Principe d’utilité et conscience héroïque
La réception de l’œuvre de Bentham au XIXe siècle
Traduction de Claire Vovelle
Les œuvres qui feront connaître Bentham en Europe, et que Dumont publie à partir de 1802, apparaissent au moment où le début des guerres napoléoniennes, le réveil des nationalités, la naissance de nouvelles formes de religiosité catholique et protestante, et un changement général de la sensibilité culturelle et esthétique favorisent la réaction intellectuelle contre les valeurs et les théories du Siècle des Lumières. Cette vague de critiques, qui vise avant tout le « matérialisme » des philosophes sensualistes et des encyclopédistes, n’épargne pas la pensée de Bentham, qui s’inspire d’ailleurs des mêmes auteurs (les « masticateurs de logique » selon Carlyle).
Il existe cependant des défenseurs de l’utilitarisme benthamien. Ceux-ci le répandent, parfois en le redécouvrant et voient en lui l’expression la plus parfaite d’une morale moderne, individualiste et rationnelle, voire le principe d’une organisation sociale qui conjugue la justice distributive à un programme d’expansion économique et de sécularisation de la politique.
Il importe d’étudier le véritable combat idéologique qui se livre autour de l’héritage benthamien, non seulement parce qu’il témoigne de l’atmosphère culturelle du début du XIXe siècle, mais aussi parce qu’il est nécessaire à la compréhension de l’œuvre du philosophe anglais, de l’usage qu’il fait des outils culturels de son époque et de la « structure d’appel » de ses textes (Iser, 1975 ; Sartre, 1948). C’est pourquoi, entreprendre l’étude de l’horizon d’attente sur lequel se projette la philosophie de Bentham, revient à rechercher dans les objections et dans les répliques des indications sur le sens de celle-ci, qu’une analyse directe du texte laisserait peut-être échapper. Ainsi, voit-on que la sensibilité littéraire, contradictoire et impulsive est parfois plus significative que la critique systématique.
Un obstacle majeur s’oppose cependant à cette tentative, qui s’inscrit dans la perspective de la théorie de la réception (Jauss, 1970) : le lecteur idéal, ou implicite, des pages benthamiennes ne correspond pas aux lecteurs réels que nous allons analyser. Cela parce que le matériel sur lequel l’édition Dumont se fonde a été forgé par son auteur pendant les années 1770-1780, et s’adresse principalement à l’homme de culture des Lumières, aux despotes éclairés, au personnel politique de l’Ancien Régime. Les premiers lecteurs de Bentham sont donc, pour ainsi dire, ceux de la deuxième génération et nous ne pouvons pas les utiliser directement pour examiner les modalités selon lesquelles l’auteur utilise les codes, les langages, les traditions théoriques et idéologiques de son époque, et dans quelle mesure il y introduit des nouveautés. Il y a, c’est évident, des moyens pour échapper à cette contrainte : en essayant, par exemple, de se déplacer géographiquement là où les vieux paradigmes résistent encore, comme dans la Russie d’Heinrich Storch, qui lit l’œuvre de Bentham (et de Smith) à la lumière de la tradition cameraliste allemande (Storch, 1823). Mais le mieux, c’est de profiter autant que possible de la richesse dont nous disposons, en approfondissant les aspect symboliques, voire paradigmatiques, dont on charge l’œuvre de Bentham par rapport à une époque que l’on veut révolue, et dont le philosophe anglais est considéré comme l’héritier le plus remarquable.
*
L’opposition entre la sereine proposition philosophique de l’utilité et l’idée selon laquelle la recherche du bonheur constitue le destin tragique de l’individu est l’un des principaux thèmes de la polémique romantique. Cette dialectique n’a toutefois rien de nouveau : en réalité, elle a déjà traversé ce qu’on appelle le siècle des Lumières et de la Raison (Mauzi, 1960). Ces deux conceptions se sont d’ailleurs influencées l’une l’autre, comme le montre le philosophe académicien William Paley, auteur d’une version de l’utilitarisme qui s’inspire des principes de la théologie naturelle, lorsque, tentant de donner une définition du bonheur, il nie catégoriquement qu’il puisse dériver de la souffrance, parce que l’état d’esprit qui succède à l’élimination de la souffrance s’accompagne en général « not with ease, but with depression of spirits, a tastelessness in all our ideas, imaginary anxieties, and the whole train of hypochondriacal affections » (Paley, 1828 : 11). Néanmoins, la force du contraste caractérise les temps nouveaux.
