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« Effrayer le crime par la terreur des châtiments » : la pédagogie de l’effroi chez quelques criminalistes du XVIIIe siècle1

Michel PORRET

Université de Genève

La condamnation d’un citoyen, sa mort, est une calamité, un deuil pour l’Etat ; c’est cependant le triomphe de la Justice, que le jour et l’exemple de ses vengeances. Il faut tacher de réunir les signes les plus capables d’inspirer la tristesse, la crainte […], l’horreur du crime et le dessein de rester vertueux. […] Le Condamné sera promené au son du tambour, de place en place, de carrefour en carrefour, accompagné de Satellites en nombre suffisant, pour assurer l’exécution ordonnée et le bon ordre. A chaque place ou station, un Crieur public annoncera à haute voix, la Loi violée, le crime commis, et l’Arrêt prononcé. Si la marque avec un fer chaud est ordonnée, elle sera imprimée sur la joue droite pour la première fois, et en cas de récidive sur la joue gauche ; afin que la condamnation produise son effet, l’infamie manifeste et publique du Criminel. S’il y a peine de mort, outre ce qu’on vient d’observer, on revêtira le Coupable d’une chemise ensanglantée, on lui assurera dans la main, l’instrument du meurtre, six des Satellites, destinés à le fusiller, seront autour de lui, portans des crêpes à leurs chapeaux. Le Tambour également voilé d’un crêpe, et le tocsin répandront l’épouvante et la consternation ; et le cadavre de l’homicidé ou son effigie en cire, revêtue de ses habits teints de sang, étendue au lieu du supplice, achevera de consterner les bons citoyens, et d’effrayer les méchans. Le Criminel, à genoux devant ce cadavre, fera tout haut l’amende honorable, avant d’être exécuté, et après que la lecture de la Loi et de l’Arrêt aura été faite pour la dernière fois, les coups de fusil seront lachés au signal que donnera le Greffier en élevant le livre de la Loi, pendant que les cloches sonneront […]. (Discours sur les loix pénales qui a obtenu l’accessit à l’Académie de Châlons-sur-Marne, en 1780, 1781).

Un sentiment humain

Dans un univers de la faute où vit l’Humanité depuis la chute originelle, mille objets focalisent tour à tour les peurs individuelles et collectives. Si la peur peut donner des ailes ou clouer les pieds de l’Homme, elle pénètre aussi les recoins de l’âme humaine, au moment du sommeil lorsque le cauchemar prolonge les angoisses de l’éveil. « Je me suis vu dans un péril de mort. Je me suis retenu dans de la fougère. Creux profond et désespoir, grande frayeur et peur. J’ai vu au delà du Péril […] » écrit par exemple en 1773 le libraire genevois Pierre Frémont dans le cahier de ses Pensées nocturnes où il note les rêves dont il a mémoire, notamment ceux concernant le gibet de la République2.

Frumentaire, insécuritaire ou hygiénique : accentuée par une fragilité sociale intense, la causalité de l’effroi est multiple jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Matérialisant selon Lucien Febvre la prégnance absolue de l’église dans l’univers mental et matériel de l’Ancien Régime, le bourdonnement sourd du « sinistre tocsin » n’a-t-il pas constitué un signal d’alarme universel contre le « péril » du feu, de la foudre et des brigands qui, en attisant la peur collective, permettait le sursaut communautaire3 ? Sentiment naturel, la peur engendre chez l’être humain un sentiment et une culture de l’angoisse. Peur subie ou peur infligée : nourri de culpabilité et de phobie cet état psychologique marqué par l’affectif suit la conscience d’un danger concret ou imaginaire et conduit l’individu à mobiliser son système défensif. S’il n’est pas téméraire, l’être impavide n’est-il pas frappé par la mort ? Or, si les premières idées de l’homme ne « sont que peine ou plaisir », selon la thèse sensualiste proposée par la philosophie lockienne que résume en 1754 Condillac dans son Traité des sensations, la crainte, comme l’amour ou la haine, enveloppent toutes « les facultés de l’âme » jusqu’à l’aveuglement de la raison, jusqu’à la mort du corps dont le sang est figé par la peur. Véritable signal d’alarme, l’angoisse humaine grossit par paliers et engendre les « superstitions », notamment religieuses, que les philosophes du siècle des Lumières veulent défaire4. La « peur est souvent un foible de la machine pour le soin de sa conservation, dans l’idée qu’elle a du péril. La frayeur est une épouvante plus grande et plus frappante. La terreur est une passion accablante de l’âme, causée par la présence, ou par l’idée très-forte de l’effroi. » Enoncée par le chevalier de Jaucourt dans l’Encyclopédie, ce tableau pathologique des « divers états de l’âme » face à la crainte souligne l’universalité de ce « sentiment » humain qui évolue au fil des siècles selon des appréhensions individuelles ou collectives sur lesquelles pèsent structure et conjoncture5. Débarrassée des terreurs engendrées par les grandes pestes médiévales, la Renaissance découvre des peurs nouvelles que multiplie le contact accru entre les hommes (guerre, négoce). « Du XIVe au XVIIe siècle […], une autre grimace de la peur, des magies renouvelées de purification et d’exclusion » affecteraient les élites européennes dont la conscience est marquée par l’effroi des maladies vénériennes, la peur de la folie ou de la marginalité sociale culminante dans la pauvreté, écrit Michel Foucault en 19726. Ces « grimaces de la peur » sont multiples : elles encadrèrent longtemps l’usage pénal enraciné dans la crainte que devait susciter le gibet pour « effaroucher le crime ».

La peur du brigand

Avec la fin de la chasse aux sorcières s’est éteinte en Occident au XVIIe siècle une importante source de peur collective7. Or, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la peur du brigand prolonge les effrois collectifs d’un monde tenaillé par les rumeurs. Réprimée par une « justice arbitraire » et légitimant longtemps la peine capitale souvent exacerbée par une « mort atroce » sur la roue, la criminalité qualifiée par l’« association de brigands » a constitué entre le XIVe siècle et les franges du XIXe siècle une source d’insécurité importante dans la société occidentale8. Magistrat de Westminster depuis 1748, Henry Fielding déplore en 1751 la crue de la criminalité associative, la plus « opiniâtre des maladies du corps politique » pouvant menacer un « Etat libre », notamment la sûreté de ses routes, la liberté de son commerce et la sécurité de ses sujets9. « Depuis la mort de Cartouche [roué vif] on exécute tous les jours de ses complices. […] On ne parle plus à Paris que de rompus et de pendus ; tous les jours il y en a de la suite de Cartouche », note Barbier (1689-1771) en 1718, témoin attentif des supplices publics infligés aux membres de la célèbre bande de bandits qui, par le vol et le meurtre, terrorisait Paris depuis 170810. Ainsi, Cartouche le fléau des villes, Nivet dit « Fanfaron » rompu en place de Grève en 1729 au milieu de ses complices assassins, Mandrin le chef des contrebandiers roué vif à Valence le 24 mai 1755, l’empoisonneur Desrues mort à son tour sur la roue à Paris en 1777 : la destinée des seigneurs du crime se termine invariablement par une mort exacerbée et exemplaire11. Au terme de procès-fleuves, les exécutions des bandits de haut vol s’inscrivent donc dans une intense pédagogie de l’effroi que popularisent les complaintes, remarquées par Sébastien Mercier au chap. 827 de son Tableau de Paris (1781-1788), qui veulent édifier le peuple en le détournant du crime. « Que la fin tragique de Nivet et de ses complices vous serve d’exemple […] » annonce cette brochure anonyme imprimée en 1729 et vendue au pied du gibet. « Cartouche a péri sur la roue ; Mandrin a eu le même sort. C’est toujours par là que finissent les brigands, les assassins, les incendiaires. On a jamais eu vu le coupable jouir impunément de son crime » continue cette biographie moralisante de Mandrin diffusée à Chambéry en 1755. En Enfer, « toi Cartouche, va prendre ta place à la tête des Filoux. Toi Mandrin, sois le chef des Brigands, et devenez tous deux l’effroi des coupables »12.

