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Les attributs divins, une perspective hébraïque

Shmuel TRIGANO

professeur émérite des Universités (Paris-Nanterre), directeur de recherche The Herzl Institute

Il est possible que la question des attributs divins ne se pose que dans le passage de l’hébreu au grec. Nous en avons l’illustration dans le fait que la première fois où elle a été posée, c’est dans la pensée d’un philosophe juif d’Alexandrie, Philon, dont l’œuvre, écrite en grec, a pour finalité d’expliquer en grec la pensée judaïque, au lendemain du coup de tonnerre culturel que fut la traduction de la Bible par les Septante. Jamais le judaïsme n’avait été exposé dans une autre langue, comme le montre le fait que cette question ne s’était pas posé dans la diaspora babylonienne, au contact des langues d’Assyrie et de Perse, bien avant l’époque d’Alexandrie.

À la lumière de cette perspective historique, on pourrait dire que c’est quand on pense en grec le Dieu biblique que surgit la question des anthropomorphismes (qui n’est donc pas en elle-même une question biblique) car tout attribut confère des qualités humaines à la Divinité. Il faut ajouter que le grec philonien n’est pas le grec commun, c’est celui de la philosophie platonicienne, d’une pensée qui a mis en question le sensible et supposé l’existence d’un monde intelligible, plus réel que le sensible. C’est donc en grec que la sensibilité au problème que pose les anthropomorphismes se manifeste parce que, pour décrire Dieu, ils renvoient à l’homme.

1. La réponse classique

Y aurait-il là, en somme, un problème linguistique qui trouverait sa résolution dans le langage, en l’occurence dans le jeu d’écritures des théologiens philosophes (après Philon, la philosophie médiévale) qui nous expliquent que, tout en étant affirmés, les attributs du Dieu unique disent et ne disent pas ce qu’ils disent, parce qu’ils le disent en termes anthropomorphiques renvoyant à l’homme alors que Dieu n’est pas un être humain ? Le problème ne serait alors attaché ni à la Divinité ni à l’humanité mais au langage (quoique pas toutes les langues), confronté à sa limite quand il s’essaie à dire l’infinitude.

Philon donne le coup d’envoi à une école de la pensée juive, « la philosophie juive », qui sera aussi une théologie, dans la mesure où la question de l’être, question philosophique par excellence, est spontanément en hébreu la question de Dieu qui se dénomme d’un nom, YHWH, forgé sur le radical du verbe « être ». Elle aura pour principale vocation de trouver une conciliation entre l’impossibilité de décrire Dieu et le fait qu’il soit décrit malgré tout dans le discours de la religion : ce qui revient en fait à annuler le « corps » que Dieu prend en grec tout en l’inscrivant (par défaut) dans la philosophie. L’attribut est ainsi posé pour être retranché ou médiatisé. Ce sont les deux solutions imaginées par cette école pour rendre compte du phénomène. Avec Philon (- 25–+ 50) et Saadia Gaon (882-942, en Mésopotamie), l’essence divine se voit distinguée de la médiation qui la rendrait communicable, ce qui préserve son infinité. Philon interpose ainsi le « Logos », une médiation (entre un Dieu infini et un monde fini) susceptible de deux compréhensions : comme verbe divin (effet de langage et d’intelligibilité qui fait du Logos quelque chose comme la raison du monde) ou comme archange à forme humaine. On pourrait le rapprocher d’une figure de la pensée juive, « l’ange de la Face » qui a pour fonction de mettre en œuvre la volonté divine dans le contact avec la matière de telle sorte que les attributs qualifieraient cette médiation, non la Divinité, même si cet intermédiaire n'est pas conçu comme séparé de la Divinité. Chez Saadia Gaon, le rôle du Logos est rempli par la « Gloire créée » (le Kavod nivra), à savoir une instance que la Divinité crée chaque fois qu’elle veut communiquer avec les hommes de sorte que ceux-ci croient voir une forme humaine avec des attributs humains. À l’encontre de ces penseurs qui sont, dirais-je, dans l’enfance de l’art, Maïmonide ouvre, lui, une page nouvelle avec une théorie très sophistiquée, je dirais dialectique, qui se nomme en hébreu « la néantisation de l’absence »1. Elle consiste à substituer à la proposition « A est B » (la formule de l’attribut classique), la proposition « A n’est pas Non B ». Ainsi au lieu de dire « Dieu est puissant »), on dira « Dieu n’est pas sans puissance/impuissant ». Je ne peux ainsi dire de Dieu que ce dont il ne peut être dépourvu, ce qui fait que je n’ajoute rien (un attribut) à son infinité, ce qui poserait problème parce que ce qui s’ajoute peut se retrancher, ce qui inscrirait Dieu dans la finitude. Je nie donc le manque qui pourrait concerner Dieu pour affirmer quelque chose de lui.

