La réorganisation du concours des Mouseia à l’époque hellénistique : esquisse d’une solution nouvelle
« C’est là (i.e. dans le bois sacré du Val des Muses) que les Thespiens célèbrent une fête et un concours appelés Mouseia. Ils ont aussi une fête en l’honneur d’Eros, de sorte que ce n’est pas seulement aux musiciens mais aussi aux athlètes qu’ils décernent des prix » (Paus. IX, 31, 3 : ϰαὶ ἑορτήν τε ἑνταῦθα οἱ Θεσπιεῖς ϰαὶ ἀγῶνα ἄγοοσι Μουσεῖα ἄγουσι δὲ καί τῷ Ἔρωτι, ἇθλα οὐ μουσικοῖς μόνον ἀλλα ϰαὶ ἀθληταῖς τιθέντες). Ce bref passage de la Périégèse — dont la seconde partie n’a du reste pas toujours été bien comprise ni même correctement éditée1 — est un des très rares témoignages littéraires que l’on ait sur les Mouseia. Le concours en question n’avait pourtant pas été négligé par les érudits de l’époque hellénistique, mais l’on n’a conservé (exception faite d’un fragment) ni l’ouvrage général d’Amphion de Thespies sur le Mouseion de l’Hélicon2 ni le traité que l’historien Nikokratès avait consacré spécialement au concours qui y était organisé3. A défaut, on ne peut guère citer, à côté de Pausanias, qu’une allusion chez Plutarque, texte d’ailleurs bien intéressant puisqu’il établit que les Mouseia et les Erôtideia étaient, à l’époque de cet écrivain tout au moins, des concours pentétériques ou, si l’on préfère, quadriennaux4. Mais c’est à l’épigraphie que l’on doit l’essentiel des connaissances acquises aujourd’hui sur cette fête de la « musique » : type et nombre des épreuves, origine des concurrents, titre et fonction des magistrats responsables de l’organisation du concours. Sans les inscriptions qui, à Thespies et parfois loin de là, mentionnent ce dernier, on ignorerait tout de son statut et de sa place dans le système agonistique grec, on n’aurait pas la moindre idée des réformes ou des vicissitudes qu’il put subir au cours du temps. Son histoire, en un mot, serait à peu près insaisissable.
I. — Constitution du dossier épigraphique jusqu’à la synthèse de P. Jamot
Dès avant l’exploration de l’hiéron par l’Ecole française d’Athènes à la fin du XIXe siècle, quelques documents avaient jeté un peu de lumière sur ces questions. Certes, les premières inscriptions copiées au Val des Muses ou ailleurs en Béotie par les voyageurs — ainsi les deux catalogues de vainqueurs qui figurent déjà dans le vieux Corpus de Boeckh (CIG 1585-1586 = IG VII 1773 et 1776) — n’avaient guère fait que confirmer le témoignage du Périégète, à savoir qu’au IIe et même encore au IIIe siècle de notre ère les Mouseia étaient toujours fréquentés par une troupe honorable de poètes, de musiciens et d’acteurs. Mais une inscription trouvée bien loin de là, à Délos, et parvenue vers 1800 au Musée du Louvre avait, très tôt aussi, apporté la preuve — si besoin était — que le concours remontait à l’époque hellénistique et, chose plus importante, qu’il jouissait alors d’un grand prestige dans tout le monde grec, puisque ce décret datant des alentours de 170 avant J.-C. et émanant du Koinon des technites dionysiaques de l’Ionie et de l’Hellespont et de ceux de Dionysos Kathégémôn siégeant à Téos (CIG 3067 = IG XI 4, 1061) met les Mouseia de Thespies célébrés en l’honneur des Muses Héliconiades sur le même plan que les Pythia et les Sôtéria de Delphes et qu’une fête thébaine que l’on a cru longtemps être les Hérakleia, alors qu’il s’agit en réalité du concours musical des Agriônia5. Plus tard, en 1866, P. Decharme6 découvrit dans ses fouilles de Thespies (Erimo-kastro) un catalogue (IG VII 1760 = Michel, 891), qui faisait voir que, vers 100 avant J.-C., une association d’acteurs participait effectivement à l’organisation du concours, placé alors sous la direction de divers magistrats thespiens et d’un représentant des technites. Par ailleurs, deux décrets fort importants — quoique mutilés l’un et l’autre — étaient copiés par H.G. Lolling, l’infatigable voyageur à qui l’on doit la connaissance de tant d’inscriptions béotiennes7 : le premier, rédigé en dialecte (IG VII 2410), semblait émaner de Thèbes (où la pierre avait en tout cas abouti dès avant 1878), tandis que le second, repéré à Thespies même en 1885, était de toute évidence un décret attique (IG VII 1735) ; or, de ces documents datant de la haute époque hellénistique il ressortait que l’ἀγὼν θυμελιϰός des Thespiens avait fait l’objet d’une « acceptation » de la part de diverses cités ou communautés, qui en avaient reconnu le caractère stéphanite ou « sacré » et le statut équivalent à celui des Pythia (στεφανίτης ἰσοπύθιος), notamment en ce qui concerne les récompenses à décerner par les cités aux poètes et musiciens vainqueurs. En outre, si le décret « thébain » suscitait la curiosité par la mention qu’il fait d’une reine, malheureusement anonyme, et très certainement aussi d’un roi, l’autre inscription avait le très grand intérêt de mettre en évidence le rôle joué en cette affaire par les Βοιωτοί, c’est-à-dire la Confédération béotienne, aux côtés des Thespiens. De tout cela l’éditeur des IG VII, l’excellent W. Dittenberger, tirait la conclusion raisonnable que le concours des Mouseia n’avait pas dû être institué avant le milieu du IIIe siècle avant J.-C.8
Cependant, à l’époque même où s’élaborait ce corpus monumental (paru finalement en 1892), Paul Jamot, on le sait, mettait au jour les vestiges du sanctuaire des Muses. Sa fouille s’acheva certes dès l’été 18909, mais c’est dans un article de 1895 (BCH XIX, pp. 313 sqq.) qu’il entama la publication des très nombreuses inscriptions découvertes par lui tant au Val des Muses qu’en d’autres endroits du territoire de Thespies, en commençant précisément par les textes relatifs aux Mouseia (et, secondairement, aux Erôtideia). Plusieurs d’entre eux étaient — et sont restés — d’une importance capitale pour l’histoire du concours. Il s’agit, en premier lieu, du décret d’acceptation des technites de l’Isthme et de Némée (Jamot n° 1), qui fut aussitôt reproduit par Dittenberger dans la 2e édition (1898) de sa Sylloge (n° 693 = Syll.3 457), de même que, très peu après (1900), par Ch. Michel dans son Recueil (n° 1012). L’importance de ce document tient notamment au fait qu’il est contemporain de la première célébration du concours stéphanite (ὁ θυμελιϰὸς ἀγὼν στεφανίτης πρῶτον ἐγένετο, proclame l’inscription en guise de préambule), concours dont on voit qu’il devait déjà exister, avec un statut différent, avant la démarche des Thespiens et du Koinon béotien auprès de l’association des technites ; par ailleurs, on y apprend — et ce n’est point chose négligeable pour la chronologie — le nom du personnage qui, ayant été la cheville ouvrière de cette promotion des Mouseia, assuma tout naturellement les fonctions d’agonothète du concours désormais reconnu comme stéphanite : ce notable thespien10 s’appelait Hiéroklès. D’un intérêt historique équivalent est l’inscription publiée par Jamot sous le n° 6 (Michel, 891), puisque ce catalogue en koinè donne non seulement la liste des cinq épreuves qui constituaient le nouveau concours thymélique, mais qu’il fournit aussi le moyen de préciser l’époque de la réorganisation des Mouseia : en effet, à la date où eut lieu, sous l’agonothésie d’Ariston (donc nécessairement après le mandat d’Hiéroklès), cette édition du concours, l’archonte éponyme de Thespies était Philon, celui d’Onchestos (autrement dit de la Confédération béotienne) Lykinos ; or, l’archonte Philon réapparaissait dans un document édité également par Jamot en appendice à son article de 1895 (n° 29)11, à savoir la donation faite aux Thespiens par un roi Ptolémée et une reine Arsinoè en vue de l’achat de terres sacrées (en relation très probable, sinon assurée, avec le culte des Muses). Pour diverses raisons, l’éditeur proposait d’identifier ces souverains à Ptolémée II Philadelphe (285-246) et à sa sœur-épouse Arsinoè II (plutôt qu’à Ptolémée IV Philopator, époux lui aussi d’une Arsinoè), ce qui l’amenait à faire remonter la réorganisation des Mouseia aux alentours de 250. C’est donc ce même Philadelphe qu’il pensait devoir retrouver dans le décret « thébain » publié par Lolling (IG VII 2410 ; repris sous le n° 3), inscription dont il suggérait par ailleurs qu’elle devait être en réalité une pierre apportée de Thespies. Enfin, il faisait connaître un document très mutilé témoignant « de négociations entre la ville de Thespies et un prince étranger à propos des jeux Μουσεῖα » (n° 4), prince dont il montrait que ce devait être aussi un Ptolémée puisque l’inscription fait mention d’une lettre écrite par « sa sœur » (1. 11 : ἅ μὲν ἐγράφη παρά τῆς ἀδελφῆς). Mais pour Jamot il ne pouvait s’agir ici du deuxième ni même du quatrième roi de ce nom : dans le document, en effet, il est question d’un concours de poètes ou d’acteurs tragiques (l. 13 : τραγωδῶν), alors qu’il n’y pas traces d’épreuves scéniques, au témoignage des catalogues, avant le milieu du IIe siècle. On devait par conséquent avoir affaire à Ptolémée VI Philométôr (180-145) et il fallait admettre qu’une seconde réorganisation des Mouseia, avec élargissement du programme, était intervenue peu avant les troubles de 146, environ un siècle après la première. Telle était la position du valeureux fouilleur du sanctuaire des Muses.
