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Daniel Marguerat, L’historien de Dieu. Luc et les Actes des apôtres

Genève-Montrouge, Labor et Fides-Bayard, 2018, 443 p.

Michaël STECK

Cet ouvrage se situe dans le prolongement de La première histoire du christianisme. Les Actes des apôtres, publié par D. Marguerat en 1999 (Paris-Genève, Cerf-Labor et Fides). Il est le fruit de près de 20 ans de recherches et réunit 16 articles parus et un article inédit. Daniel Marguerat les a rédigés en parallèle de son commentaire sur les Actes des apôtres. Cet ouvrage traduit l’érudition, la rigueur et la finesse argumentative de son auteur. Chapitre après chapitre, le lecteur est pris en main dans un voyage à la (re)découverte du premier récit sur les origines du christianisme. Solidement construit et suivant un fil conducteur transparent, cette publication trouvera de la valeur auprès des historiens et des théologiens, mais aussi auprès du grand public. Le style déployé est celui d’un vulgarisateur scientifique. Pour celles et ceux qui souhaitent approfondir un domaine particulier, ils pourront se reporter aux notes de bas de page et à la bibliographie générale. Dans cet ouvrage, Daniel Marguerat y développe plusieurs thèses importantes : i) l’auteur des Actes des apôtres est le premier historien du christianisme ; ii) le Luc historien cohabite avec le Luc théologien ; iii) l’histoire et la théologie se rencontrent par l’annonce de la résurrection. L’ouvrage est subdivisé en trois parties : Histoire et théologie En suivant Luc-Actes – Paul selon Luc. La première partie débute par un chapitre consacré à l’auteur de Luc-Actes. Le rédacteur de l’Évangile de Luc et des Actes des apôtres est un Grec, informé de l’appareil judiciaire romain et grand connaisseur de la culture juive, appartenant vraisemblablement au milieu des craignant-Dieu. Les chapitres 2 à 4 se poursuivent sur la dimension historiographique de Luc. Marguerat met bien en évidence comment les Actes, reprenant les débuts de la Genèse, sont un « récit de fondation » (p. 65). L’étude des procédés narratifs de Luc permet in fine d’éclairer la visée théologique de Luc. Loin d’être un théologien confus, comme l’affirme la recherche historique et exégétique entre la fin du XIXe siècle jusqu’au début des années 1960, l’analyse littéraire des Actes nous permet de découvrir quel est l’Auteur caché des événements racontés : il s’agit de « Dieu et de sa main puissante » (p. 60). La théologie lucanienne est narrative et non argumentative. Le récit des Actes cherche à construire une mémoire collective, à la suite de la disparition des témoins historiques de Jésus. Ces derniers garantissent la mémoire de Jésus d’une double manière : par leurs paroles et dans leurs actes. Le chapitre 5 est consacré à l’importance de la résurrection dans le récit des Actes. Les Actes déploient, selon lui, une véritable « rhétorique de la résurrection » (p. 101). La résurrection est en effet associée de très près à l’annonce universelle de l’Évangile. Le discours de Paul dans la synagogue d’Antioche de Pisidie (Ac 13,16-41) annonce la rémission des péchés à ceux qui croient en Jésus que Dieu a réveillé d’entre les morts. Par le biais du récit de guérison d’un boiteux de naissance (Ac 3,1-10) est prédit la délivrance eschatologique d’Israël annoncée dans les Écritures par les prophètes. La deuxième partie de l’ouvrage approfondit plusieurs thématiques développées dans les Actes (la question de la richesse, la proclamation de l’universalité du salut, le partage du pain, la place de l’Esprit Saint, la fonction de Moïse en Luc-Actes, l’importance du témoignage, la question de l’évangélisation dans la culture gréco-romaine et le portrait du judaïsme synagogal chez Luc). Ces différents chapitres éclairent sous de multiples angles l’œuvre lucanienne et son projet théologique. Il permet au lecteur de saisir les enjeux, mais également les préoccupations et les tensions rencontrées par l’auteur des Actes. Après avoir mis en évidence une éthique de l’argent, souligné l’universalité du Dieu chrétien comme le fruit de Pâques, l’analyse se concentre sur la maison, le lieu de restructuration de l’identité chrétienne. La 3e partie – Paul selon Luc – cherche à rendre compte du portrait lucanien de Paul. Le Paul lucanien a sa cohérence et sa logique propre. D. Marguerat défend une réception triple de la figure paulinienne : une réception « documentaire » (il s’agit du travail de rassemblement des lettres de Paul), « doctorale » (illustrée par les écrits Deutéro-pauliniens et les Pastorales) et « biographique » (option prise par Luc dans sa présentation de Paul). Luc a restitué la figure de Paul à partir de différentes sources et de nombreuses traditions autres que les lettres de Paul. À son époque, les lettres de Paul circulaient dans différents groupes mais n’étaient pas encore constituées et regroupées de manière définie sous forme de canon. Le dernier chapitre s’arrête sur la fin des Actes et son silence sur la mort de Paul. D. Marguerat invoque des raisons à la fois historiques, littéraires et théologiques à cette surprenante absence, en préservant la part de mystère des dernières pages des Actes.