Book Title

Bentham et la liberté négative

Fred ROSEN

Professor of the History of Political Thought, University College and Director of the Bentham Project, London

Traduit par Bruno Maumené et Cyprian Blamires

Ici, tôt ou tard, notre historien doit cesser d’étudier la pensée en tant que langage d’une société, et commencer à l’étudier en tant que philosophie, c’est-à-dire pour sa capacité à formuler des énoncés généraux intelligibles1.

L’expression, « liberté négative », telle qu’on peut la trouver dans la leçon inaugurale de Sir Isaiah Berlin, prononcée à Oxford le 31 octobre 19582 n’a connu qu’un succès de courte durée. Cette constatation n’équivaut pas à nier que les philosophes depuis Hobbes (et même depuis Machiavel, si nous suivons Quentin Skinner)3 aient conçu la liberté en des termes négatifs, ni que le débat entre idéalistes anglais et certains de leurs adversaires comme Spencer et Sidgwick ait porté sur le remplacement d’une conception de la liberté comme « laissez-faire » par une autre plus positive4. Mais la division de la liberté en deux types distincts, l’un négatif (signifiant la non-ingérence) et l’autre positif (signifiant l’autonomie) défendus l’un par rapport à l’autre – bien que cette division fut peut-être déjà présente dans la distinction entre liberté ancienne et moderne, posée par Benjamin Constant près de cent cinquante ans auparavant5 – s’est vu dotée d’une résonance toute particulière de par l’usage qu’en fit Berlin6. En procédant de la sorte, il a clairement rapproché (quoiqu’il ne l’ait peut-être pas fait de façon aussi définitive que ceux qui ont discuté son essai) Hobbes de Bentham, en ceci qu’ils défendent tous deux la liberté négative7.

La leçon de Berlin et son inclusion ultérieure dans Four Essays on Liberty8 ont donné lieu à une importante littérature secondaire, et la distinction entre liberté négative et positive appartient aujourd’hui à ce que l’on pourrait appeler la culture philosophique générale. Elle est maintenant employée dans les œuvres philosophiques sans qu’il soit fait référence à Berlin ou à son essai. La « liberté négative », semble-t-il, est une notion tellement courante et si communément acceptée qu’elle ne fait plus l’objet de contestations. Dans le premier compte-rendu de la leçon qui a paru dans le supplément littéraire du Times au début de l’année 1959, l’auteur de l’article remarquait avec bienveillance que sa parution survient un siècle après celle de On Liberty de John Stuart Mill9. En 1966, déjà, la leçon pouvait être considérée comme s’étant « imposée d’elle-même comme un petit classique de la théorie politique contemporaine… »10, et l’année dernière encore, on pouvait lire un article intitulé « One Voice more on Berlin’s Doctrine of Liberty » qui prenait la défense de sa critique de la liberté positive11.

Tout au long du débat portant sur la signification et la pertinence de la leçon de Berlin, une de ses thèses n’a non seulement jamais été critiquée, mais, au contraire, toujours ressassée avec emphase. Il s’agit de la thèse selon laquelle Hobbes et Bentham partageraient une conception identique de la liberté négative, et cette allégation est primordiale chez Berlin. C’est ainsi que Charles Taylor, le successeur de Berlin à Oxford, parle du « sommaire concept hobbesien et benthamien selon lequel la liberté est l’absence d’obstacles externes, physiques ou légaux… »12 Quentin Skinner fait référence à la formulation berlinienne de la liberté négative comme « ayant été énoncée initialement par Jeremy Bentham », et l’associe au « développement complet de la pensée politique contractualiste moderne », de Hobbes à Rawls13. John Gray concède qu’« il est probable que des penseurs tels que Hobbes et Bentham aient partagé une conception rigoureusement négative de la liberté… »14 William Weinstein se réfère à un concept « classique » ou « orthodoxe » de la liberté, formulé sous forme négative, et « associé antérieurement au XIXe siècle à Hobbes, Locke et Adam Smith, puis au XIXe siècle aux économistes classiques (Ricardo et McCulloch, par exemple) et aux libéraux utilitaristes (Bentham, James Mill, John Stuart Mill et Henry Sidgwick) »15.

Bien que les idées de Berlin aient été largement débattues, on a, en vérité, prêté peu d’attention à son traitement de la liberté négative. Il a lui-même consacré la plus grande partie de sa leçon à la critique de la liberté positive, et la plupart des commentateurs se sont attachés à essayer de concilier les deux conceptions16. Il n’empêche que sa conception de la liberté négative est au cœur de toute son argumentation, et si elle s’avérait incohérente, l’argumentation tomberait tout entière.

I.

Considérons tout d’abord l’idée de liberté chez les deux adeptes classiques supposés de la liberté négative, Hobbes et Bentham. Hobbes définit comme suit la liberté au chapitre 14 du Leviathan : « Par LIBERTÉ, on entend, en accord avec la signification véritable du mot, l’absence d’obstacles extérieurs… »17 La définition hobbesienne de la liberté en tant qu’absence d’obstacles extérieurs au mouvement est habituellement reformulée comme étant « l’absence d’entrave »18. Une telle conception de la liberté est immédiatement identifiable. Nous savons que nous ne sommes pas libres lorsque nous sommes enchaînés et incapables de nous mouvoir comme nous l’entendons. L’obstacle au mouvement est d’ordre physique et nous sommes capables de donner une description factuelle de notre manque de liberté. Une telle conception de la liberté s’accorde parfaitement à la théorie hobbesienne du mouvement, où liberté équivaut à mouvement volontaire. Cette conception de la liberté est tellement claire qu’elle est habituellement considérée comme l’une des formulations classiques de la « liberté négative ».

