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L’approche cartésienne des attributs divins

L’indifférence du Dieu infini et providentiel suscitant une relation d’amour

Aurélien CHUKURIAN

Département de philosophie, Université de Montréal

René Descartes (1596-1650) fournit, dans sa philosophie, une réflexion singulière sur les attributs divins, pouvant nourrir les rapports entre philosophie et théologie : rattachée à la métaphysique et enrichie par la morale, la conception cartésienne des attributs divins permet de penser à nouveau frais le clivage pascalien entre le Dieu de la philosophie et celui des croyants. Si Descartes polarise les attributs divins autour de l’infinité incompréhensible de Dieu, son originalité consiste également à montrer qu’ils aboutissent, pour le sujet qui les conçoit, à une authentique relation avec Dieu, à travers la providence qu’il exerce et l’amour qu’il suscite chez le sujet. Toutefois, la philosophie s’impose pour limite de ne pas dépasser le champ de la lumière naturelle : ne se prononçant pas sur la grâce, elle autorise un autre type de discours, théologique, où les attributs évoqués seront en lien avec la grâce et le salut. Ainsi la réflexion cartésienne sur les attributs divins est-elle soucieuse d’articuler l’ambition de la philosophie à s’élever au vrai Dieu et à engager une authentique relation avec ce dernier, et le soin de conserver une place pour une autre approche, théologique, placée sous l’égide de la révélation et tournée vers les mystères.

1. Le champ de la métaphysique

1.1. Dieu et l’âme, principaux objets de la métaphysique

Pour saisir la conception cartésienne des attributs divins, il convient de procéder graduellement, en partant de son enracinement dans la sphère métaphysique. Dans la Lettre-Préface de l’édition française des Principes1, Descartes présente sa philosophie comme un « arbre ». Les racines en sont la métaphysique, en tant qu’elle est le fondement de l’ensemble de l’édifice. La physique en est le tronc, partie principale et commune appelée à servir pour d’autres disciplines (l’étude des passions notamment). Les branches qui jaillissent de l’arbre sont la médecine, la mécanique et la morale. Au sein de la métaphore, qui renverse l’articulation aristotélicienne des disciplines de la métaphysique et de la physique en vogue dans la scolastique, la métaphysique assume une place précise : socle de l’arbre, la métaphysique reçoit par Descartes la charge de l’étude de Dieu et de l’âme. Tels sont ses deux principaux objets : la métaphysique contient les principes de la connaissance, « entre lesquels est l’explication des principaux attributs de Dieu, de l’immatérialité de nos âmes, et de toutes les notions claires et distinctes qui sont en nous »2. Or, la spécificité cartésienne de la métaphysique réside en ce que l’étude de Dieu et de l’âme est placée sous la tutelle de la raison : « J’ai toujours estimé que ces deux questions, de Dieu et de l’âme, étaient les principales de celles qui doivent plutôt être démontrées par les raisons de la philosophie que de la théologie »3. Descartes distingue la lumière naturelle de la raison de la lumière surnaturelle de la foi, qui se comprend comme un « acte de la volonté »4 – et non d’intelligence comme dans la scolastique – qui dépend de la grâce. Aussi la révélation divine est-elle exclue de la métaphore de l’arbre, signe que Descartes n’entend pas faire œuvre de théologien : il se revendique philosophe, en se fixant pour règle de « traiter que des choses qui sont connues clairement par la lumière naturelle »5. Aussi le seigneur du Perron – tel qu’il se présentait lui-même – se résout-il au silence devant les questions théologiques.

Ainsi la métaphysique cartésienne nous confronte-t-elle à une approche rationnelle de Dieu. Celle-ci se précise davantage encore par le découpage opéré par Descartes de trois questions, fixant le rapport entre raison et foi. Tournons-nous vers les Notae in programma quoddam, texte polémique de 1647 qui, affirmant l’autonomie du champ philosophique et proclamant l’unicité de la vérité contre la doctrine de la double vérité, corrige les erreurs du disciple infidèle Regius (Henri Le Roy, 1598-1679). Certaines choses ressortissent exclusivement à la foi en tant qu’elles sont tributaires de la révélation ; d’autres occupent une position médiane, étant partagées par la foi et par la raison en tant qu’elles concernent en premier lieu la foi tout en pouvant être approchées par la raison ; enfin, certaines s’adressent uniquement à la raison. La foi détient le monopole des mystères de la révélation, dont la raison ne se mêle pas, Descartes y rangeant l’incarnation et la Trinité. La raison, outre l’élaboration d’un discours scientifique dont elle a l’apanage, peut également accéder à des objets qu’elle partage avec la foi, en recevant la tâche de mettre au jour les attributs de Dieu et d’établir la nature immortelle de l’âme humaine6.

Ce texte permet de comprendre que l’approche rationnelle de Dieu s’inscrit dans l’organisation générale du rapport entre raison et foi, consistant dans la recherche d’une harmonie : Descartes trace une séparation non contradictoire entre raison et foi, au sens où ce que la raison découvre ne peut être contraire à ce que la foi révèle, et réciproquement, ce que la foi révèle, tout en étant au-dessus de la raison, ne peut être contre celle-ci. Mieux, cette séparation aboutit à l’affirmation centrale d’un accord majeur7 : Descartes prétend que ses principes se concilient, mieux que ceux d’Aristote, avec les vérités de la foi chrétienne.

De fait, Descartes place Dieu et l’âme dans une zone frontière. En ce sens, il assigne à la raison le soin d’élucider ce qu’il nomme les « préambules » de la foi. La théorie cartésienne de la foi différencie entre la matière de cette dernière, obscure pour l’entendement, sa raison formelle8, évidente, mais d’une autre évidence que celle en jeu dans la connaissance rationnelle, et enfin ses préambules ou « fondements »9. Ce sont ces préambules que la philosophie peut appréhender, en tant qu’ils sont susceptibles d’une détermination rationnelle. À ce titre, Descartes accomplit un geste fort en confiant à la métaphysique l’étude de Dieu et de l’âme : la métaphysique cartésienne annexe le champ traditionnellement recouvert par la théologie naturelle, lui octroyant une dimension rationnelle10. Nous assistons à un transfert d’une partie des compétences de la théologie à la métaphysique, et ce dans un dessein apologétique : cette dernière a pour rôle de prouver, par l’usage de la lumière naturelle, les préambules de la foi, contre les libertins notamment. Il s’ensuit que Descartes marque un « ébranlement » de la théologie, dont il convient de distinguer deux niveaux : la théologie positive, désignant l’enseignement dogmatique de l’Église catholique requérant une inspiration divine et fixant les articles de foi, et la théologie spéculative, discipline humaine consistant dans une intellection des vérités révélées et reposant sur un socle philosophique11. Or, la théologie spéculative voit son office restreint par l’étendue de la métaphysique, de sorte que son domaine propre se reporte davantage sur l’interprétation de l’Écriture, à laquelle la philosophie se livre également ponctuellement12.

