La théorie des fictions chez Bentham
Il y a essentiellement deux raisons, qui sont d’ailleurs étroitement liées l’une à l’autre, pour lesquelles Bentham continue à être cité régulièrement dans les travaux des philosophes du langage contemporain. Le premier mérite qu’on lui attribue est une reconnaissance tout à fait explicite de la vérité qui est contenue dans ce que les commentateurs de Frege appellent le « principe contextuel », c’est-à-dire de l’idée que Frege exprime lorsqu’il souligne, dans Les fondements de l’arithmétique, que « c’est seulement dans le contexte d’une phrase que les mots ont un sens ». La deuxième chose importante que l’on doit à Bentham est la mise au point d’une procédure qui anticipe de façon directe la fameuse technique russellienne d’élimination des descriptions définies par la méthode de la définition contextuelle. Russell montre qu’une proposition qui donne l’impression d’attribuer une propriété à un objet qui n’existe pas, comme « Le présent roi de France est chauve », peut être paraphrasée en une combinaison de trois propositions dans lesquelles il n’est plus question d’un objet problématique désigné comme étant l’actuel roi de France :
1) Il y a au moins une personne qui est actuellement roi de France 2) Il y a au plus une personne qui est actuellement roi de france 3) Toute personne qui est actuellement roi de France est chauve. Russell caractérise la situation en disant que, bien que les phrases dans lesquelles figure l’expression « le présent roi de France » aient un sens et même une valeur de vérité, cette expression elle-même constitue un symbole incomplet et n’a pas de sens prise isolément. La théorie des descriptions définies est une technique d’élimination des descriptions définies : elle permet de remplacer toute phrase dans laquelle figure une description définie par une phrase équivalente dans laquelle elle ne figure plus. Or Bentham avait déjà élaboré tout un programme d’élimination des entités fictives qui sont mentionnées dans les propositions du droit, de la morale, de la politique, de la religion, etc., par la technique de la paraphrase en contexte propositionnel. Ce qu’on appelle la « théorie des fictions » de Bentham est, bien entendu, là encore une théorie de l’élimination des fictions. Bentham montre que les propositions complètes dans lesquelles il est fait référence à des objets inexistants peuvent avoir un sens sans que les objets en question aient besoin d’exister d’une façon quelconque et d’être réellement désignés dans les phrases qui en traitent.
Sur le premier point, on peut citer Quine, qui associe le nom de Frege à « une importante réorientation dans la sémantique – la réorientation dans laquelle le véhicule premier de la signification en est venu à être considéré comme résidant non plus dans le mot, mais dans l’énoncé. Cette réorientation, que l’on peut observer chez Bentham et Frege, est sous-jacente au concept russellien de symboles incomplets définis dans l’usage ; elle est également implicite dans la théorie vérificationniste de la signification, puisque, les objets de la vérification sont des énoncés « (Two Dogmas of Empiricism, p. 39). Bentham est généralement mentionné dans ce contexte pour avoir explicitement souligné que, comme le dira plus tard Wittgenstein, (PU, § 49), la proposition est l’unité de signification minimale requise pour « effectuer un coup dans un jeu de langage » :
« Avec quoi que ce soit de moins qu’une proposition entière, aucune communication ne peut avoir lieu. Dans le langage, par conséquent, le tout (integer.) que l’on doit chercher est une proposition entière – ce que les logiciens entendent par le terme « proposition logique ». Dans ce tout, aucune partie du discours, même la plus chargée de signification, n’est rien de plus qu’un fragment ; et, de ce point de vue, dans le terme, la partie du discours, constitué de plusieurs mots, la partie correspondant au mot fonctionne comme une instruction. On peut dire qu’elle sert à transmettre une directive suggérant de chercher le tout dont elle est une partie » (The Works of Jeremy Bentham, VIII, p. 188).
Le principe contextuel est d’abord une réaction contre l’atomisme sémantique, qui présuppose que nous pouvons comprendre la signification d’un mot indépendamment de la manière dont il peut être utilisé pour construire des phrases et qu’une fois connue la signification des mots qui la composent, la compréhension de la phrase en résulte comme une conséquence immédiate. Comme nous venons de le voir, Bentham soutient que les véritables entiers du langage sont les phrases complètes ; les mots ne sont jamais que des fractions de phrases. Il constate que les termes, par lesquels commence la logique, selon Aristote et ses successeurs, sont traités « comme possédant par eux-mêmes une signification indépendante et originaire, comme ayant une existence avant que quoi que ce soit qui ressemble à une proposition soit apparu ; comme si, ayant trouvé ces termes pourvus, chacun pour soi, d’une manière ou d’une autre, d’une signification qui lui est propre, une personne ingénieuse, dans une phase ultérieure, les avait pris en main et en avait formé des propositions « Works, VIII, p. 323). La manière dont les choses se sont passées en réalité a dû être, selon Bentham, exactement inverse : « C’est sous la forme de propositions entières que le discours a été énoncé, lorsqu’il l’a été pour la première fois. De ces totalités, les mots n’étaient qu’autant de fragments ; de la même façon que, par la suite, dans le discours écrit, les lettres l’ont été des mots. Ces mots peuvent être considérés comme le résultat d’une sorte d’analyse – un processus chimico-logique pour lequel, jusqu’à une période de comparativement beaucoup plus tardive que celle qui a donné naissance aux propositions, les facultés de l’esprit n’étaient pas mûres » (ibid., p. 1).
