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Le jeu et ses passions chez quelques moralistes du siècle de Voltaire1

Michel PORRET

Université de Genève, Faculté des Lettres

A P.F., joueur en ses rêves

« Loin de s’éteindre, la fureur des jeux domestiques n’en fut que plus ardente : cent Roues de Fortune, périodiquement agitées dans l’Europe, rendirent, par leurs promesses magnifiques, les pertes journalières plus supportables ; ne servirent qu’à redoubler la témérité des joueurs. »

Jean Dusaulx, De la passion du jeu, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours (1779)

La loterie entre imaginaire et réalité

« J’appartiens à un pays vertigineux où la loterie est une part essentielle du réel » affirme le narrateur borgésien de La loterie à Babylone. Monopole d’une Compagnie détentrice des pleins pouvoirs politiques selon le vœu de la vox populi, appuyée sur une myriade d’agents secrets, la loterie à Babylone est singulière, car elle ajoute des éléments non pécuniaires à la distribution des lots, notamment supplices et châtiments capitaux qu’infligent des bourreaux tirés au sort. Attisant le goût du vertige que poursuivent puissants et démunis, cette distribution de « chances contraires » veut combattre le « laconisme » des joueurs lassés par de simples « loteries vénales » dépouillées de toute dimension « métaphysique ». Automatiquement, « tout homme libre » participe au tirage de cette loterie sacrée qui peut récompenser un joueur par une « promotion au concile des mages ». Par la multiplication infinie des tirages qui ordonnent la vie publique, les usages des Babyloniens sont tellement « saturés de hasard » que l’histoire de la Compagnie elle-même devient aléatoire aux yeux d’un chroniqueur contraint alors de se réfugier dans le « mensonge indirect ». Le « fonctionnement silencieux » de la loterie que chacun intériorise, ajouté à son caractère universel « comparable à celui d’un Dieu », excitent mille doctrines théologiques ou philosophiques qui spéculent sur l’existence même de la Compagnie, laquelle, aux yeux des dévots, existe de toute éternité, alors qu’une poignée de sceptiques soutiennent qu’elle a disparu depuis longtemps, voire que son existence est imaginaire2.

La vie est conduite par l’aléatoire. Cette allégorie borgésienne du monde, notamment de sa divinité, de son savoir et des ses institutions politiques, souligne, s’il en est besoin, combien le langage métaphorique du jeu engendre les représentations symboliques des normes politiques, sociales ou culturelles. Selon Caillois, l’usage du jeu n’est-il pas susceptible même de créer une égalité inexistante dans la société ? Les jeux de hasard et ceux de compétition « traduisent des attitudes opposées et en quelque sorte symétriques, mais ils obéissent tous deux à une même loi : la création artificielle entre les joueurs des conditions d’égalité pure que la réalité refuse aux hommes »3. Encadrée par de multiples rites impératifs à la cohésion sociale, les communautés de l’Ancien Régime cultivent joutes sportives redécouvertes par la Renaissance, imaginent jeux et comptines qui révèlent aux anthropologues la « psychologie collective » d’une société rurale ou urbaine, les valeurs de sa morale, voire la vision du monde de sa culture orale ou savante4. « Exercice de guerre et de galanterie que faisoient les anciens chevaliers pour montrer leur adresse et leur bravoure » avant d’obtenir le gage de leurs triomphes, le tournoi n’était-il pas un jeu d’honneur et de générosité nécessaire à une société féodale animée par l’esprit des joutes guerrières et héroïques5 ? Au XVIIIe siècle, les rites festifs et ludiques doivent forger l’esprit public d’un Etat. Fêtes, bals et jeux pourraient alors s’apparenter à « l’assemblée d’une grande famille, et du sein de la joie et des plaisirs naîtraient la conservation, la concorde, et la prospérité de la République » exige par exemple en 1758 Rousseau dans la Lettre à d’Alembert6.

Si la société s’intéresse au jeu par la prohibition, la réglementation ou la récupération de ses diverses formes, le jeu parle du monde, notamment dans un discours quotidien ou scientifique qui tire du jargon des joueurs mille allégories donnant sens au social ou à la culture. « Avoir beau jeu », « jouer gros jeu », « tirer son épingle du jeu », « faire bonne mine à mauvais jeu », « jouer au plus fin » ou « abandonner la partie » : avant que les dés ne soient définitivement jetés, le langage emprunte donc beaucoup à l’imaginaire ludique pour décrire les aléas – chance ou désastre – qui ordonnent la vie humaine. De Saussure, dans son Cours de linguistique générale n’utilise-t-il pas à trois reprises la métaphore du jeu d’échec pour démontrer l’ordre structurel de la langue ou pour souligner le concept de « valeur » d’une unité linguistique7 ? Le mécanisme des rêves, demande en 1992 le neurobiologiste Michel Jouvet, n’est-il pas une vaste partie de « jeu de boules » entre le génome humain et l’inconscient8 ? Or, jamais certain de pouvoir gagner haut la main, pourquoi le « joueur s’égare-t-il dans sa passion ? » s’interroge en 1938 Huizinga au moment d’évaluer la « fonction sociale » que joue le jeu dans la culture occidentale9.

Depuis toujours, la controverse sur la finalité du jeu et ses passions culmine autour du jeu de hasard ou de commerce. Nés du « péché », les jeux de hasard déchaînèrent les foudres des moralistes, notamment lorsque, vulgarisant le dogme des Pères de l’Eglise, depuis la fin du XVIIe siècle, ils menèrent au nom de la foi chrétienne la croisade contre cartes et dés10. Au XVIIIe siècle, la censure du jeu vénal dont le lot aléatoire réduirait l’inégalité sociale accrue par une société de rangs terriblement polarisée, conduit magistrats, philosophes ou hommes de lettres à s’interroger sur les normes socio-économiques, voire sur les fondements de l’Etat monarchique ou républicain. Gagnés au jeu, honneur et richesse sont-ils compatibles avec la méritocratie de la vertu et du labeur que défend la morale religieuse ou laïque de la société de l’Ancien Régime ?

Laïcisant le débat moral en montrant que le jeu est une « convention » de droit impliquant la « liberté dans l’engagement » réciproque entre les joueurs, en 1709 le juriste Barbeyrac regarde « le Jeu comme une espèce de Guerre ou plutôt de Brigandage, où chacun fait de son mieux pour s’accommoder aux dépens des autres : et la fausse idée que Hobbes a donné de l’Etat Naturel de tous les Hommes conviendroit très bien à l’assemblage des Joueurs de profession »11. Ramas de « brigands » et de « voleurs », la société des joueurs ressemble à une « piraterie » organisée contre l’Etat, prétend en 1753 l’abbé Coudrette12. A son tour en 1779, le moraliste Jean Dusaulx, joueur repenti et vulgarisateur d’un rousseauisme schématique, dans les 600 pages de son De la passion du jeu, voit dans chaque « assemblée » de joueurs un retour dangereux à cet « état de nature » qui précéda la société politique13

On dirait que l’Homme civil, pour s’affranchir de la gêne du Contrat social, a conservé la médiation du hasard comme une dispense de ses devoirs, comme un titre de son ancienne indépendance : ressource funeste ! et qui le rend encore plus malheureux que les Sauvages14.

Dès l’aube du XVIIIe siècle, l’Etat réglemente systématiquement le jeu de hasard par une législation continue, soulignée déjà en 1713 par le Lieutenant de Police de Paris Delamare15. En France, entre 1717 et 1781, douze ordonnances royales tentent de discipliner les joueurs16. De même, entre 1745 et 1798, dans la République de Genève seize Edits prohibent le jeu d’argent et de commerce, notamment le macao, la menille ou le berlan qui semblent s’acclimater dans les mœurs de la cité au même titre que les loteries étrangères (Lotto génois)17. Visant surtout les « Académies de jeu » où l’argent change de mains à la vitesse où se battent les cartes, cette législation souligne certainement un enracinement du jeu dans les habitudes collectives urbaines dans la seconde moitié du siècle. A Genève, par exemple, au fil du XVIIIe siècle, le jeu de hasard et d’argent est impitoyablement traqué par les huissiers de la République au cours de perquisitions menées dans tripots et cafés où peuvent circuler des cartes à jouer entrées dans la ville en contrebande. Souvent musclées, ces opérations policières conduisent plusieurs dizaines de joueurs devant les magistrats qui infligent alors des peines correctives et pécuniaires, voire bannissent les joueurs professionnels18. Traqué aussi par la justice genevoise, l’usage de la vente et de la collecte des billets de loteries se multiplie dans la seconde moitié du siècle19.

Codifiés dans des manuels imprimés à l’intention d’un grand public curieux de la « théorie des jeux de hasard », les « jeux licites » sont devenus après 1750 des « Amusemens à la portée de toutes sortes de personnes »20. Alors que prolifèrent le goût des paris, la législation et les recueils de jeux accueillis en 1797 dans dix volumes de l’Encyclopédie méthodique de Panckouke21, la censure du jeu vénal qui « corrompt les mœurs » se durcit en se laïcisant, mais devient aussi utilitaire en valorisant les loteries.