« Enchaîner par la frayeur »

« C’est une clémence que de faire d’abord des exemples qui arrêtent le cours de l’iniquité. Par un peu de sang répandu on en épargne beaucoup pour la suite et on se met en état d’être craint sans user souvent de rigueur » écrit Fénélon au livre X des Aventures de Télémaque (1717). Terrorisante, arbitraire ou légale, mais revers obligé du contrat social, la « peine est un mal » nécessaire pour « détourner les Hommes » du mal écrit Barbeyrac en 1718 lorsqu’il résume Pufendorf et les thèses pénales du jusnaturalisme suivies par Burlamaqui et Rousseau13c. Face au crime des hommes que qualifient mille « circonstances » aggravantes ou atténuantes, tout « châtiment n’est donc qu’un acte politique dont le premier objet est la conservation des mœurs », continue en 1767 le magistrat dauphinois Jean-Michel Servan (1737-1807) dans son Discours sur l’administration de la justice criminelle, blason remarqué du réformisme pénal lancé par Beccaria et qui allait encadrer la discussion des « crimes et châtiments » jusqu’au début du XIXe siècle14. Ainsi, cadre de la « sécurité publique », la peur du gibet prônée par les criminalistes de l’Ancien Régime, résumée par les sentences publiques et concrétisée par les exécutions capitales infligées sur le forum de la cité, appartient à la catégorie des effrois mobilisateurs que recherche une pédagogie terrorisante soucieuse d’« épouvanter les scélérats »15. « La condamnation d’un citoyen est une calamité, un deuil pour l’Etat ; c’est cependant le triomphe de la Justice, que le jour et l’exemple de ses vengeances. Il faut tacher de réunir les signes les plus capables d’inspirer la tristesse, la crainte sur toute chose, l’horreur du crime et le dessein de rester vertueux », écrit ce réformateur anonyme du droit pénal remarqué en 1780 par l’Académie de Châlons-sur-Marne16. Résumant un credo commun durant l’Ancien Régime, cette pédagogie de l’effroi voulue dissuasive légitima la peine capitale reconduite lorsque le code pénal abolit en 1804 le régime arbitraire des peines en usage jusqu’au XIXe siècle dans toute l’Europe continentale17. A travers la douleur de la peine, cet « art de retenir la vie dans la souffrance » selon le mot de Michel Foucault18, la justice traditionnelle attisait la pénitence rédemptrice et espérait combattre le crime par l’exemplarité d’une mort infâme et effrayante mise en œuvre par une jurisprudence multiséculaire. « Etre coupé en quatre morceaux », « Etre bouilli dans l’eau chaude », « Etre noyé », « avoir les yeux crevés », « avoir les oreilles coupées », « avoir le nez coupé » : la pédagogie de l’effroi se conjugue avec un catalogue de supplices terrorisants qu’établit ici avec scepticisme le criminaliste Daniel Jousse en 177119. Les corps des pendus ou des roués ont longtemps été exposés sur les places publiques ou aux portes des villes de l’Ancien Régime (ill. 11) avant que les médecins ne puissent systématiquement les récupérer pour les utiliser « à des expériences qui servissent […] à rassurer ou préserver ou guérir » selon le vœu formulé en 1756 par Maupertuis20. Toujours construite sur un symbolisme d’exclusion expiatoire, cette publicité donnée à la pédagogie de l’effroi est particulièrement soutenue autour des bois de justice. « Lesfourches patibulaires sont ordinairement placées hors des villes, bourgs et villages, à la proximité de quelque grande route, et dans l’endroit le plus élevé, afin de prolonger l’exemple du supplice, qui doit toujours être le principal objet de la punition des coupables. […] On a voulu encore par l’établissement des fourches patibulaires, ajouter à la peine du supplicié, en rendant son corps le jouet des vents, en l’abandonnant aux animaux sauvages, en un mot en le privant de toute sépulture »21. Même objectif de la peur avec l’effigie qui permettait sous la forme d’un tableau de bois d’exécuter publiquement des criminels jugés par contumace et d’« imprimer une plus grande ignominie sur l’accusé », affirme Boucher d’Argis dans l’Encyclopédie lorsqu’il résume la philosophie de cette pédagogie de l’effroi construite sur l’usage d’une peine représentative (ill. 12)22.

Souligné par les historiens de la délinquance, l’« adoucissement » des châtiments qui caractérise pourtant le régime pénal au XVIIIe siècle signale un affaissement séculaire de la criminalité de sang qualifiée par des « circonstances atroces » au profit d’une croissance de la fraude réprimée. Ancré dans une idéologie humaniste et utilitaire qui permet de désacraliser le contentieux pénal, le tassement de la peine capitale perçu en Europe durant le XVIIIe siècle marque un recul de l’insécurité collective liée à cette criminalité de sang. Entre le début et la fin du XVIIIe siècle, malgré l’accroissement démographique et la multiplication des procédures criminelles, surtout en milieu urbain, dans toutes les juridictions européennes de moins en moins de délinquants périssent sur l’échafaud23. En fait, toujours évoqué pour combattre la peur du crime, le régime des peines s’« humanise » à partir de 1750-1760 et aboutit au projet majeur du réformisme pénal des Lumières : substituer les travaux forcés à la peine capitale24, même si le corps des délinquants reste l’objet d’une pénalité infamante et corporelle jusque dans les premières décennies du XIXe siècle (pilori, fustigation, amputation du poing des parricides) selon le Code pénal de 1810. Inaugurée le 25 avril 1792 avec la décapitation du voleur récidiviste Nicolas Jacques Pelletier, la guillotine qui concrétise les principes d’une mort « égalitaire », selon les vœux de l’Assemblée constituante exprimés dès 1790, ne devait-elle pas atténuer l’archaïque pédagogie de l’effroi, fustigée par le bourreau Sanson dans un mémoire soulignant les inconvénients moraux et techniques de l’ancienne mode de décapitation par l’épée, laquelle « par l’immensité de sang qu’elle produit et qui se trouve répandu, portera l’effroi et la faiblesse dans l’âme des plus intrépides de ceux qui seront à exécuter. Ces faiblesses produiront un obstacle invincible à l’exécution, le sujet ne pouvant plus se soutenir »25.

Terrifier le crime

On peut considérer la finalité du régime pénal occidental au XVIIIe siècle selon la thèse matérialiste de Rusche et Kirchheimer, réactualisée par Michel Foucault en 1975, qui voyaient en 1939 la répression des crimes comme l’aboutissement du projet politique d’une bourgeoisie soucieuse de discipliner les corps pour mieux asseoir le régime marchand et capitaliste appuyé sur l’« éclat des supplices ». S’il est indéniable que l’évolution du système pénal occidental est liée à l’évolution des structures économiques, notamment celles de la propriété privée, peut-on réduire toute l’économie des châtiments légaux à cette seule finalité matérialiste26 ? Prétendre que l’émergence d’une société disciplinaire et marchande trouve a priori un allié de taille dans la justice criminelle qui, par la pédagogie de l’effroi, dresse les corps pour mieux assujettir les âmes, conduit à oublier que la motivation des châtiments repose sur un examen minutieux des circonstances de la fraude ou des crimes de sang qui très souvent pèsent sur les plus démunis de la société traditionnelle. Par exemple, le brigandage venait s’« ajouter à la misère générale de la paysannerie qui fournit fatalement le plus grand nombre de ses victimes » selon le diagnostic de Nicole Castan27. Il est possible d’affiner la thèse matérialiste en redonnant actualité aux postulats durkheimiens qui voyaient dans la « douleur de la peine » l’« instrument méthodique » qu’une société utilise pour neutraliser les individus ayant brisé le « lien de solidarité sociale » auquel oblige la vie collective. La peine, longtemps « arbitraire », c’est-à-dire laissée à l’interprétation des circonstances aggravantes ou atténuantes du délit que faisait le juge soucieux d’aggraver ou de modérer sa sentence selon la nature du crime examiné, exprime peut-être une forme radicale de « solidarité » sociale. Sévère ou adoucie selon le degré de développement d’une société (gibet vs. prison), la peine à travers la crainte exprime divers degrés de « contrainte » nécessaire à resserrer 1’« organisme social »28. En effet, tout droit pénal, souligne Jean Graven en 1948, repose sur le « triple pilier de l’expiation – de la réparation du mal par le mal – de la vengeance publique, et de la déterrition par l’exemple des plus sévères châtiments »29. D’intensité modulable, la punition légale n’est donc point une norme détachée des contraintes politiques et sociales30. Voulant in fine éteindre la source des crimes, la peine traduit un projet « progressiste » que maintes institutions de redressement, inspirées par la pensée monastique ou l’idéologie protestante du labeur correctif, ont tenté depuis la fin du XVIIIe siècle d’appliquer à travers la consigne carcérale31. Or, depuis que les hommes abandonnèrent l’ « état de nature » pour vivre sous la houlette du contrat social nécessaire à renforcer l’Etat qui protège et sanctionne, la délinquance acquisitive ou celle de sang ajoute la peur du crime – l’insécurité – aux terreurs que génère une nature hostile. Toujours évoquée pour légitimer le durcissement d’un régime pénal, l’insécurité n’est pourtant pas un concept immuable puisqu’il souligne ce qui menace durablement ou ponctuellement une société.