1.2. Attributs et substance : Dieu, une substance ayant pour attribut principal l’infini dont dérivent les autres

La nature de la discipline métaphysique clarifiée, quels sont alors les principaux contours de l’approche cartésienne de Dieu et de ses attributs ? Aussi faut-il se demander en premier lieu ce qu’il faut entendre par attributs divins. Les attributs se comprennent en rapport avec une substance. Dans le vocabulaire cartésien, la substance désigne « une chose qui existe en telle façon qu’elle n’a besoin que de soi-même pour exister »13. À la substance correspond des attributs, le néant par contraste ne pouvant avoir ni attribut, propriété ou qualité. Les attributs doivent être distingués d’autres notions qui lui sont proches, à savoir les modes (ou façons) et les qualités. Les modes renvoient à une diversification de la substance. Lorsque le mode permet de nommer la substance, il est appelé qualité ; quand il est inhérent à la substance, il est appelé attribut. Dans cette optique, l’attribut, qui n’a de sens que par rapport à une substance sans laquelle il ne peut exister, a pour caractéristique d’être ce qui fait connaître la substance : mieux, il y a un genre d’attribut qui constitue la nature ou l’essence de la substance, dont les autres dépendent, à savoir l’attribut principal.

Dieu se déploie alors comme une substance ayant l’infini pour attribut principal. Dans le parcours des Méditations, Dieu est découvert par le sujet pensant lorsqu’il rapporte l’expérience de sa propre finitude, exemplifiée dans le doute, à l’idée d’une substance infinie qu’il contient en son esprit, sur la base de la distinction entre réalité objective et réalité formelle de l’idée. L’idée d’infini est unique, dans la mesure où sa réalité objective – le contenu représentatif de l’idée – dépasse la réalité formelle de l’esprit qui la pense – l’acte de penser. L’idée d’infini coïncide alors avec l’irruption d’une transcendance dans l’immanence de la finitude de l’homme, dans la mesure où l’idée de Dieu ne peut avoir été déposée que par l’être infini lui-même, à savoir Dieu : c’est pourquoi celle-ci appartient à la catégorie des idées innées (par distinction d’avec les idées adventices et factices). Selon l’ordre synthétique – et non analytique – du savoir14, l’idée d’infini s’avère première par rapport à celle de fini. Dieu précède le cogito : « j’ai en quelque façon premièrement en moi la notion de l’infini, que du fini, c’est-à-dire de Dieu que de moi-même »15. Dieu est la première vérité selon l’ordre synthétique dans la mesure où l’infini est ce à partir de quoi toute chose peut être pensée16, le fini étant une négation de l’infini et non l’inverse. En outre, Dieu constitue la condition métaphysique de l’expérience psychologique du doute aboutissant au cogito, le doute étant un mode d’être imparfait confrontant le sujet à l’expérience de sa propre finitude qui sous-tend un être parfait17. À cet égard, le cogito devient lui-même traversé par l’idée de Dieu : je suis une chose qui pense en tant que je suis une chose qui pense l’idée de Dieu, dans la mesure où le doute qui révèle l’expérience du sujet pensant appelle l’existence d’une substance infinie.

La primauté de l’idée de Dieu par laquelle est habitée le cogito exprime une thèse profonde, aux accents augustiniens, selon laquelle Dieu se découvre à l’intérieur du sujet : Descartes peut être présenté comme le promoteur de l’intériorité autant parce qu’il part d’un sujet doutant et qui pensant que parce que ce dernier est constitué de part en part par l’idée de Dieu qui révèle la présence de Dieu en lui. Partant, connaissance de soi et connaissance de Dieu sont inséparables, dans la mesure où la connaissance de soi est soutenue de manière ultime et fondamentale par la connaissance première et antérieure de Dieu.

Poursuivons. L’idée de Dieu, empreinte de l’ouvrier sur son ouvrage, ne peut être, de par sa réalité objective, que « vraie ». La vérité de l’idée se comprend en rapport, non avec le jugement (qui seul peut être vrai ou faux), mais avec sa conformité à son objet : Dieu possède effectivement en lui-même tous les attributs que nous concevons clairement et distinctement, à l’appui de son idée, comme devant être en lui. Pivot de la démonstration cartésienne de l’existence de Dieu, l’idée de Dieu garantit l’accès à l’essence de Dieu : à l’instant même où l’idée de Dieu conduit à établir, nécessairement, que Dieu est, elle fait connaître « ce qu’il est, autant que le permet la faiblesse de notre nature »18.

L’infini, réservé à Dieu, distingué de l’indéfini s’appliquant au monde19, devient alors l’attribut principal de Dieu. Il correspond le mieux à Dieu du point de vue de sa radicale transcendance. Surtout, les autres attributs procèdent de l’infinité de Dieu : « par le nom de Dieu, j’entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont (s’il est vrai qu’il y en ait qui existent) ont été créées et produites »20. Tel est le contenu représentatif – la réalité objective – exhibé par l’idée de Dieu, l’ensemble des attributs dérivant de celui d’infini. L’attribut de perfection, par lequel Dieu est approché dans le Discours de la méthode (1637), renvoie en fait à celui d’infini employé dans les Méditations métaphysiques (1641, 1647 pour la traduction française). En effet, étant donné que la perfection d’un être se mesure au degré d’être ou de réalité qu’il comporte21, Dieu est l’être parfait en tant qu’il est l’être infini, c’est-à-dire celui qui contient le plus d’être. Aussi Dieu est-il l’Être par excellence : la perfection de Dieu est appuyée sur un socle ontologique où Dieu s’affirme comme le « souverain Être »22. Cette portée ontologique de l’infini recèle, pour H. Gouhier, une portée chrétienne : le commentateur estime que la pensée cartésienne rejoint la perspective biblique d’Ex 3,14, « Je suis celui qui est », où « la perfection ontologique coïncide avec l’infini de l’être »23. Assurément, l’approche rationnelle de Dieu marque une interprétation ontologique de ce passage, faisant se juxtaposer l’identité de Dieu révélée à Moïse avec l’Être, inaugurant ce qu’Étienne Gilson nomme une métaphysique de l’Exode. Réciproquement, l’infini fixe la situation ontologique de l’homme, « milieu entre Dieu et le néant, entre le souverain être et le non-être »24. De même, c’est parce qu’il est infini que Dieu est immuable : Dieu ne saurait être en proie au changement, en tant que ce dernier exprime un manque d’être (et donc une imperfection), inconciliable avec son statut d’être infini. Il en va de même des attributs de toute-puissance et de toute-connaissance, reconduits à celui d’infini. À noter le rôle tenu par l’immutabilité de Dieu qui sert de fondement à la physique25 : les lois de la nature26 sont déduites de l’immutabilité de Dieu27. Enfin, l’infinité de Dieu exige également qu’il soit cause de soi, signe de son indépendance ontologique en tant qu’il n’a besoin que de lui-même pour exister et se conserver, et qu’il soit cause de l’ensemble des choses – les essences et les existences –, dans le sens où elles dépendent de lui : Dieu est causa sui et créateur.

Dès lors, l’infini est la clef de voûte de l’approche de Dieu, dans le sens où il est constitutif de la nature divine tout en étant le référent des autres attributs de Dieu : Descartes fait de l’attribut d’infini le « symbole de tous les autres, et comme celui qui exprime de façon la plus saisissante le divin, et fait le mieux ressortir sa radicale transcendance »28. Parce que Dieu est une substance infinie, parfaite, cause d’elle-même et indépendante, Dieu se déploie comme la seule substance digne de ce nom. D’où l’équivocité enveloppant le terme substance dans la philosophie cartésienne, thèse que Descartes emprunte à la scolastique, mais en lui greffant – comme souvent dans sa philosophie – un sens nouveau. Tandis que Dieu apparaît comme une « substance incréée qui pense et qui est indépendante »29, il existe deux autres substances, l’âme et le corps, substances créées qui dépendent du concours ordinaire de Dieu, autant pour exister que pour persévérer dans l’existence, au regard de la thèse de la création continuée : Dieu crée toutes choses et les soutient dans leur existence.

