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Laurence Devillairs, Laurence PLAZENET (éds), Le Christ à Port-Royal

Actes du colloque international organisé par la Société des Amis de Port-Royal avec le soutien du Centre d’étude de la langue et des littératures françaises 18-18 (UMR 8599 du CNRS et de l’Université Paris-Sorbonne), 6-7 octobre 2016, Paris, Société des Amis de Port-Royal / Bibliothèque Mazarine, 2017, 393 p.

Jean BOREL

Cet ouvrage réunit les quatorze contributions qui ont été faites lors du colloque organisé par la Société des Amis de Port-Royal, du 6 au 7 octobre 2016, sur le thème « Le Christ à Port-Royal ». Par l’originalité de son christocentrisme et de sa théologie, de sa spiritualité et de son apologétique, Port-Royal occupe une place de choix dans le vaste champ des orientations diverses que la réflexion christologique a prises au XVIIe siècle. Les deux premiers exposés s’attardent au thème de l’imitation de Jésus-Christ : Denis Donetzkoff pour montrer que le Christ que Saint-Cyran propose à l’imitation de ses dirigés est « l’image du Dieu invisible qui restaure en l’homme l’image de Dieu que le péché originel a obscurcie, et qu’il reflète, comme en un miroir, la réalité divine qui métamorphose le cœur de l’homme » (p. 28) ; Pierre Lyraud pour mettre en lumière, selon la vision de Pascal, l’incorporation au Christ comme pratique existentielle de l’imitation, « entendue comme disposition du Christ en moi selon ses règles : l’imitation est une incorporation parce qu’en s’ouvrant à la requête du Christ, elle accomplit la transfusion de Lui en moi-même. (...) Si, en devenant Christ, nous ne devenons pas autre, c’est parce que nous sommes initialement marqués de son empreinte, que la conformité à sa vie reforme » (p. 85 sq.). Les deux études suivantes prennent en compte la synthèse que Pascal a faite des quatre Évangiles dans l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ et son analyse du mystère rédempteur de l’agonie du Christ. En explicitant la subtilité du plan de l’Abrégé en douze parties selon le calendrier et selon les cinq étapes du ministère de Jésus, Thomas M. Harrington démontre la complexité symbolique et la rigueur numérique d’une construction à plusieurs niveaux d’intelligibilité qui prend les miracles de guérison pour axe principal. Et Alberto Frigo de dégager la centralité du mystère de l’agonie à Gethsémani et de ses enjeux pénitentiels dans la christologie pascalienne. D’autres communications nous introduisent aux développements christologiques et à leurs utilisations morales, ascétiques, monastiques et mystiques dans les enseignements de la Mère Agnès Arnauld (Agnès Cousson), Jean Hamon (Guy Basset), Arnauld d’Andilly (Tony Gheeraert), Martin Barcos (Christian Belin) et Angélique de Saint-Jean (Laurence Plazenet). Hélène Michon, pour sa part, expose de manière intéressante la façon dont Port-Royal, en se centrant sur la théologie du Christ Médiateur, répond à l’anthropologie prônée par les libertins et dont les jésuites prennent la défense. Si, par le tropisme moral de sa réflexion christologique, Pierre Nicole, quant à lui, semble faire un usage restrictif de la communication des idiomes et donner ainsi plus d’importance à l’humanité du Christ, sa réflexion christologique demeure parfaitement catholique, affirme à son sujet Laurent Thirouin, car, tout en étant plus ‘réaliste’ et ‘mystique’, elle évite autant les risques d’un diphysisme nestorien que ceux d’un théopaschisme aux résonances plus modernes, « qui voit Dieu lui-même souffrir pour les hommes et subir le supplice de la croix » (p. 185). C’est aussi avec finesse que Simon Icard attire l’attention sur le fait que, malgré leur christocentrisme, les théologiens de Port-Royal « manifestent qu’un déficit et une déficience christologiques sont à l’origine des controverses modernes sur la grâce et de leur caractère insoluble, et prouve que le système janséniste des causes concourantes se révèle être en tension avec la tradition issue du concile de Chalcédoine » (p. 357). Enfin, Philippe Luez et Christine Gouzi cherchent à comprendre comment Philippe de Champaigne se réapproprie les sources luthériennes de l’iconographie et les réinterprète pour former un cycle cohérent autour de la figure du Christ. Si le colloque s’est ouvert avec un hommage à Jean Mesnard (1921-2016) à la mémoire duquel le livre des actes est dédié, il se termine avec les deux hommages à Pierre Gasnault (1928-2016), directeur de la Bibliothèque Mazarine, et Michel Le Guern (1937-2016), dont les travaux et recherches sur Pascal sont de renommée internationale. Sont ajoutés en fin de volume un index des noms et des thèmes et une bibliographie des publications récentes sur l’histoire de Port-Royal, Pascal, le jansénisme et l’antijansénisme.