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Voltaire et le « vol domestique » à la lumière du droit pénal

Michel PORRET

Université de Genève

Quand un serviteur dérobe son maître, c’est un larcin domestique, et ce crime est puni de mort, si le vol est tant soit peu considérable, à cause que les maîtres sont obligés de se reposer sur la fidélité de leurs serviteurs. Lange, La nouvelle pratique civile et criminelle et bénéficiale, ou le nouveau patricien français, 1694.

Dans les royaume florissants on a publié des édits, des ordonnances, des arrêts, pour rendre cette multitude effroyable de gueux qui déshonorent la nature humaine utile à elle-même et à l’Etat. Mais il y a si loin d’un édit à l’exécution, que le projet le plus sage a été le plus vain. Ainsi ces grands Etats sont toujours une pépinière de voleurs de toute espèce. On y pend les petits larrons, comme on le sait ; le vol domestique est puni et non empêché par la potence. Voltaire, Prix de la justice et de l’humanité, 1777.

Un « faux-monnayeur est un excellent artiste »

« On ne rencontre dans les livres qui tiennent lieu de code en France que ces mots affreux : question préparatoire, question provisoire, question ordinaire, question extraordinaire, question avec réserve de preuves, question sans réserve de preuves, question en présence de deux conseillers, question en présence d’un médecin, d’un chirurgien ; question qu’on donne aux femmes et aux filles, pourvu qu’elles ne soient pas enceintes. Il semble que tous ces livres aient été composés par le bourreau » écrit en 1777 Voltaire, lorsque, commentant la Caroline « cette loi fameuse de Charles Quint », il déplore l’usage de la torture, qu’il croit être encore d’un usage universel dans le cadre de la procédure inquisitoire réglant le système des incriminations dans toutes l’Europe continentale1. En 1766, saluant l’œuvre de Cesare Beccaria « qui est en morale ce que sont en médecine le peu de remèdes dont nos maux pourraient être soulagés », Voltaire déjà avait affirmé : « On a dit il y a longtemps qu’un homme pendu n’est bon à rien, et que les supplices inventés pour le bien de la société doivent être utiles à cette société. Il est évident que vingt voleurs vigoureux, condamnés à travailler aux ouvrages publics toute leur vie, servent l’Etat par leur supplice, et que leur mort ne fait de bien qu’au bourreau, que l’on paye pour tuer les hommes en public. »2 Humaniste et rationnel, plaçant avant Bentham la réinsertion sociale du délinquant comme priorité répressive et déplorant la logique expiatoire du régime pénal que contamine la morale rédemptrice de l’Eglise, Voltaire inscrit sa réflexion judiciaire dans le cadre d’un utilitarisme social, souvent provocateur et ironique : « Un faux-mon-nayeur est un excellent artiste. On pourrait l’employer dans une prison perpétuelle, à travailler de son métier à la vraie monnaie de l’Etat, au lieu de le faire mourir dans une cuve d’eau bouillante, comme l’ordonnent Charles-Quint et François Ier. »3 Emaillant ainsi les textes voltairiens consacrés au droit pénal, de même que de multiples lettres du philosophe4, ces traits acérés fustigent « l’ancienne coutume féodale » et associent volontiers l’appareil judiciaire de l’Etat monarchique à la « jurisprudence de l’Inquisition ».

Dès 1760, aux côtés de Cesare Beccaria, de Pietro Verri, de Jean-Michel Servan, de Julien Dentand, de Brissot de Warville ou de Pierre Pastoret, Voltaire participe ainsi à la critique du système judiciaire, dont les fondements sont arbitraires, c’est-à-dire privés de code pénal jusqu’en 17915. Parfois au service du prince comme Diderot esquissant en 1774 ses « observations sur le Nakaz » à l’attention de Catherine II6, les réformateurs incriminent l’arbitraire dans la qualification des délits et dans la motivation de la peine. Pour cela, ils prônent la codification des crimes et des châtiments qui aurait force de loi, esquissent parfois dès le milieu du siècle un code pénal officieux7. Entre août 1789 et août 1790, dans le champ constitutionnel naissant, la codification domine souvent les débats de la Constituante d’où sortira le Code pénal de 1791 qui entérine la légalité des délits et des peines8.

Récusant en outre les archaïsmes de la procédure inquisitoire (écrite, secrète et reposant sur l’aveu que peut extorquer la torture) dont l’usage, commun en Europe continentale, plaçait pourtant l’appareil de justice dans un cadre de légalité croissante9, les réformateurs attaquent la question comme source de l’aveu, dénoncent l’« infamie, cette perte de l’honneur et de la réputation », incriminent les châtiments corporels marginalisant le justiciable « flétri » et constituant « une école du crime »10. Par ailleurs, les réformateurs stigmatisent la peine capitale réputée dissuasive, mais ayant épuisé le champ de la sévérité pénale : « Nos lois ont eu d’abord recours à la peine de mort ; que pouvaient-elles faire après ? » demande en 1767 à ce propos Servan, qui propose en outre de distinguer le « dessein » de l’« exécution » d’un meurtre11. Partisans des travaux forcés et de la prison, les « philosophes » plaident pour une pénalité correctrice pouvant réinsérer les délinquants. Finalement, ils se retrouvent tous autour du projet beccarien visant à établir la « proportion » entre les délits et les peines, afin que notamment le vol nocturne ou le vol domestique ne soit pas sanctionné de la même manière que l’homicide volontaire. Si l’« exacte distribution des délits et des peines » n’est pas établie, « un serviteur qui aura soustrait sans aveu, ce que son maître aurait rougi de lui offrir en don, sera attaché au même gibet que celui qui aurait enlevé toute sa fortune », déplore à ce propos Servan12.

Réformer l’arbitraire du système pénal en renforçant les principes de légalité dans les incriminations : cet objectif de la « douce philosophie » constitue en fait la seule façon de conserver la « composition du lien social »13. Hostiles à l’arbitraire en matière politique, les « philosophes » repensent donc les fondements de l’arbitraire en matière de droit pénal qui accentuent l’incertitude du juge : « Les lois criminelles doivent offrir au Magistrat un tableau si exact des délits et de leurs châtiments, qu’il n’ait plus qu’à choisir sans peine et sans incertitude, à mesure que les maux de la société se présentent, le remède indiqué par la loi. »14 Convaincu que l’esprit universel de la loi l’emportera sur celui de la coutume, Voltaire abonde en ce sens : « De quelque côté qu’on jette les yeux, on trouve la contrariété, la dureté, l’incertitude, l’arbitraire. Nous cherchons dans ce siècle à tout perfectionner ; cherchons donc à perfectionner les lois dont nos vies et nos fortunes dépendent », écrit-il par exemple en 1766 lorsqu’il salue son « frère en philosophie », Beccaria15. Ironisant sur l’« inutile fatras de Grotius » et les « saillies gasconnes de Montesquieu » tout en saluant Servan qui régénère l’« équité », Voltaire plaide pour l’« uniformité dans la procédure civile et criminelle », nécessaire si l’on veut éviter de changer « de lois en changeant de chevaux de poste »16.