Selon Bentham, les choses se sont donc passées en gros de la façon suivante. D’abord ont existé des phrases complètes, puis des phrases parlées on a tiré par décomposition les mots ; et enfin, au dernier stade, on a obtenu, à partir de la représentation graphique des mots parlés, les éléments ultimes, à savoir les lettres.
La relation de tout cela avec le problème de la nature des êtres fictifs est immédiate. Si l’on attribue au mot une signification autonome qu’il a indépendamment de son occurrence dans des phrases quelconques, on aura tendance à considérer la signification comme une entité qui correspond au mot pris en lui-même. Dans le cas d’un substantif, cette entité ne peut être qu’un objet que le mot désigne. On associera donc à tout substantif en usage une chose qu’il dénote et on peuplera ainsi l’univers d’entités fictives, qui sont en réalité de simples créatures du langage, dont l’existence est requise pour que les noms que nous utilisons aient toujours un sens par eux-mêmes, étant entendu qu’ils doivent avoir ce genre de sens avant de pouvoir en avoir un dans une proposition quelconque. L’oubli du principe contextuel contribue donc directement à la production incontrôlée d’êtres fictifs, que Bentham trouve absolument inacceptable. On peut dire de lui qu’il cherche au fond à limiter, à réglementer et à moraliser, autant que faire se peut, cette production d’entités fictives.
Quine caractérise ainsi la démarche de Bentham : « Les médiévaux avaient la notion de mots syncatégorématiques, mais c’est un contemporain de John Horne Tooke qui l’a développée en une théorie explicite de la définition contextuelle, à savoir Jeremy Bentham. Il a appliqué la définition contextuelle non pas seulement aux particules grammaticales et à d’autres choses du même genre, mais même à certains termes authentiques, des termes catégorématiques. S’il trouvait un terme commode, mais ontologiquement embarrassant, la définition contextuelle lui permettait dans certains cas de continuer à bénéficier des services du terme tout en refusant d’assumer sa dénotation, il pouvait déclarer le terme syncatégorématique, en dépit des apparences grammaticales, et pouvait alors justifier l’usage continué qu’il en faisait s’il était en mesure de montrer systématiquement comment paraphraser en les prenant comme des touts toutes les phrases dans lesquelles il choisissait de l’imbriquer. Telle fut sa théorie des fictions : ce qu’il appelait paraphrase et ce que nous appelons à présent définition contextuelle. Le terme, comme les particules grammaticales, est doué de sens en tant que partie de totalités douées de sens. Si toute phrase dans laquelle nous utilisons un terme peut être paraphrasée en une phrase qui a un sens en bonne et due forme, il n’y a rien de plus à demander » (Theories and Things, pp. 68-69). C’est, selon Quine, le deuxième tournant important de l’empirisme moderne, le premier, attribué à John Horne Tooke, étant celui qui a consisté à déplacer l’attention des idées dans l’esprit aux expressions linguistiques qui leur correspondent.
En 1831, Bentham, qui était âgé de 84 ans, écrit : « Toutes les fois qu’il y a un mot, il y a une chose ; de là vient la pratique presque universelle qui consiste à confondre les entités fictives avec les entités réelles – à faire correspondre aux noms d’entités fictives des entités réelles. De là, le droit commun, l’esprit, l’âme, la vertu, le vice » (Works, XI, p. 73).
Un des éléments qui rendent Bentham particulièrement moderne et particulièrement intéressant pour la philosophie de l’analyse du langage est la méfiance extrême qu’il entretient, de façon générale, à l’égard du pouvoir des mots et de la magie des mots. Il constate que nous traitons généralement les mots à peu près à la façon du douanier qui, une fois qu’il a apposé son cachet sur un colis, considère que, tant qu’il voit ou croit voire ce cachet sur lui, il est dispensé de l’examiner à nouveau (cf. Works, X, pp. 74-75). De la même façon, la longue familiarité que nous avons avec des mots qui ont reçu l’estampille de l’usage nous incite à considérer comme acquis que nous avons déjà examiné leur contenu antérieurement et qu’il est inutile de le faire à nouveau.