La pédagogie de l’effroi rend impératif l’énonciation et le maintien de normes que protège un régime pénal accordant au souverain le droit régalien de justice, ce « pouvoir direct sur la vie et les biens de ses sujets ; [nécessaire] pour la punition des crimes et des délits qui troublent la société civile. C’est ce qu’on appelle proprement droit de vie et de mort », affirme dans La science du gouvernement Gaspar de Real de Curban (1682-1752), dans un long chapitre consacré aux fondements politiques et juridiques du « droit coactif »32. Le projet sécuritaire des juges de l’Ancien Régime attachés à des peines administrées sur les places des villes voulait donc « terrifier le crime » afin de conforter le sentiment de la vindicte publique. Le préambule de l’ordonnance criminelle de 1670, muette sur l’éventail des peines mais qui allait réglementer pour plus d’un siècle la procédure pénale en France, affirme que la justice doit contenir par la « crainte des châtiments ceux qui ne sont pas retenus par la considération de leur devoir »33. Cette consigne de la peur recueille l’assentiment de la majorité des grands criminalistes-praticiens du XVIIIe siècle lorsqu’ils discutent les circonstances aggravantes ou atténuantes de la criminalité et s’interrogent sur la nature arbitraire des peines. Si la peine capitale est « une playe refermée dont la cicatrice reste toujours », la justice doit en imposer par la force aux « monstres » que sont les criminels en « détruisant le mal jusqu’à la racine », écrit en 1716 l’avocat au Parlement de Paris Antoine Bruneau dans ses Observations et maximes sur les matières criminelles34. En 1751, dans un commentaire extrêmement technique, Guy Rousseaud de la Combe évoque aussi la « crainte des châtiments » impérative au respect social des lois35. Terrorisante, la peine capitale reste donc légitime pour effrayer les « scélérats », affirme Jean Lavie en 1764. Pourtant, continue-t-il, le législateur qui veut corriger les délinquants par la réclusion définitive devrait trouver un « milieu entre [cette] peine si douce et le châtiment horrible de la mort », car la prison perpétuelle est insuffisante à « jeter l’épouvante [pour] arrêter le crime »36. « Un bon Prince doit réprimer les vices par la crainte des peines », affirme De Real favorable à la peine capitale réservée au meurtrier lucide qui « mérite d’être détruit ». Sévère Talion imposé ici par la réciprocité de la terreur devant lier crimes et châtiments, car il « est contre l’équité naturelle que le coupable n’ait pas plus à craindre que l’innocent »37. La finalité objective des lois criminelles doit « réprimer toutes les entreprises » collectives ou individuelles menaçant l’« ordre et l’économie » de la société annonce en 1771 le criminaliste et magistrat d’Orléans Daniel Jousse (1704-1781) dans sa volumineuse compilation judiciaire de 3320 pages qui « marque l’aboutissement de plusieurs siècles de réflexions doctrinales »38 et que précède une longue préface où il énonce sa philosophie pénale toute empreinte de réformisme modéré39. Reprenant les principes universels de l’équité et ceux de l’harmonie parfaite entre crimes et châtiments que Beccaria a popularisé en 1762 dans son Dei delitti e delle pene, Jousse estime que la simple peine capitale peut être « exacerbée » (Durkheim) par une « mort cruelle pour empêcher de commettre certains crimes plus dangereux que les autres, par leur énormité et par leurs suites ». Si, en vertu d’une « justice distributive » idéale, des récompenses peuvent « exciter » la vertu, légaux, des châtiments exemplaires doivent alors peser par la menace sur le crime. C’est au nom de cette pédagogie de l’effroi, précise Jousse, que les « exécutions se font ordinairement non dans les prisons, mais dans les places publiques et dans les lieux les plus fréquentés, avec un appareil accompagné de tout ce qui rend capable d’intimider le peuple ». Universelle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle en Europe occidentale, la pédagogie de l’effroi résumée ici par Jousse n’est pas un simple plaidoyer pour le « mal de la peine » puisqu’elle espère que la « vue de ces punitions sert à contenir les méchants, et les engage à éviter le crime, de la même manière que s’ils le haïssoient véritablement »40. Depuis 1757, espérant à son tour éteindre le « crime en général », François Muyart de Vouglans (1713-1791) – le pénaliste-praticien français le plus hostile au réformisme pénal des Lumières selon Franco Venturi – qui a notamment combattu Montesquieu jugé laxiste en matière pénale et réfuté les thèses abolitionnistes beccariennes, plaide au fil de ses traités pour une rigoureuse pédagogie de l’effroi nécessaire à discipliner les « scélérats »41. Estimant que le contrat social qui repose sur le volontarisme individuel et les lois positives est une chimère politique, Muyart de Vouglans voit en le régime pénal, notamment la peine capitale, le garde-fou indispensable au maintien de la « sécurité générale », une nécessité pour « exterminer le méchant, servir d’exemple, purger la société et la préserver de la contagion que le mélange des méchans ne manqueroit pas d’y répandre »42. Des crimes considérés comme « atroces » en raison de leurs circonstances aggravantes (préméditation, cruauté, détermination froide ou encore trahison de la confiance de la victime) légalisent donc une sévère pédagogie de l’effroi visible dans la pratique pénale de maints magistrats.

En 1787 à Genève, un procureur général examinant les circonstances aggravantes d’un viol évoque l’idée d’une castration « terrorisante » d’un violeur, notamment au moment où la courbe officielle des attentats contre les mœurs s’élève et attise une intense peur sociale face à la contagion du mal vénérien diagnostiqué par une expertise médicolégale dans une procédure criminelle sur deux ouverte au fil du siècle43. Jetant l’alarme dans la communauté traditionnelle de même que les « enlèvements d’enfants », l’empoisonnement au milieu du XVIIIe siècle qui est encore marqué par la peur collective face à la sorcellerie appartient aussi à la catégorie des « crimes atroces » dont les auteurs peuvent être brûlés ou roués44. « Vû le procès criminel fait et poursuivi contre Joseph H. […] prévenu de crimes d’empoisonnement, d’assassinat et de vol […] l’avis en deux tours a été que ledit H. sera lié et garrotté par l’exécuteur de la Haute-Justice et ensuite mené à la place de Plainpalais pour là être pendu et étranglé à un gibet dressé à cet effet jusques à ce que mort s’en suive, et que le cadavre du dit H. sera jetté dans un bûcher pour y être consumé et ses cendres jettées au vent […] » : les termes de cette délibération judiciaire, tenue par le Petit Conseil de Genève en 1773 et bientôt reprise dans une sentence annoncée publiquement à « son de trompe », prolonge la pédagogie de l’effroi au-delà de la mort du délinquant45. Inspirant l’horreur sociale et les foudres de la justice, l’infanticide des nouveaux-nés (l’encise) commis par des filles-mères justifia aussi une pénalité sévère – peine capitale, bannissement précédé d’une fustigation, etc.46 – qui était censée « épouvanter » les « mères indignes » et inspirer le respect de la vie des « innocents ». « Monstres que celles qui ôtent la vie à ceux que la nature et la providence engagent plus particulièrement d’aimer et de conserver », affirme, par exemple, ce procureur général de Genève en 1742 lorsqu’il réclame la mort d’une mère infanticide, ce crime des « femmes dures et légères »47.