La recherche d’un bonheur impossible est l’un des thèmes principaux de l’œuvre de Germaine de Staël, adversaire, mais également admiratrice – une admiration non partagée – de l’ermite de Queen’s Square Place. D’après elle, ce sont justement ceux qui désirent le plus ardemment être heureux, les âmes passionnées, qui sont inévitablement condamnées à l’échec et à la souffrance. En s’exposant sans réserves aux autres, elles ne maîtrisent plus leur destin ; ainsi, le caprice d’autrui, ou de tragiques événements provoquent la déception de leurs attentes. C’est le moment le plus douloureux, et toutefois pas totalement négatif, parce qu’il leur permet de dépasser l’aveugle recherche du plaisir et de voir au delà : il faut seulement que « les orages des grandes passions » s’apaisent et que la « douce mélancolie, vrai sentiment de l’homme, résultat de sa destinée, seule situation du cœur qui laisse à la méditation toute son action et toute sa force » (Staël, 1979 : 314) remplace la souffrance aveuglante (Starobinski, 1970). Comme l’ironie et le Witz de la Frühromantik, la mélancolie est ambiguë, et peut donner lieu à ce dédoublement de la conscience dont dérive une plus grande visibilité. En effet, le tempérament mélancolique est dégoûté de soi-même et, en même temps, est encore en mesure de se préoccuper de son sort ; il ne cesse d’éprouver de la souffrance que pour se voir souffrir, d’éprouver cette douleur pour comprendre la douleur en tant que telle ; de la contemplation de soi il arrive alors à se concevoir soi-même comme une totalité indépendante, un moi vivant, distingué des sensations qu’il éprouve en chaque instant : « On ne se reconnaît – écrit Madame de Staël – que par la douleur » (Staël, 1979 : 300). Par là même, seul celui qui a beaucoup souffert et qui est parvenu à se voir souffrir, peut comprendre les autres comme des êtres semblables à lui, de par leur nature intime, des êtres humains en général, c’est pourquoi infiniment (et donc de manière insondable) différents les uns des autres. D’où la découverte, en soi-même, de la bonté et de l’amour des autres comme des vertus originaires, des mystères de la transcendance :
C’est pour je ne sais quoi qu’on aime, car ce je ne sais quoi c’est l’ensemble et l’harmonie que nous reconnaissons par l’amour, par l’admiration, par tous les sentiments qui nous révèlent ce qu’il y a de plus profond et de plus intime dans le cœur d’un autre (Staël, 1968 : II, 96-97).
Cette nouvelle approche rompt définitivement avec la vision de l’être humain propre à Bentham et, avant lui, à Condillac et Helvétius. La souffrance n’est plus une sensation d’oppression que l’on fuit simplement, le terme négatif d’une structure mentale continue et linéaire, orientée vers le plaisir, mais une expérience complexe, un mouvement dialectique qui, conduisant aux limites du moi, amène l’individu à une compréhension intime des autres et au don généreux de soi. De ce fait, la connaissance d’autrui, voire de l’âme humaine, ne passe plus, comme chez Bentham, par l’analyse des sensations, la classification rigoureuse des motifs de l’action (Bentham, 1970 : 42-142 ; 1983 : 5-115), elle n’est plus une recherche de ce qu’il y a de commun dans toute forme de compréhension et de volonté. Pour Bentham, l’universalité est l’effacement des différences, la description sérielle des états de conscience, tandis que l’intuition transcendante d’une identité, d’une totalité et d’un moi lui apparaît comme un nonsense, une « entité fictive » ou « fabuleuse » du discours. Ceci revient à dire, que l’être humain n’est pour lui qu’une nature sensible et intelligente, un assemblage de sensations particulières. De même, si Bentham admet (Bentham, 1983 : 190-207) que les individus éprouvent de la sympathie pour les autres – dans le sens que Hume et Smith donnent à cette notion –, il ne faut pas oublier que, comme ces auteurs l’avaient déjà remarqué, la sympathie n’est possible qu’entre des individus déjà très proches, que quelques caractère ou circonstance rendent semblables ou proches. Contrairement à l’Erleben mélancolique, ce sentiment renferme donc les êtres dans leur particularité.