Le résultat de cette négligence est qu’un bon nombre d’entités douteuses et de croyances absurdes et dangereuses doivent leur existence uniquement à des habitudes linguistiques que nous ne prenons pas la peine de reconsidérer. Bentham se demande par exemple quelle est la différence entre le luxe, que tout le monde condamne, et la prospérité que tout le monde admire. Il soutient qu’un aspect important de la lutte contre les fictions serait le remplacement de certaines notions affectées d’une connotation morale par des notions beaucoup plus neutres. Il considère, par exemple, que des mots comme « vanité », « ambition » et « honneur » sont en réalité simplement des noms différents pour le même motif ; le désir de réputation, qui n’est en lui-même ni bon ni mauvais.
Une des origines de la théorie des fictions a été l’indignation et la révolte suscitée dans l’esprit de Bentham par l’existence d’une quantité de fictions absurdes et immorales qui encombraient à l’époque la législation et le droit anglais et qui étaient considérées comme indispensables dans certains cas pour parvenir à des décisions de justice. Bentham les juge dans les termes suivants :
« Ce que vous avez fait par la fiction – auriez-vous pu ou n’auriez-vous pas pu le faire sans la fiction. Si vous ne le pouviez pas, votre fiction est un mensonge pervers ; si vous le pouviez, un mensonge stupide.
Tel est le dilemme. Avocat ! Sors t’en si tu peux.
Mais non : la distinction n’est qu’une apparence ; il n’y a aucune stupidité dans un cas ni dans l’autre sinon dans la mesure où toute perversité est une stupidité ; pernicieux est dans tous les cas l’effet ; dans tous les cas pervers, s’il y en avait un quelconque, le propos.
La fiction utile à la justice ? Exactement comme l’escroquerie est utile au commerce « (Theory of Fictions, p. 141)
Bentham donne une liste impressionnante des mensonges caractérisés et dans certains cas parfaitement cyniques que la loi et les règles de procédure obligent les juges, les avocats, les plaignants et les défenseurs à proférer.
Un exemple typique de fiction juridique condamnable en un sens différent, que Bentham critique, est celui du contrat social : « Un contrat (…), a-t-on dit, a été passé entre le Roi et le Peuple ; les termes de ce contrat étaient conçus de la façon suivante. – Le Peuple, pour sa part, promettait au Roi une obéissance générale ; le Roi, de son côté, promettait de gouverner le Peuple, en toutes circonstances, de la façon particulière requise pour servir son bonheur. Je n’insiste pas sur les mots, je m’intéresse uniquement au sens – pour autant qu’un engagement imaginaire, formulé de façon si relâchée et si variée par ceux qui l’ont imaginé, est susceptible de recevoir une quelconque signification déterminée. En admettant dans ces conditions, comme une règle générale, que les promesses, lorsqu’elles sont faites, doivent être observées, et, comme un point de fait, qu’une promesse ayant cet objet en particulier a été faite par la partie en question, les hommes étaient davantage préparés à se juger qualifiés pour décider à quel moment une telle promesse avait été rompue qu’à trancher directement et ouvertement la délicate question de savoir à quel moment un roi avait agi de telle façon à l’encontre du bonheur de son Peuple qu’il valait mieux ne plus lui obéir.
Il est manifeste, si l’on y réfléchit un tant soit peu, que l’on a rien gagné en fin de compte par cette manœuvre ; elle n’a éliminé aucune difficulté. Il était toujours nécessaire, et cela plus que jamais, de décider la question que les hommes s’étaient évertués à éviter pour décider la question qu’ils croyaient mettre à sa place. Il était toujours nécessaire de décider si le Roi en question avait ou n’avait pas agi de telle façon à l’encontre du bonheur de son peuple qu’il valait mieux ne plus lui obéir, pour déterminer si la promesse qu’il était supposé avoir faite avait ou non été rompue, car quel était le but supposé de cette promesse ? Il n’était autre que ce qui vient justement d’être mentionné » (Theory of Fictions, pp. 123-124).
Autrement dit, le contenu de la promesse initiale n’est pas plus déterminé que la question de savoir si le souverain a ou non agi, dans telle ou telle circonstance, en contradiction avec le bonheur du peuple. Nous devons en quelque sorte décider à chaque fois ce que le Roi peut bien avoir promis implicitement pour cette circonstance. Et par conséquent nous pouvons aussi bien oublier l’idée de la promesse initiale.
