Andreas Dettwiler (éd.), Jésus de Nazareth. Études contemporaines (Le Monde de la Bible, 72)
Genève, Labor et Fides, 2017, 300 p.
Le présent ouvrage est le fruit d’un cours public « À la recherche du Jésus de l’histoire », organisé par la Faculté de théologie de l’Université de Genève au semestre de printemps 2016. Au cœur de ce projet conduit par Andreas Dettwiler, la question suivante sert de fil conducteur : « que peut-on dire du Jésus de l’histoire ? » (p. 9). Dans l’importante littérature sur le sujet, ce volume a l’avantage de donner la parole, en français, à quelques-uns des plus grands spécialistes contemporains de la quête du Jésus historique. Les notes, réduites au strict minimum et placées en fin de chapitre, permettent d’approfondir l’étude sans alourdir la lecture. Dans le premier chapitre, Andreas Dettwiler conjugue avec brio la rigueur de l’analyse des sources antiques à l’audace des questions contemporaines sur la figure de Jésus. Dans le deuxième chapitre, à la lumière de l’archéologie, J. Zangenberg illustre de manière fascinante la distance entre la Galilée néotestamentaire et celle de la terre. La suite s’organise autour d’indices historiques collectés entre le baptême et la résurrection. G. Theissen prend la parole le premier pour exposer savamment les proximités mais également la distance entre Jésus et Jean-Baptiste (sur l’ambivalence jugement-salut, l’avènement du Règne de Dieu et le rapport au baptême). S’appuyant sur une excellente connaissance de la littérature apocryphe, E. Norelli met en évidence la rupture entre Jésus et sa famille et la formation d’un nouveau cercle, celui de ses disciples. Quant aux controverses avec les pharisiens, l’A. les considère comme fortement accentuées en raison de la dégradation des relations entre les croyants en Jésus et les pharisiens au moment de la rédaction des évangiles. C. Grappe souligne, quant à lui, la manière dont le Royaume de Dieu, dans la prédication du Jésus des évangiles, se déploie en reprenant les différentes fonctions cultuelles liées au Temple. Cette substitution offre une nouvelle dimension dans le rapport des croyants aux lieux, aux temps, au culte et à Dieu (p. 144). Rappelant le lien étymologique entre la poésie et la capacité créatrice (p. 148), D. Marguerat décrit de façon précise et élégante la dimension surérogatoire de la rhétorique de Jésus, représentée dans les paraboles et l’interprétation de la Torah. A. Merz, après un bref survol de l’état de la question de l’historicité des miracles de Jésus – qu’elle estime « quelque peu stérile » (p. 193) –, associe habilement les miracles de Jésus et la croyance en l’irruption du Règne de Dieu dans le concept de « synergisme thaumaturgique » (p. 186). Son but est d’étudier la signification des miracles dans des perspectives « socioreligieuse, sociopolitique et individuelle » (p. 173). Dans une forme de plaidoyer en faveur d’un rapprochement entre la Torah et la prédication du Nazaréen, M. Ebner montre que le Jésus matthéen est présenté sous les traits du « scribe idéal » (p. 204) pouvant seul instruire la Torah et capable de prodiguer une éthique divine au sein du monde. Quant aux motifs de la mort du Jésus de l’histoire, A. Destro et M. Pesce les situent non dans un choix délibéré de la part de Jésus d’aller à sa mort, mais comme une conséquence de la dimension politique de sa prédication, mue par une attente imminente de l’avènement du royaume de Dieu. Attente partagée par les premiers croyants en Jésus et qui suscita, selon eux, les différents développements littéraires connus. J. Zumstein montre finalement que l’inscription d’un fait divers du Proche-Orient ancien dans l’histoire plus large de l’humanité s’explique essentiellement par la redéfinition de l’identité, de l’œuvre et de la prédication du Jésus historique au moment de la résurrection. D’autres contributions auraient assurément pu être ajoutées (survol des différentes quêtes du Jésus de l’histoire, « nouvelles » perspectives de la recherche dont la christologie implicite, les études sur la mémoire ou encore ce qu’il reste à découvrir de la littérature apocryphe), mais elles ne s’inscrivaient pas dans le cadre fixé dans ce projet et d’autres publications les proposent, y compris en français.