« Chose étrange ! nous avons des nomenclatures complètes pour les plantes et les animaux ; et nous en manquons pour nos actions morales. […] »17 : si les réformateurs ont ainsi conscience de la nécessité sociale d’une codification ayant force de loi (empêcher que la « peine ne varie au gré du juge », selon Servan), ces intellectuels n’inventent pas le droit pénal contemporain. Par contre, ils insèrent dans la culture juridique de leurs temps des principes utilitaires permettant de socialiser la question pénale, trop écrasée par une culture de l’échafaud rédempteur : « Après avoir bien senti la difficulté presque insurmontable de composer un bon code criminel, également éloigné de la rigueur et de l’indulgence, je dis à ceux qui entreprendront cette tâche pénible : Je vous supplie, messieurs, de m’éclairer sur les délits auxquels la misèrable nature humaine est la plus sujette. […] Punissez, mais ne punissez pas aveuglément. Punissez, mais utilement. Si on a peint la justice avec un bandeau sur les yeux, il faut que la raison soit son guide. »18 Mesurant le degré de dangerosité à l’aune du social et non plus à celle du religieux (delictum vs culpa), les réformateurs contemporains de Voltaire plaident pour une pénalité tournée vers le futur et qui ne prenne plus possession du corps comme le fait tout droit pénal archaïsant19. Laïcisée, l’économie pénale doit reposer sur la prévention du crime potentiel, tout en cherchant à régénérer le délinquant et à renforcer le lien social par une adhésion aux valeurs de la loi.

« La mort ne répare rien » : Humaniser le droit pénal

Les « juges du chevalier de La Barre n’ont point été en erreur. Ils ont puni d’une mort épouvantable, précédée de la torture, ce qui ne méritait que six mois de prison. Ils ont commis un crime juridique. Quelle abominable jurisprudence que celle de ne soutenir la religion que par des bourreaux », écrit en 1768 Voltaire à Beccaria en dénonçant ainsi l’enracinement du pénal dans le religieux20. L’utilitarisme de Voltaire ressort de ses thèses en matière de peine capitale qu’il récuse pour les délits de droit commun (1766), mais qu’il approuve, au nom de la raison d’Etat, pour des crimes politiques (1777) ; il est alors licite, écrit-il, de « tue[r] un chien enragé », par contre, « dans toute autre occurrence », le juge doit condamner « le criminel à vivre pour être utile ; qu’il travaille continuellement pour son pays. Il faut réparer le dommage : la mort ne répare rien »21. Ce consensus ambigu face au gibet est commun chez les philosophes du siècle : Montesquieu estime qu’un « citoyen mérite la mort lorsqu’il a violé la sûreté au point qu’il a ôté la vie, ou qu’il a entrepris de l’ôter » ; Rousseau voit dans le coupable qu’on « fait mourir » un individu asocial (l’« ennemi public ») dont la conservation est incompatible avec celle de l’Etat ; Diderot estime à son tour que la « peine de mort est comme le remède de la société malade »22. S’il ouvre la voie à une criminologie empirique de réinsertion sociale, Beccaria estime pourtant que la « mort d’un citoyen [peut être] nécessaire quand la nation est en train de recouvrer sa liberté ou de la perdre, dans une époque d’anarchie, quand c’est le désordre qui fait la loi »23.

Représentative des thèses réformatrices qui depuis 1760 environ discréditent la justice traditionnelle, l’attaque voltairienne se nourrit des procès judiciaires faisant scandale en raison de leur ancrage dans le religieux ou signalant la défense de valeurs sociales qui deviennent intolérables. Affaires Sirven et Callas en 1762, exécution expiatoire du chevalier de la Barre en 1766 (décapité pour impiétés), pendaison à Lyon en 1777 d’une servante anonyme, « fille de dix-huit ans d’une rare beauté » selon le patriarche de Ferney : celui-ci mène donc le combat des « causes célèbres » comme le ferait un avocat attaché à un Parlement, mais avec une différence sensible. En effet, factum en mains, appuyé par un avocat, le philosophe ne s’engage pas uniquement pour une cause individuelle, mais il milite pour l’ensemble de l’humanité en prenant à témoin l’« opinion publique » comme un moyen de recours critique envers les institutions royales24. Si Voltaire incrimine des procès dont la conduite est particulièrement arbitraire, il ne lutte pas comme un jurisconsulte bardé de doctrine ou de jurisprudence en se plaçant à l’intérieur des normes juridiques, même, si d’une manière anachronique, il dénonce la prégnance supposée du Talion ou du droit canon sur la pratique pénale de son siècle. Comme Beccaria, tourné en 1764 contre le « volumineux fatras de commentateurs privés et obscurs » dans l’« avis au lecteur » de son Dei delitti e delle pene, Voltaire change les règles du débat judiciaire en y appliquant une finalité « philosophique », dont le sens social échappe aux « criminalistes » ou « jurisconsultes » officiels, attachés à défendre, à travers le régime arbitraire et le système pénal expiatoire, la monarchie de droit divin25.

Voltaire veut humaniser les normes pénales qui doivent s’adapter aux Lumières du siècle, même s’il plaide, plus techniquement, en faveur des principes de légalité dans l’administration de la justice criminelle. Il dénonce, par exemple, la carence supposée de motivation dans l’application des peines : « Enfin, pourquoi, dans certains pays, les arrêts ne sont-ils jamais motivés ? Y a-t-il quelque honte à rendre raison de son jugement ? pourquoi ceux qui jugent au nom du souverain ne présentent-ils pas au souverain leurs arrêts de mort avant qu’on les exécute ? »26 Ainsi sévère envers les cours criminelles des parlements, toujours plus arbitraires que les tribunaux supérieurs auprès desquels les prévenus peuvent « appeler », son engagement sur le terrain de la réforme du droit pénal dépasse la théorie. Autorité morale du concours organisé en 1777 par la Société économique de Berne, le philosophe double le prix de cinquante louis offert à celui dont le mémoire sur la réforme de « l’abominable loi criminelle reçue en France et dans plusieurs Etats d’Allemagne » emporterait les suffrages du jury27.

Utilitaire et économiste : la philosophie pénale des réformateurs récuse toute idée de justice expiatoire visant à châtier les « fautes » ou les « péchés » d’un criminel. Punir plus utilement, à moindre coût de vie humaine, renforcer le cadre de la légalité qui s’affirme dans la doctrine du siècle : les quelques réflexions de Voltaire sur le vol domestique s’insèrent dans ce registre du réformisme pénal qui va croissant jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.

La bonne réputation

Au XVIIIe siècle, la domesticité qui varie entre 4 % et 10 % de la population urbaine est essentielle aux travaux et services de chaque jour, sans lesquels la ville aurait été une cité morte. A Genève, par exemple, où la population s’élève entre 1700 et 1800 de 17 500 à 24 500 habitants, la domesticité oscille au fil du siècle entre 10  % et 14  % de la population urbaine totale, ce taux équivalent à environ 25 % de la population féminine28.

Respectueux, fidèle et soumis, parfois fils de laboureur ou fille de servante, le domestique doit bien servir le maître qui le gage et le nourrit, notamment en assurant un service continu qui ne tolère nulle « trahison ». Parfois compensée par de menus larcins d’objets domestiques ou d’aliments, sa condition est dure, sa survie fragile, mais son statut le met pourtant à l’abri de la misère des plus déminus. Si le maître est un homme de rang ou de qualité qui parfois abuse de sa servante lorsqu’il est « dévoyé », le serviteur qui est souvent son confident récupère une partie du prestige de la maison dont il porte la livrée. Valets et domestiques brossés par Marivaux ou Beaumarchais peuvent singer (pour les humilier ?) leurs maîtres dont la vie dépend en fait de ceux qui les servent. La gouvernante ou la pourvoyeuse de Chardin n’ont-elles pas les traits moraux de la dignité ou de la noblesse de leurs maîtres ? De la loyauté de cet autre toléré dans l’intimité de la domus du maître dépend la bienveillance de celui-ci29.