Cette pénalité de la terreur, aveugle jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle sur les racines sociales qui nourrissaient le désespoir des mères tueuses, emporte encore en 1770 l’adhésion du réformateur Philipon de La Madeleine (1734-1818) dont l’imaginaire punitif est inspiré par une étonnante pédagogie de l’effroi nécessaire à corriger une mère infanticide : si « pendant un certain nombre de jours, on la promenoit au milieu de nos places, chargée de tout le poids de la malédiction publique, tenant étroitement embrassé le cadavre qu’elle a privé de la vie, la bouche collée sur ses lèvres livides, contrainte d’en respirer l’odeur infecte, forcée de repaître ses regards du spectacle le plus affreux qu’on puisse offrir à une mère »48.

Certains comportements individuels, criminalisés en raison des déviances morales et religieuses qu’ils impliquent, sont l’objet d’une pédagogie de l’effroi censée réparer les outrages aux mœurs : à Genève, entre 1555 et 1678, deux douzaines d’hommes incriminés pour avoir consommé des « relations contre nature » avec un animal (jument, vache) périrent sur le gibet, alors qu’à Paris quelques sodomites furent encore exécutés publiquement en 175049. Une telle pénalité de l’effroi peut d’ailleurs être infligée après la mort des individus incriminés par la justice pour duel ou suicide. Jusqu’à ce que 1’« homicide de soi-même » eût été décriminalisé par le Code pénal de 1791, l’infamie post mortem réservée aux suicidés autorisait les juges à ordonner que les « cadavres de ceux qui se sont homicidés eux-mêmes [soient] traînés sur une claie la face contre terre, et ensuite [soient] pendus par les pieds »50. Pédagogie de l’effroi nécessaire ici à « détourner les Hommes d’une action aussi exécrable et aussi inhumaine que celle d’être l’auteur de sa propre destruction », impérative surtout à faire « passer jusqu’à la Postérité [les] traces flétrissantes de l’opprobre dont ils se sont couverts », résume en 1757 Muyart de Vouglans51.

Châtiment corporel et infamant des délinquants incriminés pour violence corporelle ou fraude qualifiée, en passant par les déviances faites à la morale et aux mœurs : la pédagogie de l’effroi voulant éteindre l’insécurité urbaine née du crime tente en fait de socialiser l’individu délinquant. « Si vous envisagez, écrit en 1761 le Procureur général de Genève Jean-Robert Tronchin dans un réquisitoire réclamant le bannissement d’un agresseur, les loix dans leur rapport avec la Sécurité publique, vous trouverez que leur sévérité n’est que compassion pour la Société générale. Et rien n’est si humain que d’inspirer aux Hommes un respect prodigieux pour leurs semblables », serait-ce par la terreur des châtiments52. La peur du châtiment corporel « doit être telle qu’elle effraye la violence » conclut le même magistrat, pourtant critique plus d’une fois envers la simple pédagogie de l’effroi incapable de corriger la « méchanceté des hommes »53.

La pédagogie de l’effroi : correction ou école du crime ?

Justifiant la réciprocité pénale entre crime et châtiment, cette pédagogie de la terreur lentement se transforme au cours du XVIIIe siècle au profit d’une directive utilitaire qui prône la réintégration sociale des délinquants par une correction utile pour « régénérer » les mœurs. « Gouverner par la force des supplices, c’est vouloir faire faire aux supplices ce qui n’est pas en leur pouvoir, je veux dire, donner des mœurs », écrit De Jaucourt dans l’Encyclopédie lorsqu’il condamne la pédagogie de l’effroi54. A suivre J.M. Beattie dans son travail exhaustif consacré à la criminalité anglaise et sa répression durant l’époque moderne, les objectifs nouveaux de la pénalité consistaient donc, vers la fin du XVIIIe siècle, à « attaquer non plus le corps du prisonnier, mais son esprit et son âme »55. La pédagogie de l’effroi changeait moins son objectif que son objet d’investigation directe. « Epouvanter le crime par le plus grand appareil de la justice, ménager en secret le coupable ; tels doivent être les deux pivots de la jurisprudence criminelle », plaide en 1786 Sebastien Mercier dans son uchronie qui vulgarise par la fiction le réformisme beccarien hostile à la pédagogie de l’effroi56. En fait, à partir des années 1760, la pédagogie de l’effroi que retiennent les criminalistes et les magistrats du siècle des Lumières, abandonne progressivement le châtiment des corps pour investir l’« âme des scélérats » devenue l’objet nouveau de la pénalité. Cette exigence utilitaire trouvera sa finalité dans le projet carcéral universalisé au XIXe siècle. Moins théorie précoce du totalitarisme que signe du volontarisme des Lumières, l’entier projet du panoptisme – cette concrétisation radicale de la « pénitence » organisée par une surveillance incessante des délinquants – imaginé par Jeremy Bentham en 1786 repose sur l’idée constructive que la justice doit « réformer les mœurs des personnes détenues, afin que leur retour à la liberté ne soit pas un malheur, ni pour la société, ni pour eux-mêmes »57. Bordée de philanthropisme, cette exigence disciplinaire nouvelle, radicalement exprimée par Beccaria dès 1764, est devenue depuis le milieu du siècle le mot d’ordre de magistrats éclairés car persuadés que la répression des crimes n’est possible qu’avec la correction véritable des délinquants que ne peut plus garantir la simple pédagogie de l’effroi conjuguée avec l’infamie des peines. « Solliciter l’âme du criminel », « frapper l’imagination » des « scélérats », corriger la « perversité de caractère » d’un délinquant ou encore « frapper fortement la tête du coupable » : ces exigences morales d’une peine utilitaire conduisant à l’amendement social deviennent une directive commune à partir de 1760, notamment sous la plume de certains procureurs généraux de Genève chargés de requérir une peine qu’aggravent ou atténuent les circonstances du crime. La peur de la potence qu’accentue l’infamie « a le grand inconvénient de ne laisser presque au coupable pour subsister que les ressources d’un nouveau crime » avertit plus d’une fois le Procureur général Jean-Robert Tronchin entre 1760 et 1766, lucide devant la marginalisation sociale que produit la pédagogie de l’effroi58. En 1785, un autre magistrat genevois réclamant la peine capitale contre un voleur multirécidiviste dont le crime est qualifié par des circonstances aggravantes (nuit, infraction, récidive) déplore que la République ne puisse organiser des « travaux publics, qui perpétuent l’exemple de la peine, en consacrant au service de la société la vie des criminels dont on prolonge ainsi le supplice et l’infamie »59.