La réaction catholique du XIXe siècle s’appropriera elle aussi du thème de l’éphémère recherche du bonheur pour en faire un symbole de sa revanche sur les Lumières. Chez Chateaubriand également, les événements dignes d’intérêt commencent toujours par une situation d’échec dans laquelle se trouvent plusieurs personnages : René recherche l’exil dans une région lointaine « poussé par des passions et des malheurs » (Chateaubriand, 1964 : 74), Atala, une créature pure et innocente, est poussée au suicide parce qu’elle ignore que l’on peut être relevé du serment le plus terrible. Seul, l’être humain, ne peut rien contre l’adversité du monde. Le père Aubry dresse ainsi un réquisitoire contre le siècle du bonheur dans son ensemble : contre les philosophes de l’utilité, d’abord, parce que la recherche de celle-ci est simplement impossible, mais aussi contre les tenants du contrat social rousseauiste, car, face à la souffrance, il n’y a aucune différence, sinon de degré, entre l’état de nature et la civilisation :
Ah ! ma chère enfant, que vous perdez peu de chose en perdant ce monde ! Malgré la solitude où vous avez vécu, vous avez connu les chagrins ; que penseriez vous donc, si vous eussiez été témoin des maux de la société, si en abordant sur les rivages de l’Europe, votre oreille eût été frappée de ce long cri de douleur, qui s’élève de cette vieille terre ? L’habitant de la cabane, et celui des palais, tout souffre, tout gémit ici bas… (Chateaubriand, 1964 : 123).
Seule la religion chrétienne, avec la promesse d’une récompense dans l’au delà semble capable d’apaiser l’âme déçue. Dans ce cas aussi la souffrance, le tragique, sont des expériences décisives et révélatrices, mais cette fois, l’objet de la révélation n’est plus l’objet de la propre subjectivité mais Dieu.
La théorie utilitariste est l’objet d’une autre accusation plus directe : cette théorie est taxée d’aridité, d’insensibilité vis-à-vis de l’élan héroïque, de la contemplation du « beau moral » et de la sensibilité religieuse. Elle banalise tout en faisant miroiter les avantages de la « triste utilité », comme l’appelle Madame de Staël, « cet aride principe de l’utilité qui fertilise quelques coins de terre en plus, en frappant de stérilité le vaste domaine du sentiment et de la pensée » (Staël, 1985 : 129 ; King, 1970 : 13). Le thème de la « triste utilité » se répand rapidement : par exemple, il sera au centre de l’acte d’accusation contre l’Age Mécanique énoncé dans Signs of the Times par Thomas Carlyle, selon qui, désormais, les règles de la machine, avec leur rationalité calculatrice et planificatrice, avec l’exaltation de la vitesse et de l’inanimé, menacent le monde spirituel et tuent la vitalité, l’enthousiasme altruiste, héroïque et religieux. En faisant sienne l’explication sensualiste de l’âme humaine, la philosophie utilitariste participe à ce mécanisme fade et superficiel ; cette philosophie réduit le bonheur à une simple fonction des circonstances externes et l’individu à un mécanisme réactif, capable de souffrir ou d’éprouver du plaisir en fonction des stimulations reçues, un être qui ne s’occupe que de lui-même, de son intérêt immédiat. L’erreur consiste à ne pas voir « the primary, unmodified forces and energies of man, the mysterious springs of Love, and Fear, and Wonder, of Enthusiasm, Poetry, Religion, all which have a truly vital and infinite character » (Carlyle, 1869 : 240-241), ces sources premières de l’âme qui peuvent la projeter vers des actions sublimes. Il s’agit là d’une conclusion, que partage encore, un siècle plus tard, Schumpeter, lorsqu’il soutient que l’utilitarisme est une philosophie « unsurpassably shallow » (Schumpeter, 1954 : 407).
L’accusation d’aridité est souvent associée à celle de vulgarité qui implique une identification de l’utilité à l’égoïsme, et de celui-ci à la recherche des plaisirs matériels. La morale utilitariste est souvent réduite à la théorie helvétienne de l’intérêt bien entendu, selon laquelle un comportement égoïste éclairé et calculateur, dans le cadre de lois qui répriment les choix asociaux, serait le meilleur instrument pour réaliser le bien-être général : on reproche à cette théorie de renoncer à cultiver ce qu’il peut y avoir de plus élevé dans l’âme humaine ou d’éliminer la nette frontière qui sépare le vice de la vertu (Reybaud, 1842 : I, 32 ; II, 194). Certains, comme Sismondi, admettent que Bentham a toujours maintenu une nette distinction entre le principe d’utilité et l’intérêt bien entendu, convaincu, cependant, que ces deux principes coïncidaient amplement ; ainsi donc, Bentham aurait exclu la possibilité que le bien commun puisse nécessiter d’importants sacrifices, et, ce faisant, il aurait démontré l’insuffisance de l’utilité comme fondement de la morale (Sismondi, 1829 : 263-264 ; Dinwiddy, 1984 : 66-68).