Désignant longtemps le familier, l’ami intime, le groupe des individus vivant sous le toit d’un particulier, « domestique » qualifia dès la fin du XVIe siècle le serviteur gagé pour le service et l’entretien de la maison. « Domestique […] pris dans un sens très étendu, signifie tous ceux qui demeurent chez quelqu’un et en même maison » affirme l’Encyclopédie au milieu du siècle30. Par ailleurs, garants civils de leurs serviteurs et devant choisir des individus « adroits et prudents », les maîtres peuvent être tenus responsables lorsque les « domestiques ont délinqué (!) dans ce qui concerne les fonctions dans lesquelles ils sont employés », notamment lorsqu’ils agissent au nom de celui qui les gage31. Nécessaire au service, cette promiscuité sociale impliquait une règle du jeu construite sur la soumission, le respect et la « grande fidélité » du domestique. Conjuguant salariat et sujétion paternaliste, prohibant « tous les actes volontaires » de nature civile (contrats, testaments), le statut social de la domesticité permet la promotion dans la servitude : on doit l’évoquer afin de mieux saisir les enjeux réels de la répression du larcin domestique.

Hétérogène dans sa composition socio-économique, creuset du « métissage social, la domesticité bénéficiait d’une situation relativement « protégée »32 par rapport à la « vie fragile » de l’Ancien Régime. Si la rigueur judiciaire face au vol domestique signale la solidarité du droit pénal avec les intérêts des possédants, elle évoque aussi la précarité matérielle d’une population peu qualifiée, indispensable à l’économie pré-industrielle, mais dont la survie était liée au bon vouloir du maître dont la fortune protégeait des accidents conjoncturels, voire assurait une sorte d’« assurance vieillesse »33. Dispensant souvent gages et récompenses en nature, parfois tolérant envers le « vol d’usage », notamment de denrées, le maître pouvait congédier « sans en donner raison » au moyen d’un « billet de service » qui indiquait la durée de l’engagement, prouvait la « fidélité » du serviteur et recommandait ses talents. La moralité bonne ou mauvaise du domestique est volontiers perçue comme celle d’un individu sans grande autonomie sociale, puisque, en cas de délit, le juge peut trancher sur la responsabilité des serviteurs infidèles « par les circonstances, et par rapport au temps qu’[ils] ont demeuré chez leurs Maîtres, et du pouvoir qu’il est probable qu’ils ont laissé prendre sur eux par leurs Maîtres »34. En conséquence, à la ville ou à la campagne, le domestique à la recherche d’une nouvelle maison s’insérait dans un marché de l’emploi où prédominait la « bonne réputation » toujours entachée à la suite d’une fraude domestique dont la « dureté de la répression » était motivée par le capital de confiance déposé sur les épaules de la domesticité.

S’enrichir en volant son maître

Or, tout « vol fait par un domestique à son maître, doit être puni de mort, quand même la chose volée serait peu considérable : car tout ce qui appartient au Maître, est pour ainsi dire sacré par rapport à ses domestiques, qui sont obligés de veiller à la conservation de sa personne et de ses biens »35. L’impératif de la droiture ancillaire nourrit un large consensus social dans le monde traditionnel de l’Ancien Régime. En 1710, bâtonnant sa servante lui ayant volé des bas « très méchants », une modeste femme d’artisan genevois menace de la conduire chez le bourreau « pour y être pendue »36. Un tel « abus de la foi domestique » engendra, par ailleurs, ce souvenir marquant la conscience de Rousseau au point que le désir de s’en délivrer contribua en 1766 au projet d’écrire Les Confessions. En 1728 à Turin, la comtesse de Vercellis décédée, l’inventaire de ses biens souligna la disparition d’un « ruban couleur de rose et d’argent, déjà vieux », escamoté par Rousseau, laquais de la maison. Découvert parmi les hardes de Jean-Jacques, celui-ci chargea Marion, la cuisinière de la maison « d’une fidélité à toute épreuve ». Au terme d’un simulacre de procès familial, tous deux furent congédiés sur l’heure, Marion promise à la misère, car rejetée du marché de l’emploi fermé pour les serviteurs infidèles37.

Qualifié ainsi par la « qualité de celui qui le commet » et par le rang du maître lésé, le vol domestique est un crime capital jusqu’à la fin de l’Ancien Régime selon la lettre du droit pénal38. De même que la morale sociale, la doctrine traditionnelle plaçait donc le vol domestique en tête des vols qualifiés par des circonstances aggravantes, notamment l’abus de confiance39. Dès 1789, le larcin domestique suscita encore une jurisprudence sévère : même si la Constituante abolit la peine capitale pour le vol domestique, et légalisa une pratique judiciaire accomplie de fait depuis 1750 environ, le code pénal de 1791, puis celui de 1810, restèrent draconiens envers l’infidélité ancillaire sanctionnée par une réclusion oscillant entre 5 et 10 années40.

Depuis 1760 environ, cette sévérité doctrinale envers ce délit de la misère est fustigée par les réformateurs qui y voient un creuset de l’injustice sociale. Servan, par exemple, pose le cadre conceptuel dans lequel toute la perception « philosophique » de la délinquance acquisitive des domestiques sera pensée jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. L’avocat de Grenoble, ce « Beccaria français », incrimine l’équivalence d’une « loi inhumaine qui met ainsi dans la balance une vie précieuse contre dix-huit serviettes », selon Voltaire. Censée réparer le dol, la vie du domestique est supérieure à la richesse du maître. En fait, l’excès de la répression du vol domestique produit l’impunité. Equilibrant la trop grande sévérité de la jurisprudence, ce principe négatif de la réparation équitable discrédite la loi qui doit prévaloir dans une société reposant sur le « pacte social » entre les individus :

Que dirons-nous de la peine infligée au vol domestique ? Des maîtres durs et avares tremblent déjà pour leur propriété, et se révoltent contre la douce voix de la pitié : que deviendront nos fortunes, s’écrient-ils, si nos maisons ne sont pas un sûr asile ? d’autres pourraient répondre que ces fortunes ne sont pas perdues pour l’Etat ; qu’elles ne font que changer de maîtres ; mais je sais que l’Etat est garant de la propriété ; mais je sais aussi que l’Etat est le gardien des personnes, que les richesses des maîtres ne sont rien auprès de la vie du dernier de leurs serviteurs, et qu’on frémit à cet échange inhumain de la tête d’un Citoyen, contre la plus vile espèce de monnaie. Chose étrange ! cette loi si dure s’est corrigée par elle-même : l’horreur de voir un gibet à sa porte, et la haine des malédictions publiques arrêtent la plainte des maîtres ; et l’excès même du châtiment a produit l’impunité d’un vol, qu’une loi plus modérée eût infailliblement réprimé : cependant malgré cette indulgence, trouvons-nous nos maisons moins sûres ? les vols sont-ils plus fréquents ? Le choix des serviteurs et la vigilance des maîtres suppléent tous les jours à la loi. Hommes, qui possédez tous les biens de la société ; voilà votre méthode : pour vous épargner la peine de les garder, vous condamnez à la mort ceux qui oseront les toucher ; et ce qu’eût fait un peu de vigilance, vous l’achetez avec la vie d’un homme41.

Ainsi, la rigueur doctrinaire envers le larcin domestique conduisait souvent à l’impunité, source de récidive. En effet, « impressionnés » par le gibet promis au « domestique infidèle », les maîtres préféraient « chasser de leur maison le serviteur dont la friponnerie est démontrée, au risque qu’il commette ailleurs de nouveaux vols, plutôt que de le dénoncer à la justice »42. Cette inquiétude des pénalistes face à la médiation privée permettant de régler les conflits entre maîtres et domestiques, ressort notamment des pratiques de l’incrimination que livrent les archives criminelles du XVIIIe siècle, où l’on voit souvent diminuer les plaintes des maîtres spoliés.