Bentham considère que des choses comme les « droits » ou les « obligations » eux-mêmes sont des entités fictives. Mais il précise que les considérer de cette façon ne revient cependant en aucune façon à nier la réalité de l’objet, au sens auquel elle est assumée par le langage ordinaire : « A partir des observations qui amènent à parler des mots « droits » et « obligations » comme étant des noms d’entités fictives, on ne doit pas se laisser aller jusqu’à supposer que l’on entend, dans l’un ou l’autre de ces cas, nier la réalité de l’objet, dans un quelconque sens auquel sa réalité est assumée par la langue ordinaire « (ibid., p. 138). Ce qu’il est question d’éliminer comme superflu et illusoire est uniquement une sorte de réalité philosophique ou métaphysique ajoutée. La difficulté provient du fait qu’une fois abandonné le réflexe élémentaire qui consiste à faire correspondre automatiquement une chose à un nom, ce que l’usage du nom dans la langue ordinaire présuppose ou implique exactement n’est pas toujours immédiatement clair : un processus de réinterprétation systématique peut être nécessaire pour le faire apparaître ou réapparaître clairement. Bentham maintient que, lorsque quelqu’un réclame ses droits, on peut tout à fait lui accorder ce qu’il demande ; mais s’il donne dans l’espèce de magie ou d’alchimie verbale qui consiste à considérer ses droits comme étant des choses réelles, la théorie des fictions ne peut que provoquer chez lui une certaine désillusion : « Il y a bien des gens qui ne pourraient pas supporter patiemment de rester assis et d’entendre contester la réalité de ces objets dont ils ont l’habitude de parler comme étant leurs droits (ibid., p. 60). Dans l’esprit de Bentham, la théorie des fictions a un aspect explicitement déflationniste qui est de nature à susciter des résistances instinctives, parce qu’elle montre, dans la plupart des cas, que les objets auxquels se réfèrent en dernière analyse les propositions de la langue ordinaire sont beaucoup plus ordinaires, plus proches de la réalité concrète et même plus terre à terre qu’on n’aimerait le croire.
Bentham soutient que les fictions ont pour origine principale le langage. Il dit même que : « C’est au langage (…) – au langage seul que les entités fictives doivent leur existence ; leur existence impossible, et néanmoins indispensable » (p. 15). Elles sont indispensables parce que, pour pouvoir simplement parler des choses qui existent, nous sommes obligés de donner des noms à une quantité de choses qui n’existent pas et que le langage lui-même nous incite à traiter comme des choses existantes. Les fictions sont à la fois inévitables, à partir du moment où il y a simplement le langage, et nécessaires, en particulier dans le domaine de la psychologie : nous ne pouvons parler de l’esprit que dans le langage de la matière : « Dire que, dans le discours, le langage fictif ne devrait jamais être utilisé dans une occasion quelconque reviendrait à dire qu’aucun discours ne doit être tenu sur le sujet dont font partie les opérations ou affections ou autres phénomènes de l’esprit : car comme on n’y trouve jamais d’idées qui n’aient pas leur origine dans le sens, la matière est le seul sujet direct d’une portion quelconque de discours verbal ; à l’occasion de et pour les besoins du discours, l’esprit est considéré et on parle de lui tout le temps comme s’il était une masse de matière, et c’est seulement à la façon de la fiction que quoi que ce soit qui est dit, lorsqu’il est appliqué à une opération ou une affection quelconque de l’esprit, est vrai ou faux » (Works, viii, p. 174). Les idées que nous nous faisons à propos de l’esprit ne nous permettent donc pas de parler de l’esprit autrement que sur le mode de la fiction, qui est indispensable pour dire simplement quelque chose de la chose.
L’utilitarisme de Bentham implique naturellement une suspicion particulière à l’égard de tous les grands mots et de toutes les grandes idées auxquels est attachée la suggestion d’une forme de moralité supérieure et désintéressée, c’est-à-dire d’un type de comportement qui, aux yeux de Bentham, ne peut tout simplement pas exister. Pour lui, l’autorité politique ne mérite aucune estime et aucun respect particulier. Puisque les seules motivations efficaces sont les motivations égoïstes, il serait parfaitement vain, par exemple, de chercher à faire reposer l’ordre public sur le respect de l’autorité et a fortiori sur le respect du devoir, considéré en tant que tel. Ce genre de chose est précisément une fiction, et une fiction de l’espèce inutile et probablement néfaste. La seule solution possible est celle qui consiste à faire en sorte que le devoir coïncide dans toute la mesure du possible avec l’intérêt. Cela vaut pour les gouvernants aussi bien que pour les gouvernés. Les institutions politiques devraient être aménagées de façon à ce que les uns et les autres ne puissent violer leurs obligations sans risquer de léser leurs intérêts. Bentham se livre précisément à une satire parfois féroce d’un système juridique et judiciaire qui est contraint de recourir à l’introduction de réalités fictives, d’actions et d’opérations fictives et même de personnes fictives pour conférer une légimité apparente à des manœuvres qui ne servent que des intérêts particuliers et n’ont rien à voir avec le droit ou la justice. On peut distinguer les fictions du logicien, qui ont simplement pour but de rendre possible l’échange linguistique entre les hommes, les fictions du poète, qui ont pour but l’amusement, et les fictions des prêtres et des hommes de loi. Bentham juge les dernières de la façon suivante : « Chez le prêtre et l’homme de loi, sous quelque forme que la fiction ait été utilisée, elle a eu comme objet ou comme effet, ou les deux, de tromper et, par la tromperie, de gouverner et, par le gouvernement, de promouvoir l’intérêt réel ou supposé de la partie parlante au détriment de la partie à laquelle on s’adresse. Dans l’esprit de tous, la Fiction, au sens logique, a été la monnaie de la nécessité – dans celui des poètes de l’amusement – dans celui du prêtre et de l’homme de loi, de l’immoralité malfaisante sous la forme de l’ambition malfaisante ; et trop souvent le prêtre et l’homme de loi à eux deux ont conçu ou fabriqué chacun pour une part cet instrument « (Theory of Fictions, p. 18).