II. — Du réajustement chronologique de M. Holleaux à la réinterprétation globale de M. Feyel
Mais dès 1895 aussi Maurice Holleaux avait entrepris de publier le fruit de ses recherches d’épigraphie béotienne et il allait, chemin faisant, toucher à la chronologie qui sous-tendait la reconstitution historique de son camarade P. Jamot. Reprenant en profondeur et améliorant sur plusieurs points, en 1897, « l’acte relatif à une concession de terres faite aux Thespiens par un roi Ptolémée »12, il fit valoir de bonnes raisons d’identifier à Ptolémée IV — plutôt qu’à Ptolémée II avec l’éditeur — ce roi époux d’une Arsinoè. Et en 1900, il revenait sur la question pour alléguer d’autres arguments en faveur de sa chronologie13, le principal étant que l’archonte fédéral Lykinos, qui, on l’a vu, date la plus ancienne des listes de vainqueurs aux Mouseia (Jamot n° 6= Michel, 891) venait de réapparaître dans un des huit catalogues militaires d’Akraiphia publiés par P. Perdrizet (BCH 23, 1899, p. 200, n° VIII) ; or, il ressortait clairement de cet ensemble de documents14 que Lykinos ne pouvait pas avoir assumé l’éponymie fédérale avant la fin du IIIe siècle. C’est donc entre 215 et 203 (dates alors admises pour, respectivement, le mariage et la mort du roi Ptolémée IV) qu’il fallait placer cet archontat et, partant, la réorganisation des Mouseia, puisque, selon Jamot, le couple royal mentionné dans le décret « thébain » relatif à ce concours avait toutes chances de ne faire qu’un avec celui qui est l’auteur de la donation aux Thespiens. Mais cette importante conséquence passa le plus souvent inaperçue des érudits travaillant, avant la seconde guerre mondiale, sur tel ou tel aspect des concours musicaux15. Il est vrai que Jamot lui-même, s’il accepta d’emblée — dans un article de 1902 que, curieusement, l’on ne voit cité nulle part16 — la nouvelle datation de l’archonte Lykinos, crut pouvoir rester, en gros, fidèle à ses premières conclusions, estimant probable que la réorganisation de la fête avait précédé de « plusieurs pentaétéries » (sic) le catalogue daté par cet archonte.
En fait, c’est seulement avec Michel Feyel que s’imposa la chronologie basse de Holleaux. Cet élève du maître de l’épigraphie hellénistique eut d’abord le mérite de revoir sur la pierre la plupart des inscriptions relatives aux Mouseia et publia ou republia, dès 1936, un document qui, s’il ne se rapportait pas directement à ce concours, n’en était pas moins d’un grand intérêt pour la question qui nous occupe : c’est un bail de Thespies faisant mention d’un prêtre des Muses qui, sous l’archontat local d’Eudamos, avait constitué une fondation dont les revenus devaient permettre l’achat de bœufs « pour le sacrifice des Mouseia pentétériques » (ἐv τῆ θυσίη τῶν πεντεFετείρων Μωσείων)17. A la date de cette inscription — fixée aux alentours de 225 par Feyel — le concours était donc déjà pentétérique, de sorte que, sur ce point, sa réorganisation à la fin du IIIe siècle n’aurait apporté aucun changement. Conclusion en apparence mineure, mais qui paraît avoir pesé lourdement sur la reconstitution des faits que le savant français a tentée dans sa Contribution à l’épigraphie béotienne (1942)18, en rééditant de façon critique les textes les plus significatifs du dossier. Voici comment, selon lui, il conviendrait d’interpréter les données à disposition :
1. Loin de se rapporter à une seconde réforme des Mouseia qui ne daterait que du milieu du IIe siècle comme l’éditeur pensait l’avoir établi, les vestiges de lettres royales publiés par Jamot (n° 4 = Contribution, pp. 103 sqq., n° 5) témoigneraient d’une phase primitive des négociations menées par les Thespiens sur cette question. En effet, estime Feyel, la réponse de ces rois ou reines (au nombre de trois et pas seulement de deux) ne concernait pas encore l’institution de l’agôn thymélikos ou sa transformation en un concours « sacré » (stéphanite) mais un concours scénique, avec épreuves de dithyrambe (aulètes choraux), de tragédie et de comédie organisées tous les quatre ans en l’honneur des Muses (C, ll. 2-3 : εἰς τὸν ϰατὰ πενταετηρίδα συντελού[μενον ὑφ’ ὑμῶν (?) ἀγῶνα ταῖς Ἑλικω]νίασιν Μ[ο]ύσαις αὐλητῶν ϰαὶ τραγωιδῶν [ϰαὶ ϰωμωιδῶν])19. Ce qu’auraient fait les Thespiens dans un premier temps — mais déjà, notons-le, avec l’appui du Koinon béotien —, c’est de solliciter la générosité de quelques souverains (dont très certainement le Lagide et son épouse) sans doute en vue d’obtenir des prix20 pour les vainqueurs à ce concours scénique.
2. Peu après, toutefois, les Thespiens se seraient ravisés, et c’est alors seulement qu’ils instituèrent21, toujours en accord avec la Confédération, l’agôn thymélikos constitué des cinq épreuves, concours qu’ils s’appliquèrent à faire reconnaître comme stéphanitès et isopythios par diverses autorités. A cette décision se rapporterait en premier lieu l’inscription copiée à Thèbes, dont Feyel procura une édition améliorée (Contribution, p. 100 sqq., n° 4) en montrant qu’elle émanait nécessairement de Thespies, comme Jamot l’avait soupçonné : car ce décret fait référence, selon toute probabilité, aux lettres royales mentionnées ci-dessus et il se trouve en tout cas inscrit sur une stèle de marbre blanc semblable à celle que portaient ces lettres. Par ailleurs, les Thespiens firent graver sur des blocs de calcaire gris toute une série de décrets d’acceptation votés par d’autres cités ou communautés. Le document essentiel, là, est le décret du Koinon des technites de l’Isthme et de Némée, que Feyel ne jugea pas nécessaire de rééditer22. En revanche, il reprit et compléta le document « attique » disposé sur deux colonnes pour montrer, avec de très bons arguments, qu’il s’agissait d’un décret non pas de la cité d’Athènes mais de la synodos des technites d’Athènes23 (Contribution, p. 90 sqq., n° 2). Il réinterpréta de façon également intéressante — sinon aussi assurée — un autre fragment en koinè (Jamot n° 5), où il proposa de voir les restes d’un décret de la ville d’Oropos24 (Contribution, pp. 96 sqq., n° 3). Toutes les autres cités de la Confédération béotienne avaient dû répondre en termes semblables, mais les blocs qui portaient leurs décisions n’ont pas été retrouvés jusqu’ici.
3. Pour ce qui est du classement des catalogues de vainqueurs, dont le nombre avait un peu augmenté depuis 189 525, Feyel n’eut pas à modifier la chronologie relative adoptée par le fouilleur du sanctuaire des Muses. Il lui fut cependant aisé de démontrer que celui-ci s’était mépris sur un point non dépourvu d’importance. Pour Jamot, en effet, le catalogue n° 7 était postérieur de « quelques années »26 au catalogue n° 6 — le plus ancien de la série — et devait être consécutif à un léger remaniement du programme, puisqu’aux cinq épreuves de l’agôn thymélikos s’ajoute là notamment une épreuve de rhapsôdoi, sans parler d’épinikia. En fait, la réapparition des mêmes personnages d’un catalogue à l’autre ne laisse aucun doute sur leur parfaite contemporanéité : si le n° 6 est plus court (quoique l’inscription soit complète), c’est qu’il se rapporte exclusivement — comme l’assure l’intitulé — au concours thymélique, tandis que le n° 7 énumère (ou plutôt énumérait, car seule la fin en est conservée) tous les vainqueurs à cette célébration des Mouseia, « sans qu’on y ait distingué par aucun signe les épreuves qui composaient le concours thymélique »27. La distinction n’en existait pas moins, en particulier pour les prix ; et, de l’avis de Feyel, elle subsista jusqu’au milieu du IIe siècle28.
4. Au dossier des Mouseia Feyel attribuait enfin trois fragments — dont un publié depuis longtemps par P. Foucart29 et les deux autres trouvés par Jamot dans ses fouilles de Thespies mais restés inédits jusque-là — contenant les vestiges de comptes tenus par des agonothètes. Etant donné que chaque agonothésie est subdivisée en deux ou trois (voire quatre) archontats, le premier éditeur avait compris que le concours administré par ces agonothètes devait correspondre à une fête pentétérique. Mais à l’opinion de Foucart admettant une agonothésie commune aux Mouseia et aux Erôtideia (puisque l’un et l’autre de ces concours était célébrés tous les quatre ans au témoignage de Plutarque30) Feyel substitua l’hypothèse bien plus vraisemblable31 que les agonothètes en question n’avaient la charge que des Mouseia. De fait, à la date de ces comptes, soit le début du IIe siècle avant J.-C.32, il n’y pas trace encore des Erôtideia.
Restait à fixer la date approximative de l’institution ou de la transformation de l’agôn thymélikos. Adoptant les conclusions de son maître Holleaux sur la fourchette délimitant l’archontat fédéral de Lykinos, soit 215-203, Feyel faisait observer que, même dans l’hypothèse où cet archonte daterait seulement de 203, la première célébration du concours ne pouvait pas être postérieure à 207, puisque l’édition datée par Lykinos et présidée par Ariston est évidemment à distinguer (comme l’avait déjà bien marqué Jamot) de celle que présida Hiéroklès au lendemain de la réorganisation : entre les deux agonothésies devait s’intercaler au moins une pentétéride. Feyel pensait d’autre part pouvoir tirer d’une phrase du décret Syll.3 457 que la première célébration eut lieu une année seulement après la réorganisation33, ce qui l’amena à placer en 208 la date-limite basse de cet événement. Quant au terminus post quem, il lui était fourni de manière certes moins précise, mais tout aussi contraignante à ses yeux, par le style de la gravure, caractéristique du dernier quart du IIIe siècle. Dès lors, c’est à Ptolémée IV (déjà marié à sa sœur Arsinoè, donc après 215 selon la chronologie alors en vigueur) qu’il jugeait le plus vraisemblable d’attribuer la dernière des trois lettres royales, lesquelles durent encore précéder, selon l’interprétation exposée ci-dessus, la création du concours stéphanite. En fin de compte, concluait l’auteur de cette étude, « je pense qu’on acceptera une date entre 215 et 208 pour la réorganisation des Mouseia »34. Quant à l’archontat de Lykinos, nécessairement postérieur d’au moins cinq ans (4 + 1) à la réorganisation en question, il se trouvait désormais, selon lui, « resserré entre 210 et 203 »35.