A la fin du XVIIe siècle, le débat séculaire sur le finalité morale et métaphysique des jeux de hasard se dédramatisa, particulièrement chez les moralistes protestants lorsqu’ils soulignèrent l’utilité sociale que peuvent revêtir les loteries. Laïcisation, charité étatique et utilitarisme économique : telles sont en effet les thèses soutenues en 1696 par le protestant Jean Leclerc dans l’éloge des loteries anglaises et hollandaises qui permettent de financer des hôpitaux ou des asiles pour miséreux. Ce défenseur érudit de la République des Lettres, né à Genève en 1657, victime de la « dureté du climat théologique genevois » des années 1670-168022, taxé de socinianisme, vulgarisateur des idées de Locke et « réfugié » bientôt à Amsterdam pour y prêcher dans l’église des Remontrants, voit dans la « Roue de la Fortune » une incitation à canaliser la charité des « personnes libérales » en faveur des démunis véritables et vertueux. Puisque les riches sont attachés à « faire quantité de dépenses superflues », les loteries d’Etat peuvent contribuer à « diminuer leurs dépenses vaines, pour augmenter leur charité » en attisant l’espoir du gain des joueurs fortunés. Pour Leclerc, la loterie que légitiment des magistrats éclairés soucieux du « bien public » constitue donc une charité particulière qui permet à l’Etat de redistribuer aux nécessiteux la somme des mises prélevées sur le « superflu » des nantis. Utilitaires par le bien qu’elles produisent, ces « Loteries en faveur des Pauvres » allègent donc le Trésor public, diminuent la pression fiscale et désamorcent l’émeute des « inutiles au monde » puisque la « pauvreté est un état dangereux » pour l’ordre social23. Ce rejet implicite du « luxe » excessif, qui débouche sur les cinq principes de la « libéralité » que doit remplir le chrétien soucieux d’un salut éternel assuré par le « don » envers les humbles24, passe par une réfutation de la prédestination divine en matière de jeux de hasard. Contre les stoïciens notamment, Leclerc affirme que l’issue heureuse ou malheureuse du jeu n’est guidée ni par la « Fatalité », ni par la « Destinée », puisque le hasard, cet « Etre chimérique », reste le seul souverain du jeu et ses contraintes « mécaniques ». La « bonne ou mauvaise chance » n’est pas un élément déterministe dans l’issue des parties mais constitue pour chaque joueur une sphère d’investissement de l’imaginaire du bonheur ou du malheur individuel : « On dit ordinairement que les hommes sont le jouët de la Fortune ; mais on parleroit beaucoup mieux, si l’on disoit que la Fortune est notre jouët, puisque nous lui donnons et nous lui ôtons ce que nous voulons »25. Ainsi la « Providence divine » ne se manifeste pas sur les « Jeux de Hazard et de Loteries », car qui pourrait soutenir l’idée « chimérique » que Dieu, aveugle au mérite de la vertu et de la grâce, « distribue sans choix les richesses et les honneurs »26 ? Comment la raison du chrétien peut-elle supputer que « ceux qui joüent aux Dez et aux cartes engageraient Dieu tous les jours à se déclarer, en leur faveur, par des miracles perpétuels 27 ? Contrairement aux oracles de la pythie, de la sibylle ou à l’usage de la divination des païens commentée par Cicéron (De Divinatio, III), le Dieu des chrétiens ne préside pas sur le sort. Seul un chrétien pétri de « superstitions » croira que « Toutes les fois qu’il prendra fantaisie aux hommes de faire des Loteries, Dieu sera obligé, pour ainsi dire, de descendre du Ciel, pour régler l’ordre des billets »28.

En 1709, si Barbeyrac, commentateur du jus naturalisme, laïcise magistralement le débat sur le jeu, il affirme que jouer ne contrevient pas à la consigne des Ecritures favorables au « bonheur » universel auquel peuvent contribuer les activités ludiques. Jouer en respectant le « contrat » ludique, sans tricherie, constitue même une école particulière de sociabilité politique. En fait, pour Barbeyrac, le jeu modéré n’est « illicite ni par le droit naturel, ni par les lois de la Religion »29. Le hasard qui mène la partie n’est-il pas un reliquat d’« idolâtrie » nourri par la « Fortune » ? demande au contraire en 1752 l’abbé Coudrette. Adversaire des loteries d’Etat qui enrichissent « un laquais » et ruinent « quatre mille familles », ce théologien prétend encore au milieu du siècle que le joueur qui chérit le hasard « abandonne » Dieu. Le « sort manifeste la volonté divine », conclut l’abbé contre le supposé laxisme de Jean Le Clerc et de Barbeyrac, apologistes d’une chance « mécanique » détachée de toute finalité divine : « Dieu est donc le seul juge de qui on puisse attendre la décision du sort »30. Aveugles à toute problématique religieuse ou morale, certains publicistes au contraire plaident la cause d’un jeu de hasard rétablissant une égalité qui est nulle dans l’état de nature. Cette disparité naturelle est accrue par les simples jeux d’adresse, dont le succès dépend des « dispositions physiques » distribuées inégalement à la naissance. Source d’un « bonheur » variable, la chance balance aveuglement entre « tous les individus » qui risquent de défier la fortune par cartes ou paris. L’« égalité » produite par le jeu réside donc bien dans l’alternance de « compensation » entre pertes et gains, même si « la somme des perdans doit être plus forte que celle des gagnans »31.

Permettant à une masse d’individus de « parier contre la Fortune » et de rêver au gros lot, la loterie constitue une forme archaïque d’emprunt public utile à financer la charité publique malgré la colère de quelques ecclésiastiques. La loterie est toutefois une forme de jeu de hasard millénaire dans lequel des lots de marchandise ou une masse d’argent déposés par les souscripteurs forment des « prix et des bénéfices » que gagnent les billets marqués par la chance. « Nos loteries de France ont communément pour objet de parvenir à faire des fonds destinés à quelques œuvres pieuses ou à quelque besoin de l’Etat » écrit le chevalier De Jaucourt dans l’Encyclopédie32. « On persuada aux princes que les loteries pourroient suppléer aux impôts, aux emprunts, et servir à éteindre les dettes nationales : on ne les avertit pas qu’il s’établiroit entre les gouvernements une concurrence, dont l’effet leur seroit à tous également préjudiciable » déplore par contre à la fin du siècle ce chroniqueur anonyme des loteries33. En effet, la banalisation massive des paris, notamment sous la forme de vente de billets de loteries, irrite les moralistes qui y voient une source de corruption de l’« esprit public » séduit par l’illusion d’un gain prompt et facile, détaché du labeur salarié. A chaque tirage, la « Roue de la Fortune » – cette « machine ronde en forme de roue, à grands panneaux de glace, dans laquelle on mêle les 90 nombres dont la loterie est composée, pour ensuite en tirer cinq au hasard » – enrichit un seul individu alors que des milliers de parieurs malheureux restent sur le carreau de la misère34. Au même titre que Louis Sébastien Mercier le peintre naturaliste du Tableau de Paris fustigeant encore en 1782 un « fléau qui ne se renouvelle pas moins de deux fois par mois »35, Jean Dusaulx déplorait en 1779 que les « Peuples, maintenant, jouent partout contre l’Etat » par le biais des loteries, « dénouement de la fureur du jeu ». Réfutant les « Apologistes des jeux d’Etat », parmi lesquels Jean Leclerc et Barbeyrac, Dusaulx prétend que le jeu d’argent conduit, via l’oisiveté collective, à une paupérisation massive néfaste à l’Etat. Le jeu ruine l’Etat qui l’a rendu licite, car le « nombre des Contribuables, diminue à mesure que l’on établit de nouvelles loteries »36.

Ainsi, avec la « Roue de la Fortune », le jeu vénal est devenu légitime, puisque maints financiers attachés aux affaires publiques utilisèrent les « combinaisons les plus routinières et les plus éculées de l’Ancien Régime, [c’est-à-dire] les emprunts-loteries qui sont en réalité des emprunts remboursables ou à rentes dotés en supplément de lots ou « chances » tirés au sort (…) 37. Si l’Angleterre montra la voie dans les années 1690, en France, Louis XIV autorisa l’ouverture d’une loterie officielle en 1700. Entre 1777 et 1781, sous l’autorité du Genevois Necker, largement déficitaire, le Trésor royal n’emprunta-t-il pas 85 millions par voie de loteries ? Tout comme aux Pays-Bas où, dès le XVIIe siècle, les loteries financent la charité d’Etat, à Genève, entre 1724 et 1775, le Petit Conseil de la République ordonna à neuf reprises l’ouverture de loteries finançant des travaux publics (1741) ou allégeant les finances de l’Hôpital général dont les dépenses affectées à la charité sont déficitaires (1770, 1772, 1773, 1775)38. Dans une République fondée sur la souveraineté du conseil des citoyens aptes à voter l’assiette fiscale, ce recours répété aux loteries est-il un signe supplémentaire de la dérive oligarchique dans laquelle l’Etat patricien ne cesse de s’enfoncer depuis le XVIIe siècle ? Organiser des loteries pour financer des projets publics dépouille en fait le corps souverain de ses prérogatives constitutionnelles en matière fiscales. Ici, le jeu supplée au vote et annonce le despotisme. En 1773, une représentation signée par des citoyens de Genève qui dénoncent l’implantation dans la cité de « Lotteries étrangères » ne fait-elle pas le procès implicite d’un Petit Conseil piétinant de manière croissante la démocratie formelle de la République ? Il « suffiroit à vos Seigneuries de refléchir sur la nature intrinséque de ces Lottos et sur leurs combinaisons, pour y voir un des plus cruels fléaux qui puissent affliger notre République » précise la supplique qui décèle sous l’usage du jeu une entière dégénérescence des mœurs39. Partisan de la souveraineté absolue du Conseil général face au Petit Conseil de Genève, le publiciste républicain Francis d’Ivernois verra en 1789 dans cette supplique hostile au « jeu enyvrant et homicide » le signe de la maturité politique des « Citoyens de Genève qui en forment tout à la fois, le Souverain et le Peuple »40.