Moins claire, peut-être, est l’extension hobbesienne de l’idée de liberté à ce qu’il nomme « la liberté des sujets » lorsqu’il se réfère aux lois civiles formant des « chaînes artificielles » des lèvres du souverain aux oreilles du sujet19. La liberté du sujet est double. Il est libre de faire ce que le souverain n’a pas interdit par décret ; et il détient le droit naturel de se préserver lui-même. Sur le premier point, Hobbes fournit un certain nombre d’exemples : « la Liberté d’acheter, de vendre, de conclure tout autre forme de contrat, de choisir son foyer, son régime alimentaire, son propre train de vie, d’éduquer ses enfants comme on l’entend, etc. »20 Cette liste assez longue, non exhaustive, est néanmoins sujette à modification, du moment que le souverain a autorité pour légiférer en tout instant, et réprimer ainsi certaines pratiques, également dans ces domaines, à supposer qu’il ou qu’ils (selon la composition de l’autorité souveraine) en décident ainsi. En ce qui concerne la liberté du sujet, au premier sens, dépend du fait que le souverain n’a pas jugé nécessaire ou a omis de légiférer dans ces domaines. La liberté du sujet, au second sens, elle consiste dans le droit à l’auto-préservation, et dans le fait de ne pas être obligé d’affronter soi-même de grand péril. Ici encore, c’est le souverain qui a le dernier mot, mais le sujet détient toujours ce droit non négligeable.

Comme l’a remarqué David Raphael, « Hobbes se prononce davantage en faveur de l’autorité qu’en faveur de la liberté », bien qu’il parvienne également à ménager à celle-ci un espace considérable21. Hobbes juxtapose clairement la liberté de l’individu, aussi modeste soit-elle, à l’autorité de l’Etat, et, quelque puissant que soit ce dernier, il demeure néanmoins une certaine sphère de liberté réservée à l’individu. C’est à cette formulation de l’idée de liberté que se réfèrent généralement ceux qui entendent traiter de la liberté négative.

Lorsque Bentham définit la liberté, il trouva la formule hobbesienne trop restrictive, puisque la liberté comme absence d’entrave ne lui semblait pas pouvoir prendre en compte les contraintes :

Si l’on m’obligeait, si l’on me contraignait à faire 25 kilomètres à pieds chaque jour, que je le veuille ou non, bien qu’aucune autre entrave n’affecte mon comportement en dehors de ce qui est nécessaire à ma marche de 25 kilomètres, et bien que je puisse choisir le lieu, le moment et ceux qui m’accompagneront, je dois avouer que je ne pourrais m’empêcher de me considérer comme bien loin encore de la liberté parfaite22.

Non seulement l’absence d’entrave comme conception de la liberté semble trop restrictive à Bentham, mais, en plus, il justifie sa propre définition comme « ne portant pas atteinte aux règles du langage »23. D’une certaine façon, il serait possible de considérer que Bentham amende et étend la définition hobbesienne qui, peut-être, était par trop redevable à sa théorie du mouvement24. Et sa définition bien connue de la liberté comme absence de coercition (incluant entraves et contraintes) peut paraître d’obédience strictement hobbesienne :

La liberté n’est ni plus ni moins que l’absence de coercition. C’est le sens authentique, original et propre du mot Liberté. C’est une idée purement négative. Elle n’est pas une de ces créations du Droit positif. Elle existe sans Droit, et non grâce au Droit25.

Il y a, néanmoins, une différence majeure entre Hobbes et Bentham. A la différence de Hobbes, Bentham ne souscrit ni à une doctrine du droit naturel en général, ni à un droit naturel à l’auto-préservation en particulier. Pour Bentham, les devoirs déterminent les droits, et pour que les droits soient significatifs, la loi doit tout d’abord établir des devoirs26. Bien qu’il assure que la liberté peut exister là où la loi se tait, il affirme que les sphères de liberté les plus importantes doivent être établies au sein de la loi, soit dans le cadre de la liberté civile dans lequel l’individu est empêché d’interférer avec la vie et les biens d’autrui, et se trouve, dès lors, contraint d’observer un certain comportement, soit dans ce qui devient le domaine de la liberté politique ou constitutionnelle quand l’autorité arbitraire, voire tyrannique, est limitée par les contraintes constitutionnelles. A partir du moment où Bentham croit que la liberté est une idée foncièrement négative, conçue en dernière analyse comme l’absence de coercition et que cette idée négative est incompatible avec la loi et l’administration qui, elles, s’appuient sur la coercition ou la menace de coercition, il semble qu’il soit impossible à Bentham de parler de la liberté du sujet au sens où le fait Hobbes. Preuve en est le fait qu’il n’est pas possible de tracer les limites de la liberté du sujet avant d’avoir établi un système gouvernemental ou légal, et, confrontée à ce système, la liberté au sens négatif n’aura que peu de signification politique. Considérons, par exemple, la façon dont Bentham dénigre le premier article de la Déclaration des droits de l’homme de 1791 qui stipule que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » :

Tous les hommes naissent-ils libres ? Tous les hommes demeurent-ils libres ? Non, pas un seul homme qui ait vécu, vive ou vivra. Tous les hommes, au contraire, sont nés dans la sujétion, et la plus absolue, celle de l’enfant sans défense à l’égard de ses parents dont il dépend à chaque instant de son existence. Tout homme est né dans cette sujétion, il y demeure des années, un grand nombre d’années, et la survie de l’individu et de l’espèce en dépend.

Quel est l’état de choses auquel l’existence supposée de ces droits supposés est censée renvoyer ? Un état de choses antérieur à l’existence d’un gouvernement, ou un état de choses qui lui soit postérieur ? Si c’est à un état antérieur à son existence, quel parti tirerait-on de l’existence de ces droits dans les pays dotés d’un gouvernement ? Si c’est à un état de choses postérieur à sa formation, y a-t-il alors un seul gouvernement auquel cela s’applique ? 27

Bentham reconnaît tout spécialement dans cette dernière question rhétorique le caractère extensif de la loi et du gouvernement dans la société, et l’absence de liberté (comme absence de coercition) ou d’égalité comme le résultat de ses opérations les plus fondamentales. L’énoncé selon lequel la liberté « est une idée exclusivement négative » semble avoir plus de conséquences que chez Hobbes, et être utilisé pour prévenir toute discussion portant sur une liberté résiduelle qui puisse être opposée à l’Etat. Cela laisse évidemment Bentham face à un problème concernant les catégories des libertés civique et politique, auquel je vais maintenant m’attaquer.