2. La nature du problème

La philosophie juive était en dialogue avec la philosophie grecque, peut-être la seule pensée de l’humanité qui pouvait être sensible à la question de l’être et de ses attributs. Mais l’enjeu auquel elle s’est confrontée (en grec, arabe, allemand, français, etc.) se pose différemment dans l’univers hébraïque, hors de ce vis-à-vis privilégié avec la Grèce. Quel est le problème que pose à l’entendement l’« être » dans son expression hébraïque ? Car tout tourne autour de l’« être » hébraïque (et de son statut dans la grammaire hébraïque). Ce Dieu qui prend « corps » en grec (ou dont le grec révèle le corps supposé en hébreu) se nomme en effet l’« Être », YHWH, un nom formé sur le radical du verbe être (HYH) mais dans aucune déclinaison connue puisqu’il porte le préfixe du futur à la troisième personne du singulier (Y), suivi du verbe « être », HOWEH, qui désigne le temps grammatical du présent, un temps par ailleurs auquel le verbe « être » ne se conjugue pas en hébreu. Aucune traduction de ce nom n’est possible en grec, s’il s’agit de garder sa portée hébraïque. À la lumière de ces éléments de base, les difficultés s’amplifient lorsqu’il s’agit d’attribuer à la Divinité des spécifications (« Dieu est bon », par exemple). Toute attribution est rendue en effet impossible par la grammaire hébraïque puisque le verbe « être » ne se conjugue pas au présent. À ce temps, le verbe « être » est élidé de sorte que l’attribut est formellement apposé au sujet qui, du coup, n’est pas un sujet actif, un sujet effectif. C’est comme si dans l’attribution, on ne pouvait faire qu’accoler à un être une qualité le regardant ou le définissant : « Dieu-bon ». La bonté, ici projetée sur Dieu, ne coïnciderait pas à cent pour cent avec lui, ne serait pas identifiée à lui car ce serait l’assigner à une condition limitée, porter atteinte à son infinité. On pourrait dire que ce qui est à l’œuvre, c’est une affinité élective, une convergence au sommet et pas une identification. L’être ne sert pas alors de « copule » qui relie l’attribut au sujet. Impossible de réduire l’être à une copule, à un état : « être » n’est pas un « verbe d’état » comme il l’est en français. C’est un nom propre mais aussi un verbe. Il n’y a qu’une apposition, sans articulation, une mise en parallèle : « Dieu est bon ».

On ne peut affirmer de l’être que ce qui est au passé ou au futur, temps de conjugaison possible du verbe « être » en hébreu. Mais il se dérobe au présent, dans la présence, justement une présence qui permettrait de le décrire par les attributs qui la dépeignent. Si l’attribut est censé témoigner de la présence de Dieu, au point qu’on puisse la contempler du regard et la décrire dans le détail, il s’avère impossible car il n’y a pas de présence possible de Dieu au temps présent. On dira que, dans le cas de Dieu, la présence excède le présent.

Ce qui ne veut pas dire qu’il y ait une absence du fait d’une inexistence. Il y a plutôt un « côte à côte » existentiel : l’homme se tient « à côté de Dieu » (« Il y a une place avec moi », est-il dit à Moïse en Ex 33,21) et se parle en lui-même de ce qu’il ressent. Il n’y a pas de rapport articulé. C’est là que le terme d’« à l’image de Dieu » devrait être investigué : comme un reflet dans l’être de langage et de corps qu’est l’homme.

On voit que derrière la question du « corps » se tient la question de la présence divine. La présence doit-elle nécesairement « prendre corps » ? C’est une nécessité dans l’expérience immédiate, mais pas dans l’expérience de l’âme car nous savons que nous sommes mortels ou ne serait-ce que susceptibles d’éloignement tout en nous sentant « présents ». Or, être loin de son milieu familier ne signifie pas que l’on n’existe pas, en tout cas sur le plan de la raison et de la conscience profonde. Ici, se pose la question de la possibilité d’un arrière monde : derrière l’apparence et la manifestation, derrière la personne corporelle, derrière le sensible, derrière le corps, il y a évidemment une présence possible, un autre type de présence. Car la présence est dans l’éternité : qui en a goûté un jour en a goûté pour l’éternité. Peut-être ce niveau de présence est-il plus fort que la présence corporelle car elle transcende l’éloignement et la mort. C’est là où le grec platonicien des « Idées », plus vraies que le sensible, rencontre l’hébreu mosaïque du divin incorporel mais dont la trace du corps est marquée dans la matière sensible, une trace qui parle !