III. — Nouveaux documents relatifs aux Mouseia : état actuel de la question
Quoique certaines des restitutions et interprétations de Feyel aient été d’emblée mises en doute par J. et L. Robert36, on peut dire que son travail est demeuré jusqu’à aujourd’hui l’étude de référence sur le sujet. C’est ainsi, en particulier, que le regretté Paul Roesch fit sienne la chronologie proposée par son devancier en rééditant en 1965 la fameuse stèle des magistrats de Thespies, où il eut le mérite de découvrir la présence, deux fois méconnue par le premier éditeur (P. Kéramopoullos en 1933) et donc aussi par Feyel, de l’agonothète des Mouseia ; il y déchiffra également le nom d’un magistrat nouveau, « l’athlothète des Muses », qui, lui, n’apparaissait qu’une fois37. Pour dater ces listes de magistrats correspondant à deux années consécutives, il ne chercha certes pas à tirer parti de la mention des deux magistrats liés au culte des Muses (on verra ci-après, section V, comment il interprétait, au point de vue institutionnel, ces données problématiques) ; mais il fit notamment observer que l’un des polémarques de la seconde année, Euphronios fils de Molôn, avait toutes chances de ne faire qu’un avec l’Euphronios (patronyme non indiqué) qui apparaît comme ambassadeur dans la lettre attribuée désormais à Ptolémée IV38. D’autre part et surtout, il laissa voir son adhésion au système de Feyel en situant finalement la stèle en question entre 220-215 et 210-208 (souligné par moi), sans justifier la date de 215 ni celle de 208. Plus récemment39, il est vrai, Roesch avait annoncé un réexamen du dossier des Mouseia dans le cadre du corpus des inscriptions de Thespies, que la mort ne lui a pas permis d’achever, mais que l’on peut garder néanmoins l’espoir de voir paraître un jour. Rien ne laisse toutefois présager une interprétation fondamentalement différente de celle de Feyel — même si certaines relectures d’ores et déjà publiées autorisent, comme on verra, d’utiles rectifications chronologiques — puisqu’en 1989 encore l’auteur des Etudes béotiennes partageait, sans restriction apparente, l’opinion que « la réorganisation des Mouseia (…) est intervenue entre 215 et 208 »40.
Quelques divergences d’opinion, en revanche, sont perceptibles chez Albert Schachter. Dès 1961, le futur spécialiste des cultes béotiens avait apporté une intéressante contribution numismatique à l’étude des Mouseia en proposant de reconnaître la sœur-épouse de Ptolémée IV sur des bronzes hellénistiques de Thespies qui offrent au droit une effigie féminine effectivement fort semblable à celle d’un octadrachme d’or de l’atelier royal représentant Arsinoè III (sous les traits d’Arsinoè II), et au revers, avec la légende ΘΕΣΠΙΕΩΝ entourée d’une couronne de laurier, une lyre, emblème d’Apollon et des Muses41. Ce rapprochement semble d’autant plus justifié qu’au témoignage de Pausanias (IX 31, 3) une statue d’Arsinoè se dressait dans le sanctuaire thespien, sans doute en tant que dixième Muse, comme on peut l’inférer d’un commentaire à Callimaque42. Au point de vue chronologique, l’intérêt de l’identification réside dans le fait que l’émission de ces bronzes doit, selon toute apparence, être mise en relation avec la réorganisation des Mouseia ou, en tout cas, avec une intervention lagide en faveur de ce concours : or, cette frappe ne saurait guère avoir eu lieu avant 210-208, puisque la monnaie qui doit lui avoir servi de modèle fut elle-même émise en 211 seulement. Cependant, et quoi qu’on ait pu écrire à ce propos43, Schachter n’en a pas tiré une nouvelle fourchette pour dater plus précisément le moment de la réforme, se contentant d’adopter les conclusions admises depuis 1942. Dans son répertoire critique de 1981, en revanche, on le voit discuter certains points de l’enquête épigraphique de Feyel, dont il reconnaît cependant que le travail sur les Mouseia « remains the basic study for the hellenistic period »44 : c’est ainsi qu’il a remis en question — comme l’avait fait déjà Roesch, mais dans un autre sens et de façon toute provisoire — l’attribution aux technites d’Athènes du décret IG VII, 173 545 ; il a corrigé aussi un détail de l’intitulé de la donation de Ptolémée et d’Arsinoè aux Thespiens46 et il a fait intervenir un nouveau fragment de catalogue agonistique datant des alentours de 200 avant J.-C.47, qui devait enregistrer exclusivement les vainqueurs au concours thymélique, à la façon du plus ancien de la série (Jamot n° 6 : voir ci-dessus section II). Mais, pour tout l’essentiel, Schachter est resté fidèle, lui aussi, à la reconstitution de Feyel, jugeant que « the general picture he gives is clear enough », acceptant en particulier que le concours ait été pentétérique dès avant la réorganisation de la fin du IIIe siècle et croyant également que celle-ci fut précédée par une démarche des Thespiens et du Koinon béotien auprès de divers souverains. Au total, cette réforme lui paraît avoir été « fairly limited and modest », puisqu’elle n’aurait point été sanctionnée par l’octroi de l’asylie amphictionique48 (à la différence de ce qui se passa vers la même époque pour les Ptôia d’Akraiphia et les Agriônia de Thèbes) et que le concours ne serait devenu panhellénique, au sens technique du terme, qu’au début du second siècle, dans des circonstances inconnues49.
En fait, la seule voix véritablement discordante a été, tout récemment, celle de Kent J. Rigsby50, qui — à propos du nouveau décret d’Haliarte mentionnant incidemment les Mouseia (SEG XXXII, 456, 20 : ϰαθάπερ ϰὴ ἐν τὰ Μωσεῖα) — a suggéré de dater la réorganisation du concours des alentours de 230 (en raison notamment de la mention des Mouseia pentétérique dans le bail thespien cité ci-dessus) : elle serait antérieure à celle des Ptôia (et des Agriônia). Mais ce faisant, il n’a pas essayé de redéfinir le contenu de la réforme, ni surtout d’expliquer quel rôle Ptolémée IV et son épouse avaient pu jouer en cette affaire si (comme l’implique la datation qu’il a retenue) le changement de statut était intervenu sensiblement avant leur règne. L’hypothèse n’en reste pas moins intéressante. Il paraît clair, en effet, que la fête des Mouseia ne devint pentétérique qu’au moment où le concours thymélique fut réorganisé et accepté comme stéphanite, car l’histoire de l’agonistique grecque enseigne que rythme quadriennal et caractère « sacré » vont normalement de pair à l’époque hellénistique51. Mais la question qui se pose en premier lieu est de savoir si le document allégué en faveur de cette chronologie haute date bel et bien de ca. 230-220, comme Rigsby l’a admis dans le sillage de Feyel et de Roesch52.
IV. — Réexamen des données chronologiques
Un important catalogue militaire de Thespies publié en 1987 (SEG XXXVII, 385) permet de contrôler, par le biais de la prosopographie, la date de nombreux documents thespiens de la deuxième moitié du IIIe siècle avant J.-C. Ce catalogue de l’archonte fédéral Athanodôros — qui n’était pas connu jusque-là — date à coup sûr des années 240-23553. Or, deux des nombreux conscrits de vingt ans qui y sont enregistrés, Σιττάρων Διωνυσίω et Μνασίων Μνασιγένεος (ll. 5 et 25), se retrouvent, âgés nécessairement d’une cinquantaine d’années54, membres de la commission qui doit procéder à la location de terres consacrées aux Muses dans un décret daté jusqu’ici de ca. 220, mais qui ne saurait en fait, au vu de cette donnée nouvelle, être antérieur à 210-205. L’intérêt de la chose pour la question des Mouseia réside dans le fait que ce document est lié chronologiquement à deux séries de baux (BCH 60, 1936, pp. 175-183 II A-B), où figure la mention du sacrifice des Mouseia pentétériques (voir ci-dessus pp. 147-148) ; car il a été établi par Feyel55 qu’un intervalle de six ans au minimum devait séparer le premier de ces baux (archonte Charopinos) du décret (archonte Théodotos) que l’on peut dater aujourd’hui de ca. 210-200. Ce n’est donc plus de 225 environ, comme l’a encore admis R. Osborne dans une récente étude sur ce dossier thespien56, que l’on datera les documents en question, mais seulement des alentours de 215-210. A cette date, par conséquent, le concours des Mouseia avait déjà été réorganisé (car la périodicité pentétérique suppose, on vient de le voir, le statut de concours « sacré »). Cela ne suffit toutefois pas encore à prouver que la réforme eut lieu avant le règne conjoint de Ptolémée IV et d’Arsinoè (dont les spécialistes admettent aujourd’hui qu’ils commença dès 220)57. Mais déjà apparaît une difficulté assez sérieuse puisque, depuis l’étude de Schachter sur les bronzes de Thespies à l’effigie de la reine d’Egypte, il est pour le moins tentant de penser que l’action des souverains Lagides en faveur des Mouseia ne se produisit pas avant 210. Leur intervention ne semble donc guère pouvoir être antérieure à la réforme, comme l’implique la reconstitution des faits partout adoptée depuis Feyel.