Toléré sous la forme collective des loteries étatiques que légitime la charité officielle, le jeu d’argent échappant au contrôle de l’Etat reste au contraire illicite, notamment lorsqu’il réunit de petites sociétés de « pontes »41, toujours décrites par les moralistes comme des « cercles » secrets, creusets de la débauche et du crime, incompatibles avec la vie publique. « Ainsi, mon Fils, regardez les assemblées de Joueurs comme un amas de gens qui dominés par la fureur de l’intérêt, ne reconnaissent aucune règle d’équité, ni même d’humanité. (…) Risque-t-on davantage au milieu d’une bande de voleurs ? » demande ce père imaginaire en 1770 lorsqu’il instruit son fils sur les usages et les dangers d’un monde hanté par joueurs et libertins42.

Jeux illicites, jeux tolérés

« Bourse de joueur n’a point de loquet » affirme la morale millénaire du proverbe fustigeant l’appauvrissement et la misère, rejetons sans étoffe du jeu et ses « passions effrénées ». Au siècle de Voltaire, la morale des élites, cohérente avec la méritocratie des vertus et du « labeur honnête », réprouve aussi la fièvre pécuniaire des « pontes ». « Faites-vous donc une loi de ne jamais jouer à aucun jeu qui puisse allumer en vous une excessive cupidité pour le gain » affirme ce manuel d’instruction d’un père à son fils imprimé en 177043. « Amusement libre » et chevaleresque d’un âge d’or révolu qui précéda la décadence des mœurs qu’une société de libertins génère, étouffant tout sentiment d’honneur, la « passion du jeu » est devenue une « occupation vile, c’est maintenant un métier qui jette des soupçons sur la probité de celui qui le fait », écrit en 1752 cet avocat polygraphe, chroniqueur ailleurs des fastes de l’Ancien Régime44.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, polémiquant sur l’inépuisable problème du « bonheur » individuel ou collectif, les moralistes accordent donc beaucoup au jeu et ses passions qui « feront un effort continuel contre les Loix, [et] parviendront à corrompre le législateur même »45. A l’ère du contrat social, le joueur d’argent est décrit comme un être « insociable » qui nie un monde politique construit sur la tradition qu’assure une société d’ordres ou de rangs, que maints théologiens ou polémistes croient rongée par tripots et paris46. Le « jeu est très en usage en Europe : c’est un état que d’être joueur » confie Usbek à Ibben dans la cinquante-sixième missive des Lettres persannes (1721) toute consacrée aux jeux de hasard qui troublent la raison et corrompent les mœurs. Inspirés souvent par Montesquieu ou les Considérations sur les mœurs de ce siècle que Charles Duclos publie en 1751, les moralistes hostiles ou favorables aux Lumières dénoncent par une « psychologie métaphorique » (Robert Mauzi), nourrie de philosophie sensualiste, la fureur du jeu, vice individuel et collectif, qui menacerait une société bordée par les normes du mérite imperméable à l’aléatoire puisque construit sur la tradition ou les talents. Le goût du pari ne conduit-il pas d’ailleurs à la corruption politique ? Que faire de ce juge qui « pour avoir de quoi fournir à son Jeu, vendra la justice au plus offrant » demande Barbeyrac qui plaide pour la prohibition du jeu chez les magistrats détenteurs de charges publiques47. « Si on jouoit aux dés ou aux cartes les postes les plus distingués, les dignités les plus honorables, et que tout le monde indistinctement fut admis à jouer sans aucun égard à la naissance ou au mérite », la corruption aurait bientôt renversé l’Etat affirme encore le moraliste Du Puy48.

Trois thématiques dominent la censure du jeu et ses passions : la condamnation de l’argent qui pervertit la finalité ludique, la thèse de la pathologie physique et morale du joueur professionnel guetté par crime ou folie, et le rejet du sort qui brasse les rangs d’une société d’ordre. Religieux, juridique ou philosophique : le désaveu du jeu de hasard et d’argent engendre en outre le blâme de cet éternel rêve social d’une richesse produite sans labeur que réprouvent nantis et moralistes49. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, telle est la frontière morale placée entre « jeux permis » et « jeux interdits », qui sépare « toutes les occupations frivoles auxquelles on s’amuse ou l’on se délasse, mais qui entraînent aussi quelquefois la perte de la fortune et de l’honneur » selon le mot des encyclopédistes50.

Discutant les quatres catégories ludiques théorisées par Caillois en 195851, les moralistes du siècle de Montesquieu exaltent le jeu de « divertissement » ou de « délassement » et réprouvent donc le jeu suscité par l’appât du lucre. Vénal, le jeu est donc immoral : « C’est pour le plaisir qu’il faut jouer, non pour le gain » affirme Erasme de Rotterdam dans la Civilité puérile publiée en 1530, traité de savoir-vivre classique qui allait formaliser pour plus de deux siècles ce genre littéraire nécessaire à « domestiquer » un « peuple sauvage » que les élites urbaines veulent éduquer52. Prohibant au chrétien tout « jeu de mots » ou « railleries » envers Dieu, ses saints et leurs reliques, l’abbé Thiers, en 1686, affirme dans son célèbre Traité des jeux et des divertissemens que jouer par « interest » rend les « jeux criminels » car « on ne sçauroit joüer avec cette intention, sans abuser du jeu, parce qu’on ne s’en sert pas pour se delasser l’esprit, et sans en faire une espèce de trafic et de commerce honteux »53. Sans finalité matérielle, le but du jeu licite doit « délasser l’Esprit et le Corps » afin de maintenir la machine humaine en « état de vaquer aux occupations sérieuses » affirme à son tour Barbeyrac : « Moins on met au jeu, et plus on se divertit en Homme sage et prudent 54. Ce programme moral est celui du chrétien raisonnable que l’on retrouve, par exemple, en 1727, dans un sermon remarqué du théologien genevois Jean-Alphonse Turretini qui dénonce en chaire l’« attachement au jeu »55. Hostile à « agir au hasard et sans réflexion », le chrétien épris de pureté rejettera les « plaisirs défendus » qu’amènent le jeu et ses passions. Mais surtout, le fils de Dieu ne peut pécher contre la charité en voulant « gagner » le bien de son prochain, affirme encore Turretini qui plaide, comme tous les moralistes de son temps, pour des « Jeux d’adresse, utiles pour former l’esprit et le corps »56. Inspirant explicitement ce sermon de combat, Barbeyrac a invité d’ailleurs tout « bon Pasteur [qui] verroit quelcune de ses Brebis sur le bord d’un précipice aussi affreux que celui où entraîne la Passion du jeu » à tenter l’impossible pour que le joueur passe la main57. Le « caractère du Chrétien, infiniment élevé au dessus des vains badinages du présent Siècle », peut-il en effet s’abandonner à une « passion » épuisant les « talens » que Dieu offre à l’homme pour accéder par ses œuvres terrestres au salut éternel58 ? Particulier à l’« éthique de la besogne » creuset du protestantisme selon Max Weber, ce plaidoyer rationnel pour la « conduite morale » du chrétien conduit Turretini à implorer le renforcement des liens sociaux. L’exemplarité vertueuse des magistrats, la vigilance des pasteurs et l’autorité des pères de famille pourraient dissoudre la sociabilité corrompue des joueurs, cette « malheureuse école d’Avarice » qui pousse ses adeptes au « blasphème », aux « batteries, duels et meurtres »59. En 1742, en opposant aussi le mérite de la vertu aux illusions des paris, l’abbé Coudrette surenchérit dans l’anathème jeté sur le jeu d’argent que nourrit l’idée folle de la richesse obtenue sans peine60. En fait, née du péché, la passion du jeu éloigne de Dieu l’âme du croyant faible, oublieux de ses devoirs de chrétien ou trop orgueilleux pour purger son corps et son esprit de toute « souillure » qu’attise le goût du lucre61. Pour les ecclésiastiques, catholiques ou protestants, l’« attachement au jeu d’argent », loteries ou cartes, pervertit l’amour du prochain, affaiblit le goût « naturel » du pain obtenu à la sueur de son front, et attise l’oisiveté qui se marie à la cupidité.

« Lorsque vous voudrez vous délasser l’esprit, ayez recours à des jeux innocens, ou à des exercices modérés, et propres à fortifier la santé » résume encore ce traité d’éducation écrit pour édifier les fils « biens nés » soucieux de fuir comme la peste les chimères du jeu vénal62. Véhiculant les normes du mérite et de la probité de son siècle, la littérature de colportage imprimée à l’usage du peuple – notamment la Bibliothèque bleue – fustige à son tour le jeu illicite né du lucre et popularise les règles du « jeu honnête » en prévenant un peuple réputé laborieux contre le mauvais jeu des tricheurs63.

« Notre auguste Monarque a des passions généreuses : il hait le luxe, il hait le jeu » fabule Dusaulx en brossant le portrait idéal du souverain éclairé64. « Le Luxe est une Divinité bizarre à laquelle on sacrifie le nécessaire pour en obtenir le superflu » notait aussi l’avocat parisien Jean Soret, moraliste anonyme en 1756, qui décelait dans l’abus des richesses un principe corrupteur amené à « confondre toutes les conditions » et à détruire la religion65. Ayant remplacé une « honnête récréation » par une « passion corruptrice », le jeu vénal n’est-il pas en effet une conséquence dramatique du luxe, ce signe de distinction sociale inégalitaire, véritable « embarras des riches » qu’engendre une société d’Ancien Régime où l’aristocratie mène grand train de vie ?66 « Le luxe, les impôts, l’inégalité des fortunes et la misère du plus grand nombre, tout ce qui devroit amortir le jeu ne sert qu’à le ranimer » déplore Dusaulx qui voit dans la polarité extrême des richesses les « principales causes de la perpétuité du jeu »67.

