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Jean-Luc Périllié, Mystères socratiques et traditions orales de l’eudémonisme dans les Dialogues de Platon

Préface de Th. A. Szlezák, Coll. « Academia philosophical studies » 49, Sankt Augustin, Academia Verlag, 2015, 524 p.

Frédéric MATHIEU

Quelle sorte d’homme était Socrate ? Cette question lancinante hanta longtemps les études socratiques, le maître de Platon n’ayant laissé à l’intention de la postérité aucun écrit philosophique. Contournant la difficulté, les interprétations esthétisantes actuelles avisent en Socrate un personnage imaginaire et conceptuel. Les positions, par ailleurs divergentes, des historiens analytiques s’accordent pour reléguer la question socratique au rang de « faux-problème ». Si bien que l’historien philosophe serait appelé à faire le deuil du Socrate historique. C’est méconnaître, selon l’A., l’étonnante convergence des témoignages d’Eschine de Sphettos, dit « le Socratique », de Platon (principalement du discours d’Alcibiade dans le Banquet), de Xénophon et d’Aristophane. Dans cet ouvrage singulier et à contre-courant, l’A. montre qu’il possible, pour peu que l’on accepte d’en payer le prix, de tourner en partie les obstacles opposés à notre compréhension du Socrate historique. Il s’agirait de prendre en considération deux caractéristiques délaissées des historiens car jugées non « sérieuses » et non philosophiques en soi, arborant néanmoins la marque indélébile de l’idiosyncrasie de Socrate : l’enthousiasme et l’érotique. Deux phénoménalités exceptionnelles du philosophe qui seraient à la source de ses engagements existentiels et la raison ultime de ses difficultés avec la cité. Deux expressions comportementales exacerbées, grâce auxquelles cependant il aurait constitué en son temps d’authentiques cultes à mystères. Les témoignages, selon l’A., sont unanimes : Socrate avait coutume d’organiser clandestinement des rites initiatiques en l’honneur du daimôn Erôs. Il prolongeait les pratiques religieuses de son époque (Mystères d’Eleusis), en les réorientant dans une perspective érotico-philosophique. Une attention phénoménologique prêtée aux textes, replacés dans le contexte de la religion et de la tradition grecques, permet de retrouver sous la patine des projections anachroniques un personnage déconcertant. L’ensemble des témoignages d’auteurs qui connaissaient Socrate personnellement le décrivent comme une figure atypique et charismatique. Socrate, qui ne cessa d’interroger le savoir des hommes, ne douta jamais de la réalité et de la puissance du divin, non plus que des choses de l’amour et des choses de l’âme, révélées par des daimones (p. 17). Ses entretiens épousent le déroulement des rites initiatiques, avec des phases de mise à mort et de révélation. Et c’est effectivement un penseur enthousiaste, détenteur d’une « dispensation du dieu », vecteur d’une théologie « plongée dans l’immanence de la possession divine » (p. 272), chef inspiré d’un culte mystérico-philosophique, prophète d’une nouvelle religion, non moins philosophe pour autant, que nous découvre ici l’auteur. Sa « Bonne Nouvelle » l’eudémonisme, qu’il faut considérer comme la véritable clé de voûte de l’édifice des dialogues de Platon, en lieu et place de ladite « théorie des Idées » que l’on retient généralement. L’A. propose ainsi une nouvelle grille de lecture à même de faire souffler un vent de fraîcheur sur les études platoniciennes. – L’ouvrage comporte deux parties. La première s’intitule : « Phénoménalité et vérité du Socrate mystérique ». C’est donc par l’analyse des impressions produites par la présence de Socrate que s’ouvre cette enquête. Le dialogue du Banquet, par la voix d’Alcibiade, tisse une analogie entre le philosophe et le mentor de Dionysos, Silène. De Silène, Socrate a l’apparence grotesque et animale, mais qui n’en dissimule que mieux aux yeux et aux oreilles profanes le caractère divin. Les discours de Socrate renferment les spermata, les