Dans le même sens, c’est-à-dire contre cette façon d’ordonner les événements, va un autre calcul chronologique, qui repose sur une lecture nouvelle dans l’important catalogue des Mouseia daté par l’archonte fédéral Lykinos, lecture dont le mérite revient incontestablement à Paul Roesch (même si l’auteur des Etudes béotiennes n’a pas pu, faute de temps, en tirer parti pour la chronologie) : au lieu de lire ἀγωνοθετοῦντος τοῦ Ἀρίστωνος avec le premier éditeur (Jamot n° 6 = Michel, Recueil, 891), formulation bizarre que Feyel a essayé de corriger sans grand succès58, Roesch a lu ἀγωνοτεθοῦντος τὸ β’ Ἀρίστωνος. Ainsi Ariston fut deux fois agonothète des Mouseia59. Il s’ensuit que la réorganisation du concours se fit au moins huit ans plus tôt, puisque la première célébration de l’agôn thymélikos eut lieu, on s’en souvient, sous l’agonothésie d’Hiéroklès (Syll.3 457, l. 2). D’autre part, le terminus ante quem pour l’archontat de Lykinos est désormais l’année 204, date assurée de la mort de Ptolémée IV60. Par conséquent, c’est au plus tard en 212 (204 + 8) que doit être placée la réorganisation. Mais cette date théorique n’a pratiquement aucune chance de correspondre à la vérité, et cela pour trois raisons. D’abord, comme Feyel l’admettait à juste titre (mais en croyant à tort pouvoir fonder son opinion sur une disposition du décret des technites de l’Isthme), il faut supposer l’intervalle d’au moins une année entre l’acceptation de la réforme et sa réalisation dans les faits. Ensuite, rien n’indique que Lykinos ait assumé l’éponymie fédérale en 204 seulement ; il y a, au contraire, des arguments — que j’ai développés ailleurs61 — pour préférer une datation aux alentours de 209 ; rappelons toutefois ici qu’une nouvelle donnée prosopographique fournit un précieux terminus post quem : en effet, depuis la publication du catalogue militaire thespien déjà cité au début de cette section, on sait que Λόμβαξ Εὐδάμου, presque certainement identifiable (vu la rareté du nom) au père du personnage qui, sous Lykinos, fut le porte-flambeau (pyrphoros) des Mouseia, Εὔδαμος Λόμβακος, était encore conscrit, et donc âgé de vingt ans, sous l’archonte Athanodôros (SEG XXXVII, 385,1. 10), soit vers 240-235 ; son fils n’ayant évidemment pu exercer cette fonction religieuse (qui, certes, n’était pas une véritable magistrature62) avant d’avoir atteint lui-même l’âge de vingt ans, il s’ensuit qu’un intervalle d’une génération (c’est-à-dire pas moins de 25 à 30 ans) doit séparer cet archontat de celui de Lykinos, à placer dès lors vers 210 au plus tôt. Enfin, il n’est nullement prouvé que l’agonothète Ariston ait directement succédé dans cette charge à Hiéroklès le « fondateur » et pas davantage que sa seconde agonothésie soit immédiatement consécutive à la première. En fait, l’existence d’au moins un intermédiaire est bien probable, car dans la stèle des magistrats de Thespies, placée par Roesch vers 220-210, cet épigraphiste a déchiffré le titre et le nom d’un agonothète des Mouseia (et il s’agit là, à coup sûr, de la fête pentétérique : voir ci-après section V) qui se trouve n’être ni Hiéroklès ni Ariston, mais Ktésiklès fils de Saôn63 : or, si elle ne peut guère être antérieure à 210, la date de cet important document ne semble pas pouvoir être abaissée autant que l’a naguère proposé Christian Habicht64, qui pense devoir la situer vers 190 : car une fois de plus le nouveau catalogue thespien, qui n’était pas encore connu de ce savant, fournit le moyen de contrôler la chronologie reçue, puisque deux des conscrits sous Athanodôros réapparaissent dans la première liste de la stèle des magistrats, à savoir Ἀρίστων Διωνυσίου et Μίλλει Φίλωνος, l’un comme hendékarchos et l’autre comme paidonomos, ce qui suppose qu’ils avaient alors une cinquantaine d’années et interdit donc de descendre beaucoup après 210-205 (en 190 ils seraient décidément trop âgés ; et, s’il s’agissait alors de leurs petits-fils homonymes, on aurait affaire à des hommes bien trop jeunes pour une fonction telle que la paidonomia65).
Bref, même si Lykinos ne datait que de 205 environ et qu’il fallait réduire à trois pentétérides l’intervalle entre cet archontat (= 2e agonothésie d’Ariston) et l’agonothésie d’Hiéroklès, on obtiendrait pour la réorganisation des Mouseia une date antérieure à 218 (205 + 12 + 1). Autrement dit, on ne voit pas comment cette réforme pourrait avoir été encore précédée par une démarche des Thespiens à Alexandrie auprès de Ptolémée IV et d’Arsinoè, même si le mariage des souverains lagides, longtemps fixé à l’année 215, puis à 217, est maintenant, on l’a vu, placé en 220 déjà. Car qui croira que les Thespiens vinrent solliciter, dès 219 ou 218, ce « jouvenceau peu énergique »66 et sa sœur-épouse à peine nubile ? Il y a donc nécessairement quelque chose d’erroné dans la reconstitution de Feyel.
V. — Concours annuel et concours pentétérique
De fait, l’hypothèse — trop docilement acceptée — d’un revirement des Thespiens dans cette affaire était a priori suspecte, d’autant plus que l’on se trouvait contraint d’admettre que la Confédération béotienne, qui fut toujours à leurs côtés, avait comme eux changé d’avis, en l’espace de peu d’années, sur le statut à donner aux Mouseia : l’invraisemblance, à cet égard, est patente. Ce qui a induit en erreur l’épigraphiste français, c’est — outre la conviction que le concours devait avoir été pentétérique dès avant sa réorganisation — le silence observé, dans la réponse du souverain lagide (la moins mal conservée des lettres royales gravées sur le « monument de calcaire gris ») à l’endroit du concours stéphanite. Mais l’argument ex silentio est toujours sujet à caution : s’il n’est pas question de l’agôn thymélikos dans ce document, ce n’est point, en effet, parce que ce concours était encore à créer ou à réformer — puisque la mention qui y est faite de la pentétèris prouve au contraire qu’il existait alors déjà un concours quadriennnal, donc stéphanite (voir ci-dessus section III in fine) — mais, tout simplement, parce que les Thespiens avaient fait porter leur demande sur autre chose. Et quoi donc ? Il ressort assez clairement de l’inscription, même si les suppléments de Feyel, en cette partie du texte (C, ll. 1-4), ne peuvent pas être tous acceptés tels quels67, que la reine (?) avait institué des prix (la restitution ἇθλα paraît effectivement s’imposer avec le verbe τίθησι, qui a ici son sens technique68). Il est sûr, d’autre part, que le concours pour lequel on prévoyait ces prix était scénique (dithyrambe, tragédie et comédie), car on lit et restitue en toute certitude, après le nom des Muses, les mots αὐλητῶν ϰαὶ τραγωιδῶν [ϰαὶ ϰωμωιδῶν]. Mais c’est à tort que l’on a cru pouvoir tirer de l’expression qui précède, εἰς τὸν ϰατὰ πενταετηρίδα συντελού[μενον (…) ἀγῶνα ταῖς Ἑλιϰω]νιάσιν Μούσαις, que le concours musical en question était pentétérique. En réalité, il est infiniment plus probable qu’étant thématitès (ou talantiaios) il ait été annuel comme, par exemple, L’agôn mousikos des Artémisia d’Erétrie, avec ses prix en espèces dont on a le catalogue détaillé69. Mais lorsque fut institué l’agôn thymélikos pentétérique, la célébration des Mouseia traditionnels dut connaître, tous les quatre ans, un succès plus grand et revêtir un éclat particulier. C’est exactement pour cette célébration ϰατὰ πενταετηρίδα du concours musical annuel des Mouseia que les Thespiens sollicitèrent la générosité des rois et notamment celle des souverains de l’Egypte, particulièrement attachés au culte des Muses70. Donc, à l’époque où eut lieu cette démarche, la réorganisation du concours était chose faite71. Mais, bien entendu, les Thespiens profitèrent des liens noués, ou resserrés alors avec la monarchie lagide pour demander au roi Ptolémée et à la reine Arsinoè — de même, sans doute, qu’à Antiochos III et à Philippe V — d’accepter à leur tour le concours thymélique comme stéphanite : tel est l’objet du décret pseudo-thébain (en réalité thespien) IG VII, 2410, dont Feyel a bien montré qu’il avait dû être gravé sur le même monument que les lettres royales.
Que le concours annuel ait subsisté, un certain temps au moins, après l’institution du concours quadriennal, on en a plus d’un indice, sinon la preuve formelle. Il y a d’abord celui, indirect, que fournit la mention du « sacrifice des Mouseia pentétériques » dans le bail daté maintenant de 215 environ (voir ci-dessus section IV). Cette expression, à Thespies même, n’a en effet de sens que si, à côté du sacrifice ouvrant le concours thymélique célébré tous les quatre ans, existait une cérémonie semblable — mais évidemment moins solennelle — pour le concours qui, comme par le passé, était organisé chaque année. Cette cérémonie annuelle est d’ailleurs expressément mentionnée par Pausanias, qui, à propos du héros Linos, indique qu’« on lui rend un culte chaque année avant le sacrifice offert aux Muses » (IX 29, 3 : τούτωι ϰατὰ ἔτος προ τῆς θυσίας τῶν Μουσῶν ἐναγίζουσι)72. Un autre indice, direct celui-là, apparaît dans la fameuse stèle des magistrats de Thespies, où, comme on l’a vu, les deux listes annuelles font mention d’un agonothète des Mouseia : car la relecture de Roesch a établi aussi que, dans le premier catalogue, personne n’avait été désigné pour remplir cette magistrature (il y a un vacat après le titre). De façon assez naturelle — puisque, comme il l’écrit, « les concours n’avaient lieu que tous les quatre ans »73, l’éditeur en a conclu que cette magistrature ne devait pas être pourvue chaque année. A la lumière des comptes publiés par Feyel, on constate cependant que l’agonothète (très certainement celui des Mouseia) restait en fonction pendant la durée de quatre archontats (voir ci-dessus section II, 4) : il vaut donc mieux penser que si l’on n’a pas mentionné, en l’occurrence, le titulaire de la charge (dont il paraît nécessaire de penser qu’elle était occupée, à moins d’un accident), c’est que l’agonothète, cette année-là, ne faisait point partie de la liste des assermentés annuels (cf. Thespies, p. 9, l. 61 : Ἐπιγένειος ἄρχοντος, ἀρχὴ ἐσσώμοσσαν74). Mais qu’en est-il de l’athlothète des Muses qui, lui, n’apparaît que dans la première liste75, c’est-à-dire précisément l’année où l’on n’eut pas besoin, selon toute apparence, de désigner un nouvel l’agonothète ? Roesch a supposé que « ce magistrat était en fonction dans l’année qui précédait celle des Mouseia »76. J’en inférerais plutôt, pour ma part, que la fonction de l’athlothète était, à Thespies, de s’occuper du concours annuel, avec ses prix en espèces, d’où l’absence de ce magistrat dans les catalogues de vainqueurs, qui se rapportent tous à la célébration du concours pentétérique. Si donc la liste de la seconde année n’en fait nulle mention, c’est très probablement parce que l’agonothète, lors de la pentétèris, prenait en charge l’ensemble du concours, y compris la partie non stéphanite.
Au reste, les deux premiers catalogues connus (Jamot nos 6 et 7 = IG VII, 1762) — dont Feyel a eu le mérite d’établir la parfaite contemporanéité — montrent de manière indiscutable qu’à la fin du IIIe siècle les deux volets du concours formaient déjà un tout (puisque le second de ces catalogues devait recenser l’ensemble des victoires remportées lors de la pentétèris) mais que le concours stéphanite, avec ses cinq épreuves thyméliques, restait néanmoins à part (au témoignage du premier catalogue) sur le plan des prix notamment. Je ne crois nullement indispensable, en effet, de supposer une espèce de dédoublement, comme l’a fait (ou a été, en tout cas, tenté de le faire) P. Amandry77 en s’inspirant du parallèle qu’offrent les Charitésia et les Homolôia d’Orchomène — deux concours distincts, mais dont le programme, au vu des catalogues de la basse époque hellénistique, était pratiquement identique : selon ce savant, les épreuves thyméliques des Mouseia auraient été jouées deux fois, une série ayant le caractère stéphanite, l’autre non. Il me paraît bien plus simple d’admettre l’existence, à côté du concours thymélique quadriennal, d’un concours annuel (essentiellement scénique), mais dont la célébration coïncidait, tous les quatre ans, avec celle du concours « sacré » ou panhellénique.