Ostentation exagérée ou « épidémie » de luxe que dénonçait aussi en 1751 ce magistrat genevois lorsqu’il prétendait observer une décadence générale des mœurs attisée par « l’habitude du jeu, l’oisiveté, l’esprit de dissipation »68. « Toute jouissance superflue est un luxe » affirme à son tour en 1774 le magistrat Jean-François Butini, co-rédacteur du projet de Code pénal genevois de 179569, dans son Traité du luxe imprimé en 1774. Avocat du « luxe modéré » utile aux artisans et partisan des lois somptuaires héritées de la législation calviniste, le magistrat déplore l’aggravation de l’« inégalité naturelle » voulue par Dieu que provoque le jeu d’argent70. Or, cette discussion classique qui soude luxe et jeu de commerce, débouche sur l’apologie du labeur honnête – artisanal ou rural. Pour Butini, le bonheur social est lié à un quotidien « assaisonné par le travail », opaque à l’aléatoire qui engendre de « petits météores que l’on voit briller un jour et disparaître le lendemain »71. Jumeau du luxe corrupteur de la courtisane née pour « masquer son âme, jouer le plaisir (…) tandis que la mort est dans le cœur »72, le jeu d’argent qui « séduit » par l’« espoir d’une fortune » inattendue va dissoudre Etat et familles en donnant naissance aux tripots, tombeaux de la probité et de l’honneur individuel. « Inventions pernicieuses du Luxe », les « Académies de jeu » attirent grâce à la complicité de « femmes perfides » l’époux honnête venu « jouer la dot » conjugale ou le jouvenceau candide cherchant à déniaiser son âme. Ruse, malignité, violence : le cercle maudit des joueurs « n’est qu’un état de guerre » permanent qui ronge les « talens » de chacun bientôt perdus pour l’Etat et la société. Le mensonge des pontes qui « feignent la joie au milieu du malheur » ou qui simulent l’« air de l’indifférence lorsque la fortune leur prodigue ses faveurs » conduisent à la confusion mentale et bientôt à l’aliénation sociale : « dans ses veilles comme dans ses songes, le jour et la nuit son âme toute concentrée sur les idées du jeu, n’en conçoit pas d’autres ; les nœuds même de la nature sont pour lui attraits, il méconnaît un ami, un parent, un frère, il le déchire, il le ruine sans pitié ». Les « convulsions du joueur » sont au paroxysme de la violence lorsque, perdant, il « vient jeter l’épouvante au sein de sa famille et évaporer sur sa femme la bile qui le dévore, parce qu’il l’a longtemps étouffée sous le masque de la gayeté »73. En fait, selon ce magistrat sous influence d’un lieu commun que partagent tous les moralistes du siècle, les illusions que perpétue la tension du jeu vénal amènent la déraison dans la tête du joueur.

Le cercle du feu

Les « Loteries ont rempli le Monde de Fous, car c’est ainsi qu’on qualifie ceux qui ont perdu leur argent, sans avoir aucun Lot » raille en 1697 Gregorio Leti face aux joueurs et leurs passions aliénantes74. Pathologie mentale ou physique appartiennent en effet au tableau normatif et criminogène du joueur saisi par le jeu vénal. Pour les moralistes qui ont lu Condillac, les « sensations » permettent de sonder l’âme du joueur malade de sa frénésie. Décriée, la « passion » appartient à l’une des branches d’un « arbre de la folie » – à côté de l’ivrognerie, de la migraine, de la vengeance, de la colère – que les humanistes des XVIe et XVIIe siècles plantèrent dans la conscience européenne. Contre les joueurs, Gregorio Leti écrit encore : « La passion effrénée est une autre branche de folie en l’Homme, qui n’est pas des plus petites, puisqu’on peut dire qu’il n’y a pas de grande différence d’une personne passionnée, à une autre qui est folle »75. La source de ce moralisme réside dans l’idéologie stoïcienne qui associait les « passions » à une maladie de l’âme produite par le déséquilibre des quatre humeurs diagnostiqué par la médecine 76. Au XVIIIe siècle, après Descartes77, cette tradition soudant « passion » avec « folie » persiste chez médecins, moralistes et philosophes. Dans l’Encyclopédie, De Jaucourt note encore que les « passions sont les maladies de l’âme » et peuvent tuer la raison78. En 1770, Tissot affirme que les « passions ont une influence plus marquée et plus efficace sur la santé de l’homme que les mouvements, que les aliments, que l’air même. Les passions fortes, même les plus agréables, usent constamment et tuent quelquefois sur le champ »79. Au XIXe siècle, après Pinel, la « passion » devient signe de la folie clinique ou de la « monomanie » quadriforme selon les thèses élaborées par Esquirol80. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ce thème médico-moral de la passion mortifère est largement utilisé par les accusateurs du jeu vénal.

Fustigeant le joueur professionnel forclos de la vie sociale par ses blasphèmes, ses « superstitions » et sa misanthropie, Barbeyrac prétend que le goût du jeu vénal « ruine les forces de l’Ame », altère la santé, puisque, concentrant « plusieurs passions » – notamment « l’Avarice, le Désir, la Crainte, l’Espérance, le Chagrin, la Joie, le Dépit, le Regret ». Un telle tension amène le désordre des « humeurs » et provoque la confusion mentale que conclut la folie81. Attisée par l’espoir du gros lot, la passion du jeu d’argent « tient l’âme dans une espèce d’extase » particulière à « une émotion [qui] fait oublier les premiers principes de l’humanité aux nations les plus débonnaires, et (…) cache aux plus chrétiennes les maximes les plus évidentes de leur Religion » soutient en 1732 l’abbé Du Bos82. Fidèle à cette tradition pathologique, l’abbé Coudrette pense que la passion du jeu épuise le bonheur de l’existence et, via le péché, conduit le joueur aux portes de la solitude, du crime, de la folie83. Pour ce pasteur de Genève, le jeu et ses passions enferment le joueur dans un cercle obsessionnel où la raison est captive d’une « espèce de charme, dont on ne se débarrasse pas quand on veut, ni comme on veut. On se pique, comme chacun sait. On a perdu ; on veut avoir sa revanche. On perd encore ; on s’obstine, on s’opiniâtre »84. Dusaulx, à son tour, suit le modèle de la passion aliénante et prétend que celle du jeu jaillit des « manies » roulant sur « trois pivots » intimes qui « sont sans intermédiaires… parfaitement soudés » ; « la sottise, la fureur et la fourberie »85. A écouter encore le moraliste, particulière au jeu et ses passions, l’« insociabilité des joueurs » est une « maladie » qui prive l’« habitude de commercer avec ses semblables ». Culminante dans son effet d’aliénation absolue, la passion du jeu tue alors celle du désir charnel. Fou, le joueur « est incapable de devenir amoureux et passionné d’autre chose (…) que même [il] ne pense plus à l’Amour conjugal, toute la chaleur naturelle se concentrant dans le cœur, qui l’employe toute entiere aux Loteries, le grand et unique objet de sa passion »86. Montrant aussi que le jeu remplace le sexe, Dusaulx veut éteindre la passion du premier en attisant l’appétit du second. La guérison du joueur implique alors la thérapie d’Eros, car les « parties » entre joueurs ne sont que le succédané des « parties galantes » dont le goût a été étouffé par la passion du jeu. « Relégué alors à la partie des femmes », le joueur voit se réveiller ses « passions assoupies ; et déjà il invoque secrètement des ressources plus puissantes. Bientôt il sera satisfait »87. « Vivant à son insu », selon le trait de Dusaulx aliéniste avant la date, le joueur est enfermé dans une manie qui le transforme en « machine inhumaine » : « Tous les rayons du cercle de leur vie aboutissent au jeu : c’est à ce centre unique qu’ils rapportent leur existence. Pas une heure de calme, ni de sérénité. Le jour ils le passent à désirer la nuit : la nuit à craindre le retour de la lumière »88.

Aliéné du monde car reclus avec ses pairs, le joueur est devenu sous la plume des moralistes un paria que nulle loi ne peut remettre parmi la « sociabilité » de la Cité. Dominante dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, cette figure de la folie du joueur a remplacé celle du joueur qui ose parier contre Dieu selon les théologiens du siècle précédent. Laissant en héritage pour les aliénistes du XIXe le débat sur la nature de la « frénésie » des joueurs professionnels, les moralistes épigones de Montesquieu chargent donc dans le registre de la pathologie individuelle et collective pour mieux dénoncer le jeu et ses passions qui déchirent les normes contractuelles89. « Tout est en feu au moment où j’écris : sans parler des bassesses, depuis deux jours je compte quatre suicides et un grand crime » déplore Dusaulx qui ailleurs fustige l’« indécence des joueurs », aggravée par mille « superstitions » et « profanations » religieuses indignes d’un siècle de raison et de tolérance90. Folie, suicide, criminalité qualifiée par des « circonstances » aggravantes et jeu vénal : focalisant mille métaphores annonçant la mort du contrat social, le joueur s’est métamorphosé en un « sauvage » attaché à rétablir l’état de nature au milieu de la Cité des Lumières. Le « chevalier d’industrie » n’est-il pas alors la figure allégorique de ce monstre social absolu qu’est le joueur dévoré par le jeu et ses passions ? Monstre social en effet que celui qui prend le risque de jouer gros jeu pour amasser une richesse ou obtenir l’honneur que ses mérites ne légitiment pas.