Par exemple, si le poids démographique de la domesticité est conséquent à Genève, entre 1750 et 1792, sur environ 500 procédures sanctionnant une atteinte aux biens, on dénombre une trentaine de procédures incriminant un voleur domestique. Bien qu’une centaine de réquisitoires capitaux soient prononcés entre 1738 et 1792 (vol qualifié, violence, brigandage), 2 femmes domestiques sont exécutées en 1755 à la suite d’un larcin aggravé par la nuit. Ce taux minime tranche avec le XVIIe siècle, puisqu’entre 1650 et 1699, on dénombre à Genève 88 condamnations à la peine capitale (30 exécutions réelles), dont 7 à la suite d’un vol domestique, souvent qualifié par l’effraction ou la récidive (4 exécutions réelles entre 1668 et 1691, 3 par contumace), ce qui représente 6 exécutions sur 10 pour le contentieux des fraudes diverses ne dépassant pas les 8  % des procédures. Cinquante années plus tard, le gibet pour le voleur domestique a pratiquement disparu. Parmi les 76 sentences capitales prononcées entre 1755 et 1792, on dénombre 3 « vols domestiques », dont celui commis en 1760 par un serviteur fugitif « pendu par effigie » et celui « considérable » perpétré de nuit par deux femmes pendues en 1755 à la suite du réquisitoire capital d’un Procureur général qui insiste sur la préméditation.

Commis 3 fois sur 10 par des femmes célibataires et immigrées, la fraude domestique apparente ignore évidemment les délits non connus ou tus par les maîtres qui étouffent le scandale sur le conseil d’un pasteur et congédient leur serviteur sans recourir aux juges. Depuis 1750, l’usage montre que la peine capitale est souvent réclamée contre des délinquants fugitifs, donc exécutés 8 fois sur 10 en « effigie ». En ce qui concerne le vol domestique, lorsqu’un serviteur est déféré en justice, le procureur requiert la « flétrissure » et le bannissement nécessaire à « purger la ville ». Par ailleurs, entre 1755 et 1792, sur 124 sentences de « bannissement perpétuel », assorti d’un rituel d’infamie infligé jusqu’à la fin du siècle (amende honorable, flétrissure et fustigation publiques), on décompte une douzaine d’incriminations relatives au vol domestique. Une « supplique en grâce » rédigée par l’avocat d’un domestique non fugitif, ou l’arbitraire du Petit Conseil, mitigent d’ailleurs plusieurs fois un réquisitoire capital en bannissement43.

Les circonstances du vol domestique

Il importe, écrit Servan de « bien connaître les circonstances du crime et le caractère de l’accusé, d’avoir exactement comparé ces deux choses, et découvert tous leurs rapports »44. En effet, avant la légalité des peines établie par les codes de 1791 et de 1810, les grands pénalistes-praticiens du XVIIIe siècle dans leurs commentaires de l’Ordonnance de 1670 qualifiaient un délit contre la vie ou contre les biens selon les « circonstances qui l’accompagnaient » et aggravaient ou atténuaient la peine45. Au XVIIIe siècle, empirique et sous-jacente à la qualification des délits et à la motivation de la peine, cette théorie des circonstances du crime comme fondement proto-légal des incriminations pénales marque toute la pratique judiciaire que livrent les archives criminelles46. Souvent divisées en sept « classes » (le motif du crime, le rang des protagonistes, la nature du butin, le lieu, le temps, la récidive et aussi les conséquences de la violence ou de la fraude), établissant aussi les complicités, les « circonstances » traduisaient la dangerosité d’un délit, le poids des transgressions sociales et symboliques particulières à l’Ancien Régime. Ainsi, un « vol nocturne » aggravait la peine due à un vol commis un plein jour, un « excès » sanglant perpétré sur un « grand chemin » isolé alourdissait le châtiment d’une violence infligée en ville. L’effraction d’une Eglise, sanctuaire des « objets sacrés », signalait un délit plus « qualifié » que l’« escalade » d’un logis privé. L’agression d’un prêtre ajoutait une dimension d’impiété à l’homicide volontaire d’un laïc. Atténuant en partie l’arbitraire dans la qualification du « simple délit » en « crime atroce », les « circonstances » modulaient la motivation de la peine. Les « punitions [doivent] se trouver dans une proportion plus juste avec les crimes, l’énormité dépend toujours des circonstances qui varient à l’infini »47.

La pratique pénale révélée par les archives criminelles montre la façon dont s’emboîtent ces « circonstances » orales et matérielles qui aggravent la fraude domestique. Celle-ci est toujours qualifiée par le flagrant délit, le lieu et de la fréquence du vol, la réputation, l’abus de la confiance, la « violation de l’Hospitalité », l’« abus odieux, très criminel du voisinage et de la foi domestique »48. Ces transgressions qualifient l’« abus de confiance » dont l’étendue se mesure à la durée du service et au degré de familiarité liant maître et domestique : « la confiance est moins violée par un Domestique de passage […] que par un Domestique ordinaire » souligne en 1766 ce procureur général réclamant le ban d’un valet49. « Confiance violée », « complot des mains serviles », « mauvaise conduite » : à ces circonstances aggravantes du vol domestique s’ajoute encore la nature « imparable » du délit ancillaire : « les biens, la vie même d’un maître sont confiés à la garde de ses Domestiques […], plus grande alors la facilité de commettre un crime ; plus aussi la peine doit être sévère » affirme en 1755 ce magistrat genevois lorsqu’il envoie sur le gibet deux servantes infidèles50.

La « libre circulation » et la « familiarité » du domestique dans la maison ou l’atelier aggravent le délit réputé imparable, notamment lorsque le serviteur détient les clefs de la maison. Ce « dépôt de confiance », impliquant « une obligation plus étroite de fidélité » et de responsabilité, légitime par contre-coup « le degré de la peine » sanctionnant un vol « plus domestique » que les « vols domestiques ordinaires » précise cet autre procureur en 1762 lorsqu’il réclame la pendaison par effigie d’un valet fugitif51. Ainsi, circonstance aggravante de la fraude, chaque « espace domestique » engendre toujours une qualification diverse du larcin, habituellement aggravé lors d’une effraction commise dans la maison du maître52.

Par exemple, si le domestique peut aller et venir dans le logis où il sert, son irruption non justifiée dans le « cabinet du maître » est suspecte. Ce bourgeois volé à Genève en 1752 dénonce son laquais fugitif qui signa son larcin en oubliant les clefs dans le cabinet de travail où il avait pénétré sans raison. Légitimant la fustigation publique « avec effusion de sang » et le bannissement53, cet abus de confiance qualifie aussi la fraude d’ouvriers ou compagnons déshonnêtes, surpris en flagrant délit ou dénoncés par un proche. « Le crime déféré à la Justice est donc un vol Domestique dans un atelier où la confiance du maître est plus forcée que partout ailleurs, et où il importe le plus qu’elle ne soit pas violée », avertit en 1760 ce procureur qui réclame la flétrissure et le bannissement d’un ouvrier ayant trahi la « confiance » de son patron, notamment en poussant un apprenti au vol54. Même pénalité d’élimination en 1781 contre un ouvrier qui « s’est introduit de nuit au moyen d’une échelle dans la fabrique d’un particulier où il avait travaillé », ou encore contre un commis fugitif qui « abusa » de sa connaissance de l’atelier de son maître pour le spolier et suscite en 1784 un réquisitoire capital55. Ainsi, le « vol domestique est donc puni plus sévèrement qu’un simple vol, parce qu’il renferme un abus horrible de confiance, et que les maîtres sont obligés de laisser beaucoup de choses entre les mains de leurs domestiques »56. Cette sévérité doctrinale motive maints réquisitoires capitaux jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Que le valet « Joseph Cattin soit condamné pour réparation […] à être pendu et étranglé jusqu’à que l’âme soit séparée du corps », réclame en 1755 un procureur général de Genève, dont le réquisitoire sera « mitigé » par le Petit Conseil en bannissement précédé d’une fustigation publique57.