Il est évident que le filtre du sensualisme français amène à une lecture altérée et partielle de la théorie de Bentham. D’abord, le philosophe de Westminster ne fonde pas sa morale sur l’intérêt égoïste ; de plus, cette forme d’intérêt ne jouit pas d’un statut spécial à l’intérieur de son analyse de l’action humaine : dans la liste des types de ce que, par une idiosyncrasie de son langage il appelait « intérêt » (Dinwiddy, 1989 : 22-23), il plaçait les motifs égoïstes à côté d’autres « sources de l’action » : les motifs semi-sociaux (la recherche de l’approbation d’autrui) (Bentham, 1970 : 105-108) et sociaux (la sympathie, la bienveillance) (Bentham, 1970 : 44, 57-58). Et sur le plan normatif, bien que Bentham pense que le motif égoïste est celui qui prévaut dans les comportements concrets et qu’il ne pourra pas être entièrement supprimé dans le futur (Bentham, 1983 : 243-247), il attribue un rôle anticipateur et diffuseur du principe de l’utilité aux « vertus sociales », c’est-à-dire, à la bienveillance « bien entendue », un altruisme dépourvu de tout héroïsme injustifié. Le mot « intérêt » signifie donc, dans le langage benthamien, toute forme de recherche du plaisir et d’élimination des douleurs, que l’objet de cette recherche soit soi-même, ou le monde entier.
Quant au principe éthique de l’utilité, il n’est aucunement la conséquence nécessaire du fait que les hommes cherchent à maximiser leur avantage individuel ou leur plaisir. Il s’agit plutôt d’une norme que l’on peut confronter aux autres normes par le raisonnement, et dont la supériorité dérive du critère qu’elle suggère pour décider de la validité des actes : les conséquences sur le bien-être des individus concernés (Bentham, 1970 : 74). C’est un « étalon externe » (external standard) vérifiable, mesurable, pour Bentham, donc objectif et supérieur à tous les autres critères, qui ne contiennent que des principes subjectifs ou aprioristes (Bentham, 1970 : 17-33).
Enfin, le principe d’utilité n’est pas une règle de conciliation ou d’harmonisation – artificielle ou naturelle – des intérêts privés (Halévy, 1901-4 : I, vii-viii, 216), mais une norme qui impose en toute circonstance aux individus le comportement qui maximise le bonheur de tous ceux qui en sont concernés. Quant à la politique rien ne s’applique donc moins a Bentham que l’accusation que Carlyle porte contre les utilitaristes : « Men are to be guided only by their self-interest. Good government is a good balancing of these » (Carlyle, 1868 : 240).
Cependant c’est la lecture de la philosophie benthamienne comme une doctrine de l’intérêt bien entendu qui va s’imposer pendant tout le XIXe siècle, devenant le point de départ des grandes synthèses du début du XXe : celles d’Elie Halévy et de Leslie Stephen (Stephen, 1900).
Avec l’approche historiciste qui lui est propre, le Fichte des Reden an die deutsche Nation arrive à des conclusions analogues : il considère l’égoïsme ou l’utilité matérielle comme l’idéal dominant d’une époque désormais révolue à laquelle succède le réveil patriotique provoqué par les invasions napoléoniennes : désormais la « bonne volonté », nécessaire à la « chose publique », ne doit plus être obtenue par le lien entre craintes et espoirs (les peines et les récompenses chez Bentham) ; elle doit être le fruit de la tension spontanée vers le bien « absolu ». La recherche du bonheur conduit inévitablement la société au désordre, favorisant, chez les gouvernants, l’apparition d’un intérêt mauvais et, chez les gouvernés d’un esprit d’anarchie ; au contraire, un élan désintéressé prépare le remplacement de l’Etat autoritaire par un « développement de l’humanité libre et médité », dont la forme tantôt rappelle la volonté générale rousseauiste, tantôt anticipe l’auto-gouvernement des producteurs cher à Marx (Fichte, 1807-8). Il n’est pas sans intérêt de constater qu’à la même époque, Bentham lui-même arrive à la conclusion que le pouvoir amène inévitablement les gouvernants à satisfaire leurs intérêts aux dépens de ceux de la nation. Toutefois, Bentham répond, non en suggérant une solution communautaire, mais en proposant l’institution de contrôles pouvant ramener l’action du pouvoir vers l’utilité générale (Bentham, 1843a : 452 ; 1843b : 274-275).