La fin du mérite, la mort de l’Etat

« Affable », « séduisant », le « chevalier d’industrie », ce tricheur de l’âge classique sorti de la « lie de la société »91 – insaisissable scélérat multipliant les perfidies à l’ombre des tripots – devient la figure emblématique d’un « brigand universel » qui menace la société des magistrats et des pères en corrompant la justice pour mieux défaire l’« honneur » des familles. « Pour avoir du crédit, ils se lient avec des hommes honnêtes, ou qui passent pour tels. Quand ils n’ont point de titres, ils s’en fabriquent : peu de gens les leur contestent. (…) Le revenu des Chevaliers d’industrie [repose] sur l’inexpérience de ceux qu’ils ont grand soin de s’attacher par des appâts de toute espèce » soutient Dusaulx92. Or, continue le moraliste, le jeu d’argent qui « fait et défait les carrières », provoque une convulsion politique redoutable venue briser la chaîne des traditions sociales. Devant la roulette, face au « tapis qui avale tout », « le moment arrive où chacun s’oubliant soi-même, ne respectant plus rien et confondant tout, quelques-uns s’écrient qu’ils ont perdu lorsqu’ils ont gagné. C’est alors que le Noble obéit au Manant qui le tient sous le joug, tandis que le Grand Seigneur s’humanise avec le Financier »93.

Survenue en 1720 et ayant traumatisé pour plus de cinquante ans l’opinion publique, la banqueroute de la rue Quincampoix nourrit cette critique allégorique de l’avènement d’une société bourgeoise qui substitue aux valeurs nobiliaires les normes du profit marchand, né de l’agiotage que permet une inépuisable planche à billets. « Coupable d’un crime de lèze-humanité », John Law « joueur étranger, devenu Contrôleur-Général » des finances de la monarchie n’attisa-t-il pas l’« épidémie des jeux de hasard » avec son système mis en œuvre sous la Régence en 1718 ? « Clameur de l’avarice », jouant sur une richesse imaginaire symbolisée par les actions de compagnies marchandes aux milles navires – pions minuscules sur l’échiquier mouvant des océans – la spéculation ne représente-t-elle pas le stade ultime de la « fureur du jeu » vénal qui tue honneur et probité, mêle rangs et classes, détruit les fortunes et engendre les agioteurs qui méprisent le mérite ? Alors, déplore Dusaulx, avant que la banqueroute ne vienne conclure ce système de corruption élevé à la dimension d’un jeu d’Etat, les « Parvenus l’emportèrent : leur sang impur mêlé à celui de la Noblesse, augmenta la cupidité des Nobles, les rendit peu délicats »94. Ajoutée aux emprunts réitérés nécessaires à sauver la dette publique, cette frénésie de l’agiotage prolonge le goût du jeu vénal, inséparable d’une criminalité inextinguible qui ronge l’Etat. Or, métaphore de la dégénérescence individuelle et de la dissolution des liens sociaux, la réprobation morale du jeu d’argent qui naturalise dans la cité l’appétit du lucre n’est-elle pas, pour certains magistrats ou moralistes, une manière de fustiger le gouvernement despotique ? Gouvernement sous lequel les « hommes y étant tous esclaves », vivent dépossédés de leur honneur selon Montesquieu95.

Le jeu vénal mène au paupérisme, génère la corruption et favorise les spéculateurs. Une telle maladie du corps social doit être purgée des Etats qui « veulent conserver des Citoyens et des mœurs », même si le fisc tire profit des tripots ou des loteries. Législation sage punissant celui qui ruine au jeu son adversaire, exemplarité morale des élites, éducation, protection de la jeunesse, fêtes civiques inspirées de Rousseau : Dusaulx aimerait que le souverain éclairé, guidé par les hommes de lettres « derniers Magistrats des Nations corrompues », appuie une police capable d’éteindre l’« Esprit du Jeu » qui tue l’esprit des lois et anime « riches ou pauvres, manant et noble »96.

Les « anciennes Républiques, se soutenoient mieux par le courage que par l’argent » affirme Dusaulx, ennemi de l’affermage du vice par le biais des loteries publiques97. Dans un minuscule Etat, condition absolue de la démocratie républicaine pour la culture politique des Lumières, le jeu vénal menace les institutions garantes d’une souveraineté fragile au milieu de l’Europe de l’absolutisme. Telle est la thèse que défend encore longuement en 1774 le genevois Butini dans son Traité du luxe. La vertu ou le patriotisme pourraient-ils subsister si le jeu, né du luxe, se naturalisait dans un Etat ? Tripots, « loteries étrangères », paris incessants : le jeu d’argent et ses illusions égalitaires s’opposent à l’esprit républicain qui assure la « liberté » d’une ville-Etat comme Genève appuyée sur la démocratie formelle que permettent les assemblées de citoyens. Aiguillonné par la soif du « grand Luxe », le goût du « grand jeu » ne conduirait-il pas à la corruption des institutions politiques devenues l’enjeu de la vénalité ? Peuplé d’« esclaves » dépourvus de sens civique, mené par un « tyran », un tel Etat doit périr puisque « l’enthousiasme de la patrie ne serait plus qu’une soif de richesse et de domination [au moment] où des Citoyens sans pudeur achèteraient les suffrages de la nation pour avoir l’honneur de la représenter et vendraient ensuite leur voix à la Cour »98. Pour Montesquieu qu’écoute ici Butini ce mécanisme de la « corruption » signifiait la mort de l’Etat démocratique99. Pronostic particulièrement fort dans un Etat protestant où chaque magistrat – fort peut-être de cet héritage calviniste de la prédestination – est convaincu d’être élu, non par le sort mais par la conséquence de ses mérites et de sa vertu pour remplir sa mission morale. La fureur des paris et le goût du jeu vénal qui accaparent l’« esprit public » en promettant une égalité universelle par une richesse aléatoire ne peuvent convenir qu’à l’Etat despotique dans lequel « quelques grands veulent à tout prix éloigner le peuple des affaires : où l’on le laisse vivre dans l’ignorance ou dans le vice afin de le rendre esclave »100.

Opposés souvent sur la finalité métaphysique du jeu de hasard, divergeant plus d’une fois sur le concept de « convention » ou de « donation réciproque » qui existent chez les joueurs conscients du partage des risques qu’oblige la passion du jeu, aveugles à l’idée que les loteries peuvent affermir les finances publiques, les moralistes réunis ici qui censurent le jeu vénal et ses passions se rejoignent pourtant autour d’un projet normatif commun. Le législateur – cette figure rhétorique omniprésente – doit interdire l’ensemble des jeux de hasard et réglementer strictement afin de les rentabiliser pour la charité publique certains jeux devenus licites par la force de l’usage – cartes, loteries de bienfaisance, etc. Le jeu vénal produit ravages et passions du palais à la chaumière selon la métaphore de Dusaulx persuadé que le royaume va sombrer dans la « révolution » sociale née de la corruption engendrée par le goût des paris, roulettes ou loteries. Selon les principes égalitaires des intérêts partagés entre les contractants, le profit ne peut être licite que s’il amène un bénéfice au groupe tout entier puisque le « droit naturel » que défendent les moralistes interdit que « personne ne devienne plus riche par le détriment d’autrui »101. D’ailleurs, né d’un partage inégal des richesses et opposé à la méritocratie, le clientélisme qui assassine la liberté individuelle ne conduit-il pas au despotisme ? Rêvant d’imiter ce que peut apporter la richesse aléatoire, le « Citoyen pauvre, (…) se jettera bientôt dans les mains du riche, se soumettra à ses ordres et forgera lui-même les fers qui doivent l’enchaîner » affirme Butini qui fustige le courtisan et prône le gouvernement démocratique102. L’amour du prochain – vertu chrétienne et mérite républicain – doit « cimenter » un contrat social que nie la passion du jeu. La finalité sociale que prônent les moralistes réside dans le bonheur commun qu’assurent des institutions politiques tenues par des magistrats vertueux adversaires du jeu vénal qu’attise le luxe. Privé d’un tel projet social, l’Etat est alors perdu, prophétise sombrement Butini : « le despotisme s’avance, semblable à ces monopoleurs qui sourient quand ils entendent parler de disette, il éclate de joye à la vue des malheurs publics, il arme les hommes sans aveu, ceux qui sont perdus de dettes ou abîmés par le Luxe, il marche à leur tête ; tantôt il sappe par ses intrigues, tantôt il détruit à force ouverte les peuples que le Luxe a corrompus et il s’assied sur son trône d’où il sera renversé à son tour 103. La passion du jeu doit « être étrangère à la Puissance Souveraine » car que deviendraient des Etats décidés à jouer « contre leurs propres sujets » ? demande Dusaulx104. En conséquence, l’enjeu moral du jeu vénal restent l’Etat et la société concernés au premier chef par la tolérance ou la prohibition des paris. La richesse publique est proportionnée à la circulation monétaire dont la fluidité assure la richesse collective d’une société, depuis les financiers jusqu’aux plus modestes pères de famille. Dans la seconde partie du siècle, cette thèse physiocratique structure l’ensemble du procès intenté à la passion du jeu vénal réputée appauvrir l’Etat. Les enjeux nécessaires aux roulettes et paris sont soustraits de la masse monétaire dont dispose une société pour abreuver son économie. Ce « confinement » des richesses dans les mains de quelques agioteurs qui jouent gros jeu appauvrit l’industrie, anéantit les travaux publics, ruine le commerce, et épuise le budget des familles. Banqueroute universelle accrue lorsque des joueurs étrangers de surcroît emportent le « gros lot » et pillent l’économie nationale. Cette argumentation physiocratique que défendent, par exemple, l’abbé Coudrette ou Dusaulx, nourrit aussi en 1773 l’entière supplique des citoyens de Genève habiles à souder anémie des affaires et paupérisation collective que peut produire la passion du jeu qui détourne les richesses de l’économie publique ou privée de la ville-Etat protestante.