1.3. Véracité et indifférence

À partir de l’infinité divine, Descartes dégage des conséquences concernant sa fonction philosophique et ses modalités d’agir. D’une part, l’attribut d’infini exige de Dieu sa véracité : Dieu assure un rôle épistémologique, dans le sens où il garantit le critère de la connaissance humaine, résidant dans la clarté et la distinction. En tant qu’il est « suprême vérace », Dieu devient la pierre angulaire du système philosophique, étant placé au fondement de la connaissance humaine. D’autre part, l’infini commande de poser en Dieu une liberté d’indifférence. Avant d’être restaurée en 1645 dans les Lettres à Mesland en tant que faculté positive de se déterminer, la liberté d’indifférence est, dans le sillage des Méditations, dépréciée, en tant que plus bas degré de la liberté humaine. Or, Dieu est indifférent dans un sens radicalement différent de l’être humain. L’indifférence humaine, désignant dans sa variante négative l’absence de choix vers un parti ou un autre, diffère de l’indifférence divine, renvoyant à l’indistinction en Dieu des opérations d’entendement, de volonté et de puissance : Dieu entend, veut, et fait tout par une même et très simple action. La liberté de l’homme se comprend dans un rapport de succession entre les opérations d’entendement, de volonté et de faire. Il en va différemment en Dieu, dont les opérations ont pour trait central l’unité : « videre (voir) et velle (vouloir) ne sont qu’une même chose »30 en Dieu. L’indifférence divine manifeste le soin de redonner à Dieu la majesté de son infinité, en écartant toute représentation anthropomorphique l’assimilant à une chose finie : « La plus grave des erreurs que nous commettions ici est de nous représenter Dieu comme une sorte d’homme en plus grand, qui se propose tel ou tel but, et qui y tend par tels ou tels moyens : assurément rien n’est plus indigne de Dieu »31.

La liberté d’indifférence implique de la part de Dieu la libre création des vérités éternelles, au sens où une raison de bonté ou de vérité ne saurait être antérieure à Dieu : parce qu’en Dieu « c’est une même chose de vouloir, d’entendre, et de créer, sans que l’un précède l’autre, ne quidem ratione (pas même logiquement) »32, la volonté divine n’est pas précédée et prédéterminée par la connaissance de l’entendement. Dieu crée le vrai et le bien, dans un même acte d’entendement, de volonté et de puissance. A contrario, la scolastique est accusée de commettre un « blasphème »33 : elle admet en Dieu une priorité de la puissance de connaître sur la puissance du vouloir qui conduit à parler de Dieu comme « d’un Jupiter ou d’un Saturne et l’assujettir au Styx, et aux Destinées »34. Seule la thèse de la libre création des vérités éternelles, se déliant des idoles trompeuses, permet de s’élever au « vrai Dieu »35. Il ne s’agit pas d’affirmer que l’agir divin est privé de raison, mais que la raison ne détermine pas la volonté de Dieu : la volonté divine ne fait pas office de raison de l’agir divin, qui serait caractérisé par une puissance arbitraire échappant à toute raison. Dieu agit avec raison, mais selon une inséparabilité totale de ses opérations.

Descartes mobilise le patronage d’Augustin pour appuyer sa thèse de l’unicité des opérations divines36. Le rapprochement avec l’évêque d’Hippone est en réalité plus difficile à établir. Le modèle augustinien ne se concilie pas avec la philosophie cartésienne en tant qu’il participe d’une priorité de l’entendement sur la volonté, celle-ci étant déterminée par les idées logées dans l’entendement divin. En ce sens, la mention d’Augustin témoigne davantage d’un « augustinisme cartésianisé »37.

1.4. Dieu, cet incompréhensible infini

Or, Descartes instaure une distinction cruciale entre intelligere et comprehendere, dans le sens où nous pouvons entendre Dieu, et non pas le comprendre : « l’infini en tant qu’infini, n’est point à la vérité compris, mais néanmoins il est entendu »38. À travers cette distinction, Descartes cherche à concilier la possibilité d’une connaissance humaine de l’infini, qui rompt avec toute conception apophatique du divin, et la sauvegarde de la dignité de l’infini que sa compréhension viendrait limiter : « à cause que le mot de comprendre signifie quelque limitation, un esprit fini ne saurait comprendre Dieu, qui est infini »39. Descartes se refuse à doter son discours sur Dieu d’une forme de négativité, s’éloignant de la théologie négative du thomisme40 : il réserve à l’homme la possibilité d’entendre Dieu. Mais, précisément, il est à remarquer que la positivité du discours cartésien sur Dieu est autant à rechercher dans la possibilité d’une intellection de Dieu, que dans l’impossibilité de sa compréhension. Parce que l’idée vraie de l’infini exige son incompréhension, l’incompréhensibilité étant inclue dans la raison formelle de l’infini, l’intellection de Dieu se rapporte, in fine, à son incompréhensibilité : « Et il suffit que j’entende cela », à savoir « que j’entende cela même que Dieu ne peut être compris par moi pour que j’entende Dieu selon la vérité de la chose et tel qu’il est »41. Connaître Dieu, c’est connaître qu’il est positivement incompréhensible : pour Descartes en effet, « l’incompréhensible se rattache toujours à quelque raison intelligible »42. Et c’est l’incompréhensibilité qui devient le fondement même de la clarté et de la distinction de l’idée de Dieu.

L’incompréhensibilité de Dieu, dérivant de son infinité, s’impose comme le point nodal de la connaissance de Dieu, de plusieurs points de vue. C’est en connaissant Dieu comme positivement incompréhensible que la raison met au jour les attributs qui le constituent. De surcroît, l’incompréhensibilité requiert de proscrire les causes finales, « présomption impertinente » voulant être « du conseil de Dieu »43 alors que les desseins de Dieu sont insondables pour la raison (écho à Rm 11,34) : « Nous ne nous arrêterons pas aussi à examiner les fins que Dieu s’est proposées en créant le monde, et nous rejetterons entièrement de notre philosophie la recherche des causes finales. »44 De même, l’incompréhensibilité de Dieu exige de ne pas limiter la toute-puissance divine à ce que la raison humaine peut en comprendre. L’agir divin ne saurait être déterminé par la rationalité humaine : Dieu peut faire ce que l’esprit humain juge logiquement impossible. Au regard de l’infinité incompréhensible de Dieu, la puissance divine ne saurait être conditionnée par le principe de non-contradiction : « Oui, nous pouvons bien assurer que Dieu peut faire tout ce que nous pouvons comprendre, mais non pas qu’il ne peut faire ce que nous ne pouvons pas comprendre. »45 Une telle affirmation s’inscrit dans le souci cartésien de « parler Dieu plus dignement que n’en parle le vulgaire, qui l’imagine presque toujours ainsi qu’une chose finie »46.