Au-delà de ses enjeux judiciaires, la répression du vol domestique au cours du XVIIIe siècle souligne la précarité sociale accrue dans laquelle plonge le serviteur ayant « attenté » à la confiance et aux biens de son maître. Même couronné d’un maigre butin, le vol domestique, sanctionné par la flétrissure, le gibet ou le bannissement dès 1750 environ, « ternit l’honneur » et la réputation d’un groupe professionnel, dont le capital de confiance est impératif sur le marché des services. Souvent étouffé par des maîtres qui connaissent la sévérité de la jurisprudence, le vol domestique marginalise le serviteur dépourvu de lettres de recommandation, vite « flétri » par les conséquences de son larcin. Arrêté ou recherché, flétri ou banni, le domestique infidèle perd le « crédit moral » qui lui assure pain et logis. Fustigeant en 1765 un ouvrier qui « abusa la confiance » de son maître en le spoliant, un magistrat genevois évoque le climat de méfiance sociale attisée par chaque larcin domestique : « Un vol de ce genre est d’autant plus punissable qu’il jette des soupçons sur tous les ouvriers qui composent un atelier, et qu’il expose des Innocents, comme il les a en effet exposés, à des recherches dont l’issue la plus heureuse est toujours un malheur. »58 Pour le serviteur, l’enjeu social de la répression du vol domestique est conséquent. D’un côté, la sanction vise à prévenir le maître contre les « friponneries » du valet qui dispose de sa confiance, de l’autre elle veut éloigner les « suspicions [jetées] sur la fidélité d’un ordre de gens dont la fortune et l’existence même constituent à n’être pas soupçonnés », selon la consigne de ce procureur genevois en 1765. Motivée par la sanction de la volonté d’enrichissement illicite, la sévérité pénale contre le voleur domestique vise à resserrer les « bornes de la fidélité » entre lesquelles se joue l’avenir professionnel de la domesticité. En fait, si le vol domestique dépouille le maître de quelques biens souvent inutiles, il aggrave surtout la situation matérielle du serviteur indélicat.

Le « vol étant d’ordinaire le crime des pauvres »

Chez les réformateurs, la critique des valeurs matérielles que protège le système judiciaire, débouche sur un procès de la propriété et de son système d’enrichissement social. Riche à souhait, Voltaire affirme que « le filoutage, le larcin, le vol étant d’ordinaire le crime des pauvres, et les lois ayant été faites par les riches, ne croyez-vous pas que tous les gouvernements qui sont entre les mains des riches doivent commencer par essayer de détruire la mendicité, au lieu de guetter les occasions de la livrer aux bourreaux ? »59 Dans une lettre adressée en 1769 à Servan, il fulmine contre la justice barbare qui « accorde le secours d’un avocat à un banqueroutier évidemment frauduleux et […] le refuse à un homme accusé d’un crime équivoque »60. Sensible chez Beccaria désacralisant le contentieux criminel, forte chez Voltaire voulant humaniser l’application des peines, radicale chez Brissot de Warville incriminant la « constitution sociale » de l’Ancien Régime à travers son régime pénal61, cette « socialisation » de la question pénale ressort notamment de la discussion des normes de qualification du vol domestique et celles de sa répression jugée particulièrement arbitraire, puisque déterminée avant tout par la plainte du maître lésé. Ainsi, la discussion de la répression de la criminalité acquisitive recoupe bien souvent un procès moral intenté au régime de la propriété privée : le vol préfigure la lutte des classes. Pour Brissot, domestique ou commise avec effraction, la fraude donne sens aux conflits entre puissants et démunis, elle souligne la guerre éternelle entre les premiers qui tentent de s’enrichir d’une manière illicite et les seconds qui brandissent la loi pour protéger leurs privilèges. Avant Proudhon, le vol constitue donc une voie de redistribution immédiate des richesses qu’accaparent les nantis exploitant ceux qui doivent les servir pour survivre : « La société, écrit Brissot, est partagée entre deux classes : la première de citoyens propriétaires, vivant dans l’inaction ; la seconde plus nombreuse, composée du peuple, à qui l’on a vendu chèrement le droit d’exister, qu’on a avili, qu’on a condamné à un travail perpétuel. Pour affermir ce droit nouveau de propriété, l’on a prononcé les peines les plus cruelles contre ceux qui le troubleraient, qui lui porteraient atteinte. »62

Ces domestiques qui font la loi ?

« Le nommé Bourgeois, engagé à Lausanne pour jardinier sous la convention expresse que je le renverrais si je n’étais pas content de lui, convention dont je peux faire serment, a été non seulement surpris par Mademoiselle Mahon (femme de chambre de Madame Denis) vendant les légumes de mon jardin, mais a causé mille scandales dans ma maison, n’a jamais travaillé, et a bu le vin de bourgogne qu’on a volé à Monsieur le professeur Pictet. On l’a chassé. Il mérite punition, et c’est très mauvaise politique à Messieurs les magistrats de Genève de souffrir que les domestiques leur fassent la loi. Ce n’est pas moyen de plaire au peuple ; mais d’être écrasés par le peuple. Cette ville est peut-être la seule au monde où les domestiques soient les maîtres. Si le nommé Bourgeois s’était conduit ainsi à Tournay ou à Ferney, je l’aurais fait mettre au cachot. Je déteste le despotisme, mais il faut subordination et justice. Voilà mon code. […] Il est d’une extrême conséquence, dans une grosse maison, de n’être pas l’esclave de ceux qui sont à nos gages. »63 Au delà de cette inquiétude de maître irrité en 1759 par l’indiscipline de l’un de ses serviteurs pris en « flagrant délit de vol domestique » (l’abus de confiance ouvre la voie au despotisme exercé par les dominés), qu’apporte Voltaire au débat judiciaire concernant ce délit qui alarme les possédants et signale le serviteur rétif comme un mauvais cheval ?

« L’impunité est la suite ordinaire de l’atrocité des peines » affirme en 1790 Pastoret lorsqu’il résume l’esprit des lois auquel souscrivent les réformateurs64. Si à de nombreuses reprises, Voltaire mentionne la sévérité de la doctrine pénale envers les domestiques infidèles dénoncés par leurs maîtres, cette inquiétude envers un excès dans l’application de la peine capitale doit être pensée par rapport à ce qui rend inopérante, selon le philosophe, la répression concrète du vol domestique. Aux yeux de Voltaire, la dûreté même du droit pénal entretient le crime qu’il veut éradiquer. Si, en 1777, il déplore la pendaison à Lyon d’une jeune servante ayant dérobé dix-huit serviettes à sa maîtresse qui ne lui avait pas payé ses gages65, cette compassion exprime une critique de la lettre du droit pénal qu’appliquent des juges peu sensibles à la réalité sociale. En effet, la sévérité des lois conduit, selon Voltaire, à l’impunité, source de la récidive. Quel maître voudra accepter de dénoncer son serviteur infidèle au risque de le voir mourir sur le gibet ? L’harmonie entre les circonstances du crime et la nature de la peine, à laquelle souscrivent les réformateurs et les pénalistes de la seconde moitié du siècle, vise en fait à assurer une répression plus certaine, qui effacerait toute récidive. La dangerosité sociale de la délinquance doit être envisagée, non pas à la lumière d’une morale religieuse, mais selon une redéfinition de l’échelle pénale qui obvie à la fois l’excès de châtiment, mais aussi l’impunité tirée de cet excès :

Dans les pays où un petit vol domestique est puni par la mort, ce châtiment disproportionné n’est-il pas très dangereux à la société ? N’est-il pas une invitation même au larcin ? Car s’il arrive qu’un maître livre son serviteur à la justice pour un vol léger, et qu’on ôte la vie à ce malheureux, tout le voisinage a ce maître en horreur ; on sent alors que la nature est en contradiction avec la loi, et par conséquent la loi ne vaut rien. Qu’arrive-t-il donc ? Les maîtres volés, ne voulant pas se couvrir d’opprobre, se contentent de chasser leurs domestiques, qui vont voler ailleurs, et qui s’accoutument au brigandage. La peine de mort étant la même pour un petit larcin que pour un vol considérable, il est évident qu’ils chercheront à voler beaucoup. Ils pourront même devenir assassins quand ils croiront que c’est un moyen de n’être pas découverts66.