Une entité fictive est définie par Bentham comme étant « une entité à laquelle, bien que par la forme grammaticale du discours utilisé en parlant d’elle, l’existence lui soit attribuée, néanmoins en vérité et réalité on n’entend pas que l’existence soit attribuée » (p. 12). Une entité fictive est donc une entité dont l’existence est suggérée par la façon dont nous nous exprimons à son sujet, bien que nous ne pensions pas réellement et ne voulions pas non plus dire, en nous exprimant comme nous le faisons, qu’elle existe. « La Fiction, écrit Bentham, – le mode de représentation par lequel les entités fictives ainsi créées, pour autant que des entités fictives puissent être créées, sont habillées dans le vêtement et placées au niveau des entités réelles – est un artifice sans lequel le langage ou, en tout cas, le langage sous une quelconque forme supérieure à celle du langage des créatures brutes n’aurait pas pu avoir d’existence » (p. 16). Il est important de distinguer entre une entité fictive et une « non-entité ». N’importe quelle espèce d’entité irréelle n’est pas une entité fictive. Une non-entité est une entité que l’on décrit comme existante en cherchant à susciter une conviction sérieuse qu’un objet conforme à la description que l’on donne existe réellement. Une entité fictive est une entité dont on parle comme si elle existait, c’est-à-dire comme on parle des entités qui existent et auxquelles on entend sérieusement attribuer l’existence, mais, dit Bentham, « sans qu’il y ait un danger comme celui de produire une persuasion telle que celle qu’elles possèdent, chacune pour elle-même, une quelconque existence séparée ou à strictement parler une quelconque existence réelle » (ibid.). Les non-entités sont, pourrait-on dire, simplement des créations plus ou moins gratuites de l’imagination. Les entités fictives sont des créations du langage et elles sont indispensables pour que le langage puisse remplir sa fonction. Bentham suggère d’appeler fabuleuses les entités qui, tout en étant irréelles, ne sont cependant pas des entités fictives au sens indiqué. Puisqu’une entité fictive n’existe pas, rien ne peut en toute rigueur, en être prédiqué. Bentham soutient que ce qui est prédiqué des entités fictives l’est, à strictement parler, uniquement de leurs noms respectifs (p. 17). De même, c’est seulement par commodité que l’on parler d’entités réelles et d’entités fictives : il vaudrait mieux, en toute rigueur, parler uniquement de deux espèces de noms : les noms d’entités réelles et les noms d’entités fictives. Il n’ya pas, en effet, deux espèces d’entités, celles qui existent et celles qui n’existent pas. Il y a seulement des noms qui, tout en donnant l’impression de désigner une entité réelle, ne le font pas.
Bentham commence par répartir les entités en deux catégories : celle des entités perceptibles et celle des entités inférentielles. Chacune des deux catégories contient à la fois des entités réelles et des entités fictives. Une entité perceptible est une entité dont l’existence est attestée par le témoignage immédiat des sens sans l’intervention du raisonnement. Une entité inférentielle est une entité dont l’existence est, au moins pour l’instant, admise uniquement sur la base d’un raisonnement. Bentham donne comme exemple l’âme humaine, considérée comme existant à l’état séparé, cad. indépendamment du corps. Si nous pouvons prétendre connaître l’existence d’une chose de ce genre, cela ne peut être par la perception, mais seulement par une inférence. Une entité inférentielle, bien que non perceptible, peut bien entendu, être réelle. Mais dans le cas de l’âme, considérée comme existant indépendamment du corps, on peut hésiter sur la question de savoir si l’on a affaire à une entité inférentielle réelle ou à une entité inférentielle fictive. Bentham note que, si l’on regarde l’âme comme une entité fictive, elle sera probablement considérée comme étant « le tout dont toutes ces autres entités psychiques dont aucune n’a jamais été considérée autrement que comme fictive – telles que l’entendement et la volonté, la faculté perceptive, la mémoire et l’imagination – sont autant de parties » (p. 9, note 1). L’âme est une entité inférentielle humaine. L’entité inférentielle suprême supra-humaine est Dieu. Bentham précise que, si quelqu’un se révèle incapable d’effectuer les inférences par lesquelles Dieu est reconnu comme appartenant à la classe des entités réelles, cet être invisible et mystérieux devra être rapporté pour lui non pas à la classe des entités fictives, mais plutôt à celle des non-entités. En d’autres termes, si Dieu n’est pas une entité réelle, il est plutôt une entité fabuleuse qu’une entité fictive.