L’incompréhensibilité met en valeur deux préoccupations qui se conjuguent au sein de l’approche cartésienne de Dieu : ambition de connaître rationnellement Dieu par l’intermédiaire de l’idée de Dieu ; humilité d’admettre que des éléments en Dieu outrepassent la connaissance que l’esprit humain en a. Non seulement la raison reconnaît ne pas comprendre Dieu, encore qu’elle le puisse entendre, mais les éléments qu’elle entend de Dieu ne prétendent pas à l’exhaustivité. Aussi l’idée de Dieu est-elle claire et distincte, pourvu que nous ne pensions pas que cette idée nous représente tout ce qui est en Dieu. Cet élément éclaire la vérité de l’idée de Dieu. Celle-ci est fort vraie au sens où, « encore que nous ne connaissions pas toutes les choses qui sont en Dieu », néanmoins, tout ce que nous connaissons être en lui, par l’intermédiaire de son idée, « est entièrement véritable »47. L’idée de Dieu est l’opérateur de la connaissance de Dieu, au sens où les attributs de Dieu qu’elle dévoile appartiennent effectivement à Dieu, tout en déclinant seulement une partie et non la totalité, immense, de son essence. Mieux, nous connaissons des attributs de Dieu « ceux dont il a voulu que nous ayons quelque connaissance »48, c’est-à-dire ceux dont il a voulu qu’ils soient exhibés par l’idée de lui-même qu’il a placée dans l’esprit humain. Nous percevons le mouvement central de la métaphysique cartésienne, alliant un mouvement ascendant et descendant : l’esprit humain accède à la connaissance de Dieu autant que Dieu se rend connaissable par l’idée qu’il a déposée dans celui-ci.

1.5. Connaissance rationnelle et connaissance révélée : Trinité et incarnation comme mystères de foi

L’incompréhensibilité sert également de socle à la possibilité d’un autre discours, théologique cette fois, fixé sur les attributs qui sont accessibles seulement dans la foi et requièrent la grâce. Tels sont les mystères – au sens justement de ce qui est révélé – de l’incarnation et de la Trinité, qui ressortissent aux vérités révélées et qui échappent à une approche philosophique. Les vérités révélées se rapportent, sous la plume de Descartes, à l’autorité de l’Église (catholique romaine), dans le sens où c’est celle-ci qui les a instituées (une telle conception témoigne du catholicisme de l’auteur, que lui-même revendique à l’occasion49). Or, tout en se refusant de se mêler des vérités révélées, Descartes s’appuie sur l’incompréhensibilité de Dieu pour justifier la possibilité philosophique du mystère d’un Dieu trinitaire et incarné :

pour le mystère de la Trinité, je juge avec saint Thomas qu’il est purement de la foi et ne se peut connaître par la lumière naturelle. Mais je ne nie point qu’il n’y ait des choses en Dieu que nous n’entendons pas, ainsi qu’il n’y ait des choses en Dieu que nous n’entendons pas, ainsi qu’il y a même en un triangle plusieurs propriétés que jamais aucun mathématicien ne connaîtra, bien que tous ne laissent pas pour cela de savoir ce que c’est qu’un triangle50.

À l’aune de l’incompréhensibilité de Dieu, il est possible, tout en connaissant Dieu sur un mode philosophique, que sa nature englobe d’autres choses, telles que son incarnation et sa nature trinitaire, qui dépassent la capacité de notre esprit et sont saisissables, non par la raison, mais par la foi : « Car nous ne devons point trouver étrange qu’il y a en sa nature, qui est immense, et en ce qu’il a fait, beaucoup de choses qui surpassent la capacité de notre esprit »51. L’infini, dans sa portée incompréhensible, englobe aussi bien les attributs auxquels la philosophie accède dans sa démarche métaphysique par l’idée d’infini (création, véracité...), que ceux de l’incarnation et de la Trinité, procédant de la révélation et ressortissant à la théologie.

Dans cette perspective, l’infini incompréhensible assure l’harmonie du rapport raison-foi, au sens où il garantit l’unité du Dieu découvert par la philosophie et du Dieu qui se révèle, le Dieu cartésien étant également le Dieu trinitaire et incarné de la tradition catholique :

Il existe donc plusieurs modes de manifestation du divin, divers types de théophanies, mais toujours un seul Dieu : le Dieu incompréhensible et clairement connu de la philosophie qui est aussi le Dieu incompréhensible et incogniscible des apôtres et de Jésus-Christ, dont la nature trinitaire et incarnée, inaccessible à la connaissance naturelle ne peut être que révélée52.

Toutefois, il convient de signaler que Descartes ne met pas en œuvre une démarche d’accommodement : il ne s’applique pas à prouver, tel qu’il le fait dans son explication de l’eucharistie, de quelle manière ses principes philosophiques permettent de penser les vérités révélées de l’incarnation et de la Trinité, et s’y concilient. Au contraire, il est possible de repérer dans l’œuvre cartésienne certaines tensions dans la rencontre des principes philosophiques et ces mystères. Par exemple, dans sa réflexion sur la causa sui, Descartes note qu’il emploie le terme « cause » tout en sachant très bien que celui-ci ne convient pas proprement à la procession des personnes divines53. De même, l’incarnation s’entrechoque avec la libre création des vérités éternelles, notamment quant à la production du Verbe, thématique soumise par M. Mersenne (1588-1648) – dans une lettre perdue – que Descartes a refusé de traiter : « Ce que vous dites de la production du Verbe ne répugne point, ce me semble, à ce que je dis ; mais je ne veux pas me mêler de Théologie, j’ai peur même que vous ne jugiez que ma philosophie s’émancipe trop, d’oser dire son avis touchant des matières si relevées. »54

Comment penser la production du Verbe à partir d’un Dieu créant librement les essences et les existences ? La thèse cartésienne ne risque-t-elle pas d’assimiler le Verbe à une créature produite par Dieu ? La solution serait de mettre l’accent sur différents registres d’éternité, afin d’introduire une rupture entre le Verbe, échappant à la création, et les vérités, créées et éternelles. La difficulté se redouble par le fait que l’incarnation fait l’objet ponctuellement d’une approche philosophique, Descartes l’insérant dans l’hypothèse de la pluralité des mondes habités par d’autres créatures intelligentes. En s’appuyant sur la distinction entre deux genres de bien, il prend soin d’étendre la validité de l’incarnation et de la rédemption à l’existence hypothétique d’autres créatures intelligentes55 : Dieu s’est aussi révélé à elles, l’universalité de la rédemption esquissée par Descartes suscitant de redoutables difficultés théologiques, eu égard notamment à la descendance adamique, au péché originel et à l’incarnation.

2. Dieu relationnel

2.1. La providence

La réflexion cartésienne sur les attributs divins, auréolée d’une profonde cohérence, se poursuit dans la morale, qui parachève la métaphysique : Dieu n’est pas seulement cet être infini incompréhensible qui remplit un rôle épistémologique. Il est aussi un Dieu relationnel, au sens où la conception de ses attributs débouche sur sa providence et donne lieu à un amour humain de Dieu. Providence et amour de Dieu, sans être des attributs, sont inséparables de la réflexion consacrée par Descartes à ces derniers. Ces deux thématiques la prolongent directement, soulignant le lien indéfectible de la métaphysique et de la morale, celle-ci étant le couronnement de celle-là : l’attention portée par la métaphysique à la dignité de Dieu est complétée par le souci de la morale d’instaurer une relation entre l’homme et Dieu.