Par ailleurs, de même que Beccaria ou Brissot de Warville, Voltaire déplore à propos de la répression théorique du vol domestique la confusion engendrée par l’arbitraire, qui parfois conduit le juge à motiver une peine capitale indistinctement contre l’auteur d’un vol dont les circonstances (nuit, effraction, « vol domestique ») se rapprochent parfois de celles d’un homicide qualifié par la préméditation ou la lâcheté. Commune chez tous les réformateurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle, cette exigence voulant harmoniser l’intensité de la peine sur la nature du délit constitue en fait un plaidoyer pour une mesure judiciaire équitable de la criminalité et de la dangerosité individuelle, dont l’évaluation dépasse les seuls intérêts particuliers. Cette volonté de remettre le vol domestique à l’extérieur du registre des crimes capitaux peut mener en fait, selon Voltaire, à une répression optimale de la fraude des serviteurs.

La potence n’empêche pas le vol domestique

Rationnel et économiste en ce qu’il vise à assurer la sécurité des biens des maîtres et à garantir la vie des domestiques dont le travail fidèle assure leur fortune, ce projet aboutit à un utilitarisme social qui espère tirer profit de la répression du crime, en déplaçant l’application de la peine du domaine de l’expiation pour la repenser dans celui de la resocialisation du domestique malhonnête. En effet, conclut Voltaire, si « la peine est proportionnée au délit, si le voleur domestique est condamné à travailler aux ouvrages publics, alors le maître dénoncera sans scrupule ; il n’y aura plus de honte attachée à la dénonciation ; le vol sera moins fréquent. Tout prouve cette grande vérité, qu’une loi rigoureuse produit quelquefois les crimes »67. Lorsque le bourreau ne guette plus l’individu pétri de faiblesse au point de vouloir s’enrichir en spoliant quelque peu celui qu’il sert, la loi peut alors mettre fin au laxisme des maîtres, et partant, à la récidive des serviteurs infidèles.

En fait, se souvenant que les domestiques ne disposent que de leurs forces de travail pour ne pas sombrer dans la misère, Voltaire invite le législateur à punir moins sévèrement pour punir mieux, mais aussi à penser la répression pénale dans le cadre d’un contrat social qui ne tire nul honneur du gibet. Au contraire, dressés sur le forum de la cité, les bois de justice représentent un archaïsme punitif qui, d’une manière paradoxale, attisent le laxisme, multiplient les usages du recours privé entre maîtres et domestiques, et de ce fait induisent à la récidive. Chassé par son maître qui rechigne de le dénoncer afin qu’il ne soit pas pendu, un serviteur infidèle « va voler ailleurs, et il devient souvent un brigand meurtrier. C’est la loi qui la rendu tel ; c’est elle qui est coupable de tous ses crimes »68. Devant prévenir le crime, la loi ne fait alors que le perpétuer, car elle préfère la vengeance sanglante à la douce prévention. « Quel maître, s’il a un grain d’honneur et d’humanité voudra, pour un larcin fait sans violence, mener à la potence un domestique jeune et capable, après un moment d’oubli, de rentrer dans la vertu ? », surenchérit en 1780 ce réformateur, inspiré par Voltaire et remarqué par l’Académie de Châlons-sur-Marne69.

Punir avec plus d’humanité le larcin domestique : selon Voltaire, ce projet consiste à réprimer moins durement les quelques infractions ancillaires connues, afin que toutes les infidélités des serviteurs soient réprimées par la justice. A ce moment, la prévention générale l’emporte sur l’expiation d’un ou deux individus, boucs émissaires de maîtres vindicatifs. Equitable dans sa motivation, la peine cesse ainsi d’être individuelle pour devenir universelle. Coïncidant avec cet « esprit de toute bonne loi criminelle » que Servan veut insuffler dans la pratique pénale des années 1760, l’utilitarisme voltairien permet de « concilier, autant qu’il est possible, le moindre châtiment du coupable, avec la plus grande utilité publique »70.

Non déterminée par un philanthropisme naïf ou par une compassion envers les voleurs, « cette multitude effroyable de gueux qui déshonorent la nature humaine », la rationalité juridique de Voltaire, marquée par une valorisation de la responsabilité individuelle, anticipe sur l’esprit et la lettre du Code pénal de 1791 qui ouvre l’ère de la légalité des peines. En effet, si ce code ne qualifie plus le vol domestique comme un crime capital, il perpétue pourtant la sévérité traditionnelle envers la fraude ancillaire, sanctionnée alors par la réclusion criminelle. Dans le cadre de la société bourgeoisie du XIXe siècle, le vol domestique continue ainsi de signaler la transgression intolérable inhérente à l’abus de confiance, même si la promiscuité traditionnelle entre maîtres et serviteurs tend à s’effacer du fait de l’émergence fonctionnelle d’espaces séparés dans la domus où sert le domestique.

Pourtant, la transgression du serviteur infidèle que Voltaire dénonce parfois dans ses lettres ne l’empêche pas de dormir sur ses deux oreilles de maître comblé par les richesses de la vie. Selon le marquis de Vilette, écrivant en 1777 à d’Alembert, le patriarche de Ferney, bien que « très-riche […], n’a jamais eu le tourment de la possession. Il semble qu’il craigne plus les importuns que les voleurs. J’ai remarqué que sa chambre ferme à clef du côté du salon, et qu’elle n’a jamais eu de serrure du côté de ses gens : ce qui prouve évidemment, qu’il n’est ni défiant, ni avare », même si ailleurs il déplore qu’on lui a volé, chez lui, un exemplaire du « discours de rentrée sur les devoirs de la magistrature » … rédigé par son ami Servan71 !

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1 Prix de la justice et de l’humanité, in Voltaire et les droits de l’homme, textes sur la justice et la tolérance présentés et annotés par Raymond Trousson, Bruxelles, 1994, p. 381 ; dans la France de l’Ancien Régime, sous l’impulsion du centralisme absolutiste, les normes procédurales sont redéfinies en 1670 : Ordonnance criminelle, Saint-Germain-en-Laye, août 1670, in : François Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’en 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Paris (30 vol.), 1821-1833, t. XVIII, pp. 372-423 ; sur le recul de la torture judiciaire lié au changement du statut de l’aveu comme preuve à charge, voir John H. Langbein, Torture and the Law of Proof, Europe and England in the Ancien Régime, Chicago, Londres, 1976.