3. Le corps de Dieu

Ce qui pose problème dans la question de l’anthropomophisme, c’est l’homme, la forme de l’homme (donc le corps) appliquée à Dieu : la seule façon que nous ayons de saisir Dieu mais une façon qui trahit son essence (puisque tout attibut la corporéïse). Sous quel type de ressemblance et de convergence cela se ferait-il ? Pourquoi la projection de l’homme sur Dieu lui serait-elle attentatoire, s’il est créé « à l’image de Dieu » ? C’est ce que remarque le philosophe Yehuda Halevy (1075-1141) dans son livre Le Kuzari2, dans une approche qui n’est pas maïmonidienne : l’homme est l’être le plus parfait de la création et il est donc l’image la plus adéquate pour parler de Dieu ; l’anthropomorphisme est la meilleure façon de parler de Dieu. Cette parole, ce langage, est avant même son contenu (attributs) en jeu. Si l’homme est à l’image de Dieu, comment Dieu parle-t-il ? Quelle langue parle-t-il ? Peut-il se dire autrement que dans les formes de l’anthropos dont le langage est la quintessence ?

Ce qu’il y a de sûr en effet, c’est que le langage est le propre de l’homme. Celui qui sait que toute langue est la face émergée d’un iceberg anthropologique et civilisationnel sait que ce qui se dit de telle ou telle façon s’inscrit dans des structures bien plus vastes qui sont le propre d’un type spécifique d’humanité. C’est sans doute l’anthropologie qu’implique chaque langue (ce dont Émile Benvéniste nous a donné une démonstration éclatante3), qui est, en dernière instance, l’objet du questionnement des « anthropomorphismes ». Et tout particulièrement l’anthropologie grecque, car c’est en grec que Dieu « prend corps » et forme humaine (anthropomorphisme) et c’est ce corps de l’homme, dans sa portée anthropologique donc, qui poserait problème à ce qui s’entend en hébreu de Dieu. L’anthropos serait-il différent de l’adam, dans le rapport de l’homme à Dieu, d’autant plus – ce qui complique tout – que cet adam est dit être « à l’image, à la semblance de Dieu » (Gn 1,26-27) dont il est dit qu’il n’a aucune « image » ?

En tout cas, en hébreu, Dieu comme l’homme ne peuvent pas dire « Je suis » car le verbe « être » ne s’y conjugue pas au présent (au point qu’un des noms secondaires de la Divinité se dit « Je serai », EYHE4. Pour dire « je fais », on appose le pronom personnel et le gérondif du verbe « faire », ce qui donne : « moi-faisant »5. S’il est « corps » par ses attributs, Dieu ne peut être saisi dans le présent. On remarque à ce propos qu’un corps est toujours (dans le) présent, même mort, à l’état de cadavre (peger). A la lumière de cet exemple on comprend pourquoi la présence (l’antithèse de la mort) ne s’exprime pas en hébreu par le temps présent (elle se tient au-delà du futur et du présent embryonaire de l’ici et maintenant). On n’est sûr d’un corps finalement que lorsqu’il est totalement exposé à la vue (en ce sens le « corps mort » est au « présent »), comme un objet inerte. Sous le jour de la présence, par contre, on ne sait pas ce qu’il sera. C’est ainsi que le thème de la résurrection des morts s’éclaire: la présence reprenant corps. Pour comprendre cela, il faut accepter l’idée que la présence est dissociée du présent, plus grande que lui et ne se résumant pas toute dans le présent. Ici aussi, il y a un arrière monde au monde manifesté.

4. L’enjeu du corps

Pour revenir à la nature de l’anthropos, on sait l’aversion du philosophe grec pour le corps, « tombeau (soma-sema) de l’intellect », appartenant au monde de l’illusion et non de l’entendement, inférieur sur le plan de la hiérarchie du sensible et l’intelligible propre à l’univers des Idées, ce dernier bénéficiant d’un niveau d’être plus réél que la réalité concrète. Pour le philosophe, il eût mieux valu pour l’homme de n’être jamais né (et de surcroît du corps d’une femme !). Est-ce que cette aversion philosophique grecque pour le corps de l’anthropos est aussi celle de la pensée hébraïque pour l’adam ? La réponse est négative : elle n’a pas d’aversion pour le corps sauf que, à la différence du splendide art grec de la statuaire qui porte le corps à sa perfection formelle, à son harmonie géométrique, l’hébreu ne voit dans ce monde-ci que l’inachèvement en acte, la croissance, la germination, la naissance et non l’avènement. En un mot, la conscience hébraïque se pose la question de savoir comment parler de Dieu dans les termes anthropomophiques de l’homme si l’homme n’est pas encore né ?