Relevons enfin qu’il n’y a plus trace de cette distinction dans les inscriptions du IIe siècle : si Feyel a cru qu’elle subsistait encore, c’est qu’il s’appuyait sur une lecture fautive de Jamot, rectifiée naguère par Roesch78. La disparition de l’agôn thymélikos (non pas certes en tant que tel, mais en tant que concours stéphanite à part) me semble devoir — jusqu’à preuve du contraire — être mise en relation avec une réforme consécutive à un événément politique de première importance (mais dont les conséquences n’ont pas toujours été suffisamment reconnues par les modernes), à savoir la dissolution de la Confédération béotienne en 172/179. Le Koinon avait en effet été étroitement associé à l’organisation de la fête pentétérique, qui demeura ensuite sous son patronage, comme l’atteste le catalogue daté par l’archonte fédéral Lykinos (où les concurrents béotiens, chose significative, portent l’ethnique fédéral)80. Après 171 — terminus post quem pour tous les autres catalogues81, puisqu’ils ne mentionnent plus cet éponyme et ne font plus usage de l’ethnique fédéral —, la cité de Thespies, réduite désormais à ses seules forces, dut vouloir simplifier les choses en se bornant à célébrer le concours quadriennal, dont toutes les épreuves furent, sans doute tacitement, acceptées comme stéphanites. On constate en tout cas que, vers 170 déjà (un peu avant l’éviction des Déliens en 166), le décret des technites de l’Ionie et de l’Hellespont range les Mouseia de Thespies — et pas seulement l’agôn thymélikos — aux côtés des Pythia, des Sôteria de Delphes et des Agriônia de Thèbes82, les considérant donc tous quatre comme des concours « sacrés » parfaitement équivalents au point de vue du statut. Mais il n’y a pas à tirer de ce document, comme le fait curieusement A. Schachter83, un terminus ante quem pour l’accession du concours à la catégorie « panhellénique » (au sens technique du terme) : car la promotion fut la conséquence immédiate de l’acceptation de l’agôn thymélikos comme concours stéphanite. C’est alors aussi — et alors seulement, on l’a vu — que les Mouseia devinrent, pour une partie de leur programme au moins, une fête et un concours pentétériques.
VI. — Retour final sur la date de la réorganisation des mouseia
Peut-on, pour conclure, fixer avec plus de précision le moment de cette réorganisation qui marqua un tournant décisif dans l’histoire du concours ? Si les alentours de 220 constituent désormais un sûr terminus ante quem, il paraît clair également qu’une promotion de ce type ne saurait être beaucoup plus ancienne. L’histoire générale des concours grecs suffirait à l’établir, puisque le premier concours à avoir ainsi changé de statut avec l’accord de la communauté hellénique est celui des Sôtéria en 247/684. De fait, la décennie 230-220 se caractérise, en Béotie même, par une réactivation très remarquable des cultes civiques : vers 22 585, la cité d’Akraiphia d’une part et celle de Thèbes d’autre part font reconnaître par l’Amphictionie, avec l’appui du Koinon béotien, l’asylie de leur grand sanctuaire respectif et réorganisent les fêtes qui s’y déroulent86 ; à Lébadée, par ailleurs, est entreprise la construction du grand temple de Zeus, là encore sous l’égide de la Confédération87. Thespies n’a pas pu rester en dehors de ce vaste mouvement de politique religieuse. Le décret d’Haliarte réinterprété par K.J. Rigsby donne même à penser que la réorganisation des Mouseia précéda de peu celle des Ptôia (et donc aussi celle des Agriônia contemporains), puisque cette inscription fait en quelque sorte référence au concours thespien pour le paiement des frais occasionnés par la participation au sacrifice en l’honneur d’Apollon Ptôieus88. Il existe en outre, parmi les actes amphictioniques datables des alentours de 225 avant J.-C., un document fragmentaire qui se rapporte très certainement à l’asylie d’un sanctuaire béotien89. Or, comme on connaît déjà les décrets relatifs au Ptôion et au Dionysion de Thèbes, je suggère d’y voir les restes du décret par lequel l’Amphictionie accordait aux Thespiens l’asylie du sanctuaire des Muses, et cela en relation directe avec la réorganisation du concours entreprise sous l’égide du Koinon béotien. Les oracles (chresmoi) d’Apollon dont fait mention le décret des technites dionysiaques de l’Ionie et de l’Hellespont exposé à Délos (IG XI, 4, 1061, l. 14) montrent bien, au surplus, que le dieu de Delphes — car il ne peut s’agir que de lui dans un document qui concerne notamment la participation de ces acteurs aux Pythia et aux Sôtéria — fut également consulté au sujet des Mouseia. Cette consultation de l’oracle, préalable à toute entrée en matière de la part de l’Amphictionie, dut avoir lieu aux alentours de 230, en tout cas avant la fin des années 220, époque à laquelle les relations des Béotiens avec les Etoliens, maîtres du sanctuaire delphique, cessèrent tout à fait d’être cordiales90. La démarche auprès de Ptolémée IV et d’Arsinoè, survenue vraisemblablement, comme on l’a vu, vers 210-208, n’a donc décidément pas pu précéder la réforme du concours : elle l’a suivie au contraire — en dépit de ce que l’on a pu croire dans le sillage des travaux par ailleurs si méritoires de Michel Feyel — d’une bonne quinzaine d’années, ce qui ne saurait étonner quand on prend en compte les vicissitudes politiques d’une période troublée entre toutes.
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1 On en a en effet souvent tiré la conclusion que les Erôtideia, concours essentiellement gymnique (et un peu hippique) comportaient aussi des épreuves musicales (cf. notamment J.G. Frazer, Pausanias’s Description of Greece V, London, 1897 [19132], pp. 155-156 ; plus récemment Br. Bilinski, Agoni ginnici, componenti artistiche ed intellectuali nell’antica agonistica greca, Wroclaw, 1979, p. 103, et déjà M. Guarducci, Epigrafia Greca II, Roma, 1969, p. 375 n. 3. En réalité, comme l’a bien montré P. Jamot, BCH 19, 1895, p. 312 et surtout 367-369, Pausanias veut simplement dire qu’avec leurs deux concours les Thespiens récompensaient aussi bien les « musiciens » (lors des Mouseia) que les athlètes (lors des Erôtideia). Dans la foulée de cette exégèse je crois qu’il ne faut guère hésiter à écrire μουσιϰοῖς, la leçon μουσιϰῆς, retenue encore par M.H. Rocha-Pereira dans l’éd. Teubner, t. III (1981), étant une simple faute d’orthographe due à l’itacisme.
2 En deux livres au moins, avec des documents comme l’épigramme que reproduit Athénée XIV 26, p. 629 a, en citant ce fragment d’Amphion (FgrHist 387 F1) ; inconnu par ailleurs, l’auteur ne saurait guère être antérieur à la basse époque hellénistique (F. Jacoby, ad loc.).
3 Schol. T + Eusth. in Homeri Iliadem XIII 21 (= FgrHist 376 F 3a) : Νιϰοϰράτης δὲ ἐν τῷ Περὶ τοῦ ἐν Ἑλικῶνι ἀγῶνος ϰτλ. L’ouvrage doit dater des alentours de 200 av. J.-C.
4 Erot. 1, Mor. p. 748 E : ἄγουσι (sc. oἱ Θεσπιεῖς) γὰρ ἀγῶνα πενταετηριϰὸν, ὥσπερ ϰαὶ ταῖς Μούσαις ϰαὶ τῷ Ἔρωτι φιλοτίμως πάνυ ϰαὶ λαμπρῶς. — Il n’y a rien, en revanche, chez Strabon (IX 2, 25, C 409), et guère plus chez les lexicographes (cf. Pollux I 37). Pour les Erotideia, voir D.K. dans Mélanges A. Schneider (à paraître).
5 Voir L. Robert, « Fêtes thébaines », BCH 59, 1935, pp. 193-199 (Op. Min. Sel. I, pp. 261-266) ; cf., du même, « Les Fêtes de Dionysos à Thèbes et l’Amphictionie », Arch. Eph. 1977, pp. 195 sqq. (= Op. Min. Sel. VII, pp. 766 sqq.).
6 « Note sur les ruines de l’Hiéron des Muses », dans Arch. des Missions scient. et litt., sér. 2, IV, 1867, p. 522, n. 26 ; le même sans son étude sur Les Muses, Paris, 1869, pp. 106 sq. (trad. fr. de l’inscription).
7 Pour l’activité de cet archéologue et épigraphiste, voir les actes du Lolling-Symposium organisé en 1994, centième anniversaire de sa mort, par l’Institut allemand d’Athènes sous la direction de Kl. Fittschen (à paraître). Sa description de Thespies et du Val des Muses avant les fouilles françaises est désormais aisément consultable dans le volume intitulé Reisenotizen aus Griechenland 1876 und 1877, Berlin, 1989, pp. 131 sqq. et 143 sqq.
8 IG VII, ad n° 1760 : « Museorum certamina non ante tertium a. Chr. saeculum instituta esse vidimus ex titulo 1735 ».
9 Outre P. Jamot, BCH 15, 1891, pp. 381-401 (et son récit intitulé En Grèce avec Char. Eugénidis, Paris, 1914, pp. 156-157 [non vidi]), voir le témoignage de son camarade B. Haussoullier dans Grèce II, Paris, 1891 (Guides-Johanne), p. 30, et G. Radet, L’histoire et l’œuvre de l’Ecole française d’Athènes, Paris, 1900, p. 297. Cf. plus récemment G. Roux, « Le Val des Muses et les Musées chez les auteurs anciens », BCH 78, 1954, p. 22, avec renvoi à la bibliographie de P. Jamot chez A. De Ridder, BCH 46, 1922, pp. 217-218 et n. 6. Voir ici même la contribution de Christel Müller.
10 Il ne paraît pas possible de le tenir pour « un artiste », comme l’a fait P. Jamot dans sa publication (op. cit., p. 318). En tout cas, c’était nécessairement un citoyen de Thespies, puisqu’il revêtit une magistrature dans cette cité.