La périodisation introduite par Fichte est reprise par d’autres philosophes allemands : Hegel aussi, par exemple, dans la Phänomenologie des Geistes, identifie, sur un ton moins politique, le siècle des « Lumières », avec l’analyse sensualiste et l’éthique de l’utile. Il y trouve un défaut commun dans la mauvaise infinité du classement, sans réussir à recomposer le moi en une unité autonome et auto-propulsive (Hegel, 1980).
Certains vont plus loin dans la critique de l’utilitarisme en faisant un parallèle défavorable entre le principe d’utilité, l’éthique du commerce et l’économie politique. La morale de l’égoïsme semble mesquine, vénale en soi, parce qu’elle réduit les rapports entre les individus à un simple calcul de profits et pertes (Carlyle, 1869 : 241). De cette manière, l’utilitarisme de Bentham devient un « mammonism », une éthique du négociant incapable d’élan. La triste utilité est alors identifiée à l’économie politique vue, elle aussi, comme une « science triste » (Carlyle, 1872 : 183), une « étude matérielle » (Bulwer Lytton, 1887 : 159), une « façon de penser grave et inquiète » (Fichte, 1807-8) et, indifféremment, à l’idéologie du libre échange, le « donothingism » (Carlyle, 1888 : 25-29, 124-125 ; Carlyle, 1872 : 152)) : et c’est là qu’on trouve une double illusion d’optique, qui amène à interpréter l’utilitarisme comme une philosophie de l’homo oeconomicus et l’économie politique comme une science qui, dès le départ, se trouve pourvue d’un fondement utilitariste, illusion qui, à la suite de Halévy, puis de Robbins, deviendra un lieu commun des économistes de ce siècle.
Cette vision a influencé aussi l’hostilité instinctive que Marx et Engels manifestent à l’égard de Bentham. Tous deux sont d’ailleurs frappés par la lecture de Carlyle. Pour eux aussi, non seulement la morale de Bentham se limite à la doctrine de l’intérêt bien entendu, mais c’est une « grossière » réduction de l’homme en général au « philistin anglais du XIXe siècle » (Marx, 1976 : 135, 674 ; Guidi, 1989)1.
Enfin, la critique répond à Bentham et aux utilitaristes que le motif égoïste n’est pas suffisant pour expliquer la pluralité des choix humains. Ce motif prédomine dans ce que Stuart Mill appellera l’aspect « pratique » de la vie, mais le sens du devoir, l’esprit patriotique, la perfection spirituelle sont tout aussi importants Mill, 1962 : 99-101, 105 : Bulwer Lytton, 1887 : 322). Et encore, comme le dit Hazlitt, Bentham « has (…) not made sufficient allowance for the varieties of human nature, and the caprices and irregularities of the human will : He has not allowed for the wind » (Hazlitt, 1920 : 192). Une fois de plus c’est à la structure théorique même de l’utilitarisme qu’on impute ces omissions : non pas – nous l’avons dit – que Bentham ait oublié la bienveillance, la philanthropie ou le plaisir esthétique, mais il n’a jamais pris en considération la « conscience » en tant que telle (Mill, 1962 : 97), c’est-à-dire la capacité qu’a l’individu de se replier sur lui-même, un individu, donc, qui n’est pas un ensemble d’affections commensurables, mais une subjectivité ouverte aux autres. Comment nier que, dans ce contraste, se trouvent déjà les premiers germes du futur débat sur les conditions de la possibilité du calcul hédoniste, de l’alternative entre cardinalité et ordinalité, à la question de la comparabilité interpersonnelle des états de satisfaction ?