À ses yeux, il est toujours en gestation, à l’instar d’un embryon porté par la matrice (rehem/utérus) d’une femme enceinte, d’un être qui porte un second être en son sein avec rahamim/miséricorde matricielle, celle qui consiste à faire place à un autre être en soi. Cette image féminine de l’adam est la meilleure image de l’homme (l’humain, l’adam – masculin et féminin), à l’image de laquelle Dieu (qualifié de « père ») est comparé puisqu’il est dit de lui dans les Psaumes : « comme un père se fait matrice/miséricorde – compatissant pour ses fils » (Ps 103,13). La gestation est ainsi ce qui dans l’homme peut être attribué à Dieu, qualifié aussi de rahamane/matriciel/compatissant6. Le corps est ainsi cher et précieux – corps utérin et corps embryonnaire – mais l’un est par définition caché, puisqu’il fait place à un autre être, et l’autre ne s’est pas encore constitué. Il n’est pas encore né. De sorte qu’on ne peut le voir, ni le décrire ni attribuer ses qualités à Dieu pour le « décrire ». Pour l’instant « à l’image de Dieu » désigne donc dans l’homme la capacité d’engendrement et de gestation. C’est l’image qui explique de la façon la plus corporelle possible le rapport de Dieu à l’homme, être né de l’être de Dieu et pourtant différent de Dieu. Cette condition est désignée par le mot de rahamim, un terme formé sur l’utérus/rehem, c’est-à-dire la capacité d’un être à porter un autre être. Il a fini par être compris comme « miséricorde », mais il est bien plus vaste car dans son arrière-plan intellectuel le rahamim, vertu principale de Jacob-Israël pour le judaïsme, est le sommet d’une épreuve où la rigueur du Jugement (la Loi) (le din) est surmontée par la grâce (hessed) afin de faire lieu au rahamim. En somme, le rahamim désigne l’articulation maitrisée de la rigueur et de la grâce. Le rahamim est ainsi le seul attribut possible et le principe de tout attribut, ce que vérifie ce trait fondamental : Dieu-l’Être ajoute un second être, l’adam, à l’être qu’il est déjà lui-même. L’être est bifocal, il a deux visages, à l’encontre de l’être grec qui est au centre de lui-même, plein de lui-même uniquement.

À travers cet attribut, nous comprenons pourquoi la présence (Dieu) est absente dans le présent et donc pourquoi la présence de l’homme n’y est que parcellaire, intermittente, illusoire si on la croit définitive. Il y a bien du corps mais, attention, il annonce autre chose. En hébreu la chair/bassar est exprimée par un radical qui donne la bessora, la « nouvelle », l’annonce ; le corps/gouf désigne non les formes corporelles mais le volume...

Nous savons ainsi que l’attribution de qualités à Dieu est impossible, car ces qualités se réfèrent à un être, l’homme, qui n’est pas encore né, qui est encore dans sa propre préhistoire, qui n’est pas encore sorti à la lumière du monde, d’autant que cet être embryonnaire (oubar7) est porté par cette même Divinité, elle-même « absente » dans le monde des corps, du petit « présent » puisqu’elle est engagée dans une démarche matricielle qui la met en retrait d’elle-même, qui l’absente au monde, ce retrait dans lequel l’homme se tient et se constitue. La matrice se retire pour que, dans le vide ainsi créé, l’embryon prenne forme.

5. Le retrait

La question de l’anthropomorphisme s’approfondit ainsi : Dieu n’est pas comparable à l’homme car les termes de la relation de cette comparaison ne sont pas réunis, n’« existent » pas : Dieu est absent dans le présent, cette absence porte la gestation de l’homme qui n’est donc pas encore né. De quelle nature est cette absence ? C’est la vraie question des anthropomorphismes, une question qui explique l’impossibilité de l’attribution des attributs. Maïmonide avance que la meilleure définition de Dieu est silencieuse. Il cite les Psaumes à ce propos : « Pour toi, le silence est une louange » (65,2). C’est en fait la nature même du monde qui est en jeu. Assumer totalement la corporéité, c’est croire que le monde est déjà réalisé et donc achevé, clos. C’est une perspective qui s’expose à l’impasse, car comment expliquer alors la mortalité, la potentialité du cadavre dans le corps ? Assumer la corporéité, c’est avoir trop confiance dans le regard, c’est croire que le monde puisse s’exposer totalement à la vue, dans sa « nudité » (erva), un concept biblique très profond dans son sens anthropologique (et qui n’a rien à voir avec le corps nu). Le monde hébraïque se dit Olam, c’est-à-dire ce qui est de l’ordre de l’absent, du disparu. Le monde : ce qui échappe à la saisie. Il faut toujours en retirer une part (cf. la pratique biblique de « la part de Dieu » dans tout acte d’appropriation), pour ne pas tomber dans le piège de l’illusion qui croit que tout est déjà là, une illusion qui vient combler le manque angoissant qui semble frapper un monde inachevé.

Le monde nous échappe en fait parce qu’il est lui-même le produit d’un suspens, après que l’Être se soit retiré de l’œuvre de la création, une fois que l’homme a été créé. C’est ce que le mot shabbat signifie, à savoir que le Créateur s’est « arrété » en se retirant, de sorte que l’homme, qui est à son image (de Créateur), puisse avoir le temps de faire sa propre histoire, sa propre contribution à la création, à sa propre création dans l’attente de la présence du huitième jour : de naître.