2 Commentaire sur le livre Des délits et des peines par un avocat de province, in : Trousson, op. cit. (note 1), p. 315.

3 Prix de la justice et de l’humanité, ibid., p. 347.

4 Par exemple : Correspondance (éd. Théodore Besterman), lettres numéros 9150, 9632, 9950 et 10498 (à Servan), 10771 (à Beccaria), 11434 et 12268 (à Servan), 12390, 12977, 14990 (à Catherine II).

5 Sur la réforme du droit pénal et ses limites, voir : James Heath, Eighteenth-century Penal Theory, Londres, 1963 ; John Maurice Kelly, A Short History of West-ern legal Theory, Oxford, 1992, pp. 244-300 ; Bernard Schnapper, « La diffusion en France des nouvelles conceptions pénales dans la dernière décennie de l’Ancien Régime », in : L. Berlinguer et F. Colao (éd.), La Léopoldina, t. X, Iltuminismo e dottrine penali, Milan, 1990, pp. 409-433 ; Franco Venturi, Utopia e riforma nell’illuminismo, Thrin, 1970.

6 « Observations sur le Nakaz », in : Œuvres, t. III, Politique, éd. établie par Laurent Versini, Paris, 1995, pp. 501-578.

7 [Charles Clément-François de Laverdy], Code pénal ou Recueil des principales ordonnances, édits et déclarations sur les crimes et les délits, Paris, 1752.

8 Code pénal (1791) et Code pénal (1810), in : Pierre Lascoumes, Pierrette Poncela, Pierre Lenoel, Au nom de l’ordre. Une histoire politique du code pénal, Paris, 1989 ; Orateurs de la Révolution française, I. Les Constitutants. Textes établis, présentés et annotés par François Furet et Ran Halevi, Paris, 1989.

9 Adhemar Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de ta procédure inquisitoire depuis le XIIIe siècle jusqu’à nos jours, Paris, 1882.

10 Sur l’infamie comme catégorie de la sanction du corps et de la réputation (« la flétrissure du corps et de l’âme du scélérat »), voir, par exemple : Claude-Joseph Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnance, de coutumes et de Pratique, avec les jurisdictions de France, nouvelle éd., 1768, 2 vol. t. II, p. 23 ; Gherardo Ortalli, La peinture infamante du XIIIe au XVe siècle, Paris, 1994.

11 [Joseph-Michel-Antoine Servan], Discours sur l’administration de la justice criminelle, prononcé par M. S***, Avocat-Général, Genève, 1767, pp. 128, 131.

12 Ibid., p. 120.

13 Ibid., pp. 21, 32.

14 Ibid., pp. 113-114 (nous soulignons).

15 Commentaire sur le livre des « Délits et des peines », in : Trousson, op. cit. (note 1), pp. 301-335 (cit. p. 335) ; lettre à Etienne-Noël Damilaville (16 oct. 1765, Besterman, 9150) : « Je commence à lire aujourd’hui le livre italien Des délits et des peines. A vue de pays, cela me paraît philosophique ; l’auteur est un frère. » Sur la contamination idéologique de l’« arbitraire » judiciaire par l’« arbitraire » politique (cet attribut du « pouvoir despotique »), voir l’article inégalé de Bernard Schnapper, « Les peines arbitraires du XIIIe au XVIIIe siècle (Doctrines savantes et usages français) », Revue d’Histoire du Droit, 1973, 41, pp. 237-277 et 1974, 42, pp. 81-112.

16 Lettre du 13 janvier 1768 à Servan (Besterman, 10498).

17 [Joseph-Michel-Antoine Servan], Discours sur l’administration de la justice criminelle, p. 116.

18 Voltaire, Prix de la justice et de l’humanité, 1777, in : Trousson, op. cit. (note 1), pp. 338, 341 ; sur l’échafaud et sa culture expiatoire en Occident, voir notamment : Michel Bee, « Le spectacle de l’exécution dans la France de l’Ancien Régime », Annales E.S.C., 1983, pp. 843-862 ; V.A.C. Gatrell, The Hanging Tree. Execution and the English People 1770-1868, Oxford, 1994 ; Louis P. Masur, Rites of Execution. Capital Punishment and the Transformation of American Culture, 1776-1865, New York, Oxford, 1989 ; Michel Porret, « Mourir sur l’échafaud à Genève au XVIIIe siècle », Déviance et société, 1991, pp. 381-405 ; Harry Potter, Hanging in Judgment. Religion and the Death Penalty in England, Londres, 1993 ; Pieter Spierenburg, The Spectacle of Suffering. Executions and the evolution of repression : from a preindustrial metropolis to the European experience, Cambridge, 1984.

19 Jean-Pierre Baud, L’affaire de la main volée. Une histoire juridique du corps, Paris, 1993, pp. 48-58.

20 Correspondance, Besterman, 10771.

21 Voltaire, Prix de la justice et de l’humanité, 1777, in : Trousson, op. cit. (note 1), p. 343).

22 De l’esprit des lois, 1748, XII, IV ; Du contrat social, 1762, II, V ; Observations sur la Nakaz, p. 527 ; la métaphore médicale de Diderot est commune depuis le Gorgias de Platon : Montesquieu lui-même termine son plaidoyer pour la peine capitale en la comparant au « remède de la société malade ».

23 Cesare Beccaria, Des délits et des peines (1764 ; en français : 1765), Genève, 1965 (introd. et notes par Franco Venturi), livre XXVIII, « De la peine de mort », p. 48 ; sur les, rapports entre les « science de l’homme » au XVIIIe siècle et la réforme pénale voir : Piers Beirne, « Inventing Criminology : the ‘Science of Man’ in Cesare Beccaria’s Dei delitti e delle pene (1764) », Criminology, 1991, pp. 777-820.

24 Sarah Maza, « Le tribunal de la Nation : les mémoires judiciaires et l’opinion publique à la fin de l’Ancien Régime », Annales E.S.C., 1987, pp. 73-90, et Private Lives and Public Affairs. The Causes Célèbres of Prerevolutionary France, Berkley […], 1993.

25 Les liens entre absolutisme et peine capitale ont été soulignés par Paul Savey-Casard, La peine de mort, esquisse historique et juridique, Genève, 1968 ; sur la résistance des juristes à la « philosophie » des réformateurs, voir par exemple : Pierre-François Muyart de Vouglans, Réfutation des principes hazardés dans le Traité des délits et des peines, traduit de l’italien, Lausanne et Paris, 1767.

26 Commentaire sur le livre des « Délits et des peines », in : Trousson, op. cit. (note 1), p. 335.

27 Voir notamment la lettre du 1er août 1777 à Catherine II de Russie : « C’est donc dans le petit pays de ces bons Suisses qu’on propose un prix pour celui qui s’élèvera avec le plus de force contre ces lois absurdes et barbares, et qui s’approchera le plus de votre code humain, de ce code immortel comme vous » (Bestermann, 14990).

28 Selon Daniel Roche, Le peuple de Paris, Paris, 1981, en 1764 dans la capitale il y a près de 40 000 domestiques pour 600 000 habitants (6-7 %) ; Maurice Garden, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, 1975, dénombre en 1791 6200 domestiques pour 150 000 Lyonnais (4  %) ; Alfred Perrenoud, « Les réalités humaines », in : Anne-Marie Piuz et Liliane Mottu, L’économie genevoise de la Réforme à la fin de l’Ancien Régime (XVIe-XVIIIe siècles), Genève, 1990, p. 67.