II.

Bien des débats sur la liberté ont tourné autour de catégories variées, souvent utilisées pour étendre la liberté à des domaines auxquels elle n’était précédemment pas rattachée. Toutes les citations empruntées à Bentham jusqu’à maintenant (exceptée la dernière qui appartient à la période de la Révolution française) ont été pensées par lui comme une contribution à un autre débat important, bien que moins connu, portant sur l’Indépendance américaine de 177628. A cette époque, nombre d’écrivains s’étaient ligués contre le philosophe et théologien, Richard Price (peut-être plus connu aujourd’hui comme étant la cible d’une attaque de Burke dans les Reflections on the Revolution in France). Price a abordé le problème de la liberté en l’examinant sous quatre angles : physique, moral, religieux et civil. Fidèle à Locke, Price a donné aux définitions de la liberté dans chacune de ces catégories une dimension à la fois positive et négative. La dimension positive a été exprimée en termes de pouvoir, et la dimension négative, en termes de non-ingérence29.

Bien que Price ait suivi Locke en reconnaissant les aspects positifs et négatifs de la liberté, et bien qu’il ait, comme Locke, souligné l’importance de la raison, il y a des différences importantes entre les deux penseurs. Comme l’a remarqué D.O. Thomas, Price a remplacé la doctrine lockienne du consentement par la participation continue du peuple au gouvernement et la croyance plus démocratique que tous les hommes devraient avoir le droit d’y participer30. Price semble avoir esquissé dans sa doctrine plus radicale un changement significatif ; selon sa conception de la liberté, la plupart des gens sont privés d’autonomie et pourraient être considérés comme des esclaves politiques31.

C’est la nature radicale de la croyance quasi-rousseauiste de Price dans l’autonomie et la participation, au point que les impôts, dans un gouvernement pleinement démocratique, seraient conçus comme « des dons volontaires à destination des services publics » du citoyen à l’Etat, qui a alarmé ses lecteurs et nourrit une vive controverse32. Ceux qui ont cherché, comme Bentham, à examiner la position de Price d’un point de vue philosophique, se sont penchés sur sa conception de la liberté et les concepts dont il use pour l’élargir. De là, l’insistance de Bentham à considérer que la liberté n’est qu’une idée négative : l’absence de coercition. Un tel argument invalide à la fois la définition pricienne de la liberté et plus particulièrement sa tentative de l’étendre à la liberté civile et politique.

On pourrait penser que la position de Berlin à l’égard de la liberté positive est en gros comparable à celle de Bentham concernant la doctrine de Price. Mais la position de Bentham est beaucoup plus complexe. Il est réellement troublé par le problème de savoir comment la liberté comme absence de coercition peut d’une quelconque manière être exprimée dans une catégorie du type de celle que Price nomme la liberté civile. Si la liberté est l’absence de coercition, et si la liberté et la loi sont des idées incompatibles, comment la liberté peut-elle être exprimée dans ces catégories ? Quand, par exemple, Bentham parle de la liberté civile, il entend la sécurité des personnes et de la propriété face aux atteintes de l’Etat ou d’autres individus, mais cette sécurité doit être garantie par l’Etat lui-même, par ses lois et ses tribunaux. Bentham s’est rendu compte que la mise en place de ce qu’on appelait liberté civile requérait une limitation drastique de la liberté, en ceci que chaque individu se voyait interdire, sous peine de punition, l’immixtion dans les affaires d’autrui. Ce que d’autres nommaient libertés civile et politique était tellement différent, à ses yeux, de la liberté comme absence de coercition, qu’il leur donna le nom, emprunté à Montesquieu, de « sécurité », c’est-à-dire la garantie contre les abus de pouvoir et contre l’immixtion d’autrui, et il réserva le mot « liberté » à la seule idée purement négative d’absence de coercition33.

La solution benthamienne aux difficultés à étendre la liberté individuelle aux formes civile et politique nous rend attentif à un problème que Berlin n’a pas abordé, et qui est à l’origine d’une ambiguïté supplémentaire dans sa théorie. Il confond la liberté qui requiert l’intervention de l’Etat (sécurité de la personne et de la propriété) avec une conception de la liberté qui requiert un minimum d’immixtions34. Berlin simplifie de façon quasi caricaturale l’enjeu crucial concernant les libertés civile et politique en insistant sur sa traduction en termes de réponse à la question « Dans quelle mesure suis-je gouverné ? »35 A première vue, l’individu qui est moins gouverné est plus libre que celui qui jouit de moins d’autonomie. Mais si, pour Bentham, la liberté est exclusivement négative, et si elle est supposée garantie par la loi, alors la question de savoir dans quelle mesure je suis gouverné requiert une espèce de calcul toute différente. Les libertés civile et politique exigent de nous que nous renoncions à la liberté sous sa forme exclusivement négative et que nous les acceptions lorsque le lot de contraintes n’excède pas le surcroît de liberté obtenu en procédant de la sorte. Mais ce calcul en termes de liberté n’a jamais été entrepris par Bentham. Sa solution consistait à l’exprimer dans le cadre de la théorie plus large de l’utilité. La sécurité (comme garantie contre les abus de pouvoir et l’immixtion d’autrui) est posée comme le principe subalterne le plus important après l’utilité, et la maximisation de la sécurité est le plus sûr moyen d’assurer un bonheur maximal à la société. Comme l’ont récemment fait remarquer Kelly, Postema et d’autres commentateurs, le principe d’utilité benthamien est autre chose qu’un vulgaire principe de maximisation, en particulier à cause du rôle du principe secondaire de sécurité36. En maximisant la sécurité des personnes (c’est-à-dire la liberté dans le cadre de la loi), chacune d’elles est libre de rechercher son propre bonheur. La poursuite générale du bonheur au moyen de garanties de sécurité conduit alors au plus grand bonheur. Berlin tente néanmoins de faire le calcul en termes de liberté, et, à cet effet, simplifie à outrance les idées de libertés civile et politique. En effet, empêcher que d’autres individus portent atteinte à ma propriété, m’assaillent, menacent mon existence, noircissent ma réputation, etc., nécessite la mise en place d’une machine étatique énorme, de tribunaux, de medias, d’une police, de pompiers, d’une armée et d’autres services qui ont pour fonction de dissuader tout individu (ou tout autre organisme d’Etat) de s’immiscer dans la vie et les activités d’autres individus. Pour prévenir les troubles sociaux pouvant mettre en danger ma personne et ma propriété, toute une série de services d’utilité publique, ainsi qu’une répartition plus équitable de la propriété peuvent également s’avérer nécessaires. Ces dispositions présupposent non seulement de nombreuses immixtions, nécessaires à l’instauration de la liberté civile, mais, de plus, elles sont couteuses du fait du prélèvement d’impôts qu’exige leur mise en œuvre.

