Denis Guénoun, Des verticales dans l’horizon
Genève, Labor et fides, 2018, 180 p.
Des verticales dans l’horizon offre un parcours éclatant entre philosophie et théologie à travers six problématiques (l’être, l’autre, le temps, l’histoire, le mythe, la religion) qui constituent les six chapitres du livre. L’ouvrage se lit facilement grâce à l’écriture fluide et entraînante de son auteur. Sous des allures de vulgarisation, il pose des questions fondamentales pour la réflexion théologique à différents niveaux (ontologique, éthique, biblique, linguistique) en relisant des auteurs à la croisée de la philosophie et de la théologie (Levinas, Augustin, Bultmann, Bonhoeffer). Le parcours commence par la question de l’être. S’appuyant sur la conception heideggérienne, D. Guénoun déplace la question vers une conception d’inspiration biblique (Levinas) où l’être est fondé dans une altérité qui sollicite en tant qu’« instance du bien » qui « transcende tout ce qui est ». Le lecteur est ainsi invité à se demander si l’éthique – entre l’être et le néant – ne serait pas plus originaire que l’être. En prolongement, le deuxième chapitre s’arrête sur cette question éthique. D. Guénoun propose une lecture accompagnée d’une page de Levinas abordant l’idée de l’infini et le visage d’autrui. Il y questionne l’accès à Dieu qui ne se fait dans ce texte que dans et par la présence infinie d’Autrui. Le troisième chapitre propose une analyse du livre 11 des Confessions de saint Augustin, chapitre consacré à la question du temps qui présente une « transcendance intérieure » au plus profond de nous. Les hypothèses de lecture de D. Guénoun se concluent à nouveau ici sur la question de l’altérité radicale sollicitant et instaurant notre identité profonde. Dans le quatrième chapitre, l’auteur envisage la confrontation entre le concept théologique de révélation et la notion philosophique d’histoire. Conjuguant magistralement l’une et l’autre, D. Guénoun pose finalement l’hypothèse que, par leur imbrication étroite, révélation et histoire ne font qu’un et se déploient conjointement. Le cinquième chapitre présente la grande entreprise de démythologisation de Bultmann comme une œuvre constamment à reprendre et à poursuivre. D. Guénoun ose notamment s’attaquer au mot « Dieu », qui participe selon lui de la vision ancienne et mythique du monde. L’auteur nous plonge dans une véritable remise en question linguistique de la transcendance comprise comme instance personnelle. Le chapitre conclusif interroge l’idée de religion en convoquant Bonhoeffer dans un questionnement sur le rapport entre religion et « suivance » du Christ. L’ensemble des chapitres pointe vers cette thèse finale que soutient D. Guénoun : le divin et le monde ne sont plus séparés depuis l’incarnation. Ainsi, D. Guénoun nous livre son appréciation personnelle d’un horizon du monde qui demeure marqué par des appels verticaux de transcendance logés dans le rapport aux altérités qui nous entourent. Réussissant ce tour de passe-passe consistant à nous mener de manière simple et précise à travers des problématiques parfois très pointues et complexes, le présent ouvrage permet à la théologie un déplacement. Déplacement renforcé par la perspective extérieure de son auteur – une approche philosophique rigoureuse doublée d’une foi vivante – qui questionne de manière vivifiante certains fondements de la théologie. Occasion donc pour tout théologien de remettre en question ses bases grâce à cet ouvrage qui ne manquera pas de mettre en mouvement. Et pour les personnes qui ne seraient pas versées dans la théologie, cet ouvrage en constitue une très bonne introduction !