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Julien l’Empereur, Contre les Galiléens

Texte, introduction, traduction et notes par Angelo Giavatto et Robert Muller, Paris, Vrin, 2018, 247 p.

Ruedi IMBACH

Le fait que ces fragments du traité Contre les Galiléens de Julien l’Empereur (332-363) paraissent en format de poche donne à penser qu’il ne s’agit pas tant d’une édition scientifique que d’un ouvrage qui vise un public plus large, intéressé par les discussions sur le Christianisme à la fin de l’antiquité. En effet, il s’agit d’un document surprenant de ce que Pierre de Labriolle appelait jadis la réaction païenne à la propagation du Christianisme. Le texte grec que suit cette traduction et qui est imprimé en face est celui de l’édition d’Emanuela Masaracchia (Rome, 1990). La reconstitution du traité perdu de Julien est fondée, avant tout, sur la réfutation de l’œuvre contenue dans le Contre Julien de Cyrille d’Alexandrie (376-444 ; des 107 fragments, 94 proviennent du traité de Cyrille). Puisque l’ouvrage de Cyrille a récemment connu une édition critique (sous la direction de Christophe Riedweg, 2 vol., Berlin, 2016-2017), les traducteurs ont pu corriger 18 fois le texte établi par Masaracchia (cf. l’annexe p. 221). Une introduction qui présente la vie de Julien et son traité (p. 9-38), ainsi que quelques remarques sur le texte et la traduction (p. 38-42) et un plan du traité reconstitué (p. 42-44) complètent le texte et la traduction qui, en outre, sont accompagnés d’une bibliographie très succincte et d’un index des auteurs anciens (p. 227-245). Un tableau très utile (p. 222-225) permet de retrouver les références des fragments de Julien dans le volume 76 de la Patrologie grecque qui reproduit une édition de 1638 du traité de Cyrille. Dans un appendice (p. 213-219), sont finalement proposés neuf témoignages supplémentaires sur le traité de Julien. En ce qui concerne les raisons de l’apostasie du Julien, les auteurs pensent que la formation philosophique du jeune empereur a sans doute joué un rôle, mais qu’il faut également tenir compte des incessantes dissensions et querelles entre chrétiens, en particulier depuis que le christianisme est devenu en 394 religion officielle sous Théodose. Toutefois, c’est surtout son enthousiasme pour la pensée néo-platonicienne qui semble avoir entraîné l’abandon du christianisme. Cette philosophie lui a « permis de donner à ses croyances une forme plus rationnelle, notamment par la pratique systématique de l’interprétation allégorique » (p. 23). Il a fréquenté un disciple de Jamblique et s’est lié à Thémistios, le célèbre interprète d’Aristote, et il lui a envoyé une longue lettre qui aborde spécialement la question des vies active et contemplative. Les auteurs soulignent certainement à juste titre que des motifs d’ordre politique ont également motivé le combat anti-chrétien de Julien. Il était convaincu « que les malheurs du temps sont dus à l’abandon des antiques traditions, principalement des traditions religieuses » (p. 25). Par conséquent, on retrouve chez lui une union étroite entre sa pensée et son œuvre de réformateur politique. On pourrait ainsi résumer ses objectifs ultimes : « faire tout ce qui est en son pouvoir pour réformer l’Empire en restaurant les anciennes valeurs intellectuelles et religieuses » (p. 33). En ce qui concerne plus spécifiquement le contenu du traité reconstruit, plusieurs aspects méritent d’être relevés. Notons d’abord que Julien évite de manière conséquente le terme de chrétiens et parle toujours des Galiléens. En ce qui concerne la méthode qui guide sa critique du christianisme, il est à souligner qu’il compare la doctrine chrétienne d’abord à la tradition juive et ensuite à la civilisation grecque. Ainsi demande-t-il : « Pourquoi n’êtes-vous pas non plus fidèles aux enseignements (logoi) des Hébreux, et pourquoi n’êtes-vous pas satisfaits de la loi (nomos) que le dieu leur a donnée ? » (p. 141). Quant à la tradition grecque, il souligne surtout la supériorité de la conception de Dieu chez les Grecs : « Voyez encore, à partir de ce qui suit, combien nos traditions sont supérieures aux leurs : les philosophes nous exhortent à imiter les dieux dans la mesure du possible, et cette imitation consiste selon eux à contempler la réalité (theôria tôn ontôn) » (p. 109). Comment peut-on parler de la jalousie (p. 99) ou de la colère de Dieu (p. 105) ? Et Julien conclut que « nous avons conçu à son sujet des pensées bien plus hautes » que les Juifs et les chrétiens. En ce qui concerne le péché originel, il demande comment il est raisonnable d’admettre « que le dieu n’ait pas su que l’être qu’il a fait exister pour devenir une aide serait pour celui qui l’accueillerait un mal au lieu d’un bien » (p. 67). Julien pense également que le Timée explique mieux l’origine du monde que la Genèse (fragments 5-10). Pas étonnant qu’il critique la doctrine de la divinité du Jésus dont il accuse particulièrement saint Jean (fragments 79-80, p. 176-181). Ces quelques exemples donnent une idée de la façon d’argumenter de Julien ; elles permettent également d’entrevoir l’apport de ce « témoignage historique d’un Christianisme contesté » qui peut retenir l’attention autant de ceux qui accueilleront avec sympathie ces fragments que de ceux qui contesteront la portée de cette contestation.