Benjamin Fondane, Devant l’histoire
Éd. Monique Jutrin, (Philosophie imaginaire), Paris, L’Éclat, 2018, 238 p.
Si l’on se souvient surtout de l’A. comme d’un grand poète de la Bible et de la condition juive (voir notamment les recueils réunis par M. Jutrin elle-même, Le Mal des fantômes), on ne doit pas oublier l’envergure de son œuvre « philosophique ». Sa révolte, d’abord exprimée uniquement littérairement par une adhésion au dadaïsme, trouvera son véritable vecteur dans la rencontre de Chestov et la lecture de Kierkegaard. En découle son ouvrage peut-être le plus important, La Conscience malheureuse – ainsi qu’une myriade de textes de moindres dimensions, mais développant toujours cette enquête existentielle. Les textes recueillis dans Devant l’histoire, pour n’être pas strictement philosophiques ni théologiques (hormis peut-être les notes intitulées « Eaux-mères », qui devaient servir de matière à différents essais sur l’Histoire vécue), constituent toutefois de précieux documents éclairant ce pan de son œuvre, nous montrant l’auteur engagé dans les polémiques de son temps et tâchant, malgré l’incertitude de ces années, y prendre place. Divisé en deux sections, l’ouvrage contient des textes roumains inédits en français (1913-1922), qui nous renseignent notamment sur la naissance d’une inquiétude existentielle chez le jeune écrivain, face aux courants dans lesquels se débat l’époque (notamment la montée de l’antisémitisme en Roumanie) ; et des textes rédigés en France, où il vit dès 1923, traitant des événements de la vie intellectuelle (quelques recension d’ouvrages marquant de l’époque, débats sur le communisme, prises de position des intellectuels, tension révolutionnaire des années 1930) considérés d’un point de vue existentiel. Les théologiens liront avec intérêt les pages consacrées à Parole de Dieu et parole humaine de Karl Barth, témoignage intéressant de la réception de cet ouvrage important.