De ce point de vue, le Dieu qui est l’objet d’attributions est absent et dans le retrait. Et si l’homme est « à l’image » de Dieu, il est aussi dans l’absence et le retrait, dans l’attente, c’est-à-dire à l’état d’embryon, c’est-à-dire d’un être dont la présence est encore au futur. C’est ce qui explique pourquoi toute attribution d’attributs s’avère théorique et fragile, à la fois quant au référent humain (anthropomorphismes) et quant au référent divin.

6. L’homme en question

Que nous dit de l’homme à l’image de Dieu, le Dieu qui est le référent de l’image de l’homme ? Si la « semblance » gouverne le rapport de l’homme et de Dieu, elle vaut en effet dans les deux sens, de sorte que le problème ne naît pas seulement de la façon dont nous comprenons Dieu à partir des catégories spécifiques à l’homme (les anthropomorphismes), mais aussi la façon dont nous comprenons l’homme à partir des catégories de Dieu8. Quel est le profil de l’homme du monothéisme ? Comment le modèle divin inversé peut-il en rendre compte ? S’il n’a pas d’image, ni de représentation, comme son Dieu (l’homme à l’image de Dieu n’a pas de représentation), c’est qu’il n’est pas encore né et qu’il est en devenir, à l’instar du retrait divin, le temps que l’homme se fasse. Hors de la finitude.

7. L’attribut absolu : Dieu parle

Par-delà les « attributs » (humains) auxquels l’esprit recourt pour qualifier et décrire la Divinité, il en est un, majeur, qui les récapitule tous et constitue sans doute l’anthropomorphisme absolu : le langage. Le langage est bien le propre de l’homme et il fournit la « matière » même des « attributs » qui ne sont objectivement pas autre chose que des mots qui qualifient la Divinité dans le regard des hommes que nous sommes. Or, que Dieu parle aussi pose sans doute le problème le plus important, d’autant que c’est sa parole elle-même, la Tora, qui nous enjoint de ne pas le représenter, c’est-à-dire de lui donner forme humaine9 : « Nul homme ne peut me voir et vivre » (Ex 33,2). « Puisque vous n’avez vu aucune figure le jour où l’Éternel vous parla du milieu du feu, à Horeb, veillez attentivement sur vos âmes, de peur que vous ne vous corrompiez et que vous ne vous fassiez une image taillée, une représentation de quelque idole, la figure d’un homme ou d’une femme » (Dt 4,15.16).

Comment un tel prodige, parler – et abondamment – est-il possible pour un être qui n’a pas de poumons ni de cordes vocales ? « Tout ce que Dieu a parlé, nous ferons et nous entendrons » (Ex 24,7) : cette parole extraordinaire est proférée par un peuple qui se tient face à une Divinité transcendante (autre problème : comment se tenir « face » à un être qui n’est corporellement pas là ? À qui parle-t-on quand on parle à Dieu ?).

8. La parole divine dans la Torah

Remarquons la facture rhétorique du texte biblique dans lequel cette Parole résonne, non pas dans le vide sidéral mais dans une communauté humaine qui lui est en vis-à-vis. Par ailleurs, Dieu ne parle pas directement et dans l’abstraction ou à un seul individu : sa parole se manifeste dans une narration, qui rapporte un cheminement et une quête humaine, et un dialogue avec des individus ou un peuple spécifique, c’est-à-dire un vis-à-vis dans lequel on peut imaginer que sa parole résonne en l’homme, c’est-à-dire dans des mots. Les hommes se tiennent devant Dieu et sa parole résonne en eux : quand ils le « voient », ils entendent une parole qui ne leur vient à eux, êtres de langage, que dans des mots. Le texte biblique rapporte ainsi le témoignage humain, et dans des termes humains, de la manifestation divine, de sorte que le dialogue qu’Israël mène avec Dieu s’avère être en même temps un dialogue d’Israël avec lui-même, avec sa vocation : une perspective qui sous-tend tout le Tanakh.

Si l’on regarde de près l’Écriture, on observe que celle-ci est très précautionneuse. Dieu ne parle pas à vrai dire directement aux hommes. La plupart du temps, sa parole se communique en s’étalant dans deux périodes. « YHWH dit à Moïse : “Dis aux enfants d’Israël” » (Ex 33,5). Il y a dans cette courte phrase trois étapes du dire. C’est Moïse qui dit à Israël la parole que Dieu lui dit. La formule très courante « YHWH parle (daber) à Moïse pour dire (amar) » (par exemple : Ex 6,10) – tournure la plupart du temps ignorée par les traductions en français – est aussi très significative. Le davar/parole est de Dieu, le emor, c’est à dire la profération, l’élocution, est de Moïse, un homme, lui-même bègue et qui doit passer par Aaron pour communiquer, en fonction donc d’un clivage à trois niveaux (quatre si l’on ajoute l’étape d’Aaron) : la parole, le dire, Moïse, Aaron. La « parole » divine en fait ne « dit » pas immédiatement. Il faut donc intégrer ce clivage quand on parle de la « Parole de Dieu » : Dieu ne « dit » pas physiquement (et la « Parole » est en deçà du « dire »). Seul Moïse la dit... en bégayant. Et là-dessus intervient Aaron le grand prêtre qui met et organise des paroles en un discours pour être dites.