Il existe une approche romantique du libéralisme, en particulier du libéralisme du XIXe siècle, selon laquelle l’individu est perçu comme n’étant pas soumis aux ingérences de l’Etat. Berlin va même jusqu’à imaginer que Frédéric II et Joseph II auraient pu procurer plus de libertés à leurs sujets que ne l’ont fait les gouvernements démocratiques37. Il note que les sujets des deux souverains « étaient moins persécutés, et que la pression des institutions et des coutumes, dans ces pays, étaient moins forte que dans beaucoup des démocraties qui ont précédé ou suivi l’avènement des deux monarques »38.

Sa référence aux deux autocrates devient plus claire quand il affirme que « le plus éloquent défenseur de la liberté et de la sphère privée, Benjamin Constant, n’avait pas oublié la dictature jacobine… »39. L’allusion à Constant ne vise pas la distinction entre liberté ancienne et moderne, à laquelle Berlin ne fait d’ailleurs pas explicitement référence, mais la manière dont la démocratie jacobine a continuellement hanté Constant, et l’a encouragé à devenir un des chefs de file de la pensée libérale au XIXe siècle. De façon similaire, les (prétendues) démocraties totalitaires du monde communiste, telles qu’elles ont été décrites au cours des années cinquante dans la rhétorique de la guerre froide – une description qui s’est avérée fausse pour ce qui concerne la démocratie comme nous avons pu en juger rétrospectivement à la fin des années quatre-vingt – semblent avoir hanté Berlin, et, à l’instar de Constant, il s’est efforcé de restaurer au XXe siècle un concept de liberté qui soit à la mesure de cette menace. C’est ainsi que Berlin a lancé le débat en escomptant élargir la catégorie de la liberté individuelle, de telle façon qu’elle soit à même de contrer la menace du totalitarisme dans lequel la liberté était conçue en termes de dévouement actif à un état totalitaire et de concrétisation d’une destinée supérieure résultant de ce dévouement. A cette conception, Berlin oppose son idée de la liberté négative et une contribution à la tradition libérale à laquelle elle se rattache. Il ne suit pas Mill, par exemple, en appliquant un principe de liberté à une situation nouvelle (pour Mill, celle de la société elle-même), pas plus qu’il ne rattache clairement la liberté à une quelconque théorie politique comme le droit naturel, l’utilitarisme, le contractualisme, etc. Il défend simplement une conception de la liberté contre d’autres conceptions. Mais une telle défense, aussi valable soit-elle dans le contexte idéologique de la guerre froide qui prévalait à la fin des années cinquante, paraît bien inférieure et bien imparfaite comparée par exemple à la conception benthamienne plus subtile de la liberté en tant qu’idée négative. Preuve en est le fait qu’elle ne parvient pas à montrer comment la liberté en tant qu’absence d’ingérence [non-interference] peut être transcrite dans les catégories des libertés civile et politique dont le respect requiert l’intervention [interference] de l’Etat.

III.

Bien que Berlin n’intègre pas la liberté dans le cadre plus large d’une théorie politique, fondée par exemple sur les droits ou l’utilitarisme, il fait œuvre d’historien et invoque les noms des principaux penseurs qui ont conçu la liberté en tant qu’idée partiellement ou entièrement négative, tels que Hobbes, Locke, Bentham et Mill, ou encore de ceux qui ont plaidé au XIXe siècle pour un gouvernement limité, comme l’ont fait Constant et Tocqueville. Cela a conduit (et c’est peut-être ce qui est le plus important dans l’approche berlinienne) à l’identification de la liberté en tant qu’idée négative avec le libéralisme en tant que doctrine politique. Une telle identification a bien évidemment été contestée. Hobbes et Bentham (quand il a formulé sa conception de la liberté) n’étaient pas des libéraux ; Locke, Kant et Mill ont tous en partie adopté des conceptions positives de la liberté, et la tradition du libéralisme, comme l’a fait remarquer T.H. Green, a aussi bien défendu au XIXe siècle des conceptions positives que des conceptions négatives de la liberté40.