germes spirituels d’une nouvelle religion de type philosophique, de même que les statues de Silène renferment des figurines des dieux (ἀγάλματα θεῶν) (p. 62 sq.). Ces germes contagieux ont le pouvoir d’engendrer des conversions soudaines et, semblables aux airs d’aulos de Marsyas, provoquent des phénomènes de transe bachique et d’enthousiasme collectif. Le fait de cet enthousiasme associé aux rites des « corybantes » explique le caractère incontournable de la transmission orale aux yeux de Socrate et de Platon. Sous l’emprise de la boisson et du dépit amoureux, Alcibiade dévoile le pot aux roses : Socrate est dépeint en figure charismatique, initiateur aux mystères d’Éros ; voilà le philosophe hissé à la tête d’un cercle mystérique, d’un thiase dionysiaque, fédéré par la doctrine eudémoniste. Ce dévoilement inopiné est signifié par une formule orphique d’appel à la confidentialité, typique des Mystères d’Éleusis. Surtout, Alcibiade insiste sur le fait que le Socrate mystérique est bel et bien le « vrai Socrate » (p. 84). Transparaît donc ici la double orientation caractéristique de la figure de Socrate, à la fois démonique et érotique. L’on ne peut que mesurer combien les flèches décochées sur Socrate par le jeune Nietzsche de la Naissance de la tragédie ont pu se perdre loin de lui (p. 89). S’ensuit une analyse des « faits de parole siléniques » délivrés dans l’Apologie. L’A. argumente en faveur de la fidélité de la restitution platonicienne des minutes du procès. Il note la revendication de Socrate à la parole vivante et authentique que met à mal la révolution médiatique de l’écriture désormais pleinement accomplie. Son long discours (μεγαληγορία) consacre le surgissement d’une parole prophétique, culminant dans une profession de foi qui tient lieu de « signature eudémoniste du penseur » (p. 119). S’il s’agit d’héroïsme, ce dernier a peu à voir avec celui d’Antigone, qui joue la loi religieuse contre la loi civile. Pas davantage n’est-il celui de l’homme tragique qui, par l’hybris, s’attire la défaveur des dieux. Socrate instaure au nom du dieu une nouvelle religion philosophique. Il dispose en effet d’une « dispensation divine » (θεία μοῖρα), laquelle lui est « naturellement » échue, comme en atteste le Phèdre (p. 124 sq.). On mesure ce que cette personnalisation de la notion, qui faisait de Socrate un « homme divin » (θεῖος ἀνήρ), voire une manière de messie, pouvait avoir de scandaleux dans une démocratie. L’A. tient cette notion de theia moira, largement délaissée par les exégètes, pour essentielle à la compréhension des comportements atypiques et enthousiastes de Socrate et de ses disciples. En outre, le culte de l’âme (impliquant quelque chose de démonique – δαιμόνιόν τι) que le philosophe veut propager n’est pas nécessairement soluble dans le culte collectif et les valeurs de la cité. Reversant au compte du Socrate historique les remarques de W. Burkert sur les Mystères, l’A. constate que « Socrate crée d’emblée une division tranchée entre la religion personnelle et la religion civique » (p. 123). Les sycophantes ne s’y sont pas trompés, non plus que Socrate qui leur répond par une pirouette : c’est d’impiété envers les dieux de la cité que le philosophe est accusé. Ce chef d’accusation n’est guère pour étonner, s’il est avéré que Socrate a véritablement été le meneur d’une hetaireia philosophique. Ce cercle, par ailleurs, comme cela transparaît dès les premières lignes du Phédon, ainsi que dans le Criton (p. 173 sq. ; 191-193 ; 468), aurait été en cheville avec le mouvement orphico-pythagoricien. – Ce n’est qu’à condition de comprendre l’ironie socratique pour ce qu’elle est véritablement, à savoir une réelle auto-dévalorisation, que l’on pourra mettre au jour le système dynamique autour duquel se construisent les Dialogues. Que l’on veuille seulement admettre que les confessions d’ignorance en lesquelles se répand le philosophe soient à prendre au sérieux : alors la stérilité proverbiale de Socrate