Il faut noter que tout le monde n’est pas Moïse et n’entend pas la parole de Dieu, qui se manifeste, dira un autre prophète, Élie, comme « une voix de silence pointu » (1 R 19,12). Le prophète est celui qui a l’oreille « fendue » qui permet d’entendre cette parole : Oznaïm karita li / Tu m’as coupé les oreilles (Ps 40,7)10. Ce qui veut dire que la voix de Dieu (qui n’est pas encore un discours – car c’est dans cette voix que le discours parlera) s’entend et se manifeste dans une « faille », une rupture qui peut concerner l’individu qui l’entend ou la situation dans laquelle elle s’entend.

Remarquons aussi qu’il n’est pas écrit : « Il lui parle et dit », mais « Il lui parle pour dire ». Le « pour » indique une intention qui doit être la bonne pour que la Parole soit « entendue ». Sans cette médiation, la voix divine n’est pas entendue. Elle est inaudible comme telle, car quand Dieu « parle » (dans le Saint des Saints en l’occurence), il est dit que « la voix Se parle » : « il entendit la voix qui Se parle (mi(t)daber) à lui » (Nb 7,89)11 : la forme verbale est en effet élidée et c’est exactement ce que le verbe signifie. Quand Dieu Se parle (donc il ne nous parle pas), alors nous L’entendons. Qu’est-ce que cela signifie sinon que nous l’entendons uniquement dans le langage qui est le propre de la condition humaine et non celui du Divin ? L’idée que Dieu Se parle pour nous parler souligne bien que l’univers divin n’est pas le nôtre et que, dans la réalité, sa « parole » n’est pas physique.

De même, Dieu ne nous parle jamais comme un interlocuteur qui dit « Je », tout à fait présent, là, dans le moment. Dieu (se) parle (à lui-même) comme un Lui : à la troisième personne, hors de Lui : « Alors Elohim prononça toutes ces paroles pour dire : “Je suis YHWH ton Elohim. Tu n’invoqueras pas le nom de YHWH ton Elohim” » (Ex 20,17). Il aurait fallu dire, si c’est « Je » qui parlait : « Tu n’invoqueras pas Mon nom Moi qui suis... ton Elohim ». Remarquons que cette parole se déploie entre les deux noms divins les plus importants qui, dans le judaïsme, désignent les attributs de justice rigoureuse (Elohim) et de grâce (YHWH). Ainsi, un double « Je » (les deux Noms) parle à l’homme (lui aussi double, homme et femme et tous deux « à l’image de Elohim »), dans l’absence de l’un d’eux qui renvoie toujours à un « Il » qui, Lui, est dans la présence. La parole de Dieu s’inscrit dans le modèle de la création, qui voit le surgissement d’un second être face à Dieu.

9. La « voix » (du corps) de Dieu

Mais il n’y a de « voix » que dans un corps, qui émane d’un corps dans lequel elle ouvre une cavité, un vide (le souffle qui gonfle les poumons). Elle a besoin d’un corps pour résonner, dans lequel résonner. C’est à ce corps qu’il est fait allusion dans le récit de l’Éden : « il entendit la voix de YHWH Elohim s’en aller dans le jardin » (Gn 3,8). Pour « s’en aller », il faut être un corps, occuper un volume : c’est ce corps, implicite ici dans « la voix de Dieu », qui se déplace et donc traverse l’espace. Cette caractéristique se retrouve avec force dans une autre révélation de Dieu à Moïse et qui joue un rôle central dans la liturgie juive : « YHWH descendit dans une nuée et se tint là auprès de lui, et proclam(er)a/appel(ler)a12 le nom de YHWH. YHWH pass(er)a sur son visage13 / devant lui, et appel(ler)a : “YHWH, YHWH, Dieu14, miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en vérité, qui conserve sa grâce jusqu’à mille générations, qui supporte le crime, la rébellion et la faute, mais il ne ne tient point le coupable pour innocent, et qui punit l’iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération !” » (Ex 34,5-7). Le verbe « appeler », qui fait référence à la Voix divine qui énonce ainsi les treize attributs divins, a de multiples sens : appeler, crier, lire, nommer. Si la Voix « descend », elle est un corps, mais il est aussitôt enveloppé de nuée, donc non visible, et, alors, elle « parle » et même là elle le fait « en passant » (à nouveau mention du corps implicite). Je n’aborde pas dans ce cadre les treize attributs15.