Dans le cadre de l’élaboration de sa morale, Descartes développe sa réflexion sur Dieu, en ajoutant un élément absolument central, implicite dans ses découvertes métaphysiques : la providence56. Descartes apporte une preuve a priori de la providence qui rompt avec le thomisme, celui-ci procédant selon un mode a posteriori en tirant la providence de la cause finale, rapportée à la bonté de Dieu. La providence est déduite par Descartes de l’essence parfaite de Dieu et ressortit à la nature de sa causalité, Dieu étant, en tant que cause de soi, cause totale et universelle. Et la providence assignée au champ de la philosophie s’envisage dans sa dimension, non seulement générale, mais aussi particulière : la raison établit, non seulement que Dieu gouverne l’ordre du monde en étant la cause des lois de la nature, des essences et des existences, mais qu’il est également l’auteur des actions du libre arbitre. Contra la princesse Élisabeth de Bohême (1618-1680), de confession réformée, Descartes soutient que la seule philosophie « suffit pour connaître qu’il ne saurait entrer la moindre pensée en l’esprit d’un homme, que Dieu ne veuille et ait voulu de toute éternité qu’elle y entrât »57. Mieux, la philosophie éclaire elle-même la modalité par laquelle Dieu exerce sa providence : insistant sur l’infaillibilité du décret de Dieu, en tant qu’il n’admet point de changement, Descartes identifie également la prescience de Dieu (Dieu connaît de toute éternité ce qui est ou peut être) à sa préordination (Dieu veut ce qui est ou peut être et le décrète). Une telle identification est liée à la libre création des vérités éternelles en tant que la conception de la providence et cette thèse prennent toutes deux pour soubassement métaphysique l’indifférence divine. Ce que Dieu connaît étant cela même qu’il veut et fait, l’objet de la prescience n’est autre que sa préordination. La providence, loin d’être l’expression d’un choix, renvoie à l’indifférence avec laquelle Dieu gouverne les choses, dans le sens où ce qu’il voit de toute éternité est ce qu’il veut et décrète par sa puissance. Aussi, indifférence et immutabilité, modes opératoires de Dieu dans sa providence, conduisent à considérer les décrets divins comme inséparables de Dieu, dont ils sont seulement séparés par une distinction de raison58.

Le centre de la position cartésienne consiste alors à articuler la providence générale et particulière, insérée dans le champ de la philosophie, avec la liberté humaine. Descartes accomplit un geste fort, caractéristique de sa philosophie, consistant à tenir ensemble deux vérités d’apparence contradictoire (songeons à la distinction réelle de l’âme et du corps et leur union substantielle à l’homme). Dans le cas présent, il maintient la preuve ontologique, appuyée sur l’idée de Dieu, de la providence, dont dépend chacune des actions du libre arbitre, et l’indépendance de celui-ci, dont tout un chacun fait l’expérience. L’indépendance du libre arbitre n’exclut pas une dépendance d’une autre nature vis-à-vis du décret infaillible de Dieu. La conciliation des deux vérités repose sur une détermination sans contrainte. Dieu, causant tout en nous, veut pour autant notre liberté en tant qu’il exerce sur celle-ci une détermination sans contrainte : « et il [Dieu] l’a ainsi voulu, mais il n’a pas voulu pour cela l’y contraindre »59. L’indépendance du libre arbitre consiste, non pas à changer le décret divin ou en être exempt, mais à rendre efficient celui-ci, par la faculté positive de se déterminer. Celle-ci actualise, sur le mode d’une action contingente et temporelle, le décret divin, dont elle procède : nous accomplissons librement ce que Dieu a voulu que nous accomplissions sous cette modalité. L’indépendance conférée par Descartes au libre arbitre – refusée aux vérités éternelles – est capitale : évitant de rabaisser le libre arbitre au rang de serf arbitre, celle-ci exprime la condition sine qua non de la morale et assure la possibilité du contentement en cette vie. À ce titre, la dépendance du libre arbitre vis-à-vis du décret divin s’accorde avec son indépendance.

La réflexion cartésienne sur la providence aboutit à un problème particulier à la théologie, celui de la prière, qui fait l’objet d’une justification philosophique. Prier consiste, non à vouloir modifier le décret divin, mais à vouloir qu’il s’exécute60. Dans la prière, nous implorons Dieu, non pour qu’il modifie le cours de son décret, mais pour obtenir cela même que Dieu a décrété de toute éternité que nous obtiendrons par nos prières. Il résulte de ces considérations que les prières, tout comme les mérites et les actes contingents du libre arbitre, se présentent sous le jour de l’effet. Nous obtenons par nos prières, nos actions et nos mérites des effets dont Dieu a bien voulu qu’ils fussent la cause : ils ne sont pas la cause de la volonté divine, mais des effets dont Dieu a voulu qu’ils fussent la cause61.

2.2. Amour de Dieu

La connaissance de la providence détient une portée morale, en tant qu’elle « nous apprend à recevoir en bonne part toutes les choses qui nous arrivent comme nous étant expressément envoyées de Dieu »62. Congédiant la capricieuse fortune, la connaissance de la providence s’épanouit alors en amour de Dieu, consistant dans la soumission, volontaire et désintéressée, de la volonté humaine au décret divin – l’amour consiste dans l’acte de se joindre de volonté à l’objet aimé. La providence engendre alors une attitude morale. Ce qui affecte le sujet dans son existence, loin d’être source de révolte, devient non seulement tolérable, mais surtout aimable, parce qu’il est l’œuvre de Dieu, si bien « que nous tirons même de la joie de nos afflictions, en pensant que sa volonté s’exécute en ce que nous les recevons »63. Aimer Dieu, c’est aimer le décret de sa providence – qui est Dieu lui-même –, et aimer celui-ci implique d’aimer tous les évènements se déroulant dans notre vie, en tant qu’ils procèdent de la volonté divine. La soumission, libre et joyeuse, à laquelle enjoint la connaissance philosophique de la providence, rejoint le principe évangélique du Notre Père, consistant à accomplir la volonté de Dieu : celui qui aime Dieu ne « désire plus rien au monde, sinon que la volonté de Dieu soit faite »64.

L’irruption de l’amour de Dieu dans le champ philosophique cristallise la relation personnelle que le sujet humain – âme et corps unis car nous sommes dans la morale – entretient avec Dieu, excluant de réduire celui-ci à toute essence ou concept : le Dieu cartésien, caractérisé par son infinité incompréhensible, ne se contente pas de diriger l’ordre du monde mais régit les actions du libre arbitre et fait l’objet d’une relation d’amour. Telle est la singularité de l’approche cartésienne des attributs divins, consistant à faire suivre la réflexion sur l’infini d’un engagement pratique.

La thématique de l’amour de Dieu s’approfondit à l’occasion d’un échange épistolaire entre Descartes et la reine Christine de Suède (1626-1689), par l’intermédiaire de Pierre Chanut (1601-1662). Interrogé par celle-ci, Descartes soutient la possibilité d’aimer Dieu par la seule force de la raison. L’amour de Dieu s’enracine dans la connaissance de Dieu : Descartes soutient le lien analytique de la connaissance de Dieu et de l’amour de Dieu, en tant que la première suscite le second. Cette position était déjà esquissée dans les Réponses, conduisant l’auteur à livrer une interprétation originale d’un passage de saint Paul (« que si quelqu’un aime Dieu, icelui est connu de lui » ; 1 Co 8,2), en traduisant icelui par Dieu et non par l’homme65. Si quelqu’un aime Dieu, Dieu est connu de lui dans la mesure où l’amour de Dieu résulte de la connaissance de Dieu et celle-ci éveille celui-là.