11 On lit en effet, in fine, cette indication valable pour les baux (ll. 26-27) : ἄρχει τῶ χρό[νω] ὁ ἐνιαυτὸς ὁ ἐπὶ Φίλωνος ἄρχοντος. Mais il n’est pas sûr que l’acte lui-même date de l’archontat de Philon comme a cru pouvoir l’admettre M. Holleaux dans son mémoire de 1897 (voir ci-après), en écrivant Θεο[ί. Ἐπ[ὶ Φίλωνος] ἄρχοντος. Certes, il n’y a pas à tenir compte ici du fac-similé de Jamot, qui donnait la séquence Θ E Ο Σ Π comme assurée et songeait, en conséquence, à un archonte dont le nom commencerait par un pi, car l’estampage dont disposait Holleaux montrait qu’en réalité il y avait une lettre « carrée » entre l’invocation et ce pi. Ce qui est gênant, c’est la formule avec ἐπί, insolite en Béotie dans un intitulé, ainsi que l’ont fait observer divers savants à ce propos (cf. Chiron 22, 1992, pp. 426-427, n° 32) : il vaut donc mieux restituer là un nom tel que Epimachanos ou, bien plutôt, Epigénès (archonte thespien attesté à la fin du IIIe s.), en supposant que cet archonte était le successeur (non pas le prédécesseur comme il a été dit à tort) de Philon. De fait, on ne peut douter que la mise en location des terres acquises grâce à la donation ptolémaïque ait précédé la rédaction définitive de l’acte tel qu’il a été gravé. Cf. infra, n. 61.
12 REG 10, 1897, pp. 26-49 = Etudes d’épigraphie et d’histoire grecque I, Paris, 1938, pp. 99-120.
13 REG 13,1900, pp. 187-197 = Etudes I, pp. 89-98. Dans cet article, il réaffirmait aussi le bien-fondé de sa restitution du nom de l’archonte Philon (p. 189 = 90) dans l’intitulé de l’acte de donation des souverains lagides (cf. supra, n. 11).
14 Sur lesquels voir R. Etienne-D. Knoepfler, Hyettos de Béotie et la chronologie des archontes fédéraux, Paris, 1976 (BCH Suppl. III), pp. 318 sqq, et D. Hennig, dans La Béotie Antique, Paris, 1985, p. 337. Plus tardifs que ne le croyait l’éditeur sont en revanche les proxénies d’Akraiphia publiées par Perdrizet dans le même tome du BCH (pp. 93 sqq.) : comme vient de l’établir Chr. Habicht, Grazer Beitr. 19, 1993, pp. 39-43, elles ne sont pas antérieures à la 2e moitié du IIe s. av. J.-C. (cf. déjà M. Feyel, BCH 60, 1936, pp. 26-27).
15 Ainsi J. Oehler, Epigraphische Beiträge zur Geschichte der dionysischen Künstler, 1908, n° 25-26 ; M. Maier, RE XVI (1935) s.v. Musai § G, col. 696 sq. ; M. Nilsson, Griechische Feste von religiöser Bedeutung, Leipzig, 1909, p. 440, n. 3 ; P. Boesch, ΘΕΩΡΟΣ. Untersuchung zur Epangelie griechischer Feste, Diss. Zürich, 1909, pp. 15 et 21 ; F. Poland, Gesch. des griechischen Vereinswesens, Leipzig, 1909, p. 590 n° 23 A et F (« gegen250 v. C. ») ; id., RE VIA (1934) s.v. Technitai (Nachtrag), col. 2475, n° 23 A ; G. Klaffenbach, Symbolae ad historiam collegiorum artificum Bacchiorum, Diss. Berlin, 1914, p. 16 (« quod c. a. 250 factum esse acute demonstravit P. Jamot ») ; F. Hiller von Gaertringen, ad Syll.3 457 ; W. Aly, RE VI A (1937), s.v. θυμελιϰοὶ ἀγῶνες, col. 704 (« um das Jahr 250 »), etc. — Il n’y a guère que H. Swoboda, Staatsaltertümer 3. Abt., Berlin, 19136 (Hermann’s Lehrbuch der gr. Antiquitäten), pp. 275-276, qui ait connu la rectification de Holleaux et daté en conséquence l’institution du nouveau concours dans la 2e moitié du IIIe s.
16 « Sur la date de la réorganisation des Mouseia », REG 15, 1902, pp. 353 sqq. ; le même dans DA III2 (ca. 1910) s.v. Mouseia, en particulier n. 6. Cette conviction reposait sur le fait que, pour lui, le catalogue n° 7, tout en étant très proche du n° 6, témoignait d’un élargissement par rapport au programme primitif, dont l’établissement, dès lors, devait être sensiblement antérieur à l’archontat de Lykinos (qui date ce catalogue n° 6). Mais voir ci-après p. 150 pour la valeur de cet argument.
17 BCH 60, 1936, pp. 177 sqq., I A 23-27, avec le commentaire pp. 396-397 (une première édition en avait été donnée peu auparavant par M. A. Kéramopoullos, Arch. Delt. 14, 1931/32, pp. 12 sqq., n° 1-2). Pour la date, cf. ibid. pp. 389 sqq.
18 Ch. VI, pp. 88 sqq. (cf. p. 115, n. 2, pour une mention discrète du bail, avec cette conclusion : « il existait donc une fête pentétérique avant que les Thespiens se fussent adressés aux rois à son sujet »). Voir aussi Polybe et l’histoire de Béotie au IIIe siècle avant J.-C., Paris, 1942, pp. 258 sqq. — Il est singulier que les travaux de Feyel soient entièrement passés sous silence par Br. Bilinski, Agoni ginnici (supra, n. 1), qui, chose plus grave, croit pouvoir écrire que « prima della reorganizzazione, nel III secole, essi [i.e. le Mouseia] comprendevano solamente cinque competizioni principali » (p. 104), alors que ce programme de cinq épreuves thyméliques résulte précisément de la réforme !
19 C’était déjà, à peu de chose près, la restitution de P. Jamot, sauf que celui-ci n’introduisait pas in fine le supplément [ϰαὶ κωμωιδῶν], qui est rendu certain par ce que Feyel a lu dans le reste de la 2e lettre royale (B l. 2).
20 Le premier éditeur proposait déjà de restituer [περὶ τῶν ἄθλων], mais il pensait que le sujet de τίθησιν était [ἡ πόλι]ς, tandis que Feyel, ne lisant pas ce sigma final, a fait de la reine elle-même le sujet de ce verbe (cf. Contribution, p. 104 et surtout 108 : « par conséquent, la reine avait institué des récompenses, ἇθλα θεῖναι, pour les vainqueurs du concours » ; du même, Polybe [supra, n. 18], p. 258).
21 Pour Feyel, en effet, il s’agit d’une création (cf. Contribution, p. 115 ; de même 123 et passim), non pas d’une transformation comme l’admettait Jamot (à juste titre selon moi) sur la base du décret des technites Syll.3 457 : à l’époque de la démarche des Thespiens auprès des rois, seul aurait existé le concours (déjà pentétérique et peut-être même stéphanite selon Feyel) comportant les épreuves scéniques que mentionnent les lettres.
22 Il se contenta de présenter quelques menues observations critiques sur ce document, dont il montra par ailleurs qu’il était gravé non sur une stèle (Jamot, Dittenberger), mais sur un bloc de construction (Contribution, pp. 89-90, n° 1).
23 Pour cette attribution, parfois contestée, cf. infra, n. 45.
24 Les conclusions de Feyel ont été acceptées par V. Pétrakos, Ὁ Ὠρωπὸς ϰαὶ τὸ ἱερὸν τοῦ Ἀμφιαράου, Athènes, 1968, p. 33 et n. 6 ; cf. déjà P. Roesch, Thespies et la Confédération béotienne, Paris, 1965 (ci-après Thespies), p. 203.
25 Deux fragments supplémentaires provenant des fouilles du phrourion d’Erimokastro (Thespies) avaient été publiés l’un par G. Colin, BCH 21, 1897, pp. 568-571, n° 3, l’autre par A. Plassart et repris SEG III, 334 : cf. Feyel, Contribution, p. 118. — Par ailleurs, A. Skias avait édité un catalogue trouvé dès 1879 près de Leuctres (Arch. Eph. 1917, pp. 166-167), que Feyel tenait toutefois pour une pierre venue de Thèbes (ibid., p. 57 et n. 2 ; mais cf. A. Schachter, Cuits 2, pp. 172-173, n° V), tandis que A. Kéramopoullos, Arch. Eph. 1916, Chron. p. 41, n° 217, reprenait le n° 12 de Jamot.
26 BCH 19, 1895, p. 346, et REG 15, 1902, p. 356. Cf. supra, n. 16, pour la conséquence de cette chronologie relative.
27 Feyel, Contribution, pp. 113-114.
28 Dans le catalogue n° 8, datable selon lui des années 175-150, cet épigraphiste acceptait en effet la restitution θυμ[ελιϰὸς ἀγών] du premier éditeur (cf. Contribution, p. 120) ; mais cf. infra, n. 78.
29 BCH 9, 1885, p. 407, n° 201 = IG VII, 1743.
30 Voir ci-dessus, p. 142, avec la n. 4.
31 Encore que P. Roesch, Etudes béotiennes, Paris, 1982, p. 181, n° 1, ait soutenu l’idée, sur la base du catalogue de vainqueurs SEG XXIX, 452, qu’au Ier s. de notre ère les deux concours furent temporairement réunis en un seul. Contra : L. Moretti, Athenaeum 59, 1981, pp. 71-74 (=Tra epigrafia e storia, Roma, 1990, pp. 211-214) ; cf. SEG XXXI, 514 ; M. Wörrle, Stadt und Fest im kaiserzeitlichen Kleinasien, München, 1988 (Vestigia 39), p. 231, n. 23
32 Pour la date de ce dossier, en rapport avec le problème de l’argyrion symmachikon, voir C. Grandjean, « Les comptes de Pompidas (IG VII, 2426) », BCH 119, 1995, pp. 1-26 et notamment 13-14 ; il y est fait état de nouvelles lectures dues à P. Roesch, qui confirment la datation au début du IIe s. (archontat local d’Agôn : cf. Chr. Habicht, Chiron 17, 1987, p. 90).
33 Feyel tirait cela de la phrase ϰαὶ ὅπως ἂν ὁ ἐνιαυτὸς μετατέθηι ἐν ὧι ὁ ἀγὼν γίνεται (Syll.3 457 A, 21-23), qui signifie toutefois seulement que l’on prévoit de changer l’année où sera célébré le concours, c’est-à-dire de modifier le rythme de la célébration. Cf. déjà Jamot, BCH 19, 1895, p. 317 ; Hiller von Gaertringen, Syll.3 457, n. 6 ; infra n. 36.
