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Avant-propos

André HURST

Véritable Sinaï de la culture occidentale, le mont Hélicon n’est au départ que l’une des montagnes des Muses parmi d’autres. Hésiode, au VIIe siècle avant notre ère, narre dans sa Théogonie comment il y a rencontré les Muses : il en fait alors la montagne des Muses par excellence.

Gloria immortal di Pindo e d’Elicona chante la Musique au prologue de l’Orfeo de Claudio Monteverdi : une phrase qui, dans sa belle assurance, ne fait que répéter ce que les siècles, depuis Hésiode, ont investi de pouvoir symbolique dans le culte des Muses, associé à leur montagne aussi bien sur le terrain que dans le domaine de la culture en général.

Si nous nous détournons du passé pour contempler l’avenir avec l’un des grands futurologues visionnaires de notre siècle, Isaac Asimov, nous serons frappés de ce que le personnage-clé de sa grande épopée Foundation, l’homme qui invente la science permettant d’aller jusqu’à la précision mathématique dans les sciences humaines, le savant qui totalise de la sorte le savoir, nous est présenté comme originaire de la planète Helicon…

L’alliance de toute forme de connaissance avec les Muses, et celle des Muses avec l’Hélicon marquent nos traditions comme un ostinato.

C’est pourquoi, lorsque plusieurs personnalités présentes au colloque international de Levadia sur la Béotie (septembre 1992) ont émis l’idée de transformer l’Hélicon en une réserve naturelle, cette préoccupation de sauvegarde d’un cadre naturel nous est apparue comme solidaire de la sauvegarde d’un site culturel de la plus grande importance : le val des Muses et son sanctuaire, le « Musée », auquel nous devons probablement le mot même de « musée », tel que nous continuons de l’utiliser à la suite des anciens.

Cette conjonction de vues entre protection de la nature et sauvegarde d’un lieu de mémoire de notre culture nous a poussés à demander au WWF de manifester son intérêt pour le site. Il le fait, et son directeur général a bien voulu ouvrir notre colloque avec un texte que nous publions dans le présent volume.

Au vu de la liste des contribuants et de la diversité complémentaire des voies d’approche, on constatera que le colloque La montagne des Muses se situe bien dans la lignée des colloques internationaux sur la Béotie antique inaugurés par Albert Schachter et son équipe à l’Université McGill de Montréal en 1971, et qui, depuis lors, ont eu lieu à Québec (Université Laval), Lyon (maison de l’Orient méditerranéen), Munich, Bradford. Ils ont également opéré par deux fois une jonction avec les colloques de la Société d’études béotiennes de Grèce, en Grèce même, à Thèbes puis à Levadia. Ce colloque est pourtant le premier de la série qui soit monothématique. Le désir de concentrer les intérêts des participants sur une montagne ne semblait pas disconvenir à une rencontre scientifique qui se tenait en Suisse.

L’organisation matérielle du colloque genevois a été facilitée par des personnes et des institutions qu’il convient ici de remercier : le décanat de la Faculté des lettres, le département des sciences de l’antiquité, le Fonds général de l’Université et la commission administrative du rectorat de l’Université de Genève ont joint leurs efforts pour mettre à disposition les crédits nécessaires à la tenue du colloque et à sa publication. Qu’ils en soient sincèrement remerciés.

Le comité scientifique de la Fondation Hardt a autorisé l’utilisation de locaux de la Fondation pour que s’y déroule le colloque. Le président de la Fondation Hardt, monsieur Olivier Reverdin, professeur honoraire de notre Université, a non seulement soutenu notre demande auprès du comité scientifique, mais il a également participé à nos travaux. Notre gratitude va tant à l’institution qu’à son président.