29 Sur la domesticité et son statut socio-culturel dans la société traditionnelle voir surtout : Jean-Pierre Gutton, Domestiques et serviteurs dans la France de l’Ancien régime, Paris, 1981 ; Olwen Hazel Hufton, The Poor of Eighteenth-Century France, 1750-1789, Oxford, 1974 ; Sarah Maza, Servants and Masters in Eighteenth-Century France. The Uses of Loyalty, Princeton, NJ, 1983 ; Claude Petifrère, L’œil du maître. Maîtres et serviteurs, de l’époque classique au romantisme, Bruxelles, 1986 ; par ailleurs Jacques Depauw, « Amour illégitime et société à Nantes au XVIIIe siècle » (Annales E.S.C., 1972, pp. 1155-1182), a montré que 40  % des filles-mères incriminées sont des servantes.

30 Encyclopédie Diderot et d’Alembert, art. « Domestique, jurispr. » (signé Boucher d’Argis).

31 Claude-Joseph Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, op. cit. (note 10), I, pp. 545-546.

32 Jean-Pierre Gutton, Domestiques et serviteurs dans la France de l’Ancien régime, op. cit. (note 29), notamment pp. 9-15.

33 André Lebigre, « Inégalités sociales et droit pénal », in : Histoire du droit social. Mélanges en hommage à Jean Imbert, pub. sous la direction de Jean-Louis Haruel, Paris, 1989, pp. 357-363.

34 Claude-Joseph Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, op. cit. (note 10), I, p. 546.

35 Ibid., II, p. 775.

36 Archives d’Etat de Genève, Procès criminel (dorénavant PC) série II, 3110.

37 Le Confessions, II [1782], in : Œuvres complètes, I, Paris, 1959, pp. 84-86.

38 Affirmant que le « vol domestique sera puni de mort », une déclaration royale, datée de mars 1724, confirme la sévérité de la jurisprudence fondée peut-être dès le XIIIe siècle (« Celui qui vole son seigneur, est à son pain, à son vin, est pendable », Etablissements de Saint-Louis, I), citée dans Guy Du Rousseaud de La Combe, Traité des matières criminelles suivant l’ordonnance du mois d’août 1670 […], Paris, 6e éd„ 1762, pp. 47-48.

39 Daniel Jousse, Traité de la Justice criminelle de France […], Paris, 1771, 4 vols., « Du vol domestique », IV, pp. 202-206.

40 Pierre Lascoumes […], Au nom de l’ordre, op. cit. (note 8) ; 1791 : Titre II, sect. II, art. 8 (réclusion minimale de 8 années), p. 367 ; 1810 : art. 386, alinéa 3 (5 à 10 ans de réclusion), p. 388.

41 Discours sur l’administration de la justice criminelle, pp. 125-127 (ainsi que Voltaire, Commentaire sur le livre des « Délits et des peines », in : Trousson, op. cit. (note 1), p. 339).

42 Encyclopédie méthodique […], Jurisprudence, 10 vols, Paris, 1782-1790, VIII, art. « vol domestique » (signé De La Croix).

43 Voir par exemple Michel Porret, Le crime et ses circonstances. De l’esprit de l’arbitraire au siècle des Lumières selon les réquisitoires des Procureurs généraux de Genève, Genève, 1995, chap. V ; par contre, à Neuchâtel, Philippe Henry, Crime, justice et société dans la principauté de Neuchâtel au XVIIIe siècle (1707-1806), Neuchâtel, 1984, dénote au contraire une « spetaculaire croissance de ce crime dans la seconde moitié du siècle » (p. 539), ainsi que Jean-François Pillet, « … Tellement que l’âme soit séparée du corps… », La peine capitale à Genève au XVIIe siècle, Genève, Université de Genève, Faculté des Lettres, 1994, mémoire de licence dactylographié.

44 Discours sur l’administration de la justice criminelle, p. 85.

45 Lange, La nouvelle pratique civile et criminelle et bénéficiale, ou le nouveau praticien français, 1694 (5e éd.), seconde partie : « Des matières criminelles », livre premier, XI, « Des Vols et Larcins », p. 24 (« La circonstance du lieu aggrave sans doute le crime et le rend plus punissable ») ; Daniel Jousse, op. cit. (note 39), I, pp. 9-17.

46 Michel Porret, Le crime et ses circonstances, op. cit. (note 43).

47 François Richer, Traité de la mort civile. Tant celle qui résulte des condamnations pour cause de crime, que celle qui résulte des vœux en religion, Paris, 1755, p. 18.

48 Nous suivons ici un développement déjà esquissé dans : « Les ‘circonstances aggravantes’ du vol domestique dans la société de l’Ancien Régime selon les réquisitoires des procureurs généraux de Genève (XVIIIe siècle) », in : Benoît Garnot (éd. et direction), Ordre moral et délinquance de l’Antiquité au XXe siècle. Actes du Colloque de Dijon, 7 et 8 octobre 1993, Dijon, 1994, pp. 295-302.

49 Dès maintenant, nous renvoyons à un bref échantillon de procès criminels (« vol domestique ») instruits à Genève au XVIIIe siècle pour des vols notamment qualifiés par l’abus de confiance du serviteur envers son maître.

50 PC 10210.

51 PC 11030.

52 Claude-Joseph Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, op. cit. (note 10), p. 755 (« Ceux qui convaincus d’être entrés dans les maisons, et d’y avoir volé avec effraction, ou par le moyen de rossignols ou de fausses clefs, doivent être condamnés à être pendus »).

53 PC 9947.

54 PC 10725.

55 Respectivement : PC 13714 (le « vol domestique » ici s’aggrave par la nuit, l’escalade, la récidive, la violence et la complicité d’un comparse fugitif, condamné par contumace à quinze années de galères) et PC 14469.

56 E.M. Jurisprudence, op. cit. (note 42), III, art. « Domestique », p. 802.

57 PC 10214.

58 PC 11381.

59 Prix de la justice et de l’humanité, 1777, ibid., pp. 338-339.

60 Besterman, 11434.

61 Voir surtout : Jacques-Pierre Brissot de Warville, Discours […], in : Les Moyens d’adoucir la rigueur des lois pénates en France, sans nuire à la sûreté publique ou Discours couronné par l’Académie de Châlons-sur-Marne en 1780, Châlons-sur-Marne, 1781, ainsi que sa Bibliothèque philosophique du législateur […], pour parvenir à la réforme des Lois pénales dans tous les pays, Berlin et Paris (10 vols), 1782-1785, voir notamment les notes de Brissot qui y développe sa vision sociale de la réforme pénale.

62 « Recherches sur le droit de propriété et sur le vol, considérés dans la nature et dans la société », in : Bibliothèque philosophique, VI, p. 132.

63 Voltaire, « Lettre à Jean Vasserot de Châteauvieux [mars 1759] », in : Correspondance choisie (éd. par Jacqueline Hellegouartc’h) Paris, 1990 (Le livre de poche), pp. 579-580.

64 Pierre Pastoret, Des Lois pénales, Paris (2 vols), 1790, I, i, p. 23.

65 Prix de la justice et de l’humanité, in : Trousson, op. cit. (note 1), p. 339.

66 Commentaire sur le livre des « Délits et des peines », in Trousson, op. cit. (note 1), p. 326.

67 Ibid., Du vol domestique », pp. 326-327.

68 Prix de la justice et de l’humanité, in : Trousson, op. cit. (note 1), p. 339.

69 Discours sur les lois pénales qui a obtenu l’accessit à l’Académie de Châlons-sur-Marne, en 1780, in : Les Moyens d’adoucir la rigueur des lois pénales en France, Châlons-sur-Marne, 1781, p. 27.

70 [Joseph-Michel-Antoine Servan], Discours sur l’administration de la justice criminelle, pp. 122-123.

71 Mme de Graffigny, Lettres, Genève, 1972, p. 467 ; Lettre du 22 février 1771 à Joseph-Michel-Antoine Servan (Besterman, 12268).