Finalement, le procès moral intenté au jeu vénal et ses passions diffère-t-il d’un plaidoyer rationnel de la méritocratie ? Le joueur est inutile au monde : paria social, il veut renverser par l’aléatoire et ses gains illicites les hiérarchies puisque le jeu vénal favorable aux parvenus permet de « confondre toutes les qualités ». « Dès que l’ascendant des Richesses fut bien avéré, déplore Dusaulx, on fut égaux, parce que l’on fut également dégradés. C’est surtout parmi les joueurs, que règnent tous les inconvéniens de cette honteuse égalité. Le privilège, ou plutôt l’abus des jeux dont il s’agit, est de confondre tous les rangs, de les corrompre l’un par l’autre »105. Cette « confusion des Etats » ou des rangs sociaux qui ordonnaient la société de l’Ancien Régime constitue la plaie majeure de la passion du jeu que dénoncent presque sans exception tous les moralistes horrifiés devant l’effondrement des traditions aristocratiques que suppléent les valeurs aléatoires du jeu vénal. Les joueurs, ces « hommes tirés de la poussière et qui ont englouti la substance de tant de personne, vont se placer avec la Noblesse. Leur argent seul, et non le mérite, les élève à des charges et à des emplois qui demandent des talens et des sentimens, qu’on ne reçoit ordinairement que par une éducation honnête »106.

Gain produit par l’« honnête industrie », dignité publique née de la vertu ou des talents véritables, honneur individuel assis sur la naissance ou la probité : ces valeurs de la méritocratie sont opposées par les moralistes aux promesses aléatoires qui entretiennent le jeu et ses passions. Héritée des normes chrétiennes et des valeurs nobiliaires, cette anthropologie moralisante est-elle encore compatible avec l’individualisme nouveau qui se manifeste dans la seconde moitié du XVIIIe siècle ? Face à un magistrat paternaliste qui fustige sa passion du jeu, cet horloger âgé de 49 ans, joueur récidiviste, incriminé à Genève en 1774 pour avoir spéculé sur les loteries, convient qu’« il offense Dieu tous les jours, mais qu’il ne croit pas avoir offensé la Justice, qu’il croit être le maître de placer son argent comme il veut ». Un autre joueur rétorque à son tour au même magistrat qu’il « ne croit pas que l’on puisse trouver mauvais qu’il aye cherché à faire sa fortune et qu’il soit sorti de la misère »107. Insolentes et irrévérencieuses, de telles réparties de joueurs n’ont évidemment guère de poids sur la balance des lois, mais elles illustrent la force extrême du rêve social qu’entretient le jeu vénal chez les individus cherchant après 1750 à s’arracher des rêts collectifs de la misère ou de la petite aisance, cette « vie fragile » du labeur prônée par les moralistes que la majorité subit faute de pouvoir la changer.

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1 Cet article s’inscrit dans le cadre d’une enquête sur les normes juridiques et les déviances sociales durant l’Ancien Régime auxquelles est notamment consacrée notre thèse de doctorat (soutenue le 13 juin 1992, Université de Genève, Faculté des Lettres) : Le crime et ses « circonstances ». Punir à Genève au XVIIIe siècle : institutions, discours, pratiques, dactylogramme, 774 pages.

2 Cf. J.-L. Borges, « La loterie à Babylone » (1956), in Fictions, trad. Ibarra, Paris, 1957, réédition 1974.

3 R. Caillois, Les jeux et les hommes. Le masque et le vertige, Paris, 1958, 1967 ; cité selon réédition 1985, Gallimard, coll. « idées », p. 60.

4 Cf. Sport e giuochi. Trattati e scritti dal XV al XVIII secolo, a cura di Carlo Bascetta, Milano, 2 volumes, 1978 ; Arnold Van Gennep, Coutumes et croyances populaires en France (anthologie de textes publiés entre 1924 et 1957), Paris, 1980, pp. 15, 183-186 ; Marie Letourneur, Pierre Jacques, Les plus beaux textes sur les jeux, la chance et le hasard, Paris, 1982.

5 Cf. Encyclopédie, article « Tournois », signé par De Jaucourt ; Philippe Contamine, La guerre au Moyen Age, Paris, 1980, « jeux et joutes », pp. 293, 362-363.

6 Cf. Lettre à M. D’Alembert sur son article Genève, édition de Michel Launay, Paris, Garnier Flammarion, 1967, p. 242.

7 Cf. Jean-Louis Calvet, Les jeux de la société, Paris, 1978, pp. 197-199.

8 Cf. Le sommeil et les rêves, Paris, 1992, p. 77.

9 Cf. Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, trad. Cécile Seresia, Paris, Gallimard, 1951, cité d’après la réédition dans la coll. « Tel », 1988, pp. 18, 20.

10 Cf. Jean Baptiste Thiers, Traité des jeux et des divertissemens, qui peuvent être permis, ou qui doivent être défendus aux Chrétiens selon les Regles de l’Eglise et le sentiment des Peres, Paris, 1686, « préface » non paginée, et notamment les pp. 141-254 ; (Abbé Coudrette), Dissertation théologique sur les loteries, s.l. (Paris), 1753, surtout les chapitres III, X, XI, XVI.

11 Traité du Jeu, où l’on examine les principales Questions de Droit Naturel et de Morale qui ont du rapport à celte Matière, Amsterdam, 1709 (réédité en 1737), 2 vol. (pagination continue), I, p. 194.

12 Cf. Dissertation théologique sur les loteries, op. cit., p. 58.

13 Inspiré par le cynisme de Juvénal que Dusaulx a traduit, ce procès du jeu et du luxe marqué par toutes les traditions littéraires des Lumières prolonge une première censure des joueurs que le futur Conventionnel a esquissé dans Lettre et Réflexions sur la fureur du jeu, auxquelles on a joint une autre Lettre morale, Paris 1775. Sur Dusaulx (ou Dussaulx), 1728-1799, voir quelques éléments biographiques de cet intime de Rousseau dans J. Dusaulx, De mes rapports avec J.J. Rousseau, et de notre correspondance, suivie d’une notice très importante, Paris, an VI-1798 ; Mémoires sur la vie de Dusaulx, écrits par sa veuve, Paris, an IX (1801) ; M. Villeteque, A la mémoire de Dusaulx, in Satires de Juvénal, traduites par Dusaulx, réédition, 1803, pp. i-xxviij ; F. Barriere, Notice sur la vie de Dusaulx, in De l’insurrection parisienne, et de la prise de la Bastille, Discours historique, prononcé par extraits dans l’Assemblée nationale (lre édition 1790), in « Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française », Mémoires de Linguet et de Dusaulx, Paris, 1821, pp. 253-262.

14 De la passion du jeu depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, 2 vol., Paris, 1779, II, p. 19. Sur ce traité dédié à « Monsieur », frère du roi Louis XVI, de qui Dusaulx était secrétaire, voir Michel Porret, « Aux lisières du "Contrat social" : Jean Dusaulx et la "passion du jeu" à la fin du XVIIIe siècle », Revue européenne des sciences sociales, XXIX, 90 (1991), pp. 43-66.

15 Cf. M. Delamare, Traité de police (…), 4 vol., Paris, 1713, Livre troisième, titre quatrième, « Des jeux », pp. 446-483. Opposé aux jeu d’argent et de hasard, le fonctionnaire trace l’évolution de la législation royale laxiste à son goût envers les loteries.

16 Cf. John Dunkley, « Les jeux de hasard et la loi au XVIIIe siècle », et Jean-Robert Armogathe, « Jeux licites et jeux interdits », in Le jeu au XVIIIe siècle, colloque d’Aix-en-Provence (30 avril-2 mai 1971), Aix-en-Provence, 1971, respectivement pp. 9-16 et 17-22.

17 Cf. Emile Rivoire, Bibliographie historique de Genève au XVIIIe siècle, 2 vol., Genève, 1897 (depuis maintenant Rivoire) ; De la part de nos magnifiques et tres-honorés Seigneurs Syndics et Conseil, Donné le 8 mai 1752 (contre le jeu de hasard) ; ibid., décembre 1768 ; ibid., février 1771 ; ibid., janvier 1774 ; ibid., février 1778 ; ibid., avril 1784 (à deux reprises) ; ibid., janvier 1792 ; Egalité, liberté et indépendance, Au nom de la Nation, janvier 1793 ; ibid., avril 1794 ; ibid., mai 1795 ; ibid., janvier 1796 ; ibid., janvier 1796 ; publication contre les loteries étrangères : juin 1745 ; ibid., août 1773 ; ibid., février 1794 ; Michel Porret, « L’“Epée de la Justice” contre la “Roue de la fortune” : Guerre contre le jeu ou anathème contre le luxe ? Le démantèlement d’un réseau de joueurs à Genève en 1774 », Revue du Vieux Genève, 1990, pp. 13-23.

18 Cf. Archives d’Etat de Genève (AEG), à titre d’exemples, procès criminel série I (PC) 5337, 1701, incrimination du citoyen Jean Cassin accusé d’avoir joué à la « bassette » avec « plusieurs fils de famille » patricienne ; PC 6868, 1721, réclamée par le Vénérable Consistoire, procédure contre une poignée d’aubergistes laxistes envers des joueurs d’argent ; PC 7027, 1722, enquête parmi quelques joueurs à la suite d’un « scandale public » né des « grosses pertes » subies par un joueur ; PC 7559, 1728, « contrebande de cartes à jouer » ; PC 9538, 1748, 5 hommes arrêtés pour avoir joué de grosses sommes d’argent aux « jeux de hasard », notamment la « quadrete », le « lansquenet » et autres « jeux de dupes » dans diverses caves et auberges de Genève ; PC 14503, 1785, « jeu de hasard avec adresse, association frauduleuse », procédure ouverte contre un groupe de joueurs professionnels arrêtés en flagrant délit au moment d’une perquisition dans un tripot ; PC 18814, 1799 et PC 18879, 1800, « jeux de hasard » dans un café.