A la veille de la Révolution, la simple peur du gibet et son cortège de peines infamantes ne semblent plus constituer une barrière dissuasive assez forte pour contrer les délinquants. Contre la pédagogie de l’échafaud construite sur la mort instantanée (pendaison) ou exacerbée par le supplice, les réformateurs plaident pour la privation de liberté dont la durée est modulable à souhait. En 1764, Beccaria affirme que le « frein le plus puissant pour arrêter les crimes n’est pas le spectacle terrible mais momentané de la mort d’un scélérat, c’est le tourment d’un homme privé de sa liberté, transformé en bête de somme et qui paie par ses fatigues le tort qu’il a fait à la société »60. A son tour l’abbé de Mably insiste en 1776 sur l’inefficacité de la pédagogie de l’effroi sur l’âme des criminels : « La mort n’est qu’un instant. Les scélérats savent qu’elle est inévitable, ils se familiarisent avec cette idée, ils s’accoutument à n’en être point effrayés, l’ignominie de leur fin ne les touche pas, puisque toute leur vie est emplie d’ignominie »61. Le législateur mesurerait combien la pédagogie de l’effroi est vaine si l’« on avait une confession exacte de tous les scélérats que la crainte du dernier supplice a seule empêché qu’ils ne commissent une infinité de crimes », prétend à la fin des années 1780 cet anonyme encyclopédiste spécialiste du droit pénal62. Réaliste, cette anthropologie pessimiste sur l’efficacité de la dissuasion pénale construite sur la pédagogie de l’effroi conduit au projet correctif qui espère transformer l’homme en profondeur en lui inculquant l’amour de la loi et non point la terreur du bourreau. « Les hommes qui ne sont retenus que par la crainte, se familiariseront peu-à-peu avec l’idée de nouveaux supplices ; leur âme deviendra atroce » met en garde Mably63. Pour les réformateurs, les châtiments atroces rendus légitimes par la pédagogie de l’effroi entraînent une surenchère criminelle dont les conséquences pervertissent la finalité humaniste du projet pénal qui doit régénérer les délinquants et les mœurs. La loi qui « cimente » la société avec chacun de ses membres ne saurait détruire le plus criminel des scélérats même au nom de la pédagogie de l’effroi dont l’effet peut fragiliser le tissu social. Des « peines tempérées, assez sévères pour intimider le crime » et ne détruisant pas l’« humanité » qui se trouve dans chaque délinquant : tel est le vœu exprimé en 1770 par Philipon de La Madeleine lorsqu’il espère convaincre l’Académie des sciences, des belles lettres et des arts de Besançon combien les peines capitales « déshonorent encore [la] législation » de son temps.

Inhumaine, la pédagogie de l’effroi dévalorise moralement ceux qui l’ordonnent. Un maître ayant dénoncé son domestique voleur, promis bientôt à la corde, devrait avoir une « âme de bronze, pour soutenir la vue d’un gibet planté sous ses fenêtres et les cris d’un malheureux dont [il] a reçu les services »64. Mais à cette critique classique de la peine capitale réservée au vol domestique selon un usage qui s’effrite au XVIIIe siècle, s’ajoute la leçon d’un rousseauisme bienveillant qui espère changer le « cœur humain » non point par la pédagogie de l’effroi mais par l’exemple de la vertu. « Ramener au bien celui qu’un funeste hasard avoit entraîné vers le mal […] ce doit être le premier but de toute loi pénale » continue Philipon de La Madeleine qui incrimine la loi du talion, ce « plaisir affreux de la vengeance »65. Or ce désaveu de la pédagogie de l’effroi, que prônent par exemple la plupart des réformateurs du droit pénal que Brissot de Warville rassemble arbitrairement entre 1782 et 1785 dans les 10 volumes hétéroclites de sa Bibliothèque philosophique du législateur, implique une véritable révolution mentale dans l’apprentissage des normes sociales. Tout se joue en fait au moment où l’enfant apprend les règles de sociabilité auxquelles il devra faire allégeance une fois adulte. Or, écoles ou familles ne sont que le creuset des châtiments où la « punition y devient l’apôtre de la vertu ». Injuste et aveugle, ce dressage « rend ensuite les supplices nécessaires » et inévitables. A la fin du compte, demande encore Philipon de La Madeleine, le législateur dispose-t-il alors d’un « moyen de conduire autrement que par la peur de la roue, celui qui s’est accoutumé dans l’enfance à n’agir que par la peur du fouêt ? »66

« Descendre dans le cœur humain »

Partagé à la fois par une poignée de magistrats éclairés et par les réformateurs qui revendiquent l’héritage beccarien jusqu’à la fin de l’Ancien Régime67, ce plaidoyer rationnel contre la peine capitale, hostile à la seule pédagogie de l’effroi et sceptique envers les peines infamantes, propose une approche utilitaire et humaniste dans la correction du délinquant. « Et voilà véritablement le grand but de la Justice criminelle, un exemple pour l’avenir, plutôt que la vengeance du passé », affirme encore Servan lorsqu’il récuse la seule pédagogie de l’effroi au profit d’une peine d’incarcération prompte au crime afin que le « Peuple [ne soit pas] insensible au péril dont il a perdu le souvenir »68. La flétrissure du corps par le fer ardent, le massacre des criminels sur un tréteau auquel s’ajoutent une « agonie exemplaire » sur la roue le visage tourné vers le ciel ou la fustigation jusqu’au sang : cet arsenal archaïque de la terreur pénale doit céder place à l’investigation morale et à l’éducation. Moins punir par un terrible « spectacle de la douleur » que « descendre bien avant dans le cœur humain [afin d’y attacher] le premier anneau » des lois. Plaidée par Servan qui voulait réformer le régime pénal en soudant par le « lien social » et l’éducation une inaltérable « chaîne des idées dans la tête [des] Citoyens »69, cette allégorie légaliste de Philipon de La Madeleine souligne-t-elle la défaite de la pédagogie de l’effroi et le triomphe d’un droit pénal humanisé rendu possible par une véritable éducation qui conduirait à l’amour des lois ? Défaite assurée à écouter le mot volontariste de Servan hostile à la pédagogie de l’effroi : « Un Despote imbécile peut contraindre des esclaves avec des chaînes de fer ; mais un vrai Politique les lie bien plus fortement par la chaîne de leurs propres idées ; c’est au plan fixe de la raison qu’il en attache le premier bout ; lien d’autant plus fort que nous en ignorons la texture, et que nous le croyons notre ouvrage : le désespoir et le temps rongent les liens de fer et d’acier, mais il ne peut rien contre l’union habituelle des idées, il ne fait que la resserrer davantage, et sur les molles fibres du cerveau est fondée la base inaltérable des plus fermes Empires »70. Défaite probable à lire les propositions pénales que font les orateurs de la Constituante lorsqu’ils débattent depuis août 1789 sur « l’organisation du pouvoir judiciaire », notamment l’abolition des peines infamantes ou la légitimité du gibet peu remise en question71. Défaite attestée si l’on suit le rêve uchronique de Sébastien Mercier qui en 1786 invite au voyage dans un Paris de l’an 2440, « purgé du crime » puisque les lois « penchent vers la réformation plutôt que vers le châtiment » infamant et dans lequel la mort d’un criminel « est un deuil universel pour la patrie »72. Défaite pourtant sans lendemain, si, après la Terreur qui a consacré la pédagogie de l’effroi comme système absolu de légitimité politique, on ouvre le dossier de la peine capitale appliquée publiquement partout en Europe au XIXe siècle. La presse populaire française, par exemple, spécialisée dans l’exploitation des faits divers criminels reprendra à son compte les consignes de la pédagogie de l’effroi73. « La prison n’effraye pas les apaches, la guillotine les épouvante » prétend cet éditorial du 11 juillet 1908 publié par le Petit Journal toujours hostile à l’opinion abolitionniste. Réaliste ou démagogique, mais toujours d’actualité, cette approche terrorisante de la dissuasion pénale enterre la thèse humaniste des Lumières que certains criminalistes soutenaient lorsqu’ils combattaient la pédagogie de l’effroi. Bien avant Mercier et son rêve beccarien d’un monde débarrassé de la peur du crime et donc de celle de la potence, le magistrat Bruneau en 1716 affirmait pouvoir « aller partout sans crainte d’être détroussé par les maraudeurs ; alors tout est paisible dans les grands chemins et à la campagne, comme dans les villes ; les Voyageurs et les Marchands sont en sûreté. On ne voit plus les exécutions publiques […], parce qu’on ne rencontre que rarement des voleurs »74. En fait, terrorisantes, creuset de la peur individuelle et sociale, les « tortures de bourreaux n’inspirent jamais la vertu » affirme ce citoyen idéal au narrateur de L’An deux mille quatre cent quarante fasciné par un monde dans lequel la pédagogie de l’effroi a cédé la place à l’éducation et à la correction pénale respectueuse de « l’humanité » de chaque délinquant.