Mais si l’approche berlinienne de la liberté ne peut pas être adéquatement rattachée à une tradition quelconque de discours sur la liberté, et si elle esquive toute discussion concernant la place de la liberté au sein d’une théorie politique plus large, quel peut bien en être l’intérêt si l’on excepte celui, idéologique, de s’opposer aux conceptions totalitaires de la liberté ? Cette question a en réalité été posée par John Rawls dans A Theory of Justice, alors même qu’il s’efforçait d’« éviter la discussion », principalement à cause du fait que l’enjeu consiste, à son avis, en un conflit de libertés : il avance qu’« il est clair que cette question concerne un point important de la philosophie politique, et qu’on a besoin d’une théorie du droit et de la justice pour y répondre, les questions de définition ne pouvant jouer au mieux qu’un rôle subsidiaire »42. John Gray, dans ce qui est la meilleure défense philosophique de Berlin, a avancé que quoique l’approche de Berlin soit essentiellement celle d’un historien des idées, elle n’est pas sans pertinence philosophique : « La répudiation du monisme en philosophie » par Berlin, écrit Gray, « est, à n’en point douter, son idée maîtresse. » Puis Gray mentionne rapidement les implications de cette position : « Nous devons une fois pour toutes rejeter l’opinion dominante qui nous vient des Lumières, la chimère d’une moralité rationnelle, ainsi que le projet connexe d’une science politique. »43 Si Rawls conçoit la défense par Berlin de la liberté négative comme une approche incapable de rendre compte de la place de la liberté et des différentes libertés au sein d’une théorie politique, Gray interprète Berlin comme concevant l’approche rawlsienne sous la forme d’une tentative chimérique d’aller au-delà des considérations de l’historien de la philosophie sur la variété des concepts de liberté et de libéralisme.

41

Je ne suis pas un disciple de Rawls, et, en tant qu’historien des idées politiques, l’approche de Berlin m’est à plus d’un titre intuitivement sympathique. Je dois néanmoins la rejeter car, non seulement elle occulte les différents traitements dont a fait l’objet la liberté en tant qu’idée négative, mais encore elle échoue à montrer que le problème qu’elle soulève ne peut être parfaitement saisi qu’au sein de systèmes rationnels moraux et politiques. La contribution benthamienne aux libertés civile et politique n’a de sens qu’envisagée dans le contexte de sa philosophie utilitariste, et c’est dans ce contexte qu’il est à même de résoudre des problèmes que Berlin considère comme conceptuellement disjoints ou incohérents. Il en résulte que Berlin voit des conflits d’idées là où il n’y en a pas. Considérons par exemple l’argument de Berlin concernant la relation entre liberté individuelle et démocratie :

La liberté en ce sens [négatif] n’est pas, du moins logiquement, liée à la démocratie ou au gouvernement autonome. Le gouvernement autonome peut, certes, être un plus sûr garant des libertés civiles que d’autres régimes et c’est à ce titre que les libéraux l’ont défendue. Mais il n’existe pas de lien nécessaire entre liberté individuelle et régime démocratique. La réponse à la question : « Qui me gouverne ? » est logiquement distincte de la question : « Jusqu’où le gouvernement s’ingère-t-il dans mes affaires ? » C’est dans cet écart que réside finalement l’opposition entre ces deux conceptions de la liberté, la positive et la négative. En effet, le concept de liberté « positive » surgit lorsque nous nous efforçons de répondre, non pas à la question : « Que suis-je libre de faire ou d’être ? », mais « Par qui suis-je gouverné ? », ou encore : « Qui est habilité à dire ce que je dois – ou ne dois pas – être ou faire ? » Le lien entre démocratie et liberté individuelle est beaucoup moins étroit que ne le croyaient bien des défenseurs de l’une et de l’autre. Le désir d’être autonome ou, du moins, de participer à la mise en place des mécanismes qui conditionneront mon existence est peut-être aussi puissant que celui de disposer d’un espace où l’on peut agir librement et, peut-être, plus ancien historiquement parlant. Toutefois, il s’agit de deux désirs distincts. A ce point distincts, qu’ils ont conduit, de fait, à ce heurt frontal de deux grandes idéologies qui caractérise notre époque44.

J’ai cité longuement Berlin car il a développé dans ce passage un argument qui prétend démontrer qu’il n’y a pas de relation nécessaire entre la liberté négative (telle qu’il la conçoit) et la démocratie. S’il procède de la sorte, c’est sans doute du fait que les deux idées sont développées en réponse à des questions différentes qui à leur tour reflètent des conceptions différentes de la liberté, la négative et la positive. La démocratie représentative, concède-t-il, a été défendue par les adeptes de la liberté négative, mais cette association n’est pas déterminante. Au contraire, pour Berlin, la logique de la démocratie est à associer à la liberté de mener « un régime de vie prescrit », ce qui, dans la perspective de la liberté négative, ne vaut « guère mieux qu’un déguisement illusoire de la tyrannie brutale »45. Même si nous ignorons la rhétorique de la guerre froide et les références au « heurt frontal des idéologies » et à la « tyrannie brutale », il est difficile de comprendre comment la relation qu’établit Berlin entre liberté négative et démocratie peut tenir46. Il est vrai qu’il concède que la démocratie peut, dans l’ensemble, procurer une meilleure garantie du respect des libertés civiles que d’autres régimes, mais il omet de mentionner que les deux principales approches philosophiques de la démocratie représentative, celle qui repose sur les droits naturels et le contrat social, et celle qui repose sur l’utilitarisme, font de la démocratie l’unique garantie des libertés civile et politique. Etant donné la nécessité d’un appareil d’Etat apte à combattre les atteintes aux droits et aux libertés civiles, la seule façon de se prémunir contre l’oppression des dirigeants eux-mêmes reste le gouvernement représentatif, ou, pour le dire simplement, la possibilité d’évincer les mauvais sujets. Les deux relations ont été solidement établies au XIXe siècle dans les théories portant sur le gouvernement représentatif, et Berlin ne le contesterait pas. C’est la conclusion à laquelle est parvenu Benjamin Constant, que Berlin admire par ailleurs, qui peut expliquer pourquoi il répugne à discuter sa théorie dans sa conférence47. Pourquoi dit-il qu’il n’existe aucune relation nécessaire entre liberté et gouvernement démocratique ? Si je souhaite être libre de toute ingérence, je devrais désirer être libre de poser la question « Par qui suis-je dirigé ? », car si ceux qui dirigent sont corrompus ou oppressifs, je désire être à même de les relever de leurs fonctions. Berlin a commis plusieurs erreurs. Il a assimilé la démocratie à ce qui a été nommé le despotisme démocratique et non à la démocratie représentative. Mais plus significativement encore, il n’a pas su apprécier la relation philosophique entre liberté et formes de gouvernement, car il a écarté de son argumentation les approches traditionnelles de la démocratie, basées sur la théorie des droits et l’utilitarisme. Sa propre approche de la liberté l’empêche de prendre en compte des connexions évidentes, et c’est avec une certaine ironie que nous observons les citoyens ordinaires des états totalitaires, qu’à juste titre il abhorre, comprendre parfaitement la nécessité de pouvoir sanctionner les dirigeants lors d’élections libres, basées sur un large suffrage, afin d’assurer le respect des libertés politique et civile.