Toute entité fictive a une certaine relation à une entité réelle et ne peut être comprise que pour autant que cette relation est perçue ou tout au moins que l’on a une certaine idée de cette relation. Il est donc possible de distinguer des entités fictives de première distance, qui sont connues par la relation qu’elles entretiennent avec une entité réelle, des entités fictives de deuxième distance, qui sont connues par la relation qu’elles entretiennent avec une entité fictive de première distance, etc. Le mouvement et le repos sont des entités fictives de première distance. Des qualités qui sont attribuées au mouvement, comme la rectilinéarité la curvilinéarité, la lenteur, la rapidité, etc., sont des entités fictives de deuxième distance. Bentham admet que le lieu au sens physique du terme, n’est peut-être pas une entité fictive. Mais il considère comme évident que l’entité désignée par le mot « temps » est une entité fictive. Le temps, considéré à la manière de l’espace comme une sorte de réceptacle dans lequel sont localisés des événements et des processus temporels, n’est certainement pas une chose existante (cf. pp. 31-32).
Bentham note que, lorsque le discours est affecté d’une certaine obscurité ou ambiguïté (un discours clair est un discours qui ne comporte aucune de ces deux choses), cela doit provenir soit des mots, soit de la syntaxe. Si cela provient des mots, le remède à utiliser est ce qu’il appelle l’exposition. L’exposition a toujours pour sujet immédiat un mot, et ce mot est dans tous les cas un nom. L’exposition est le mode d’explication du sens qui est recommandé, de façon générale lorsqu’on a affaire à un nom qui n’est pas susceptible d’une définition par le genre prochain et la différence spécifique. Ou, plus exactement, la définition n’est qu’un mode d’exposition particulier, l’exposition par l’indication du genre et de la différence, qui est loin d’être possible dans tous les cas. Elle est en particulier impossible lorsque le terme à définir désigne un genre ou un ensemble qui ne sont subordonnés à aucun autre dans la hiérarchie, ce qui, remarque Bentham, n’empêche pas que des définitions soient néanmoins données avec la plus grande assurance. Les termes qui représentent des genres ultimes ne peuvent faire l’objet d’une définition explicite, c’est-à-dire du genre de définition qui permet en principe de remplacer dans toute occurrence le terme défini par sa définition. Il faut se contenter dans leur cas de quelque chose de différent et de plus modeste, que nous pourrions désigner du nom de définition contextuelle ou de définition d’usage. Au lieu de chercher à éliminer l’expression elle-même en la remplaçant à chaque fois par un équivalent, définitionnel, on obtiendra la clarification souhaitée si l’on trouve le moyen de remplacer toute phrase dans laquelle figure l’expression par une phrase dans laquelle elle ne figure plus. C’est ici qu’intervient la technique de la paraphrase. Bentham explique que « la paraphrase est le mode d’exposition qui est le seul mode instructif lorsque la chose exprimée, étant le nom d’une entité fictive, n’en a aucune qui lui soit supérieure dans l’échelle de la subalternation logique » (p. 86). Plus précisément, « par le mot paraphrase on peut désigner cette sorte d’exposition qui peut être fournie en changeant en une proposition qui a pour sujet une entité réelle une proposition qui n’a pas pour sujet d’autre entité qu’une entité fictive » (ibid.).
S’agissant de notions aussi générales que celles de droit ou d’obligation, Bentham considère comme tout à fait vain d’essayer de donner une définition, c’est-à-dire de tenter de répondre directement à des questions comme « Qu’est-ce qu’un droit ? » ou « Qu’est-ce qu’une obligation ? ». Ce qu’il faut faire consiste plutôt à essayer de clarifier ce que l’on veut dire lorsqu’on dit que quelqu’un a un droit ou qu’il est soumis à une obligation. Au lieu de se concentrer sur une question abstraite du type « Qu’est-ce que… ? », on considérera donc un contexte propositionnel complet, et un contexte qui décrit une situation tout à fait concrète. Bentham appelle phraséoplérose l’opération par laquelle le nom de l’entité fictive que l’on cherche à éliminer est complété de façon à obtenir une forme propositionnelle de base qui donnera lieu à la paraphrase. La première tâche sera donc de trouver ce contexte propositionnel élémentaire et fondamental dans lequel apparaît le nom de l’entité fictive. Dans le cas de l’obligation, par exemple, ce sera la phrase « Une obligation incombe à un homme ».