Fig. 11 – Terroriser le crime par l’exemple d’une mort infâme. Archives d’Etat de Genève, procès criminel série 1, 16015, « vol sur le grand chemin », 1790. Sentence criminelle affichée en place publique

Fig. 12 – Les attributs terrifiants du bourreau (la roue, les verges, la potence, l’échelle et la torche ardente) ou l’imaginaire de l’effigie inflamante. Archives d’Etat de Genève, procès criminel série 1, 10897, « libelles diffamatoires » [affichés par les rues], 1761, pièce à conviction.

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1 Ce texte prolonge quelques aspects de ma thèse consacrée à la modernisation de la pratique pénale durant le siècle des Lumières : Le crime et ses « circonstances ». Punir à Genève au XVIIIe siècle : institutions, discours, pratiques, à paraître. Les procès criminels série I proviennent des Archives d’Etat de Genève (désormais PC).

2 M. PORRET, « Les “Pensées nocturnes” de Pierre Frémont, libraire et “explicateur des songes” à Genève au XVIIIe siècle », La Nouvelle Revue Française, juin 1990, 449, pp. 108-133 (rêve no 79, p. 131).

3 Peur et société traditionnelle : L. FEBVRE, Le problème de l’incroyance au 16e siècle. La religion de Rabelais, Paris [1942], réédition 1968, « Prises de la religion sur la vie », pp. 307-325 ; Y.-M. BERCÉ, Histoire des croquants, Paris, 1986, pp. 193-270 ; F. HINCKER, Les Français devant l’impôt sous l’ancien Régime, Paris, 1971 ; B. GEREMEK, La potence et la pitié. L’Europe et les pauvres du Moyen Age à nos jours, [1978], trad. Paris, 1987, pp. 263-290 ; G. LEFEBVRE, La Grande Peur de 1789, Paris [1932], rééd. 1970 ; S. L. KAPLAN, Le complot de famine : histoire d’une rumeur au XVIIIe siècle, traduction, Paris, 1982 ; A. FARGE, La vie fragile. Violence, pouvoirs et solidarités à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1986, pp. 289-320.

4 J.M. GOULEMOT « Démons, merveilles et philosophie à l’âge classique », Annales E.S.C., 1980, 6, pp. 1223-1250 ; N. BELMONT, Mythes et croyances dans l’ancienne France, Paris, 1973 ; VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, Genève, 1764. Peur et superstitions : par exemple art. « enfer », « fanatisme », « idole, idolatre, idolâtrie », « inquisition » [publié en 1769], « miracles », « péché originel » [publié en 1767], « préjugés », « superstition » ; éd. R. POMEAU, Paris, 1964.

5 CONDILLAC, Traité des sensations [1754], Paris, 1984 ; Encyclopédie, art. « Peur, frayeur, terreur ».

6 Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, 1972 [nouv. éd.], p. 13.

7 J. DELUMEAU, La peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles). Une cité assiégée, Paris, 1978. Pour mieux saisir les spécificités régionales qui nourrirent selon des chronologies et des rythmes divers les procès en sorcellerie on ajoutera à cette synthèse : R. KIECKHEFER, European Witch trials. Their Foundations in Popular and Learned Culture, 1300-1500, Londres, 1978 ; W. E. MONTER, « The Historiography of European Witchcraft : progress and prospects », The Journal of Interdisciplinary History, II, 4 (1972), pp. 435-451 ; Id., Witchcraft in France and Switzerland. The Borderlands during the Reformation, Ithaca (New York), 1976 ; R. MUCHEMBLED, La sorcière au village (XVIe-XVIIIe siècles), Paris, 1979. Par une iconographie exemplaire deux ouvrages récents témoignent avec beaucoup d’étendue de la culture de la peur qui entoure les procès en sorcellerie : J. B. RUSSE, A History of Witchcraft, Sorcerers, Heretics, and Pagans, New York [1980], rééd. 1989 ; Hexen und Zauberer. Die grosse Verfolgung – ein europäisches Phänomen in der Steiermark, hd. von H. VALENTINITSCH, Graz-Vienne, 2 vol., 1987.

8 E. LE ROY-LADURIE, « Violence, délinquance, contestation », in Histoire de la France rurale, II, L’âge classique des paysans de 1340 à 1789, Paris, 1976, pp. 547-575 ; N. CASTAN, « La justice expéditive », Annales E.S.C., 1976, 2, pp. 331-361.

9 H. FIELDING, Examen des causes de l’augmentation récente du nombre des brigands, [1751], trad. et éd. par S. TROADEC et J.-L. CHEVALIER, Paris, 1990, pp. 53-55.

10 E.-J.-F. BARBIER, Journal d’un bourgeois de Paris sous le règne de Louis XV [Paris, éd. posthume, 1847], éd. par P. Bernard, Paris, 1963, pp. 52-54, 58-60.

11 Abrégé de la vie de Louis Mandrin chef des contrebandiers en France avec le journal de ses excursions et le récit de sa prise et de l’exécution de son jugement, [Dole], 1755, rééd., Paris, 1991. Voir E. MAIGNIEN, Bibliographie des ouvrages relatifs à Mandrin, Grenoble, 1890 ; Histoire de la vie et du procès du fameux Louis Dominique Cartouche. Et de plusieurs de ses complices, s.l., 1723.

12 Respectivement : La vie de Nivet, dit Fanfaron, Qui contient les Vols, Meurtres qu’il a faits depuis son enfance, jusqu’au jour qu’il a été rompu vif en place de Grève, avec Beauvoir son Maître d’Ecole, Baramon et Mancion ses Complices, Paris, s.d. [1729], « Avis à la jeunesse », pp. 21-22 ; [REGLEY], Histoire de Louis Mandrin, Depuis sa naissance jusqu’à sa mort : Avec un détail de ses cruautés, de ses brigandages, et de son Supplice, Chambery, 1755, pp. 1-2 ; Dialogue entre Cartouche et Mandrin, Où l’on voit Prosperine se promener en Cabriolet dans les Enfers, A la Barre, Chez la Roue, 1755.

13 Les devoirs de l’Homme, et du Citoien, tels qu’ils lui sont prescrits par la loi naturelle. Traduits du latin de feu Mr. le baron de Pufendorf, par J. BARBEYRAC, Amsterdam, 1718, 2 vol., I, IX, xiii, pp. 177-179 ; II, XIII, iv-v, pp. 375-376 ; J.J. BURLAMAQUI, Principes du droit politique, s.l., [1751], 2e éd., 1754, 2 vol., notamment II, « Du pouvoir du Souverain sur la Vie et les Biens de ses Sujets, pour la punition des Crimes », pp. 147-163 ; J.-J. ROUSSEAU, Contrat social, 1762, II, V, sur la nécessité de la peine capitale frappant le « rebelle » violant le contrat social.

14 [J.-M. SERVAN], Discours sur l’administration de la justice criminelle prononcé par Mr. S**, Genève [Grenoble], 1767, p. 33.

15 Peur et gibet : M. BEE, « Le spectacle de l’exécution dans la France de l’Ancien Régime », Annales E.S.C, 1983, 4, pp. 843-862 ; P. SPIERENBURG, The Spectacle of Suffering. Executions and the evolution of repression : from a preindustrial metropolis to the European experience, Cambridge […], 1984 ; M. PORRET, « Mourir sur l’échafaud à Genève au XVIIIe siècle », Déviance et société, déc. 1991, XV, 4, pp. 381-405.