IV.

La liberté négative, telle que la conçoit Berlin, ne semble pas présenter d’intérêt en elle-même48. De ce que j’ai dit jusqu’à maintenant, on pourrait tirer quelque étonnement à ce que les hommes et les femmes par milliers désirent combattre et mourir pour la liberté. Il ne vaut pas la peine de se battre pour être affamé, demeurer sans abri, mourir de maladie. Les bénéfices supplémentaires que l’on peut tirer en adjoignant d’autres notions à la liberté négative ne sont pas clairs non plus ; c’est le cas par exemple lorsque Charles Taylor la nomme un « concept de potentialités » [opportunity concept]49. Il est difficile de voir une relation nécessaire entre la liberté négative, conçue par Berlin comme non-ingérence, et l’existence de potentialités. L’un peut suivre l’autre, mais pas nécessairement. Dire de la liberté négative qu’elle est un concept de potentialités équivaut à dire que l’existence est un concept de potentialités (ou la non-existence, si l’on croit à une vie après la mort). Bien que ce soit peut-être vrai dans un sens trivial, cela n’éclaire en rien, ni les idées de liberté et de potentialité, ni leur relation. Au sens où le terme est employé par Berlin, il est difficile d’être en désaccord avec H. J. McCloskey quand il dit que celui, qui se trouve dans le coma et est laissé seul, est libre50. Il est difficile de croire qu’il s’agisse là d’une liberté qui vaille la peine que l’on se batte pour elle.

Ceux qui luttent pour la liberté sont généralement ceux qui entendent résister à l’oppression et à la tyrannie. Il n’aspirent pas nécessairement à se soustraire à l’autorité d’un gouvernement, mais à en changer pour un autre qui ne soit pas tyrannique. Ce gouvernement n’aura pas simplement moins de pouvoir ; il sera moins oppressif, quels que soient ses pouvoirs. C’est ici que la notion de « liberté constitutionnelle » trouve sa raison d’être.

Le constitutionnalisme est un thème extrêmement ancien, bien que l’idée de liberté constitutionnelle soit plus récente. Je vais être accusé de simplifier à outrance si je commence par Locke (de même qu’il existe une tradition républicaine qui remonte par-delà Machiavel aux Anciens), mais ce sur quoi je désire attirer l’attention sera peut-être saisi plus aisément de cette façon. Dans le Second Traité de Locke, il y a deux idées à l’état embryonnaire qui sont cruciales pour le développement ultérieur de la liberté constitutionnelle51. La première concerne la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et fédératif) et la seconde pose que le gouvernement est responsable devant la société civile et doit pouvoir être limogé et remplacé dans certaines circonstances. Ces idées sont régulièrement ignorées lorsque les discussions critiques s’attachent à la doctrine du contrat social, et pour ce qui concerne la liberté constitutionnelle, nous sommes redevables à Montesquieu d’avoir renversé le raisonnement de Locke, et d’avoir affirmé que la liberté constitutionnelle offre la meilleure garantie qui soit à la préservation de la liberté civile que Locke établit sur la base du contrat social. Montesquieu reprend une des idées de Locke, la séparation des pouvoirs, pour affirmer que la constitution la mieux placée pour défendre la liberté civile (c’est-à-dire la sécurité des personnes et de la propriété) est celle qui sépare les pouvoirs, tout particulièrement celle qui les sépare en pouvoirs exécutif et législatif52. Diviser le pouvoir ne signifie pas forcément le limiter. Montesquieu s’exprime en faveur d’un exécutif puissant et indépendant, de telle façon que le législatif ne puisse pas lui usurper son pouvoir, et vice versa. La séparation des pouvoirs devrait conduire à un gouvernement modéré et permettre d’éviter la tyrannie, mais n’aurait pas forcément pour conséquence un gouvernement affaibli dans ses prérogatives.

Bentham était très critique quant à la séparation des pouvoirs comme doctrine de la liberté constitutionnelle53. Il ne voyait aucun lien véritable entre la séparation et la modération, et pensait que la connivence entre les différents pouvoirs pouvait conduire et avait conduit à un gouvernement tyrannique, alors qu’une séparation forcée pouvait conduire, elle, à une résistance excessive au changement et à la corruption. Il adopta la seconde des deux idées de Locke et la transforma en une théorie de la démocratie représentative, seule capable de garantir la liberté constitutionnelle, la sécurité individuelle étant assurée par un gouvernement responsable devant l’électorat et soumis aux pressions de l’opinion publique54. La liberté constitutionnelle signifie ici responsabilité démocratique plutôt que gouvernement limité.

Bentham est arrivé à cette position en appliquant la théorie utilitariste aux problèmes gouvernementaux. Cette application a été faite non sur un mode rigide ou mécanique, mais d’une manière créative, en montrant comment la notion de sécurité peut également être utilisée pour établir la liberté politique ou constitutionnelle, comme garantie contre les abus de pouvoir. De plus, il était enclin à affirmer que la démocratie représentative est une condition nécessaire, sinon suffisante, à la liberté constitutionnelle. L’une des réalisations majeures du projet d’édition des œuvres de Bentham (Bentham Project) a été la publication ces dernières années de quelques uns des volumes dans lesquels ont peut trouver ces arguments55.

