Guy G. Stroumsa, Religions d’Abraham. Histoires croisées
(Histoire des religions, 6), Genève, Labor et Fides, 2017, 352 p.
Cet ouvrage de Stroumsa est une compilation d’articles publiés depuis 2000 dans différents ouvrages. La plupart des articles a été rédigé en anglais, la traduction proposée – généralement plus courte que les textes originaux – ici est donc inédite. L’objectif de l’ouvrage est double : d’une part traiter des rapports entre judaïsme, christianisme et islam (surtout dans l’Antiquité), et d’autre part présenter la construction de la discipline histoire comparée des religions. Si le titre Religions d’Abraham se justifie pour les huit premiers chapitres, ce n’est pas le cas pour les cinq derniers. La diversité des thèmes n’empêche pas une unité dans la démarche : Stroumsa présent longuement l’histoire de la recherche et l’évolution des représentations. Le côté positif de la démarche est la démarche de complexification : en étudiant les évolutions, Stroumsa sort des représentations figées, ce qui est stimulant et nous fait réfléchir à notre regard contemporain, au fait que celui-ci n’a rien de neutre et qu’il découle aussi de diverses évolutions. Le côté moins positif est que si l’histoire de la recherche est nécessaire pour étudier un sujet, la lecture de treize chapitres traitant de cela est laborieuse ; c’est parfois davantage une recension de divers travaux plutôt qu’une analyse du thème annoncé qui semble parfois servir de prétexte. Toutefois, cette difficulté de lecture n’enlève rien à la pertinence de la démarche de l’auteur. Dans les huit premiers chapitres, Stroumsa présente la constellation dans laquelle ont évolué les trois monothéismes étudiés : chacun a évolué en confrontation avec les deux autres et dans un contexte éclaté. Cela empêche toute approche « générale », raison pour laquelle l’approche à partir de thémathiques bien précises se révèle pertinente, évitant ainsi les généralités faussées. Les cinq derniers chapitres traitent principalement de la période du XVIe au XIXe siècles afin d’étudier la construction de l’histoire comparée des religions, et par ricochet, la place des religions abrahamiques dans cette discipline émergeante. Un point que démontre Stroumsa est que l’intérêt conjoint pour ces trois religions est récent : si l’intérêt de l’Occident pour le judaïsme est ancien (malgré une longue interruption), l’intérêt pour l’islam est récent, l’orientalisme s’étant davantage intéressé à l’Extrême Orient lointain qu’au Proche-Orient musulman. Là encore, les courants de pensées ont une influence directe sur la recherche, le mythe indo-européen ayant orienté les curiosités. Le plus intéressant, selon nous, dans cette partie est de voir comment la philologie se met progressivement en place, comment la Bible peut être comparée à Homère (ou plutôt, Homère à la Bible) pour finalement être abordée selon nos conceptions scientifiques d’aujourd’hui.