16 Discours sur les loix pénales qui a obtenu l’accessit à l’Académie de Châlons-sur-Marne, en 1780, in Les Moyens d’adoucir la rigueur des loix pénales en France, sans nuire à la sûreté publique ou Discours couronné par l’Académie de Châlons-sur Marne en 1780, suivis de celui qui a obtenu l’accessit, et des Extraits de quelques autres Mémoires présentés à la même Académie, Châlons-sur-Marne, 1781, [avec le] Tableau proportionnel des délits et des peines, conformément aux principes établis et aux vues proposées ci-dessus, pp. 42-43 (nous soulignons).

17 B. SCHNAPPER, “Les peines arbitraires du XIIIe au XVIIIe siècle (Doctrines savantes et usages français)”, Revue d’Histoire du Droit, 1973, XLI/2, pp. 237-277 et 1974, XLII/1, pp. 81-112.

18 M. FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, 1975, p. 38.

19 D. JOUSSE, Traité de la justice criminelle de France, où l’on examine tout ce qui concerne les Crimes et les Peines en général et en particulier […], Paris, 1771, 4 vol., I, pp. 131-134.

20 Lettre sur le progrès des sciences, in Œuvres de Mr. de Maupertuis, nouv. éd., II, Lyon, 1756, pp. 375-385. Terreur du gibet et médicalisation : pour l’Angleterre voir encore J. DELANEY, « Morale bourgeoise-châtiment public. Angleterre c. 1750-1830 », Diogène, 142, 1988, pp. 64-82.

21 Encyclopédie méthodique […], Jurisprudence, [10 vol.], Paris, 1782-1790, art. « fourches patibulaires (Jurisprud.) », IV, pp. 597-598 ; cit. p. 597. Sur l’exemplarité de la pédagogie de l’effroi voir le réseau des art. : « bourreau (Droit criminel) », ibid., II, p. 101 ; « carcan (Droit criminel) »,ibid., II, p. 273 (non signé) ; « échelle (Code criminel) » (non signé), ibid., IV, pp. 165-167 ; « exécuteur de la haute-justice (Code criminel) », ibid., IV, pp. 407-411 (BOUCHER d’ARGIS) ; « exécution (Droit civil et criminel) », ibid., pp. 413-414 (non signé) ; « gibet, (Jurispr. crim.) », ibid., pp. 774-775 (BOUCHER d’ARGIS) « pilori (Code criminel) », ibid., VI, p. 561, signé du même.

22 Encyclopédie, article « effigie (Jurisprud.) ».

23 P. SAVEY-CASARD, La peine de mort, esquisse historique et juridique, Genève, 1968, surtout le chap. IV « Du siècle du droit divin à l’avènement des Lumières » ; J. M. BEATTIE, Crime and the Courts in England, 1660-1800, Princeton, New Jersey, 1986, pp. 14, 213-218, 517-518, 613-618 ; P. HENRY, Crime, justice et société dans la principauté de Neuchâtel au XVIIIe siècle (1707-1806), Neuchâtel, 1984, p. 394 ; F. McLYNN, Crime and Punishment in Eighteenth-century England, London, 1989, pp. XI-XV, 257-261 ; D. MULLER, « Magistrats français et peine de mort au XVIIIe siècle », XVIIIe siècle, 1972, pp. 79-107 ; M. PORRET, « Mourir sur l’échafaud à Genève au XVIIIe siècle », art. cit.

24 F. VENTURI, Utopia e riforma nell’illuminismo, Torino, 1970, notamment le chap. IV, « Il diritto di punire », pp. 119-143.

25 « Rapport de Charles Sanson au ministre de la Justice sur le mode de décapitation », in D. ARASSE, La Guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, 1989, pp. 207-208.

26 G. RUSCHE, O. KIRCHHEIMER, Punishment and Social Structure, (1939), New York, 1968, pp. 3-7, 72-83 ; M. FOUCAULT, Surveiller et punir, Op. cit., « Le corps des condamnés » et « L’éclat des supplices », pp. 9-72.

27 N. CASTAN, Les criminels du Languedoc. Les exigences d’ordre et les voies du ressentiment dans une société pré-révolutionnaire (1750-1790), Toulouse, 1980, p. 228. Sur la violence homicide et sexuelle contre les femmes, l’abigeat organisé et les mille rapines du banditisme traditionnel, voir encore : J. DAY, « Banditisme social et société pastorale en Sardaigne », in Les marginaux et les exclus dans l’histoire, Cahiers Jussieu, 5, Paris, 1979, pp. 178-214.

28 E. DURKHEIM, De la division du travail social, Paris 1893, rééd., 1973, pp. 39, 52, 74. Idem, « Deux lois de l’évolution pénale », Année sociologique (1899-1900), IV, pp. 65-96.

29 J. GRAVEN, “Beccaria et l’avènement du droit pénal moderne (1738-1794)”, in Grandes figures et grandes œuvres juridiques, Genève, 1948, p. 108.

30 G. RUSCHE, O. KIRCHHEIMER, Op. cit., pp. 8-113 ; P. ROBERT, R. LEVY, « Histoire et question pénale », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 32, 1985, pp. 481-525.

31 J. MABILLON, « Réflexions sur les prisons des ordres religieux », in Ouvrages posthumes de J. Mabillon et de Th. Ruinard, 3 vol., Paris 1724, II, pp. 321-335 ; A. RIVIERE, « Un moine criminaliste au XVIIe siècle », Nouvelle revue historique de droit français et étranger, 13e, 1889, pp. 758-774 [sur Mabillon et son projet carcéral] ; Th. SELLIN, Pionnering in Penology. The Amsterdam houses of correction in the sixteenth and seventeenth centuries, Londres, 1944.

32 G. De REAL de Curban, La science du gouvernement (10 vol.), Tome quatrieme, contenant le droit public ; Qui traite du Gouvernement Economique […] Du Pouvoir Judiciaire : Du Pouvoir Coactif : De tous les autres Pouvoirs de la Souveraineté […] Paris, 1765, p. 445. De Real appartient à la noblesse éclairée dauphinoise férue de réformisme institutionnel : devenu Grand Sénéchal de Forcalquier, conseiller du roi Louis XV, il sera protégé par le roi-philosophe Stanislas et consacre plusieurs années de sa vie à rédiger sa somme jusnaturaliste plaidant pour la tolérance religieuse, et en matière pénale, hostile à la « preuve si incertaine » de la torture judiciaire (la question).

33 « Ordonnance criminelle » dite aussi « ordonnance de Saint-Germain-en-Laye » d’août 1670. Mille fois commenté (par ex. : D. JOUSSE, Nouveau commentaire sur l’Ordonnance criminelle du mois d’août 1670, Paris, 1753), ce monument procédurier est publié dans la compilation des juristes ISAMBERT, DECRUSY et TALLANDIER, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Paris, 1822-1833, 30 vol., XVIII, pp. 372-423.

34 A. BRUNEAU, Observations et maximes sur les matières criminelles. Conformes aux Edits et Ordonnances, Arrêts et Reglemens des Cours Souveraines du Royaume : Avec des Remarques tirées des Auteurs. Ouvrage nécessaire à tous Juges, Avocats, Procureurs, Greffiers, Huissiers et Praticiens pour bien instruire un Procès criminel, Paris, 1716, « Epitre », p. (2), « Préface apologétique aux lecteurs studieux », p. [2].

35 G. ROUSSEAUD de la COMBE, Traité des matières criminelles suivant l’ordonnance du mois d’Août 1670, et les Edits, Déclarations du Roi, Arrêts et Réglemens intervenus jusqu’à présent. Divisé en quatre parties […], Paris, 1751, 4ème éd., 2 vol., « avertissement », p. 11.

36 J. LA VIE, Des Corps politiques et de leurs gouvernements, Lyon, 1764, 2 vol., pp. 201-202.

37 De REAL, Op. cit., pp. 406, 446,

38 A. LAINGUI, A. LEBIGRE, Histoire du droit pénal ; II : La procédure criminelle, Paris, [1979], p, [183].

39 D. JOUSSE, Traité de la justice criminelle, Op. cit., « Préface : De l’origine et de la nécessité des peines et des formes judiciaires », notamment une importante bibliographie des « principaux Ouvrages qui ont paru sur les matieres crimielles », I, pp. i-lxv.