Il y a donc une « corporéïté » de la voix de Dieu, contre laquelle il arrive à Jacob de se « cogner » (Gn 28,11), vu son invisibilité pour comprendre après coup que « YHWH était dans ce lieu et je ne le savais pas » (Gn 28,16). Mais nous savons aussi que cette voix peut être « visible » par un grand nombre dans certaines situations de prophétie et de révélation : « Ils virent des voix » (Ex 20,18). « Vous vous êtes donc approchés et tenus debout, au pied de la montagne. Et la montagne était en feu, embrasée jusqu’en plein ciel, parmi les ténèbres des nuages et de la nuée obscure. Alors, le Seigneur vous a parlé du milieu du feu ; le son de ses paroles, vous l’entendiez, mais vous n’avez vu aucune forme ; rien qu’une voix ! » (Dt 4,11.12).

La chose n’est pas absconse : ce vide c’est le monde (olam), ce lieu qui apparaît quand Dieu « se retire » de lui-même pour faire place au monde créé par les paroles créatrices. Ce retrait génère immédiatement une absence. Olam/le monde vient d’une racine qui signifie la disparition, l’absence. Cette dernière est en même temps le monde physique créé. Le monde comme absence peut ainsi être dit le « corps de Dieu ». Ce corps, dans son côté microcosmique, est le corps de l’adam. La voix humaine en ce corps réitère ce retrait, le fait entendre dans le plein de la corporéité : elle est appel de vide dans le plein du corps et quand le corps se hausse au-dessus de lui-même, la voix monte. Si l’on veut avoir une idée de ce vide dans le plein, on peut écouter le son du shoffar, solennellement sonné à Kippour, lorsque l’assemblée d’Israël se recueille devant Dieu durant vingt-quatre heures, en s’absentant du monde (jour de chôme) et du lien avec le corps (jeûne). « Le son du cor allait redoublant d’intensité, Moïse parlait et la voix divine lui répondait » (Ex 19,19). En somme, la voix est l’espace que le vide occupe dans un plein. Mais cette place est une place vacante, où se donne à voir l’absence qui nimbe la présence.

Nous évoquons l’absence, mais l’expression « parler pour dire » indique aussi un décalage entre la présence et le présent. Ce qui s’énonce ne s’entend pas immédiatement. C’est ce qui ménage, en fait, la place de l’Écriture, ce qui reste dans le corps quand la voix s’est retirée dans la parole. Car la parole ne monte que dans la voix, c’est-à-dire le retrait, l’absence divine16. « Je » s’absente pour Se dire. En ce sens, la Torah n’est pas « dans les cieux », mais « écrite » par « le doigt de Dieu » selon le texte biblique. L’écriture (la Torah) se tient dans le décalage du présent et de la présence. Elle incarne le temps qu’il faut pour que la voix, inaudible à l’état pur, parvienne à Israël, de sorte qu’elle lui permette d’entendre la voix continument. Le langage est dans le cas de l’homme le produit de l’action conjuguée des lèvres et de la langue, alors que la voix est le produit de l’action des cordes vocales et des poumons. Deux systèmes s’articulent donc, qui donnent le langage. Dans la voix, la parole est en puissance ; dans la parole, la voix est cachée, recouverte dans sa nudité. C’est parce qu’elle presse à sa manifestation qu’il y a paroles et langage. L’écoute de la voix dans sa nudité est terrifiante, comme si l’humain se décharnait quand il est confronté à la présence pure. Elle doit s’habiller de paroles, se couvrir pour se faire entendre. Les paroles sont les habits de la voix et permettent de l’entendre (la « voir », la contempler) sans en mourir. Et à nouveau, une fois qu’on l’aura entendue ou lue (dans la Torah), il faudra la recouvrir d’un commentaire pour la comprendre. En ce sens le Talmud écrit-il : « Les paroles de la Tora sont comme le langage des hommes » (Talmud Berakhot 31b).