serait complémentaire de sa réceptivité envers les traditions orales, mais également le fin mot de sa faculté à accueillir en lui le dieu et à transmettre sa sagesse. L’A. met au jour, pour la première fois à notre connaissance, cette dialectique entre d’une part inscience (ἀμαθία), de l’autre dispensation divine (θεία μοῖρα) qui trace un cheminement initiatique (p. 151 sq.). La réfutation a pour effet de réduire l’interlocuteur de Socrate (et le lecteur, qui n’est pas étranger à cette initiation) à la conscience de son ignorance, condition nécessaire au rapport positif que Platon instaure avec le mythe en tant qu’énoncé d’une parole révélée. Lorsqu’elles ne sont pas le fait de traditions anciennes, les paroles déployées par Socrate, qui ne sait rien lui-même, sont mises au compte d’une instance extérieure qui s’exprime à travers lui. Aussi Socrate, missionné par le dieu delphique pour rendre ses contemporains meilleurs, en qui s’est activée la partition divine, se fait également prophète. De quel message est-il le véhicule ? Nul autre que celui de l’eudémonisme, que l’A., lecteur de Pierre Hadot, considère sous-estimé par les commentateurs, au profit des approches exclusivement théoriciennes. Tel serait bien pourtant le véritable fil directeur de la plupart des dialogues socratiques de Platon. – L’eudémonisme professe la possibilité pour l’homme d’atteindre un « bonheur démonique », supérieur au bonheur humain, par la pratique de la justice et des vertus. Cette tradition ancienne, réinvestie par les cultes à mystères, trace les contours d’une religion du salut individuel, avec une perspective de divinisation de l’homme. Sans doute a-t-elle été la source d’inspiration majeure de la philosophie socratico-platonicienne. On doit dès lors se demander qui, de Socrate ou de Platon, a réellement été le récipiendaire de cette tradition. C’est ce que l’A. démontre à travers l’examen du Phédon, « grand dialogue socratique d’obédience orphico-pythagoricienne » (p. 176). Aux portes de la mort, entouré de ses proches, Socrate y apparaît d’emblée investi par la theia moira, qui lui permet de dépasser sa stérilité philosophique et poétique : lui qui n’a jamais écrit, le voilà composant une ode à Apollon ! À l’endroit d’Événos, il prodigue un « drôle de conseil » ; un « fait de parole silénique » par lequel il l’enjoint à « mourir au plus vite » (p. 180) ! Et d’en appeler Palaios Logos orphique, narrant le drame sacré de Zagreus-Dionysos dilacéré et dévoré par les Titans, et dont la chair mêlée à celle de ses meurtriers aussitôt foudroyés par Zeus donna naissance à l’humanité. Tout homme possède en lui, quoique latente sous réserve d’activation initiatique, cette « dotation divine » qui se présente comme une theia moira. Le Palaios Logos affirme encore la métensomatose, la délivrance du cycle des réincarnations et le bonheur démonique pour les hommes purifiés. Aristophane, du vivant de Socrate, n’a pas manqué de tourner en ridicule les pratiques ascétiques suscitées par une telle doctrine dans l’entourage du philosophe. Preuve qu’elle ne saurait être une projection de Platon. – La seconde partie de l’ouvrage traite des « Mystères et initiations socratiques ». L’A. relève ici les éléments qui permettent d’esquisser une reconstruction des mystères socratiques, parodiés par Aristophane du vivant de Socrate. Leur dimension ésotérique est sauvegardée par une forme atypique de culte du secret, différente de celle ayant cours dans les mystères traditionnels. Cette pratique de la « rétention d’information » propre à Platon, qui forgea le néologisme ἀπρόρρητα (Lois, XII 968e) pour qualifier les « choses les plus précieuses » gardées au bénéfice de son enseignement oral, avait été thématisée par Th. A. Szlezák. Elle vaudrait également en ce qui concerne la distribution dite génétique des Dialogues : Platon devait attendre que la polémique antisocratique encore très virulente aux alentours de 392 se fut entièrement tarie pour répondre de