En conclusion : premièrement, j’ai tenté de montrer, en comparant les approches hobbesienne et benthamienne, qu’il n’y a pas de conception unique de la liberté négative. Si Hobbes insiste sur la liberté vis-à-vis du souverain, Bentham insiste, lui, sur la liberté comme garantie au sein même de l’Etat. Deuxièmement, la conception berlinienne de la liberté négative devient incohérente lorsque la liberté, en tant qu’absence d’immixtion, est transposée dans les catégories de la liberté civile et politique qui présupposent, elles, l’immixtion. Troisièmement, j’ai argumenté en faveur d’une extension de la liberté, au-delà de sa simple définition et de son insertion dans une théorie morale et politique plus large, comme l’utilitarisme. Quatrièmement, je me suis arrêté brièvement sur la relation entre liberté constitutionnelle et démocratie représentative pour suggérer que le lien entre elles est plus direct que ne l’admet Berlin. Finalement, j’ai suggéré, qu’une fois abandonnée la distinction entre les deux concepts de liberté, l’un positif et l’autre négatif, et l’idée simpliste de liberté négative rejetée, la tradition, à laquelle Berlin lui-même se réfère, offre un terrain fertile pour l’étude d’une liberté qui vaille la peine d’être préservée. Un des devoirs de l’historien des idées politiques est d’explorer à nouveau cette tradition.

____________

1 J.G.A. Pocock, « The History of Political Thought : A Methodological Enquiry », Philosophy, Politics and Society, Deuxième série, éds. P. Laslett et W.G. Runciman, Oxford, 1969, p. 201.

2 Isaiah Berlin, Two Concepts of Liberty, An Inaugural Lecture delivered before the University of Oxford on 31 October 1958, Oxford, 1958.

3 Quentin Skinner, « The Idea of Negative Liberty : Philosophical and Historical Perspectives », Philosophy in History, Essays on the Historiography of Philosophy, éds. R. Rorty, J.B. Schneewind, Q. Skinner, Cambridge, 1984, pp. 204 ff.

4 Voir W.L. Weinstein, « The Concept of Liberty in Nineteenth Century English Political Thought », Political Studies XIII (1965) pp. 150 ff ; Marshall Cohen, « Berlin and the Liberal Tradition », Philosophical Quaterly X (1960), pp. 224-226.

5 Voir Benjamin Constant, « The Liberty of the Ancients Compared with that of the Moderns », Political Writings (Cambridge Texts in the History of Political Thought), éd. Biancamaria Fontana, Cambridge, 1988, pp. 309-328.

6 Cf. M. Cranston, Freedom, A New Analysis, Londres, 1953, où la distinction n’est pas employée et Cranston, « Postscriptum », Lives, Liberties and the Public Good, New Essays in Political Theory for Maurice Cranston, éds. G. Feaver et F. Rosen, Londres, 1987, pp. 253-254.

7 Voir Berlin, Two Concepts of Liberty, p. 8 et n.

8 Oxford, 1969, pp. 118-172, trad, fr. : Eloge de la Liberté, Paris, 1988.

9 Voir TLS, 20 février 1959.

10 L.J. Macfarlane, « On Two Concepts of Liberty », Political Studies, XIV (1966), p. 77.

11 Voir Beata Polanovska-Sygulska, « One Voice more on Berlin’s Doctrine of Liberty », Political Studies, XXXVII (1989), pp. 123-127.

12 Charles Taylor, « What’s Wrong with Negative Liberty ? », The Idea of Freeedom, Essays in Honour of Isaiah Berlin, éd. A. Ryan, Oxford, 1979, p. 179.

13 Skinner, « The Idea of Negative Liberty », p. 194.

14 J. Gray, « On Negative and Positive Liberty », Political Studies, XXVIII (1980), p. 523.

15 Weinstein, « The Concept of Liberty in Nineteenth Century English Political Thought », p. 145.

16 Il y a de nombreux articles consacrés à cette conciliation, mais le plus fréquemment discuté est celui de Gerald MacCullum, Jr., « Negative and Positive Freedom », Philosophical Review, lXXVI (1967), pp. 312-34.

17 Hobbes Leviathan, Reprinted from the Edition of 1651, Oxford, 1962, p. 99. Cette définition est répétée au chapitre 21 : LIBERTÉ [LIBERTY or FRÉEDOM] signifie (à proprement parler) l’absence d’opposition ; (par opposition, j’entends les obstacles extérieurs au mouvement)… En effet, d’une personne, attachée ou surveillée, de telle sorte qu’elle ne puisse pas se mouvoir…, nous disons qu’elle est privée de la liberté de se déplacer (p. 161).

18 Voir Hillel Steiner, « Individual Liberty », Proceedings of the Aristotelian Society, IXXV (1974-5), pp. 33-50 et Gray « On Negative and Positive Liberty », pp. 513-517.

19 Parmi les nombreux livres et articles consacrés à l’idée hobbesienne de liberté, voir J. Roland Pennock, « Hobbes Confusing « Clarity » – The Case of « Liberty » et A.G. Werham, « Liberty and Obligation in Hobbes » in Hobbes Studies, éd. K.C. Brown, Oxford, 1965, pp. 101-116, 117-139 ; J.W.N. Watkins, « Liberty », Hobbes and Rousseau (Modern Studies in Philosophy), éds. M. Cranston et Richard Peters, Garden City, New York, 1972, pp. 213-232 ; David Gauthier, The Logic of Leviathan, The Moral and Political Theory of Thomas Hobbes, Oxford, 1979, pp. 62-66, 129-132, 140-144.