Puisque, d’après Bentham, une entité fictive, étant un pur néant, n’a aucune propriété et ne peut donner lieu à aucune prédication vraie, il faut supposer que, dans une proposition de la forme « S est P », où le sujet S désigne une entité fictive, ce qui est apparemment prédiqué du sujet ne l’est de lui qu’en tant que représentant d’une entité dont quelque chose peut être réellement prédiqué, à savoir une entité réelle :
« La vérité, quelle qu’elle puisse être, qui appartient à la proposition ne peut lui appartenir à aucun autre titre que celui de représentant – de substitut entendu comme et supposé équivalent et adéquat – d’une proposition ayant pour sujet une entité réelle.
De toute entité fictive ou de toutes les entités fictives de ce genre, l’entité réelle à laquelle est rattachée la signification de leurs appellations respectives et de la signification de laquelle dépend leur signification peut être appelée la source réelle, la cause efficiente ou le principe de rattachement » (p. 86).
Notons encore que Bentham appelle archétype, emblème ou image archétypale l’image plus ou moins caractéristique d’un état de choses réel ou d’une action réelle qui est généralement suggérée par la proposition fictive dont le nom de l’entité fictive est un constituant. L’indication ou l’explication de cette image emblématique est une opération qui sera nommée archétypation.
Considérons maintenant la manière dont ce dispositif peut être utilisé dans le cas de choses comme le droit et l’obligation. Bentham soutient qu’aucune idée claire ne peut être rattachée au mot droit indépendamment de l’idée d’obligation :
« Les causes efficientes du droit sont deux :
1. Absence d’obligation correspondante. Vous avez un droit d’effectuer tout ce que vous n’êtes pas dans l’obligation de vous abstenir d’effectuer. Tel est le droit que tout être humain a dans un état de nature.
2. La deuxième cause efficiente du droit est la présence de l’obligation correspondante. Cette obligation est l’obligation imposée à d’autres personnes en général de s’abstenir de vous perturber dans l’excercice de la première espèce de droit qui a été mentionnée. Le premier droit mentionné peut être appelé une espèce de droit nue, ce droit mentionné en deuxième lieu, un droit habillé ou établi » (p. 118).
Comme on l’a vu, il n’est pas question pour Bentham d’attribuer au droit une réalité proprement dite. Le droit est le prototype de l’entité fictive : « Le mot droit est le nom d’une entité fictive ; l’un de ces objets dont l’existence est feinte pour les besoins du discours – par une fiction tellement nécessaire que sans elle le discours humain ne pourrait pas être poursuivi » (p. 118). On pourrait dire que la paraphrase, même si elle ne nous démontre pas, en toute rigueur, que l’entité concernée n’existe pas, nous montre en tout cas que rien ne nous oblige à supposer son existence et que notre langage ne la suppose pas. Il « fait simplement comme si ». Bentham précise que « bien que fictif, le langage ne peut pas être appelé trompeur, du moins en intention, quel que puisse être dans certains cas le résultat obtenu sans intention » (ibid., note 2). La fiction est donc quelque chose de différent de la tromperie et de l’illusion, même si elle peut susciter des illusions.
Le langage dans lequel nous parlons du droit, traite celui-ci comme une chose tout à fait concrète, bien que ce ne soit évidemment pas une chose concrète. « Un homme est dit l’avoir, le détenir, le posséder, l’acquérir, le perdre. On en parle par conséquent comme si c’était une portion de matière telle qu’un homme peut la prendre en main, la garder pendant un certain temps et l’abandonner à nouveau. Selon une expression qui est plus courante dans le langage du droit que dans le langage ordinaire, on parle même d’un homme comme étant investi d’un droit. Vêtement veut dire habillement ; en être investi fait de lui un article de vêtement et revient à dire on est habillé » (p. 118). On adjoint au mot « droit » des qualificatifs comme « politique », « naturel » et « moral ». L’opinion de Bentham est que le seul des trois cas dans lequel le mot droit a un sens déterminé et intelligible est celui dans lequel on lui adjoint l’épithète « politique ». On peut dire, par exemple, que si le droit en général est une fiction, le droit naturel n’est pas une espèce particulière de droit, mais plutôt la fiction d’un droit : « On peut, toutefois, dire que nier l’existence de ces droits [les droits naturels] que vous appelez imaginaires, c’est donner carte blanche à la tyrannie la plus abusive. Les droits d’un homme antérieurs à tout gouvernement et supérieurs, quant à leur autorité, à tout acte de gouvernement – ces droits sont le rempart, et le seul rempart contre les entreprises tyranniques du gouvernement. Pas du tout – l’ombre d’un rempart n’est pas un rempart ; une fiction ne prouve rien ; partant de ce qui est faux vous ne pouvez arriver qu’à ce qui est faux. Lorsque les gouvernés n’ont pas de droit, le gouvernement n’en a pas davantage. Les droits des gouvernés et les droits du gouvernement naissent ensemble ; la même cause qui créa les uns crée les autres (p. 121). Bentham pense que, lorsqu’on dit que quelqu’un a un droit naturel à une certaine chose, on veut dire simplement que l’on considère comme souhaitable qu’il ait un droit politique, c’est-à-dire un droit garanti par l’autorité politique, à cette chose.