Socrate. Et pouvoir divulguer, en la présence de son premier caricaturiste, l’Aristophane du Banquet, les aspects mystériques de la méthode et de l’idiosyncrasie de son ancien maître (p. 27 ; 333-334 ; 491). – À l’évidence, la présence insistante de la langue des Mystères et des appels à la confidentialité témoigne de la présence du mystérique dans l’accompagnement socratique. La structure de certains dialogues renvoie à celle des rites initiatiques, avec épreuves, mise à mort symbolique, époptie (ἐποπτεία). L’analyse de l’initiation de Clinias à la fois fructueuse et aporétique dans l’Euthydème fait d’abord ressortir la fonction purificatrice de la réfutation. Cette réfutation cathartique correspond à un premier stade de l’initiation, à celui de la dialectique commune, adressée aux profanes. Le prétendant, s’il est jugé fertile et coopératif, surmonte cette phase pour (au moyen d’une autre dialectique, devenue plus concilante) « accoucher » d’une vérité fulgurante, accédant à une révélation placée sous le signe de la sagesse démonique. Si l’initié et son « accoucheur » ne parviennent pas toutefois à « rendre raison » de cette vérité, l’entretien restera aporétique. Ces considérations invitent aussi à réévaluer l’évocation de formules et de récits traditionnels au sein d’un processus initiatique global, et à mieux déterminer leur véritable rôle : « produire une impression de mystères, marquer le franchissement d’une étape décisive, faciliter un passage, une mise à l’épreuve » (p. 37 ; 322), etc. Tout se passe comme si Socrate se livrait, au travers de ses entretiens, à une transposition philosophique des Mystères d’Éleusis. – Notons que la figure de Socrate maïeuticien, apparue pour la première fois dans le Théétète, retrouve le même jeu d’oppositions et de conditions que le système amathia / theia moira : l’homme qui procède aux accouchements proteste de sa stérilité. Que cette charge d’accoucheur n’est pas une invention ad hoc, mais bien la divulgation d’une pratique bien connue des proches du philosophe, c’est ce qu’indique une allusion qu’y fait Aristophane dans les Nuées (v. 143) ou le discours théorique relatif à la maïeutique, décelable dans l’enseignement de Diotime. Cette grande figure féminine introduite par Platon incarne une puissante synthèse : l’auteur prend acte d’une situation plausible (l’initiation du jeune Socrate aux choses de l’amour auprès de la courtisane Aspasie) ; il introduit par l’entremise du personnage fictif sa propre doctrine des Idées ; et il présente une nouvelle fois (après le Gorgias), comme auréolée de mystère, la « Bonne Nouvelle » eudémoniste : le bonheur démonique par l’erôs est possible pour l’homme. Aussi doit-on considérer l’intervention du discours de Diotime dans le Banquet, univers masculin, comme un indice pour éclairer l’énigme de la formation de Socrate et de son renouvellement de la tradition orphico-pythagoricienne. L’A. attire l’attention sur le fait que la transmission initiatique des connaissances relève d’une logique différente de celle de l’enseignement. Le tropisme auditif marqué de Socrate, sa valorisation des traditions orales, répond d’une volonté de conservation des discours anciens dont il s’agit de « rendre raison ». La procédure du « sauvetage du discours », βοηθεῖν τῷ λόγῳ, repérée par Szlezák, porte principalement sur les messages pythagoriciens ou orphico-pythagoriciens de l’eudémonisme. Dans le débat entre tradition et modernité, Socrate occupe une place atypique ; s’érigeant en « docteur de la tradition », il reproduit et « actualise » un héritage sous l’égide de la dispensation divine (theia moira). – Ouvrage dense et érudit, alloué d’indéniables qualités littéraires, les Mystères socratiques et traditions orales de l’eudémonisme dans les Dialogues de Platon recensent un certain nombre de thèses fortes et stimulantes. L’A. soutient, contre une position académique (au mauvais sens du terme), que la question socratique aurait été depuis longtemps réglée