34 Contribution, p. 117.
35 C’est la date adoptée dans la liste chronologique des archontes fédéraux que fournit le Polybe (supra, n. 18), pp. 45-51, du même auteur.
36 Bull. épigr. 1946, 69 : si les auteurs jugeaient « très heureuse » l’attribution du décret IG VII, 1735 aux technites d’Athènes, ils étaient plus réservés sur les restitutions proposées dans la colonne B de ce document, dans le décret attribué à Oropos et dans la 3’ lettre royale (C, ll. 1-4). Ils relevaient d’autre part le contre-sens fait dans l’interprétation d’une phrase de Syll.3 457 (cf. supra, n. 33).
37 Thespies, p. 5, 11. 8 et 13 ; p. 9, 1. 75 (SEG XXIII, 272) ; cf. pp. 226-229.
38 Op. cit., p. 16. Pour ces trois ambassadeurs thespiens à la cour d’Alexandrie, cf. W. Peremans et E. Van ’t Dack, Prosopographia Ptolemaica VI, Louvain, 1968, p. 54, n° 14812 (+ 14822 et 14877), qui reprennent la date de Feyel. Cf. aussi, pour cette ambassade et le contexte général, W. Huss, Untersuchungen zur Aussenpolitik Ptolemaios’s IV, München, 1976, pp. 121-125.
39 Et. béot., p. 187, n. 194 : « On ne reprendra pas ici toute la question des Mouseia, qui sera traitée dans le corpus de Thespies en préparation ».
40 Ibid., p. 246 (à propos du décret d’Haliarte sur les Ptôia, antérieur selon lui à la réorganisation des Mouseia). Même chronologie encore dans un article sur « Les cultes égyptiens en Béotie », chez L. Criscuolo et G. Geraci, Egitto e Storia dall’Ellenismo all’Età Araba, Bologna, 1989, pp. 621-629, en particulier pp. 623-624 : « entre 215 et 208 ».
41 « A note on the Reorganization of the Thespian Museia », Num. Chr. 1961, pp. 67-70. Cf. Cuits 2 (infra, n. 44), pp. 166-167 ; P. Roesch, Et. béot., p. 246, n. 195 et p. 187, n. 195.
42 P. Oxy. XX 2262, fr. 2a, col. I, 5-15 (Call., Aitia 1 fr. 2 Pfeiffer), cité par Schachter, loc. cit. (cf. aussi Cuits 2, p. 166, n. 4). — Contrairement à ce qu’affirme A. Bernand, Alexandrie la Grande, Paris, 1966, p. 114, cette « statue élevée à une reine d’Egypte » n’a pas été retrouvée.
43 Ainsi G.M. Sifakis, Studies in the History of the Hellenistic Drama, London, 1967, p. 144 : « The festival of Muses was reformed between 211 and 208 B. C. », avec renvoi à cet article de Schachter.
44 Cuits of Boiotia 2, London, 1981 (BICS Suppl. 38, 2), p. 163. Il se contente là d’élargir vers le haut la fourchette chronologique de Feyel, adoptant pour le mariage de Ptolémée IV la date de 217 défendue alors par la plupart des spécialistes (ibid., p. 164, n. 5).
45 Ibid., p. 165, n. 1 (ce serait un décret de la cité d’Athènes) ; P. Roesch, Thespies, pp. 228 sq., avait évoqué l’éventualité que ce fût un décret de Thespies même (mais il semble avoir renoncé plus tard à cette attribution impossible : cf. Et. béot., p. 188 et n. 157, où il se contente de rappeler l’adhésion de J. et L. Robert, Bull. épigr. 1942, 69, à l’interprétation — assurée à mes yeux aussi — de Feyel.
46 Cf. supra, n. 11. Disons ici qu’il n’y a guère de sens à renvoyer, pour ce document, à SEG XV, 321, puisque le texte n’y figure même pas !
47 BCH 98, 1974, p. 649, n° 2, d’après Arch. Delt. 26, 1971, Chron. p. 222, n° 14 (pas dans SEG ; brève mention dans Bull, épigr. 1974, 272). Pour le cithariste, on n’écrira pas — comme le fait encore I. E. Stéphanie, Διονυσιαϰοὶ Τεχνῖται, Héraklion, 1988, p. 66, n° 258 — Ἀπολλωνίδης Ἀθηνα[ῖος], mais Ἀθηνα[ίου] car le patronyme ne saurait manquer avant l’ethnique, comme le montre la mention, à la l. suivante, du citharède Platôn fils de Graios (ne serait-ce pas plutôt Platôr fils de Grabos, deux noms épichoriques ?) d’Epidamne. — D’autres catalogues apparus depuis les travaux de Feyel et datant de la basse époque hellénistique ou de l’époque impériale ne nous intéressent pas directement ici.
48 Cf. déjà P. Boesch, ΘΕΩΡΟΣ (supra, n. 15), p. 51.
49 Cuits 2, p. 166 et n. 3. Le terminus ante quem pour ce changement de statut est, selon Schachter, le décret des technites de l’Ionie et de l’Hellespont datant de ca. 170 (IG, XI 4, 1061) : mais voir ci-après, p. 165.
50 « A Decree of Haliartus on Cult », AJPh 108, 1987, pp. 736-737. Cf. Bull. épigr. 1988, 393, et SEG XXXVII, 380). — Il n’y a rien à tirer, pour l’histoire des Mouseia, du petit mémoire de M. Bergmans, Contribution à l’étude des mousikoi agônes en Béotie, Bruxelles, 1982 (cf. SEG XXXII, 432 ; Chiron 22, 1992, p. 435, n° 46).
51 Voir essentiellement L. Robert, REA 38, 1936, pp. 21-22 (= Op. Min. Sel. II, pp. 784-785) ; cf. plus récemment Arch. Eph. 1977, p. 209 (= ibid. VII, p. 779) et Actes du VIIe congrès d’épigraphie, Athènes 1982, I, Athènes, 1984, pp. 36-37 (= ibid. VI, pp. 709-710).
52 Loc. cit., p. 736 et n. 23, où il fait observer que ces auteurs « do not address the contradiction between this and the enlargement they would date later than 215 ». Mais ce reproche n’est guère fondé en ce qui concerne Feyel, qui a tout simplement cru pouvoir admettre, comme on l’a vu, que le concours était pentétérique dès avant sa réorganisation. Qu’il se soit très certainement trompé en le croyant — et ait entraîné tout le monde dans son erreur — est une autre question.
53 Cette date approximative a été établie par l’éditrice, N.P. Papadopoulou, Horos 5, 1987, pp. 79-90. Cf. D. Knoepfler, Chiron 22, 1992, pp. 428-429, n° 35.
54 Puisque le décret BCH 21, 1897, pp. 533 sqq., n° 2, prescrit que les membres de cette commission (ἀρχά) ne devront pas être âgés de moins de cinquante ans (les deux personnages sont nommés à la l. 11). Cf. SEG XIII, 343 ; P. Roesch, Thespies, p. 190 et n. 2 ; N.P. Papadopoulou, loc. cit.
55 BCH 61, 1937, p. 415 : cf. Polybe (supra, n. 18), p. 237.
56 « The Land-Leases from Hellenistic Thespiai », dans La Béotie antique (Colloque de Lyon), Paris, 1985, pp. 317-323, n° 4-5 : résumé critique chez D. Knoepfler, loc. cit., pp. 468 sqq., n° 100.
57 Voir la mise au point récente de G. Hôlbl, Geschichte des Ptolemäerreiches, Darmstadt, 1994, p. 111, avec renvoi à E. Lanciers, « Die Vergöttlichung und die Ehe des Ptolemaios IV und der Arsinoe III », Arch. f. Pap. Forsch., 34, 1988, pp. 27-32.
58 Contribution, p. 118, n. 2. Il supposait que le nom de l’agonothète avait été omis par le lapicide et proposait d’écrire ἀγωνοθετοῦντος Μόνδωνος (vel aliud) τοῦ Ἀρίστωνος, en se fondant sur le fait que le prêtre des Muses, Ἀρίστωνος τοῦ Μό[νδων]ος, pouvait être son fils. Notons du reste que la restitution de ce nom-ci, qui remonte au premier éditeur (sans commentaire), est d’autant plus arbitraire qu’il s’agit d’un anthroponyme rare qui, à Thespies, n’apparaît pas avant l’époque impériale et seulement dans une seule grande famille (cf. P. Roesch, Et. béot., pp. 178 sqq., qui par ailleurs accepte sans signe de doute la restitution de Jamot dans le catalogue n° 6). Je propose donc de restituer plutôt Μο[σχ(ί)ων]ος, nom bien connu.
59 Et. béot., pp. 188-189, n° 32 (SEG XXXII, 434). Cette itération possible de l’agonothésie des Mouseia était attestée depuis longtemps, et de la façon la plus explicite, par le catalogue IG VII 1760 (cf. Roesch, ibid., p. 192, n° 39).
60 Pour cette date, qui a fait l’objet de maintes discussions, cf. maintenant G. Hölbl, op. cit. en n. 57, p. 118 avec la n. 38 en p. 308 (à situer en été 204, non pas dès le mois de mars avec K. Abel, Historia 32, 1983, pp. 268-286).
61 Cf. Chiron 22, 1992, pp. 426-428, n° 32 (on corrigera là ce qui est dit du rapport entre l’archonte local Philon (= Lykinos à Onchestos) et l’éponyme dont le nom a disparu dans l’intitulé de l’acte de donation de Ptolémée IV : cet archonte inconnu, éventuellement identifiable à Epigénès, était le successeur de Philon : cf. supra, n. 11).
62 De fait, le pyrphoros n’est pas catalogué dans la stèle des magistrats de Thespies. — Pour ce qui est de l’âge auquel on accédait à cette fonction, les catalogues montrent que, parfois, l’agonothète et le pyrphoros ne faisaient qu’un (Jamot n° 13 ; cf. Roesch, Et. béot., p. 192, n° 39). Mais on peut penser que le plus souvent il s’agissait d’un homme jeune, tel le Mnasippos fils de Mnasippos du catalogue Polémon 3, 1947/48, pp. 73-80 (Roesch, loc. cit., p. 191, n° 37), qui était très vraisemblablement le fils de Tagonothète en fonction cette année-là (Mnasippos fils d’Archélaos ; un autre de ses fils, nommé Archélaos, officiait alors comme pyrphoros de Dionysos !) et qui devint secrétaire du concours quelques années plus tard (Jamot n° 12 ; Roesch, loc. cit., p. 192, n° 38). Relevons que, dans ce dernier catalogue, le pyrphoros Nikophanès fils d’Agathoklès, s’est révélé — grâce à une restitution pour ainsi dire assurée de I. E. Stéphanis, ZPE 49, 1982, pp. 131-135 (SEG XXXII, 498) — être apparenté de très près à l’agonothète Agathoklès fils de Nikophanès du n° 8 (Roesch, loc. cit. p. 189, n° 33). Mais le raport chronologique entre les deux documents doit encore être élucidé (écart d’env. 70 ans chez Roesch).
