiques/Biblieurope, 2018, 343 p.

Jean BOREL

Il n’est pas exagéré de dire que l’édition en cours du Talmud de Babylone en langue française, dans la version si soigneusement présentée et annotée par le rabbin Adin Steinsaltz, n’est pas seulement un événement éditorial de premier plan, mais elle ouvre l’accès, pour la première fois à des non juifs, à la principale source de la pensée théologique et philosophique, mystique et juridique juive. Et même si la compréhension du Talmud, malgré sa traduction, demeure un exercice exigeant et difficile, nécessitant une initiation rigoureuse à sa méthode interprétative des textes bibliques et à son langage, il ne sera désormais plus possible, sinon par malveillance et déloyauté intellectuelle, de dire n’importe quoi à son sujet. Dans un précédent dossier de critique bibliographique, nous avons déjà recensé les trois premiers volumes, soit les quinze premiers chapitres du long traité Chabat (cfRThPh 2017/III-IV, p. 417s), dans lequel les rabbins ont voulu consigner et discuter l’ensemble des lois relatives au « jour de repos et de sainteté » ordonné par Dieu au peuple d’Israël. Que faut-il faire lorsqu’un incendie cause des dégâts matériels et met en péril des vies humaines ou animales le jour du chabat ? C’est ce dont traite le seizième chapitre du quatrième volume, où sont analysées de manière aussi attentive et complète que possible les dérogations permises pour sauver des flammes ce qui doit et ce qui peut l’être, et quelles attitudes il faut adopter pour respecter le commandement biblique. Le jour du repos n’impliquant ni l’immobilisme ni l’inactivité, il s’agit de déterminer ce qu’il est possible de faire dans l’esprit du chabat, les exemples ayant toujours une double valeur réelle et symbolique : prendre un marteau pour casser des noix, déplacer des matériaux bruts ou remettre les portes d’un bahut. Plus importantes encore, les dérogations apportées pour soulager une vie humaine ou animale – la Torah interdisant de faire souffrir une bête ou même de rester passif devant sa souffrance. En effet, lorsqu’un patient est en danger, tous les travaux nécessaires à sa guérison doivent être exécutés. Même dans le cas où les médecins affirment que la maladie n’est pas mortelle, si elle risque de le devenir à cause de l’angoisse ou de la panique subjective du patient, il est permis de préparer des remèdes pour le rassurer et le soulager. C’est ce dont traitent les dix-septième et dix-huitième chapitres. Suivent les règles s’appliquant à une circoncision pratiquée un chabat ou un jour de fête, ce commandement étant le seul, à part celui des sacrifices, pour lequel tous les interdits sont levés. Au cours des discussions concernant les préparatifs alimentaires et autres problèmes liés à la nourriture, la règle générale suivante se dessine : « Tout acte ne faisant pas partie des travaux interdits par la Torah peut être effectué pour une nourriture destinée aux hommes quand elle est déjà consommable telle quelle ». Les deux derniers chapitres traitent de l’interdiction d’effectuer une transaction commerciale d’intérêt personnel le jour du chabat, et cependant du droit de conclure des accords pécuniaires ou de se préparer à effectuer un travail sans que cela soit considéré comme une profanation. Le traité ‘Erouvin suit et complète le traité chabat en ce qu’il apporte, en dix chapitres structurés, les directives qui concernent non pas seulement l’interruption des travaux créatifs, mais « l’obligation de s’abstenir de tout transfert du domaine d’un particulier au domaine public ou vice versa, et de tout déplacement important au sein même du domaine public ». D’où une distinction serrée qui fait l’objet de mille considérations d’ordre juridique, dans le détail desquels il n’est pas possible d’entrer, entre quatre domaines bien distincts : le domaine privé, le domaine public, le domaine semi-privé et le domaine d’exemption. « Cette notion d’Erouvin, dit Adin Steinsaltz, marque de surcroît, d’une certaine manière, le passage d’une démarche simple et concrète à une conception plus abstraite et plus moderne des délimitations entre objets (pays, domaines publics et privés) qui ne dépendent plus de démarcations physiques mais de symboles ou modes conceptuels d’identification. Sont ainsi envisagés les débats théoriques et pratiques sur la nature des frontières en tant que telles ». Sur le plan historique, dès l’époque du premier Temple, « les Sages avaient en effet jugé nécessaire de renforcer l’observance du chabat par la création du « territoire du chabat », lequel délimite le secteur où l’on est autorisé à marcher en ce jour, et par les interdictions de porter des objets ; ce qui les obligea, au cours de l’évolution et de l’agrandissement progressif des villes, à trouver des solutions logiques et raisonnables à des situations réelles et fictives toujours plus complexes. Chaque volume contient un index des auteurs et des ouvrages cités. Rappelons également le soin avec lequel Adin Steinsaltz a vocalisé le texte hébraïque de la Michna qui se trouve au centre de chaque page, le rendant ainsi lisible à tout lecteur de la Bible hébraïque, et qu’il traduit au fil des discussions rabbiniques disposées à l’entour, comme le veut l’usage traditionnel de l’édition du Talmud.