10. Le corps d’un Nom

L’identification du langage à la condition humaine pour aborder la question des anthropomorphismes ouvre une autre perspective. La « parole de Dieu » est avant même tout message un attribut anthropomorphique car Dieu « ne parle pas » physiquement parlant. Ce qu’entend l’homme de Dieu, c’est ce que Dieu lui donne à entendre dans sa conscience langagière, qui réduit tout au langage. L’énonciation de Celui qui parle dans des noms divers (à de nombreuses occasions, la Divinité s’annonce : « Je suis... ») constitue ainsi une source d’attribution. Les différents noms divins dans la Torah sont en même temps des attributs dont l’usage est significatif dans telle ou telle circonstance. Chacun de ces noms est évoqué à chaque fois de façon très significative. Pour comprendre cela il faut s’affranchir des élucubrations sans intelligence du texte de la « Théorie documentaire ». Les noms divins ne sont pas le dépôt de différentes couches d’écriture à différentes époques. Le début de la Genèse est significatif : le premier chapitre énonce Elohim, le deuxième YHWH Elohim. Il y a ici toute une théorie de la création, une métaphysique. C’est dans le « retrait » de YHWH (mais comment l’être qui est (toute chose) peut-il se retirer ?), que le monde, le cosmos sont créés, y compris l’homme comme structure (haadam masculin et féminin et pas encore Adam et Ève), par la Divinité dans son rôle créateur. L’humain, inscrit dans la nécessité du monde (les lois de la nature) est ensuite l’objet d’une reprise : la Divinité qui connaît l’homme comme personne est YHWH. Mais « YHWH est l’Elohim », comme le proclame le Tanakh. Le Dieu « impersonnel » qui crée l’homme dans l’espace sidéral est celui auquel l’homme peut dire « tu » et qui dit « Je ». YHWH est « au dedans », dans le retrait du shabbat, un terme qui signifie la « cessation » de l’acte de création et l’ouverture de l’histoire humaine comme personnes, et de Dieu comme personne (ce que rapporte le deuxième chapitre de la Genèse). Dieu se retire pour faire place à l’homme quand l’histoire de l’homme commence. Il se retire parce que l’homme, à son image, doit se hausser à l’image du Créateur, c’est la finalité de la création. Ce retrait – que manifeste dans le monde du « dehors » l’interdit de le prononcer –, c’est cependant la forme de sa présence. Il fait place à l’homme et il s’inscrit dans le langage sous la forme d’un interdit. Dans le judaïsme, Elohim est l’attribut de la rigueur et de la justice – le Dieu « horloger » qui régit les lois de la nécessité naturelle – tandis que YHWH est le Dieu de la miséricorde et de la présence personnifiée, et il s’agit du même Dieu car ces deux attributs s’articulent l’un à l’autre et ne s’opposent pas. La prosopopée des attributs divins dans la Torah est un sujet considérable qu’il faudrait traiter séparément en partant toujours d’un principe fondamental : Dieu se nomme du nom de l’Être. C’est de là que découle l’« économie » langagière, si l’on peut dire, des noms divins, autant de façons de désigner les actions du Dieu créateur dans le retrait de l’être qui ajoute à l’être un second être.

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1Cf. Shmuel Trigano, La demeure oubliée. Genèse religieuse du politique, Paris, Gallimard, 1994 (1re éd. Paris, Lieu Commun, 1984), en grande partie consacré à la question des attributs.

2Juda Hallévi, Le Kuzari. Apologie de la religion méprisée, trad. Charles Touati, Lagrasse, Verdier, 1994 (également : Louvain-Paris, Peeters, 1994).

3Émile Benvéniste, Le vocabulaire des institutions européennes, Minuit, 1969. Cf. aussi S. Trigano, L’hébreu, une philosophie, vers une nouvelle pensée juive, Paris, Hermann 2014.

4Traduit, en général, erronément en français en fonction d’un biais théologique : « Je suis ».

5S. Trigano, L’hébreu, op. cit.

6Cf. un livre consacré à cette notion, S. Trigano, Le récit de la disparue. Essai sur l’identité juive, Paris, Gallimard, 1977.

7Condition dans laquelle l’hébreu/ivri (du même radical que oubar) se reconnaît, ce qui donne l’arrière-plan des temps messianiques, temps de l’avènement, de la naissance de l’adam. CfLe récit, op. cit.

8Cf. S. Trigano, Le monothéisme est un humanisme, Paris, Odile Jacob, 2000 (LP Hachette, 2006).

9Qui est plus qu’une forme quelconque – les Égyptiens enfermaient le Divin dans une forme animale multiple, sans langage.

10De karet qui veut dire « casser, retrancher », qu’il faut comprendre dans le sens où l’on dit en hébreu « likrot brit », c’est-à-dire « passer (en réalité en hébreu casser) une alliance ». Ce qui est cassé c’est justement le monologue éventuel et le narcissisme, la fascination de l’immédiateté. L’entente de la Parole de Dieu est ainsi alliance. Voir S. Trigano, La séparation d’amour, une éthique d’alliance, Paris, Arléa, 1998 ; Philosophie de la Loi, Paris, Cerf, 1991.

11Conformément à la lecture du grand commentateur médiéval Rachi. Le verset biblique est le suivant : « Quand Moïse entrait dans la tente du rendez-vous pour que Dieu lui parlât, il entendait la voix lui se parler (à elle-même) du dessus le couvercle de l’arche du Témoignage, d’entre les deux chérubins et c’est à lui qu’il parlait. » Le verbe « parler » est au mode hitpael, mais sous une forme élidée. Donc quand la voix parle à Moïse, en fait elle se parle à elle-même.

12Le mode verbal est celui du vav renversif transformant le passé en futur et vice versa. Voir notre étude in S. Trigano, L’Hébreu, une philosophie, vers une nouvelle pensée juive, Paris, Hermann, 2014.

13De quelle « face » s’agit-il ? Dieu ? Moïse ?

14Désigne ici un attribut, ce qui fait trois noms divins, les trois désignant en fait des attributs distincts.

15Cf. S. Trigano, Le Judaïsme et l’esprit du monde, Paris, Grasset, 2011.

16On comprend l’origine de la théologie négative des attributs de Maïmonide...