Il est saisissant de mesurer la place médiatrice tenue par l’idée de Dieu, car elle est au cœur de la relation d’amour entre Dieu et le sujet : c’est par l’idée de Dieu que le sujet, se découvrant image de Dieu, une image qu’il réalise dans le bon usage du libre arbitre, est conduit à aimer Dieu, dont il sait que la providence le suit à chaque pas de son existence. Aussi la médiation christique est-elle ouvertement écartée dans le cadre de la réflexion sur l’amour de Dieu : alors qu’il relève que, d’un point de vue théologique, le mystère de l’incarnation est ce qui nous rend capable d’aimer Dieu en tant qu’il s’est rendu sensible à nous, Descartes affirme la possibilité d’aimer Dieu philosophiquement en faisant l’économie de l’incarnation66. Prenant appui sur la seule lumière naturelle, l’amour de Dieu repose sur la réflexion méditative de l’idée de Dieu. Celle-ci remplit un rôle médiateur, classiquement tenu par le Christ dans la théologie, en tant qu’elle fait communiquer la sphère du fini et de l’infini : parce qu’elle appartient à l’esprit humain mais qu’elle a été déposée en celui-ci par Dieu lui-même, elle assure la liaison du fini et de l’infini. À ce titre, l’idée de Dieu est la clef de voûte de l’ensemble de l’approche cartésienne de Dieu, qui paraît habitée par deux pôles : insister sur l’infinité de Dieu, afin d’exalter sa gloire, seule finalité envisagée sur le plan philosophique67 (à Dieu seul la gloire !) ; combler la distance abyssale séparant le fini de l’infini afin de mettre en œuvre une relation d’amour.

De fait, la connaissance de Dieu, médiatisée par son idée, donne naissance à un amour de Dieu. Amour intellectuel parce qu’il procède de la connaissance de Dieu, l’amour de Dieu revêt aussi une dimension passionnelle, au point d’être tenu pour la passion la plus « forte » et « ravissante » que nous puissions avoir en cette vie68 (les Passions de l’âme parleront de passion de dévotion). Surtout, l’amour de Dieu est célébré comme source de la béatitude en cette vie : aimer Dieu rend parfaitement heureux, l’amour de Dieu procurant « des satisfactions d’esprit et des contentements, qui valent incomparablement davantage que toutes les petites joies passagères qui dépendent des sens »69. Toutefois, il importe également de remarquer l’équilibre de la position cartésienne. Descartes se garde ouvertement d’affirmer que l’amour naturel de Dieu soit « méritoire ». Il n’associe pas celui-ci au salut, la grâce n’étant point considérée en philosophie70 : « Je n’assure point que cette amour soit méritoire sans la grâce, je laisse démêler cela aux théologiens »71. De même, exaltée pour insuffler l’amour de Dieu, la philosophie n’aborde pas l’amour de Dieu pour l’homme ni Dieu comme amour, thématiques échappant à son emprise et appartenant à la théologie. Pareillement, au double niveau de providence auquel la philosophie accède, s’ajoute un autre niveau, qui dépasse son champ propre : la providence spéciale, causalité requérant l’action de la grâce par laquelle Dieu sauve ses sujets et gouverne ses élus par l’action du Saint-Esprit.

Dès lors, la médiation christique, écartée sur le plan philosophique au profit de l’idée de Dieu, retrouve sa pleine effectivité sur le plan sotériologique, dans le sens où la philosophie identifie elle-même le Christ en médiateur du salut. Se défendant de l’accusation de pélagianisme, Descartes fait valoir que son approche philosophique de Dieu et de ses attributs ouvre à la foi mais ne prétend pas sauver, le salut étant attribué au Christ :

et moi, je dis qu’on peut connaître par la raison naturelle que Dieu existe, mais je ne dis pas pour cela que cette connaissance naturelle mérite de soi, et sans la Grâce, la gloire surnaturelle que nous attendons dans le ciel. Car, au contraire, il est évident que, cette gloire étant surnaturelle, il faut des forces plus que naturelles pour la mériter. Et je n’ai rien dit touchant la connaissance de Dieu, que tous les théologiens ne disent aussi. Mais il faut remarquer que ce qui se connaît par raison naturelle, comme qu’il est tout bon, tout puissant, tout véritable, etc., peut bien servir à préparer les infidèles à recevoir la foi, mais non pas suffire pour leur faire gagner le ciel ; car, pour cela, il faut croire en Jésus-Christ et aux autres choses révélées, ce qui dépend de la Grâce72.

Parce qu’elle se dépouille elle-même de l’ambition de suffire au salut, la philosophie peut maintenir la possibilité de l’action de la grâce et conserver une place pour la médiation christique, dont elle ne peut toutefois se mêler dans la mesure où le Christ, exigeant la grâce, ressortit à la théologie. La philosophie désigne, depuis un point limite, le chemin du salut, sans pouvoir aller plus en avant : le moment où elle le désigne coïncide avec celui où elle clôture sa démarche en tant qu’il en marque l’achèvement. C’est la théologie positive (distinguée de la théologie spéculative), requérant une inspiration divine73 et recevant la charge de l’étude des vérités révélées, qui se présente comme « la science du salut »74 : elle « enseigne à gagner le ciel »75. Par-là, l’approche cartésienne de Dieu témoigne de l’équilibre harmonieux recherché par Descartes dans le rapport de sa philosophie avec la théologie, au sens où sa conception de Dieu et de ses attributs s’accorde avec les vérités de la foi, sans dépasser les limites de la raison, en laissant le salut hors de son champ en tant qu’il dépend de la grâce, non envisagée : « Il est vrai qu’il n’y a que la foi seule, qui nous enseigne ce que c’est que la grâce, par laquelle Dieu nous élève à une béatitude surnaturelle. »76

Par ailleurs, il ressort que providence et amour de Dieu seraient une voie pour renouveler l’identité du Dieu cartésien, en l’arrachant à sa réduction pascalienne d’un Dieu épistémologue garantissant le savoir et servant à mettre le monde en mouvement : pour Pascal, le Dieu cartésien donnerait une « chiquenaude » à celui-ci, après laquelle Descartes « n’aurait plus que faire de Dieu »77. Notre parcours sur les attributs divins permet de récuser le jugement pascalien, et d’apprécier que le Dieu de Descartes se présente davantage sous les traits d’un Dieu relationnel, tant et si bien qu’il peut être tenu, eu égard à son incompréhensibilité, à l’amour qu’il suscite, à la providence qu’il exerce, pour le Dieu vivant, le « Dieu des chrétiens »78.

Conclusion

En conclusion, il apparaît que Descartes incarne une démarche possible de la philosophie confrontée à la question des attributs de Dieu, en obéissant à plusieurs pôles. Celui de parler correctement de Dieu, en veillant à préserver l’infinité de Dieu et à corriger les erreurs de la théologie scolastique, de sorte à jeter les bases d’une nouvelle théologie, arrimée à la métaphysique cartésienne. Celui aussi de prendre la pleine mesure de l’ambition de la raison dans sa capacité à parvenir au vrai Dieu, mais d’en calmer également les ardeurs à l’intérieur même de son champ, de par l’incompréhensibilité divine. Celui de confier un rôle philosophique à Dieu (créateur, vérace, dont les lois de la nature sont tirées de son immutabilité), complété par l’établissement d’une relation d’amour afin de souligner la dimension vivante de Dieu. Enfin, celui de laisser une place pour un autre discours en précisant comment le discours philosophique sur Dieu, tout en prétendant à la vérité, ne se situe jamais au niveau de la grâce, celle-ci n’étant « point considérée »79 : il s’appuie sur la raison en prenant pour instance médiatrice l’idée de Dieu, qu’il revient à tout lecteur de méditer pour saisir la portée de l’approche cartésienne de Dieu.