19 Ibid., PC 12472, 1773, « vente de billets de loterie », 7 prévenus incriminés ; PC 12611, 1774 et PC 12625, 1774, « correspondance avec administrateurs des lotos », 1 prévenu incriminé ; PC 12631, 1774, « correspondance avec administrateurs des lotos », contre un récidiviste ; PC 12640, « loterie de Cologne » ; PC 13085, 1778, « billets de loterie », information ; PC 17396, 1794, « collecteurs de loteries étrangères », 6 prévenus incriminés ; PC 20084 et 20095 en 1807 et PC 20218, 1808, « collecteurs de loteries étrangères ».

20 Cf. N. Huyn, La théorie des jeux de hasard, ou analyse du Krabs, du Passe-Dix, de la Roulette, du Trente et Quarante, du Pharaon, du Biribí et du Lotto, s.1., 1788, pp. (3)-7, 50-51 ; Académie universelle des jeux, contenant les Regles des Jeux de Cartes permis, celle du Billard, du Mail, du Trictrac, du Revertier, etc., etc., Avec des instructions faciles pour apprendre à la bien jouer. Nouvelle édition, 3 vol., Paris, 1786, I, p. vii ; Idem, Lyon, An 10-1802. Sur l’histoire des jeux de cartes et leur signification culturelle en Occident, voir David Parlett, A History of Card Games, Oxford, New York, 1991.

21 Cf. Encyclopédie méthodique, (tomes 142-151) : Dictionnaire des jeux familiers, ou des amusemens de société ; faisant suite au Dictionnaire des Jeux, annexé au tome III des Mathématiques, Paris, an V (1797), 10 vol. ; indispensable pour la connaissance des règles et de l’esprit des jeux de l’Ancien Régime.

22 Cf. Maria-Cristina Pitassi, De l’orthodoxie aux Lumières Genève 1670-1738, Genève, 1992, p. 20.

23 Cf. (Jean Leclerc), Réflexions sur ce que l’on appelle bonheur et malheur en matière de loteries, et sur le bon usage qu’on en peut en faire, Amsterdam, 1696, pp. 124, 136, 141-146, 191.

24 Ibid., la « libéralité », pp. 171-230 : les cinq principes de l’« homme libéral » sont le don absolu qui signale le véritable chrétien, la méritocratie pour estimer le besoin des « démunis vertueux », le principe de justice au moment de distribuer une partie de ses richesses, la « joie » dans l’offrande et le désintérêt dans la « réputation » après avoir exercé son talent de « bienfaiteur ».

25 Ibid., p. 57.

26 Ibid., p. 182.

27 Ibid., p. 97.

28 Ibid.

29 Jean Barbeyrac, Traité du Jeu, où l’on examine les principales Questions de Droit Naturel et de Morale qui ont du rapport à cette Matière, Amsterdam, 1709 et 1737, 2ème édition.

30 Cf. Dissertation théologique sur les loteries, op. cit., pp. 25, 43, 129-156, 317-318.

31 Cf. N. Huyn, La théorie des jeux de hasard, op. cit., pp. (3), 6-7.

32 Cf. Encyclopédie, article « loterie (arithmétique) ».

33 Cf. Encyclopédie méthodique. Dictionnaire des Jeux faisant suite au tome III des mathématiques, Paris, 1792, article « loterie », pp. 147-152.

34 Ibid., p. 52 ; Dusaulx, De la passion du jeu (…), op. cit., II, pp. 234-235.

35 Cf. Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris, ΙII, 1782, pp. 241-244 (« Loterie royale de France »).

36 Cf. Dusaulx, De la passion du jeu (…), op. cit., II, pp. 199-241.

37 Cf. Herbert Lüthy, La Banque Protestante en France de la Révocation de l’Edit de Nantes à la Révolution, 2 vol., Paris, 1961, II, p. 467.

38 Cf. Simon Schama, The Embarrassment of Riches Aninterpretation of Dutch Culture in the Golden Age, London, 1987, p. 307-309 ; Rivoire, op. cit., loteries organisées en 1724, 1725, 1727, 1740, 1770, 1771, 1772, 1773, 1775. Ces emprunts d’Etat perdureront après la Révolution de 1794, puisque, de 1794 à 1798, on dénombre encore une dizaine de loteries organisées au bénéfice de l’Hôpital Général.

39 Cf. Très humble et très respectueuse représentation au Magnifique Conseil, concernant le Lotto génois. Remise le 26 juillet 1773 (Rivoire, 1377), p. 7. Alarmiste, la pétition joue la carte de la pathologie sociale : « quelle confiance auront les Maîtres en leurs Ouvriers, les Pères de Familles aux Maîtres à qui ils remettent leurs enfans ?… Ici, ce seroit un père qui refuse à des enfans affamés le pain qu’il employe à satisfaire sa passion pour le jeu. Là, une femme, une mère de famille, que cette infâme passion mène à l’oubli de ses devoirs, et qui après avoir volé son mari, parcourt bientôt tous les égaremens dont le cœur humain est susceptible. Ailleurs, des domestiques, qui dépouillent insensiblement leurs maîtres pour pouvoir jouer, qui les appauvrissent sans qu’ils s’en doutent, et qui se préparent ainsi eux-mêmes les plus cuisans repentirs. Ici des jeunes gens, qui eussent été vertueux, si on ne leur avoit fait sucer, presque en naissant, ce lait empoisonné » (p. 14).

40 Cf. (Francis d’Ivernois), Tableau historique et politique des deux dernières révolutions de Genève, Londres, 1789, tome I, pp. 67-68.

41 « Ponte », précise Richelet dans son Dictionnaire de la langue françoise ancienne et moderne (nouvelle édition 1735), est « l’as rouge, quand on jouë en cœur ou en carreau. » Mais « se dit aussi au jeu de la bassette et du pharaon, de celui qui met de l’argent sur des cartes contre le banquier. » Par extension, « ponte » qualifie tout joueur d’argent misant contre une loterie ou tenant la « banque du jeu ».

42 Cf. Du Puy (La Chapelle), Instruction d’un père à son fils sur la manière de se conduire dans le monde, Bâle, 1770, XXVIII, « Du jeu », pp. 477-514, pour la citation, p. 496.

43 Ibid., p. 481.

44 Cf. (François-Antoine Chevrier), Les ridicules du siècle, à Londres, 1752, IX, « Du Jeu », pp. 106-124.

45 Cf. Abbé de Mably, De la législation ou principes des loix, Amsterdam, 1776, 4 vol., IIΙ, p. 129 ; Robert Mauzi, « Ecrivains et moralistes du XVIIIe siècle devant les jeux de hasard », Revue des sciences humaines, 1958, pp. 219-256 ; idem, L’idée du bonheur dans la littérature et la pensée française au XVIIIe siècle, Paris, 1960 ; Henri Mydlarski, « Les moralistes des Lumières : une macro-lecture », Revue des sciences humaines, LXXXXI, 215, 1989, pp. 59-73.

46 Cf. (Abbé Coudrette), Dissertation théologique sur les loteries, op. cit., p. 207 ; Les ridicules du siècle, op. cit., pp. 121, 123 ; (Antoine de Mercenay, abbé Duvernet et Delaunay), Les Joueurs el Mr. Dusaulx, Chez Lescot, (Paris), 1780.

47 Cf. Traité du Jeu, op. cit., II, p. 344.

48 Cf. Instruction d’un père à son fils sur la manière de se conduire dans le monde, op. cit., p. 496.

49 Barbeyrac affirme que « l’Homme est né pour travailler d’une manière ou d’une autre » (Traité du Jeu, op. cit., I, p. 182) ; le pasteur genevois Jean-Alphonse Turrettin dénonce la « négligence » dans le travail produite par la « passion du jeu » (Sermon sur les inconveniens du jeu. Prononcé à Genève le 9. mars MDCCXXVII, Genève, 1727, p. 11) ; (Abbé Coudrette) : « Fournissez des moyens d’acquérir sans peine et sans travail, et dès lors en même tems qu’on croupit dans une molle oisiveté, rien n’arrête la violence d’une cupidité insatiable » (Dissertation théologique sur les loteries, op. cit., pp. 39-40) ; Dusaulx : « Ce qui rend [la passion du jeu] pour ainsi dire immortelle, ce qui lui fait braver la décence et les Lois, c’est que son attrait, quoique perfide, n’en promet pas moins à l’inutile oisiveté, plus de jouissance et de plus promptes qu’à l’active industrie » (De la passion du jeu, op. cit., I, p. 137).

50 Cf. Encyclopédie, articles « jouer », « grammaire » (Boucher d’argis) et « jeu », « droit naturel et Morale » (De Jaucourt).

51 Cf. Les jeux et les hommes. Le masque et le vertige, op. cit., I, 2, pp. 50-75. Jeu et civilisation sont inséparables pour Caillois qui recense les jeux de compétition (âgon), les jeux de hasard (alea) ceux d’imitation ou de rôles (mimicry) et finalement les jeux qui sont attisés par la poursuite du vertige (ilinx).

52 Cf. Erasme, La civilité puérile, précédé d’une notice sur les livres de civilité depuis le XVIe siècle par Alcide Bonneau, présenté par Philippe Ariès, Paris, 1977, « Du jeu », pp. 103-104. Sur le processus de civilisation voir l’approche sociologique classique de Norbert Elias, La civilisation des mœurs (1939, 1969), Paris, 1973 (traduction), et, dans le cadre du monde rural, la vision anthropologique de Robert Muchembled, L’invention de l’homme moderne. Sensibilités, mœurs et comportements collectifs sous l’Ancien Régime, Paris, 1988.