20 Leviathan, chap. 21, p. 27.

21 D.D. Raphael, « Hobbes », Conceptions of Liberty in Political Philosophy, éd. Z. Pelczynski et J. Gray, Londres, 1984, p. 27.

22 Bentham Manuscripts, U[niversity] C[ollege] lXIX., p. 58. Voir également Douglas G. Long, Bentham on Liberty, Jeremy Bentham’s Idea of Liberty in Relation to his Utilitarianism, Toronto, 1977.

23 UC 1X1X, p. 58.

24 Voir Leviathan, chap. 21 où Hobbes fait appel au sens commun.

25 UC lXIX, p. 58.

26 Voir, par exemple, Jeremy Bentham, A Fragment on Government (Cambridge Texts in the History of Political Thought), éds. J.H. Burns et H.L.A. Hart, p. 108n.

27 Jeremy Bentham, « Anarchical Fallacies ; Being an Examination of the Declaration of Rights Issued during the French Revolution », The Works of Jeremy Bentham, éd. J. Bowring, 11 vol., Edinbourg, 1838-1843, II, p. 498.

28 Pour la discussion de ce débat, voir H.L.A. Hart, « The United States of America », Essays on Bentham, Jurisprudence and Political Theory, Oxford, 1982, pp. 53-78.

29 R. Price, Observations on the Nature of Civil Liberty, The Principles of Government, and the Justice and Policy of War with America, Londres, 1776, pp. 3 ff. Il entendait, par exemple, par liberté civile « un principe de Spontanéité, ou d’Autodétermination qui nous constitue en Agents, ou qui nous donne un pouvoir sur nos actions, les rendant nôtres à part entière, et non les effets de l’opération d’une quelconque cause extérieure ». De façon similaire, il définit la liberté civile comme « le pouvoir d’une Société civile ou Etat à se gouverner lui-même comme il l’entend, ou selon des lois qu’il a lui-même édictées, sans devoir en rendre compte à une instance étrangère, ni se voir imposer une volonté ou un pouvoir extérieur ». La notion cardinale dans ces différentes conceptions, comme le reconnaît Price, est celle d’« autonomie » [« self-direction » or « self-governement »] et la délimitation entre liberté et esclavage est tracée par la mise en place d’entraves à l’autonomie.

30 D.O. Thomas, The Honest Mind, the Thought and Work of Richard Price, Oxford, 1977, pp. 193-194.

31 Ibid., p. 193. Voir Price, Observations, p. 5.

32 Price, Observations, p. 5.

33 Voir, F. Rosen, « The Origin of Liberal Utilitarianism : Jeremy Bentham and Liberty », Victorian Liberalism, Nineteenth-Century Political Thought and Practice, éd. Richard Bellamy, Londres, 1990, pp. 58-70.

34 Voir H.J. McCloskey, « A Critique of the Ideals of Liberty », Mind, N.S. lXXIV (1965), pp. 489-490.

35 Voir Berlin, Four Essays on Liberty, pp. 129n-130n.

36 Voir P. J. Kelly, Utilitarianism and Distributive Justice, Jeremy Bentham and the Civil Law, Oxford, 1990, pp. 71-103 ; G.J. Postema, Bentham and the Common Law Tradition, Oxford, 1986, pp. 168 ff.

37 Berlin, Four Essays on Liberty, pp. 129n-130n.

38 Ibid., p. 130n.

39 Ibid., p. 126.

40 Voir par exemple, Gray, « On Negative and Positive Liberty », p. 523 ; Weinstein, « The Concept of Liberty in Nineteenth Century English Political Thought », pp. 145 ff.

41 Oxford, 1972, pp. 201-202, trad. fr. : Paris 1987, p. 237. (Cette traduction a été légèrement modifiée ici.)

42 Gray, « On Negative and Positive Liberty », p. 524.

43 Ibid.

44 Berlin, Four Essays on Liberty, pp. 129-131, (traduction française, 1988, pp. 178-179, que nous avons modifiée : elle omettait le « self-government »).

45 Ibid., p. 131.

46 Lorsque la conférence de Berlin fut publiée pour la première fois, Noel Annan regretta qu’elle soit présentée « comme un charme à l’usage de la guerre froide, un charme destiné à écarter le diable de la liberté positive annonciatrice du totalitarisme et de la tyrannie ». Voir « Misconceptions of Freedom », The Listener, lxi (1959), p. 323.

47 Voir Constant, « The Liberty of the Ancients Compared with that of the Moderns », pp. 326-327.

48 Voir Cranston, « Postscriptum », Lives, Liberties and the Public Good, p. 254.

49 Taylor, « What’s Wrong with Negative Liberty », The Idea of Freedom, pp. 178 ff.

50 McCloskey, « A Critique of the Ideals of Liberty », p. 494. Voir également pp. 486-489.

51 Voir Locke, Two Treatises of Government, éd. P. Laslett, New York, 1965, II, chap. 11-14.

52 Montesquieu, De l’Esprit des Lois, XI, 6.

53 Voir Bentham, A Fragment on Governement, chap. 3. Voir également une critique plus directe de cette doctrine dans les essais sur la liberté constitutionnelle rédigés à l’époque de la Révolution française à paraître dans un volume des Collected Works of Jeremy Bentham, édités par C. Blamires et M. James, provisoirement intitulé : Political Tactics and Essays on the French Revolution.

54 Voir F. Rosen, Jeremy Bentham and Representative Democracy, A Study of the Constitutional Code, Oxford, 1983 ; et Bentham, Byron and Greece : Constitutionalism, Nationalism and Early Liberal Political Thought, London, 1991.

55 Voir Constitutional Code, vol. I, éds. F. Rosen et J.H. Burns, Oxford, 1983 ; First Principles Preparatory to Constitutional Code, éd. P. Schofield, Oxford, 1989 ; et Securities Against Misrule and Other Constitutional Writings for Tripoli and Greece, éd. P. Schofield, Oxford, 1990.