40 Ibid., pp. ii, iv.

41 F. MUYART de VOUGLANS, Les Loix criminelles de France dans leur ordre naturel, Paris 1780 [cité ici selon la contrefaçon publiée par la Société typographique de Neuchâtel, 2 vol., Neuchâtel, 1781] ; Idem, Réfutation des principes hazardés dans le Traité des délits et des peines, traduit de l’italien, Lausanne et Paris, 1767, ainsi que Lettre sur le système de l’auteur de l’Esprit des Loix touchant la modération des peines, Bruxelles-Paris, 1790. Sur le magistrat franc-comtois, haï par Voltaire et Brissot de Warville, voir A. LAINGUI « Sentiments et opinions d’un jurisconsulte à la fin du XVIIIe siècle, Pierre-François Muyart de Vouglans », in Travaux juridiques de l’Université de Rennes, 1964, pp. 179-277 ; F. VENTURI, éd. de Cesare BECCARIA, Dei delitti e delle pene, Turin, 1973 (3e éd.), p. 425.

42 Les Loix criminelles de France dans leur ordre naturel, 1781, Op. cit., I, p. 49.

43 M. PORRET, « Viols, attentats aux mœurs et indécences ; les enjeux de la médecine légale à Genève (1650-1815) », Equinoxe, 8, 1992, pp. 23-43.

44 A. FARGE, J. REVEL, Logiques de la foule. L’affaire des enlèvements d’enfants Paris 1750, Paris, 1988 ; L. Th. MAES, « Empoisonnement, procédure inquisitoriale, torture et peine de mort au début du XVIIIe siècle », Revue historique et droit français et étranger, 1, 1977, pp. 59-72.

45 Registre du Conseil, 1773, 28 août, fol. 506-507.

46 P. C. HOFFER, N. E. H. HULL, Murdering Mothers : Infanticide in England and New England 1558-1803, New York et Londres, 1981 ; N. JILEK, L’infanticide à Genève aux XVIIe et XVIIIe siècles, Université de Genève, Mém. de lic. dactyl., Fac. des SES, 1978 ; R. W. MALCOLMSON, « Infanticide in the Eighteenth Century », in Crime in England 1550-1800, éd,, J.S. COCKBURN, Londres, 1977, pp. 187-210 ; K. WRIGHTSON, « Infanticide in European History », Criminal Justice History an International Annual, III, 1982, pp. 1-20.

47 Respectivement : « Conclusions du Procureur général », PC 8908, 1742 « infanticide » et PC 16544, 1791, idem.

48 L. PHILIPON DE LA MADELEINE, Discours sur la nécessité et les moyens de supprimer les peines capitales, s.l., 1770, cit. selon l’éd. de BRISSOT de WARVILLE, Bibliothèque philosophique du législateur, du politique, du jurisconsulte […], Paris, 1782-1785, 10 vol., IV, pp. 6-78 (cit. p. 67).

49 E. W. MONTER, « La sodomie à l’époque moderne en Suisse romande », Annales E.S.C., 1974, 4, pp. 1023-1033 ; BARBIER, Journal, éd. cit., « châtiment de sodomistes », pp. 223-224.

50 D. JOUSSE, Traité de la justice criminelle, Op. cit., IV, p. 131 ; J. BREGEAULT, « Procès contre les cadavres dans l’ancien droit », Nouvelle revue historique de droit français et étranger, 3e année, 1879, pp. 619-644.

51 Institutes au Droit criminel ou Principes generaux sur ces matieres, suivant le droit civil, canonique et la jurisprudence du Royaume, avec un Traité particulier des Crimes, Paris, 1757, pp. 536-537.

52 PC 10842, 1761, « coups et blessures », « Conclusions » du Procureur général Jean-Robert Tronchin. Entre 1760 et 1766, partisan sceptique de la peine capitale, toujours soucieux de rigoureusement motiver les peines selon les circonstances (aggravantes, atténuantes) des délits examinés, ce magistrat imprégné du réformisme modéré des Lumières laissa mille pages de réquisitoires nécessaires pour comprendre la nature de l’arbitraire pénal en usage jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

53 PC 11071, 1762, « excès », ibid.

54 Encyclopédie, art. « supplice, Gouvernement » ; développements aux art. « supplice de la cendre », « supplice des Hébreux ».

55 J. M. BEATTIE, Op. cit., p. 617.

56 L’An Deux Mille quatre cent quarante, rêve s’il n’en fût jamais, Op. cit., I, chap. XVI, « Exécution d’un Criminel », pp. 118-136 (cit. p. 129).

57 J. BENTHAM, Panoptique, Mémoire sur un nouveau principe pour construire des maisons d’inspection, et nommément des maisons de force, Paris, 1791 ; rééd. précédée de L’œil du pouvoir, entretien avec M. FOUCAULT, postface de M. PERROT, Paris, 1977, p. (6).

58 PC 11489, 1766, « vol », « Conclusions du Procureur général » Jean-Robert Tronchin.

59 PC 14744, 1785, « vol », « Conclusions du Procureur général » Jacob-François Prevost.

60 Des délits et des peines, éd. de F. VENTURI, Genève, 1965, XXVIII, p. 49.

61 De MABLY, De la législation ou principe des Loix, Amsterdam, 1776, III, pp. 112-113.

62 Encyclopédie méthodique […], Jurisprudence, Op. cit., art. « peine de mort », VI, p. 525.

63 De la législation ou principe des Loix, Op. cit., III, p. 100.

64 Discours sur la nécessité et les moyens de supprimer les peines capitales, Op. cit., pp. 9, 10, 20 ; cit. p. 24. Voir aussi les foudres de Voltaire contre la peine capitale infligée pour sanctionner les vols domestiques.

65 Ibid., pp. 32-33, 37.

66 Ibid., p. 60.

67 Selon la chronologie des éditions, par exemple : VOLTAIRE, Commentaire sur le livre Des Délits et des Peines, 1766 ; B. CARRARD, De la jurisprudence criminelle ou Essai sur la Question proposée par l’illustre Société économique de Berne pour la confection d’un Code Criminel, Genève, 2 vol., 1785 ; J. DENTAND, Essai de jurisprudence criminelle, Lausanne, 1785, 2 vol. ; J.-B. DUPATY, Mémoire justificatif pour Trois Hommes condamnés à la Roue, Paris, 1786 ; PASTORET, Des Loix pénales, Paris, 1790, 2 vol.

68 Discours sur l’administration de la justice criminelle prononcé par Mr. S**, Op. cit., pp. 33, 38.

69 Ibid., pp. 21, 34.

70 Ibid., pp. 34-35.

71 BERGASSE, « Rapport sur l’organisation du pouvoir judiciaire » (17 août 1789) ; DUPORT, « Principes fondamentaux de la police et de la justice, présentés au nom du Comité de la Constitution » (22 décembre 1789) ; ibid., « Discours sur la peine de mort » (31 mai 1791) ; THOURET, « Discours sur la réorganisation du pouvoir judiciaire » (24 mars 1790) ; ibid., « Premier discours sur le pouvoir judiciaire » (4 août 1790) ; ibid. « Second discours sur le pouvoir judiciaire » (10 août 1790). Publiés dans Orateurs de la Révolution française. I. Les Constituants, éd. par F. FURET et R. HALÉVI, Paris, 1989.

72 L’An Deux Mille quatre cent quarante, Op. cit., I, pp. 132, 134. Sans le dire, Mercier paraphrase ici le Discours sur les loix pénales qui a obtenu l’accessit à l’Académie de Châlons-sur-Marne, en 1780 (voir notre note 16) : « La condamnation d’un citoyen, sa mort, est une calamité, un deuil pour l’Etat […] », p. 42.

73 Musée des arts et traditions populaires, Le fait divers, Paris, 1982.

74 BRUNEAU, Op. cit., p. (2).