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1À noter que les références aux textes cartésiens renverront principalement à l’édition de F. Alquié qui fait, avec celle de Ch. Adam et P. Tannery, autorité dans la recherche sur Descartes. Cf. R. Descartes, Œuvres philosophiques, trois tomes, Paris, Classiques Garnier, 1967 (2010). Les références à d’autres éditions seront précisées ponctuellement.

2R. Descartes, Lettre-Préface de l’édition française des Principes de la Philosophie, t. 3, p. 779.

3Méditations Métaphysiques, Épître dédicatoire, t. 2, p. 383.

4Règles pour la direction de l’esprit, Troisième règle, t. 1, p. 90.

5Lettre au Père Dinet, t. 3, p. 1095.

6Sur le découpage de ces trois questions, le lecteur pourra se reporter à la lecture du texte cartésien, dont nous avons retranscrit le sens. CfNotae in programma, Examen du susdit placard, remarques sur chaque article, t. 3, p. 801-802.

7Lettre à *** de 1633-1635, t. 1, p. 486 : « Maintenant je me propose, après avoir expliqué ma nouvelle philosophie, de faire voir clairement qu’elle s’accorde beaucoup mieux avec toutes les vérités de la foi que ne fait celle d’Aristote ». Signalons que la recherche incline davantage à présenter celle-ci comme la lettre dite à Boswell de 1641.

8Méditations métaphysiques, Réponses aux secondes objections, t. 2, p. 572-573.

9Règles pour la direction de l’esprit, Troisième règle, t. 1.

10J.-C. Bardout, J.-L. Marion, « Philosophie cartésienne et théologie. Distinguer pour mieux unir », in Philosophie et théologie à l’époque moderne, t. 3, dir. J.-C. Bardout, Paris, Cerf, 2010, p. 205-206 : « le geste cartésien contribue de manière décisive à la constitution de la théologie naturelle comme discipline rationnelle. »

11Pour approfondir cette distinction, cf. H. Gouhier, La pensée religieuse de Descartes, Paris, Vrin, 1924, 19742, 2006, p. 220 et 232.

12Pour cette question d’une interprétation cartésienne de l’Écriture, nous nous permettons de renvoyer à l’un de nos articles : « À la recherche d’une philosophie cartésienne de la religion : le rapport raison – foi et l’ambivalence de la norme d’interprétation de la Bible », ThéoRèmes [en ligne] 9 (2016) http://journals.openedition.org ; DOI : 10.4000/theoremes.858.

13R. Descartes, Les Principes de la Philosophie, Première partie, art. 51 (« Ce que c’est que la substance ; et que c’est un nom qu’on ne peut attribuer à Dieu et aux autres créatures en même sens »), t. 3, p. 122.

14La voie de l’analyse (ou de la résolution) s’assimile à la hiérarchie des inventions, alors que celle de la synthèse, ou de la composition, admet un rapport hiérarchique de fondation logique : dans un cas, les vérités premières sont celles que l’on découvre les premières, alors que dans l’autres ce sont elles occupant une position fondatrice.

15R. Descartes, Méditations Métaphysiques, Troisième méditation, t. 2, p. 445 (je souligne).

16Lettre à Clerselier du 23 avril 1649, t. 3, p. 923 : « je dis que la notion que j’ai de l’infini est en moi avant celle du fini, parce que, de cela seul que je conçois l’être ou ce qui est, sans penser s’il est fini ou infini, c’est l’être infini que je conçois ; mais, afin que je puisse concevoir un être fini, il faut que je retranche quelque chose de cette notion générale de l’être, laquelle par conséquent doit précéder » (je souligne).

17Méditations métaphysiques, Quatrième méditation, t. 2, p. 455 : « Et lorsque je considère que je doute, c’est-à-dire que je suis une chose incomplète et dépendante, l’idée d’un être complet et indépendant, c’est-à-dire de Dieu, se présente à mon esprit avec tant de distinction et de clarté ».

18Principes de la Philosophie, Première partie, art. 22 (« Qu’en connaissant qu’il y a un Dieu en la façon ici expliquée, on connaît aussi tous ses attributs, autant qu’ils peuvent être connus par la seule lumière naturelle »), t. 3, p. 104-105 : « Nous recevons encore cet avantage, en prouvant de cette sorte (le latin précise : per ejus scilicet ideam, c’est-à-dire par son idée) l’existence de Dieu, que nous connaissons par même moyen ce qu’il est, autant que le permet la faiblesse de notre nature. »

19Principes de la Philosophie, art. 27 (« Quelle différence il y a entre indéfini et infini »), t. 3, p. 108 : « Et nous appellerons ces choses indéfinies plutôt qu’infinies, afin de réserver à Dieu seul le nom d’infini ; tant à cause que nous ne remarquons point de bornes en ses perfections, comme aussi à cause que nous sommes très assurés qu’il n’y en peut avoir ».

20Méditations métaphysiques, Troisième méditation, t. 2, p. 445.

21Sur cette assimilation entre perfection et être, cf. Troisième méditation, t. 2, p. 438 : « ce qui est plus parfait, c’est-à-dire qui contient en soi plus de réalité ».

22Méditations métaphysiques, Réponses aux secondes objections, t. 2, p. 568.

23H. Gouhier, La pensée métaphysique de Descartes, Paris, Vrin, 1972, réédition 1999, p. 191.

24R. Descartes, Méditations métaphysiques, Quatrième méditation, t. 2, p. 457.

25Lettre au Père Mersenne du 15 avril 1630, t. 1, p. 259 : « je vous dirai que je n’eusse su trouver les fondements de la Physique, si je ne les eusse cherchés par cette voie [c’est-à-dire par la voie de la connaissance de Dieu] ».

26Les lois de la nature sont au nombre de trois. Les formulant déjà dans le Monde, Descartes les recense dans les art. 37, 39 et 40 de la Seconde Partie des Principes de la Philosophie. Rappelons-les rapidement. La première concerne la conservation de la même quantité de mouvement (« que chaque chose demeure en l’état qu’elle est, pendant que rien ne le change », art. 37, p. 185). La seconde est la loi d’inertie (« tout corps qui se meut, tend à continuer son mouvement en ligne droite », art. 38, p. 187). La troisième a trait aux lois de la transmission du mouvement (« si un corps, qui se meut, en rencontre un autre plus fort que soi, il ne perd rien de son mouvement, et s’il en rencontre un plus faible qu’il puisse mouvoir, il en perd autant qu’il lui en donne », art. 39).

27R. Descartes, Principes de la Philosophie, Deuxième Partie, art. 37, t. 3, p. 185 : « De cela aussi que Dieu n’est point sujet à changer, et qu’il agit toujours de même sorte, nous pouvons parvenir à la connaissance de certaines règles, que je nomme les lois de la nature, et qui sont les causes secondes des divers mouvements que nous regardons en tous les corps » (je souligne).

28H. Gouhier, opcit., p. 190 (je souligne).

29R. Descartes, Principes de la Philosophie, première partie, art. 54 (« Comment nous pouvons avoir des pensées distinctes de la substance qui pense, de celle qui est corporelle, et de Dieu »), t. 3, p. 124.