63 Thespies, p. 9, ll. 74-75 (la graphie lue par R., Κτεσιϰλεῖς — même chose dans l’index — surprend, car on attendrait Κτεισι- — ou, à la rigueur, Κτησι-).
64 Chiron 17, 1987, pp. 87-95 (cf. Bull, épigr. 1988, 661 ; SEG XXXVII, 386).
65 Pour ce rapprochement cf. N.P. Papadopoulou, loc. cit. en n. 53 (SEG XXXVII, 385, ll. 28 et 37-38), avec mes observations Chiron 22, 1992, p. 458, n° 98.
66 Ed. Will, Histoire politique du monde hellénistique II2, Nancy, 1981, p. 27. On notera au surplus que la cour d’Alexandrie, où se trouvait encore l’ancien roi de Sparte Cléomène III (mort en 219), était alors peu favorable aux Achéens, dont les Béotiens étaient des alliés dans le cadre de la Ligue Hellénique. — Pour la datation plus précise du dossier royal de Thespies, il serait très précieux de pouvoir identifier le Syracusain qui joua un rôle dans les tractations (B, l. 2-3 : συν[ίσ]τ[η]μι Θε… … ωι Σορακοσίωι πεμπομένωι ὑπό… ; cf. Feyel, Contribution, pp. 105 et 108). Il ne peut en tout cas pas s’agir du clérouque Θεόδωρος Συρα[ϰόσιος] connu à Crocodilopolis par le P. Petrie III 6 (a) 39-40 (cf. Pros. Ptol. II [1952], p. 198, n° 3957), car ce personnage avait 70 ans en 237/6 (10e année de Ptol. III Evergète). Je me demande s’il ne faudrait pas songer au Théodôros qui joua un grand rôle à Syracuse lors des troubles de 215-214 (Tite-Live XXIV 5, 10 et 21, 4 sqq.) et dont on perd la trace après cette date (cf. Fr. Geyer, RE V A [1934] s.v. n° 10) : comme tant d’autres hommes politiques de ce temps, il se serait réfugié à la cour d’Alexandrie en 214/3 et y aurait acquis une position en vue.
67 Cf. J. et L. Robert, Bull. épigr. 1942, 69 : « La restitution proposée pour C, ll. 1-4, ne paraît convenir ni pour le sens ni pour la construction ».
68 Pour l’expression ἇθλα (προ) τιθέναι, voir Ph. Gauthier-M.B. Hatzopoulos, La loi gymnasiarchique de Béroia, Athènes-Paris, 1993 (Mélétèmata 16), p. 98 et n. 1.
69 IG XII 9, 189 (mais cette édition souffre de graves imperfections : voir M. Wörrle, Stadt und Fest [supra, n. 31], p. 230, n. 49 ; cf. déjà E. Preuner, Hermes 57, 1922, pp. 80 sq.). Le montant total des prix s’élevait à un millier de drachmes. Ce concours est cité comme exemple d’ἀγὼ ταλαντιαῖος par L. Robert, Areh. Eph. 1977, p. 214 (= Op. Min. Sel. VII, p. 714).
70 Cf. A. Bernand, Alexandrie (supra, n. 42), pp. 113 sqq ; P.M. Fraser, Ptolemaic Alexandria, Oxford, 1973, I, p. 313, et II, p. 467 n. 55 ; P. Roesch, dans Egitto (supra, n. 40), p. 624.
71 M. Feyel avait d’ailleurs envisagé cette solution : « Est-il possible qu’après la réorganisation des Mouseia, ou au moment de cette réorganisation, on ait eu l’idée de solliciter la générosité des souverains étrangers non pour le concours entier, mais pour un certain nombre d’épreuves seulement (…) ? Poser la question, c’est, je crois, apercevoir la réponse » (Contribution, p. 114). Mais l’épigraphiste français aurait dû alors se demander ce qui était advenu, après la réorganisation des Mouseia, des prix institués antérieurement (selon lui) grâce à cette libéralité des rois : n’est-il pas clair en effet qu’ils auraient été, de toute façon, réservés aux épreuves non stéphanites, donc à une partie seulement du concours ?
72 Cf. P. Jamot, BCH 19, 1895, p. 322 : « Ce sacrifice annuel ne se confond donc pas avec les jeux pentétériques ». Mais c’est à tort que ce savant, comme déjà Dittenberger, croyait trouver une mention de la cérémonie annuelle dans le décret attique IG VII, 1735, car la restitution εἰς ἕκασ[τον ἐνιαυ]τόν des ll. 11-12 s’est révélée fausse (cf. Feyel, Contribution, pp. 91-92) ; en revanche, quand les technites de l’Isthme déclarent avoir, dans le passé déjà, montré leur zèle pour les Mouseia ϰαὶ συνθύοντες (Syll.3 457, l. 51), il ne peut s’agir que du sacrifice annuel tel qu’on le célébrait avant la réorganisation du concours.
73 Thespies, pp. 12-13.
74 Pour cette forme, cf. W. Blümel, Die aiolischen Dialekte, Göttingen 1982, p. 191 et n. 229 (§ 207).
75 L. 8 : ἀεθλοθέτας Μώσης. Dans la seconde liste, dont le début est assez bien conservé, cette mention manque complètement.
76 Thespies, p. 227. Par ailleurs, cet auteur a voulu mettre en rapport avec l’activité de l’athlothète les prescriptions qui figurent dans le décret IG VII, 1735, qu’il croyait alors possible d’attribuer à Thespies, malgré sa rédaction en koinè attique et la mention qui y est faite des vainqueurs athéniens : mais cf. supra, n. 45 pour son changement tacite d’opinion.
77 BCH 98, 1974, pp. 226-227, n. 50 (avec Th. Spyropoulos) ; réserve aussi chez M. Wörrle, Stadt und Fest (supra, n. 31), p. 233, n. 36.
78 Et. béot., pp. 189-190, n° 33 (intitulé de BCH 19, 1895, pp. 334-335, n° 8 ; Feyel, Contribution, p. 120) : au lieu de θυμ[ελιϰὸς ἀγών] Roesch a lu ἐνε[ί]ϰων οἵδ[ε] (SEG XXXII, 435).
79 Car cette dissolution, décrétée par Rome (Pol. XXVII 2, 7, et Tite-Live XLII 44, 6) fut définitive : bibliographie essentielle chez Ed. Will, op. cit. en. 66, II2 (1981), p. 273, qui se montre lui-même encore hésitant. Cf. plus récemment D. Knoepfler, Mus. Helv. 48, 1991, p. 268, avec les n. 72-74.
80 La présence de l’ethnique fédéral dans la dédicace IG VII, 1819 (poète épique vainqueur au concours thymélique des Mouseia) assure que ce monument est antérieur à 171 (cf. P. Roesch, Et. béot., p. 481, qui le date de la fin du IIIe s.). Pour ce critère chronologique très sûr, dans la plupart des cas, cf. ibid., pp. 441 sqq. ; D. Knoepfler, BCH 114, 1990, p. 496 et n. 112 ; Chiron 22, 1992, p. 425 n° 27.
81 P. Roesch, Et. béot., pp. 189-190, ne paraît pas en avoir pris pleinement conscience, dans la mesure où il attribue aux deux catalogues BCH 19, 1895, pp. 334-335, nos 8-9, la date de « 175-150 environ » : cf. déjà M. Feyel, Contribution, p. 120 (« deuxième quart du IIe siècle »).
82 Voir ci-dessus p. 143 et n. 5.
83 Cults 2 (supra, n. 44), 166 : « The Mouseia did obtain pan-hellenic status early in the second century, but the exact date is unknown », avec renvoi à ce document (n. 3).
84 Voir essentiellement G. Nachtergael, Les Galates en Grèce et les Sôtéria de Delphes, Bruxelles 1978, pp. 209 sqq. Pour la date d’acceptation, à modifier légèrement en fonction d’un nouveau document attique, cf. D. Knoepfler, « Les relations des cités eubéennes avec Antigone Gonatas et la chronologie delphique au début de l’époque étolienne », BCH 119, 1995, pp. 158-159 (app. II).
85 Selon la chronologie delphique mise à jour, pour cette époque, par Fr. Lefèvre dans sa thèse sur l’Amphictionie pyléo-delphique soutenue devant l’Université de Paris IV en 1993. Cf. BCH 119, 1995, pp. 196-198.
86 Décret pour les Ptôia : Syll.3 635A ; Fr. Sokolowski, Lois sacrées des cités grecques, Paris, 1969, p. 148, n° 73. Décret pour les Agriônia : J. Bousquet, BCH 85, 1961, pp. 78-85 (SEG XIX, 379) + L. Robert, Arch. Eph. 1977, pp. 198-199 = Op. Min. Sel. VII, pp. 768-769 (SEG XXVIII, 487). Ces deux textes sont repris, sous les nos 76 et 70, dans le Corpus des Actes amphictioniques (Fr. Lefèvre, à paraître).
87 Date établie par R. Etienne-D. Knoepfler, Hyettos de Béotie, (supra, n. 14), pp. 337 sqq. Cf. A. Schachter, AJPh 105, 1984, pp. 259-270 (avec mes observations dans Chiron 22, 1992, p. 479, n° 128).
88 Voir ci-dessus p. 155-156.
89 J. Bousquet, BCH 88, 1964, pp. 385-387 (SEG XXII, 450) ; cf. P. Roesch, El. béot., pp. 10-11 ; Fr. Lefèvre, Actes (supra, n. 86) n° 77, qui envisage une datation « dans les années 220, si on veut établir un lien avec la série de documents relatifs aux sanctuaires béotiens » (cf. BCH 119, 1995, p. 198 n. 138).
90 On sait que les Etoliens, vers 224 ou peut-être seulement en 221, allèrent jusqu’à piller le sanctuaire fédéral des Béotiens à Coronée (Pol. IV 25, 2, et IX 34, 11) ; pour la date quelque peu controversée cf. F.B. Walbank, A Commentary on Polybius I, Oxford, 1957, p. 452, et L. Moretti, Iscrizioni Storiche Ellenistiche II, Firenze, 1975, pp. 9-10 et n. 18.