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Michaël Fœssel, L’avenir de la liberté de Rousseau à Hegel

(Une histoire personnelle de la philosophie), Paris, Presses universitaires de France, 2017, 212 p.

Lauréline DARTIGUEPEYROU

Dans ce livre sur le thème de la liberté, Michaël Fœssel, Professeur à l’École polytechnique (Paris-Saclay), se propose de découper un pan de l’histoire de la philosophie allant de Rousseau jusqu’à Hegel. Il fonde ce découpage sur l’importance particulière qu’acquiert le concept de liberté entre le XVIIIe  et le XIXe siècle. Les auteurs qui occupent cette période ne conçoivent plus la liberté comme simple « capacité d’agir à sa guise », mais comme « un motif qui confère sens et rationalité à l’action » (p. 15). L’A. se propose ainsi d’étudier la théorie de la liberté de Rousseau, Kant et Hegel, sur fond de Révolution française. Chez Rousseau, la liberté ne va pas sans contrainte. Au contraire, elle s’entend au sens d’autonomie en tant que respect de la loi qui vaut pour tous, à laquelle tout citoyen participe. Si la liberté est déjà présente naturellement chez l’homme, elle ne peut exister qu’au sein d’un État garantissant l’égalité entre ses membres. La violence faite à nos inclinations naturelles et aux anciennes institutions est-elle nécessaire pour réaliser ce que l’A. estime être « le projet de la philosophie moderne : penser la liberté comme devenir de l’humanité, c’est-à-dire comme l’horizon dans lequel se déploie la capacité de l’homme à s’émanciper de tout ce qui le contraint » (p. 58) ? Kant est ensuite présenté comme l’héritier direct de Rousseau en ce qui concerne la liberté en tant qu’autonomie. Mais le philosophe de Königsberg reprend le concept d’autonomie développé par Rousseau afin de le généraliser : « l’obéissance à la loi n’est pas simplement la définition de la liberté politique, mais celle de la liberté en général, donc aussi celle du sujet individuel » (p. 108). La loi à laquelle obéit l’individu n’est plus celle qui a été élaborée par une volonté collective, mais celle qui émane de sa propre volonté individuelle. Pour la première fois dans l’histoire de la philosophie, écrit l’A., la raison humaine n’est plus définie comme faculté de connaître, mais comme faculté de produire une loi interne qui guidera l’intention morale de l’individu. Cette loi est une loi de la liberté parce qu’elle ne fonde pas une contrainte mais une obligation, en ceci que sa force déontique ne provient pas de l’extérieur du sujet mais de sa raison pratique. La liberté, chez Kant, est obéissance du sujet à lui-même comme « sujet universel doué d’une raison qui légifère sur la volonté » (p. 109). La dernière étape du découpage de l’histoire de la philosophie voulu par l’A. pour étudier le concept de liberté concerne Hegel. Pour l’A., la conception de la liberté de Hegel montre que l’histoire mondiale « est l’expression, dans le temps, de la puissance de la liberté de l’esprit » et qu’elle « exprime chronologiquement le désir humain de s’émanciper de toute tutelle arbitraire » (p. 149). Comme Kant, Hegel reconnaît que la liberté est obéissance à une loi consentie par le sujet, mais contrairement à lui, il ne la réduit pas à cette définition : la liberté ne peut être définie que rationnellement. Mettant l’accent sur la collectivité, Hegel affirme que la liberté vécue consiste, pour le sujet, à « être chez soi dans l’autre » (p. 174). La liberté n’est plus, comme chez Kant, le point de départ de toute expérience morale, ou, comme chez Rousseau, innée et reconquise, mais c’est une libération. La liberté humaine consiste en sa prise de conscience par les hommes, d’abord individuellement puis collectivement.