30Lettre au Père Mesland du 2 mai 1644, t. 3, p. 75.

31L’entretien avec Burman, édition, traduction et annotation par J.-M. Beyssade, Paris, PUF, 1981, p. 62.

32Lettre au Père Mersenne du 27 mai 1630, t. 1, p. 268.

33Ibid., 6 mai 1630, t. 1, p. 264.

34Ibid., 15 avril 1630, t. 1, p. 259-260.

35Méditations métaphysiques, Quatrième méditation, t. 2, p. 456.

36Lettre au Père Mesland du 2 mai 1644, t. 3, p. 75 : « l’idée que nous avons de Dieu nous apprend qu’il n’y a en lui qu’une seule action, toute simple et toute pure ; ce que ces mots de saint Augustin expriment fort bien : Quia vides ea, sunt [Parce que tu vois ces choses, elles sont], etc., parce qu’en Dieu videre et velle ne sont qu’une même chose ». Pour Augustin, cf. Les Confessions, XIII, xxxviii : « Ainsi pour nous, ces choses que tu as faites, nous les voyons parce qu’elles sont : mais, pour toi, c’est parce que tu les vois, qu’elles sont. »

37H. Gouhier, Cartésianisme et augustinisme au XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1978, p. 14.

38R. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux Premières Objections, t. 2, p. 531.

39Ibid., Réponses aux objections, Lettre sur les Instances, t. 2, p. 845 (je souligne).

40Thomas d’Aquin, Somme théologique, I, q. 86, a. 2 : « l’infini en tant qu’infini, n’est pas connu. »

41R. Descartes, Lettre à Clerselier du 23 avril 1649, t. 3, p. 924 : « Et sufficit me hoc ipsum intelligere. Nempe sufficit me intelligere hoc ipsum quod Deus a me non comprehendatur, ut Deum juxta rei veritatem et qualis est intelligam. »

42V. Delbos, cité par H. Gouhier, La pensée religieuse de Descartes, opcit., p. 263.

43R. Descartes, Lettre à Élisabeth du 15 septembre 1645, t. 3, p. 606.

44Principes de la philosophie, Première Partie, art. 28 (« Qu’il ne faut point examiner par quelle fin Dieu a fait chaque chose, mais seulement par quel moyen il a voulu qu’elle fût produite »), t. 3, p. 108.

45Lettre au Père Mersenne du 15 avril 1630, t. 1, p. 261.

46Ibid.

47Méditations métaphysiques, Réponses aux cinquièmes objections, t. 2, p. 812.

48Principes de la Philosophie, Première partie, art. 28, t. 3, p. 108.

49Lettre au Père Mersenne de mars 1642, t. 2, p. 923 : « Pour ce qui est de témoigner publiquement que je suis catholique romain, c’est ce qu’il me semble avoir déjà fait très expressément par plusieurs fois : comme, en dédiant mes Méditations à Messieurs de la Sorbonne, en expliquant comment les espèces demeurant sans la substance du pain en L’Eucharistie, et ailleurs ».

50Lettre au Père Mersenne du 31 décembre 1640, t. 2, p. 306.

51Principes de la Philosophie, Première Partie, art. 25 (« Et qu’il faut croire tout ce que Dieu a révélé, encore qu’il soit au-dessus de la portée de notre esprit »), t. 3, p. 107.

52L. Devillairs, Descartes et la connaissance de Dieu, Paris, Vrin, 2004, p. 330.

53R. Descartes, Méditations métaphysiques, Réponses aux quatrièmes objections, t. 2, p. 680-681.

54Lettre au Père Mersenne du 6 mai 1630, t. 1, p. 265-266.

55Lettre à Chanut du 6 juin 1647, t. 3, p. 740.

56Cf. la lettre à Élisabeth du 15 septembre 1645, qui énonce quatre vérités requises pour juger le meilleur en toutes les actions de la vie (providence de Dieu, immortalité de l’âme et supériorité des biens sur les maux en cette vie, étendue de l’univers, dialectique du tout et de la partie exigeant de préférer les autres à soi). Trois autres lettres (6 octobre, 3 novembre, janvier 1646) développent ces quatre vérités sur la base des objections d’Élisabeth et des réponses de Descartes. En ce sens, la zone frontière, qui est annexée par la métaphysique à travers l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme, se trouve enrichie par la morale, puisque la philosophie s’approprie dans son champ la providence, l’imago Dei, l’amour de Dieu et enfin la préférence des autres à soi qui sera réalisée dans la passion-vertu de générosité.

57Lettre à Élisabeth du 6 octobre 1645, t. 3, p. 187 (je souligne).

58L’entretien avec Burman, opcit., p. 96 et 100.

59Lettre à Élisabeth de janvier 1646, t. 3, p. 634.

60Lettre à Élisabeth du 6 octobre 1645, t. 3, p. 619 : « et lorsqu’elle [la théologie] nous oblige à prier Dieu, ce n’est pas afin que nous lui enseignions de quoi c’est que nous avons besoin, ni afin que nous tâchions d’impétrer de lui qu’il change quelque chose en l’ordre établi de toute éternité par sa providence : l’un et l’autre serait blâmable ; mais c’est seulement afin que nous obtenions de ce qu’il a voulu de toute éternité être obtenu par nos prières. Et je crois que tous les théologiens sont d’accord en ceci, même les Arminiens, qui semblent être ceux qui défèrent le plus au libre arbitre » (je souligne).

61Méditations métaphysiques, Réponses aux Objections, Sixièmes Réponses, sixième paragraphe, t. 2, p. 873.

62Lettre à Élisabeth du 15 septembre 1645, t. 3, p. 605.

63Ibid., p. 606.

64Lettre à P. Chanut du 1er février 1647, p. 716-717.

65Méditations métaphysiques, Réponses aux sixièmes objections, cinquième scrupule, t. 2, p. 870.

66Lettre à Chanut du 1er février 1647, t. 3, p. 715.

67Lettre à l’Hypersapistes d’août 1641, t. 2, p. 370.

68Lettre à Chanut du 1er février 1647, t. 3, p. 715 et 718.

69Lettre à Élisabeth du 15 septembre 1645, t. 3, p. 608.

70Lettre au Père Mersenne de fin mai 1637, t. 2, p. 535 : « Et le bien faire dont je parle ne se peut entendre en termes de Théologie, où il est parlé de la Grâce, mais seulement de la philosophie morale et naturelle, où cette Grâce n’est point considérée. »

71Lettre à Chanut du 1er février 1647, t. 3, p. 715.

72Lettre au Père Mersenne de mars 1642, p. 924-925 (je souligne).

73Discours de la Méthode, Première Partie, t. 1, p. 575 : « je pensais que, pour entreprendre de les examiner et y réussir, il était besoin d’avoir quelque extraordinaire du ciel, et d’être plus qu’homme. »

74H. Gouhier, La pensée religieuse de Descartes, op. cit., p. 219.

75R. Descartes, Discours de la méthode, Première Partie, p. 573.

76Lettre à Élisabeth du 6 octobre 1645, p. 617.

77B. Pascal, Pensées (éd. Lafuma), 1001 : « Je ne puis pardonner à Descartes ; il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu ; mais il n’a pas su s’empêcher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement ; après cela, il n’a plus que faire de Dieu ».

78H. Gouhier, La pensée religieuse de Descartes, opcit., p. 209 (je souligne).

79R. Descartes, Lettre au Père Mersenne de fin mai 1637, p. 535.