53 Cf. Traité des jeux et des diverlissemens, op. cit., pp. 37-50, 357.

54 Cf. Traité du Jeu, op. cit., I, pp. 181, 225.

55 Sur Jean-Alphonse Turretini (1671-1737), « fossoyeur de l’orthodoxie » calviniste, voir les travaux de Maria-Cristina Pitassi, notamment De l’orthodoxie aux lumières, op. cit., surtout les pp. 42-50.

56 Cf. Turrettin, Sermon sur les inconveniens du jeu, op. cit., pp. 3, 4, 13, 22. Commentant ici l’épître de Saint Paul aux Philipiens (IV, v. 8 et 9), le ministre de Dieu est largement inspiré par Barbeyrac, op. cit., souvent paraphrasé et qui lui fournit l’essentiel de son argumentation hostile au jeu que guide une passion effrénée du lucre.

57 Cf. Traité du Jeu, op. cit., II, pp. 439-440.

58 Cf. Turrettin, Sermon sur les inconveniens du jeu, op. cit., pp. 10-11.

59 Ibid., p. 22 : « Si l’on souhaite quelque délassement, n’y en a-t-il pas de très agréables, soit dans ces Sociétez de Gens de Lettres, soit sans ces Sociétez de Politiques et de Négocians, soit dans ces Sociétez de famille, et autres semblables, où, sans le secours du jeu, on s’entretient avec confiance et avec liberté, de tous les sujets qui se présentent ? »

60 Cf. Dissertation théologique sur les loteries, op. cit., pp. 25-40.

61 Cf. Pierre Βutini, Sermons sur divers textes de l’écriture sainte, 2 vol., Genève, 1708, notamment le « Sermon sur la Pureté Chrétienne, ou Sermon sur la Seconde Epitre de S. Paul aux Corinthiens Chapitre VII, v. 1. », II, pp. 285-326.

62 Cf. Du Puy, Instruction d’un père à son fils sur la manière de se conduire dans le monde, op. cit., pp. 499, 514.

63 Cf. Robert Mandrou, Introduction à la France moderne. Essai de psychologie historique 1500-1640, Paris, 1961, pp. 225-232 ; idem, De la culture populaire aux 17e et 18e siècles. La Bibliothèque bleue de Troyes, Paris, 1964, pp. 139-141 ; Natalie Zemon Davis, Society and Culture in Early Modem France, Stanford, (1965) 1975, p. 25.

64 Cf. De la passion du jeu, op. cit., p. 2 (nous soulignons).

65 Cf. (Jean Soret), Essai sur les mœurs, Paris, 1756, IX, « Du Luxe », pp. 156-164.

66 Cf. G. Gusdorf, Les sciences humaines et la pensée occidentale, IV : Les principes de la pensée au siècle des Lumières, Paris, 1971, pp. 444-461 ; Schama, op. cit., pp. 289-371. Bibliothèque publique et universitaire, Genève, cabinet des manuscrits, Ms. Dumont, 64, Discours sur les mœurs de ma patrie, folio 13, texte anonyme non daté, circa dernier quart du XVIIIe siècle : le luxe est une « maladie cruelle » qui transforme l’Etat en « un corps bouffi par une trop grande abondance de sang », le luxe culmine dans le jeu d’argent né d’une richesse « superflue ».

67 De la passion du jeu, op. cit., II, p. 9.

68 Cf. AEG, Mss Hist 228, fol 121-126 verso, Copie du Discours fait au Magnifique Conseil des Deux cents le vendredi 8ème Janvier par Spectable Leonard Buisson Procureur général (citation simplifiée).

69 Cf. Michel Porret, « Au lendemain de « l’affaire Rousseau » la justice pervertie ou les représentations de la justice patricienne chez quelques publicistes de Genève 1770-1793 », et Robert Roth, « Réformes du droit pénal à Genève durant l’époque révolutionnaire », in Regards sur la révolution genevoise 1792-1798, actes publiés par Louis Binz, Bronislaw Baczko, Marc Neuenscwander, Olivier Labarthe et Roger Durand, Genève, 1992, respectivement pp. 119-150, 151-167. Butini fut en outre Procureur général en 1782 puis entre 1791 et 1793.

70 Cf. Traité du luxe, Genève, 1774, p. 69 ; soulignant la tolérance croissante des institutions genevoises, Butini prétend qu’il « est peut de pays où les Loix somptuaires soyent aussi sages que dans la République de Genève. Elle nous paraissent à une distance presque égale, et de cet esprit trop austère qui proscrivit autrefois les jeux de commerce, la danse et la musique et de cet esprit de dissipation qui né chez quelques grands Seigneurs malheureusement oisifs, s’est répandu comme un torrent dans toutes les parties de l’Europe » (p. 238).

71 Ibid., pp. 99, 105.

72 Ibid., pp. 106, 159-160.

73 Ibid., pp. 162 à 166.

74 Cf. (Gregorio) Leti, Critique Historique, Politique, Morale, Economique et Comique sur les Lotteries, Anciennes, et Modernes, Spirituelles, et Temporelles, des Etats et des Eglises, Amsterdam, 1697, I, p. 181.

75 Ibid., p. 170.

76 Michel Foucault : « Longtemps jusqu’au XVIIe siècle, le débat sur la mélancolie resta pris dans la tradition des quatre humeurs et de leurs qualités essentielles » (Histoire de la folie, éd. de 1974, coll. 10/18, p. 107).

77 Cf. Les passions de l’âme (1649), in Descartes, Œuvres complètes, éd. par André Bridoux, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1953, pp. 695-802.

78 Cf. articles : « Passions » « philosophie, logique, morale », et « Passions » « médecine, hygiène, pathologie et thérapie », véritable chronique des « choses non-naturelles » chères à Galien qui affectent la raison de l’homme, notamment la « fureur du jeu ».

79 Samuel-André Tissot, Essai sur les maladies des gens du monde, Lausanne, 1770, p. 31. Voir aussi, long diagnostic de la pathologie des passions, Clément-Joseph Tissot, De l’influence des passions de l’âme dans les maladies et des moyens d’en corriger les mauvais effets, Paris, 1798.

80 Cf. Jean-Etienne Dominique Esquirol, [1772-1840], élève de Pinel, thèse en 1805, Les passions considérées comme cause, symptôme et moyen curatif de l’aliénation mentale.

81 Cf. Traité du Jeu, op. cit., I, pp. 280-290, 298.

82 Cf. (Abbé Du Bos), Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, nouvelle édition, Utrecht, 1732, I, p. 13.

83 Cf. Dissertation théologique sur les loteries, op. cit., pp. 25-35.

84 Turrettin, Sermon sur les inconveniens du jeu, op. cit., p. 13.

85 De la Passion du jeu, op. cit., I, p. 141. A ce propos, Barbeyrac parle du « tort » que suscite « la passion du Jeu… directement à l’Ame, en y produisant de très-mauvaises dispositions » (op. cit., p. 298).

86 Leti, op. cit., I, p. 181.

87 Lettre et Réflexions sur la fureur du jeu, op. cit., p. 37.

88 Cf. De la passion du jeu, op. cit., « Insociabilité des Joueurs », I, pp. 188-196 ; jeu et aliénation sociale : II, pp. 19, 28, 41-42, passim ; jeu et folie : I, pp. 139, 141 ; II, pp. 27, 76, passim.

89 Cf. André Patsalides, La passion du jeu. Contribution à la structure perverse, Louvain, Faculté de Droit, Ecole de Criminologie, 1974 ; le titre de cette thèse est une citation implicite du livre de Jean Dusaulx.

90 Cf. De la passion du jeu, op. cit., I, pp. 89, 196-200, 208-221.

91 Jean-François Butini, Traité du luxe, op. cit., p. 103.

92 Cf. De la passion du jeu, op. cit., II, pp. 174-175, pp. 190-192 et surtout « Des Chevaliers d’industrie », pp. 188-198.

93 Ibid., II, p. 26.

94 Ibid., I, pp. 81-86.

95 Cf. De l’Esprit des Lois, ΙII, VIII-IX.

96 Cf. De la passion du jeu, op. cit., I, pp. 172-176, et aussi, II, p. 9 ; « De La Gaieté et du Plaisir », pp. 128-133 ; « Principaux moyens de réforme », pp. 273-280.

97 Ibid., II, p. 218.

98 Cf. Traité du luxe, op. cit., pp. 169-171.

99 Cf. De l’Esprit des Lois, III, iii : « Mais lorsque, dans un gouvernement populaire, les lois ont cessé d’être exécutées, comme cela ne peut venir que de la corruption de la république, l’Etat est déjà perdu. »

100 Traité du luxe, op. cit., p. 166.

101 (Abbé Coudrette), Dissertation (…) sur les loteries, op. cit., p. 54 ; l’abbé déplore ailleurs la « convention honteuse de se dépouiller les uns autres les autres » (p. 65) que permet la passion du jeu.

102 Cf traité du luxe, op. cit., pp. 241-244.

103 Ibid., p. 248.

104 Cf. De la passion du jeu, op. cit., II, pp. 265-266.

105 Ibid., II, p. 31.

106 (Abbé Coudrette), Dissertation (…) sur les loteries, op. cit., p. 44.

107 Cf. AEG, PC, 12631, « Réponses personnelles » de Charles François Marchand et PC 12619, « Réponses personnelles » de Pierre Frémont.