dans le champ non pas historique, mais judiciaire, par Platon lui-même – ce penseur n’ayant jamais cessé de revenir sur l’idiosyncrasie de son maître (p. 493). Le « vrai Socrate » aurait été un Socrate mystérique, partagé entre plusieurs tropismes apparemment opposés mais fortement unifiés : une nature silénique et démonique, un « homme érotique » initiateur de jeunes gens, un docteur soucieux de préserver les vérités de la tradition, un philosophe austère préoccupé de logique. Quand les histoires de la philosophie se sont accordées à ne retenir de l’enseignement de Socrate que ses aspects logiciens, au détriment de ses aspects occultes, l’A. dégage des textes un tout autre portrait : « Tout se passe comme si Platon avait dépeint Socrate comme faisant partie de la classe très ambiguë des prêtres-mendiants purificateurs, faiseurs de mystère comme Diotime, inspirés et délirants comme Euthyphron – personnages troubles qui ne juraient que par le theion et le daimonion, que l’on prenait à l’époque pour des charlatans » (p. 228). – Cette approche des dialogues de Platon mérite une réelle prise en considération. L’auteur de la préface de l’ouvrage, Th. A. Szlezák, philologue de l’Université de Tübingen, ne manque pas d’y insister. Elle porte un coup fatal aux projections anachroniques, schématiques et édulcorées des néo-nietzschéens et des néo-positivistes concernant un personnage qui n’a cessé de faire l’objet de récupérations tous azimuts. Le point fort de cette étude est de tenter de resituer le personnage dans son époque et dans un univers culturel qui nous est étranger. Pareille entreprise atteint dans cet ouvrage un degré de netteté sans équivalents, exception faite de la belle restitution du Socrate historique platonico-aristophanesque esquissée par A. E. Taylor dans les Varia Socratica, au début du siècle passé – une tradition exégétique aujourd’hui oubliée à laquelle l’A. ne cesse de se rapporter, en tenant compte des avancées récentes. Brève éclaircie, aussitôt recouverte. L’enjeu des interprètes n’a-t-il pas toujours été de légitimer, au regard de sa « fondation » en Occident, la philosophie telle qu’ils la conçoivent eux-mêmes, et non pas telle qu’elle était pensée et vécue par les Anciens ? Que faire alors d’un « père de la philosophie » si attaché à l’exégèse des récits mythiques (plutôt qu’à leur « dépassement métaphysique ») qu’il ne cesse de les interroger pour en rendre raison, sans pour autant douter d’aucune des choses divines reçues de la tradition orale ? Comment la thèse d’une discipline philosophique prétendument née de la discussion sur l’Agora peut-elle être soluble dans la découverte d’un Socrate inspiré par la divinité, messager enthousiaste d’une vérité qui dépasse la raison humaine, gourou charismatique d’un cercle d’initiés pratiquant les mystères d’Éros en marge de la place publique ? Autant de questions qui se font jour à la lecture de cet ouvrage, qui offre un heureux prolongement socratique aux travaux considérables entrepris par l’école de Tübingen autour de l’enseignement dit « ésotérique » de Platon, transmis par Aristote. – Jean-Luc Périllié présente, avec les Mystères socratiques, une étude atypique dont il est difficile d’entrevoir les répercussions. Sera-t-elle prise en considération ou passée sous silence – meilleure façon d’évacuer un point de vue gênant ? Ne va-t-on pas clore une nouvelle fois la parenthèse ouverte par Taylor ? Ce Socrate subversif qui nous est découvert, fuselé dans la chair des textes, est-il soluble dans le paradigme d’aujourd’hui, qui voudrait se rassurer avec les belles histoires d’un Socrate « déconstruit », minimaliste, à la fois parangon et coquille vide du rationalisme, ou alors pure création fictive, donc bien peu dérangeante, d’un Platon-artiste surpuissant ? On ne saurait dire. Les Mystères socratiques proposent quoi qu’il en soit, à qui voudrait risquer un pas hors des sentiers battus, une enquête surprenante et captivante du phénomène socratique.