Puisque la notion de droit est, comme on l’a vu, fondamentalement dépendante de celle de l’obligation, il est indispensable de fournir une exposition appropriée de ce qu’on entend par une obligation. Bentham considère que les entités fictives éthiques, comme il les appelle, à savoir les obligations, les droits et les autres avantages dépendants de l’obligation, ont toutes comme source réelle ou comme cause efficiente la même sorte d’entité réelle, à savoir la sensation, plus précisément la sensation de plaisir et de douleur. Une obligation (à savoir l’obligation de se conduire d’une certaine manière) incombe à un homme pour autant que, dans l’hypothèse où il ne se conduirait pas de cette manière, on considère qu’une douleur en tout cas une perte de plaisir vont être éprouvées par lui.
Dans cet exemple, l’exponende ou le mot à exposer est l’obligation. Puisque le mot n’est pas le nom d’une entité réelle, mais d’une entité fictive, et que cette entité fictive n’en a pas d’autre qui lui soit supérieure en genre, il n’est pas possible de la définir per genus et differentiam, mais uniquement d’en donner une exposition ou un développement par la méthode de la paraphrase Pour cela il faut d’abord compléter l’exponende par la méthode de la phraséoplérose, ce que l’on fait en lui ajoutant le prédicat « incombe à un homme » ou plus précisément, selon le schéma de la logique traditionnelle, le prédicat « incombant à un homme » et la copule « est ». La source de l’explication est, comme on l’a dit, la sensation qui est susceptible de résulter finalement pour la personne concernée du respect ou du non-respect de l’obligation.
Bentham considère comme évident et ne se donne pas la peine de démontrer réellement qu’une fois qu’on a trouvé le moyen d’éliminer la notion d’obligation de la proposition de base « Une obligation incombe à un homme », on a également le moyen de l’éliminer dans tous les autres contextes propositionnels dans lesquels elle est susceptible d’apparaître. Dans toutes les propositions fictives dans lesquelles la notion d’obligation est utilisée, l’image emblématique ou archétypale est la même. C’est « celle d’un homme couché, avec un corps lourd qui pèse sur lui : c’est-à-dire d’une manière telle que ou bien cela l’empêche d’agir d’une façon quelconque, ou bien cela dispose les choses d’une manière telle que, s’il agit, cela ne peut être dans une autre direction ou d’une autre manière que la direction ou la manière en question – la direction ou la manière exigées » (p. 90).
Pour ce qui est des différentes sources dont peuvent provenir le plaisir et la douleur qui sont constitutifs de l’obligation, c’est-à-dire des différentes espèces de sanctions, la sanction physique, la sanction populaire ou morale, la sanction politique (y compris la sanction juridique) et la sanction religieuse, Bentham renvoie à l’exposé qu’il a donné dans les Principes de la morale et de la législation, chap. III. Il renvoie également à des choses qu’il a expliquées longuement ailleurs pour un exposé des causes qui ont fait que l’on s’est si gravement mépris sur ce que peuvent être la source réelle et intelligible de l’obligation et l’explication réelle et intelligible de sa nature.
Bentham explique que la paraphrase remplit la fonction d’une définition, bien que sa forme soit différente de tout ce qu’on appelle normalement définition. Dans une définition, une expression est utilisée pour l’exposition d’un mot unique. Dans une paraphrase une expression est utilisée pour l’exposition d’une expression entière dont le mot à exposer est le mot principal ou caractéristique (cf. p. 139).
Je terminerai en citant un passage dans lequel Bentham, qui, comme on l’a vu, considère la production systématique de fictions comme une source constante de fausseté, de non-sens et d’immoralité, souligne néanmoins que la fabrication d’entités fictives est absolument inévitable et commence à un niveau tout à fait élémentaire, en fait pour ainsi dire avec le langage lui-même.
« En disant ‘Cette pomme est mûre’, qu’est-ce que j’affirme ? C’est que dans cette pomme est la qualité de maturité. Les deux expressions sont équivalentes. Mais, ‘Dans cette pomme est la qualité de maturité’, dans l’assertion ainsi faite, quelle est l’image que je fais apparaître ? C’est que la pomme est un réceptacle ; et que dans ce réceptacle est logée la qualité maturité – l’entité imaginaire, fictive, appelée une qualité. Car telle est la signification de la préposition dans. Témoin la pomme que je suis supposé avoir dans ma main ; témoin le crayon qu’en ce moment j’ai réellement dans ma main.
De ce fait, dans l’usage qui est fait du langage, la fiction au tout premier pas que l’on peut effectuer dans le champ du langage, la fiction, dans le cas le plus simple, ou presque le plus simple dans lequel le langage peut être utilisé, devient une ressource nécessaire » (pp. 72-73).