*
Face à cette réception hostile, nombreux sont ceux qui, au début du XIXe siècle, défendent la philosophie benthamienne. En Angleterre la réception des idées de Bentham sera moins large, en effet, seul James Mill et le groupe des « Radicaux philosophiques » (Perronet Thompson, George Grote, Francis Plate, et David Ricardo lui-même et d’autres) peuvent se dire les continuateurs et les diffuseurs du verbe du maître. Cette diffusion s’effectue – on le sait bien – à travers la « Westminster Review », sur les colonnes de laquelle se développe, entre 1829 et 1830, une polémique à propos des critiques de T.B. Macaulay à propos de l’article Government écrit par James Mill pour le supplément de l’Encyclopaedia Britannica (1820). Les thèmes les plus contestés sont la possibilité du calcul utilitariste, l’incompatibilité entre utilité générale et intérêt privé, la tyrannie des majorités (Lively-Rees, 1978). En outre, il faut rappeler que, même s’il semble que Bentham n’ait pas eu beaucoup d’influence sur les réformes administratives des années 1830-1840, ce qui est certain c’est que E. Chadwick, l’inspirateur de la réforme du système sanitaire anglais, lui est débiteur (Hume, 1967).
Mais c’est surtout une partie de la culture francophone qui va accueillir favorablement l’œuvre de Bentham. Même si l’on ne considère pas le rôle décisif exercé par les éditions Dumont, on n’est pas étonné que ses lecteurs les plus enthousiastes se trouvent parmi les auteurs de langue française, au contraire, cela montre, comme par réfraction, l’ampleur de la dette du philosophe envers la tradition sensualiste et encyclopédique, une dette qui, avec toutes les limites que nous avons soulignées, demeure cependant grande. Dans la géographie intellectuelle et politique de l’Europe napoléonienne, puis de celle de la Restauration, les œuvres de Bentham sont lues, en particulier, par des groupes d’opposition libérale, partisans des Lumières, opposants aux thèses romantiques, éclectiques et spiritualistes : les « idéologues » parisiens et leurs disciples, comme les « Individualistes » de l’Union Parisienne (Welch, 1984 : 159-160) ou le juriste académicien Hyacinthe Blondeau, la génération libérale à Genève (Roth, 1981 : 69-96), dans laquelle on trouve aussi bien des adeptes enthousiastes (Etienne Dumont, bien entendu, mais aussi le jeune éditeur Antoine-Elysée Cherbuliez qui fonde une revue, L’Utilitaire, entièrement dédiée à diffuser le verbe du maître anglais et à le défendre des attaques de ses critiques), que des critiques, attentifs et sérieux il est vrai, de la philosophie utilitariste : Sismondi, Pellegrino Rossi, « Constant l’inconstant » – comme le définit Bentham avec mépris – et aussi Madame de Staël. La défense de Bentham constitue, en réalité, l’instrument d’une bataille culturelle et politique plus vaste, voire un moment d’identification et de choix d’appartenance à un camp2 ; plus encore, il s’agit d’un moment où les thèmes et les concepts de la culture des lumières (la critique de la métaphysique, du langage réthorique, de l’esprit de l’enquête positive en droit, en économie politique et dans les autres sciences humaines) vivent pour être ensuite transmis à la génération positiviste de la moitié du siècle. C’est, au fond, ce qu’avait souhaité Bentham en exprimant, dans son testament, le vœu étrange que son corps, empaillé et momifié, soit conservé et exposé au public dans les couloirs de l’University College à Londres (ce qu’il appelait son Auto-icon) : non seulement devenir auctoritas d’une doctrine philosophique, mais également le symbole, l’image personnifiée d’une philosophie et d’une nouvelle vision de l’humanité (Bentham, 1843c : XI, 76).
Les défenseurs de l’utilitarisme benthamien ont en commun une nette polémique avec les positions romantiques, vues comme un « symptôme d’incivisme et de désorganisation », comme des « vieilleries inapplicables » (Cherbuliez, 1829 : x) qui constituent un obstacle au progrès de la société. J.B. Say réplique aux critiques que Madame de Staël avait énoncées contre l’« aride principe d’utilité » et à l’exclamation « Oh ! que j’aime l’inutile ! » de Corinne-Germaine, émue par la beauté des cérémonies religieuses de l’Eglise romaine, en citant le Sismondi historien de l’Italie, et en concluant que c’est justement de cet inutile (l’ingérence de l’Eglise dans le destin de la péninsule) que découlaient « la misère, le dépopulation, la dégradation du caractère national, etc. » (Say, 1843 : 679). D’où une conclusion déclamatoire, dans laquelle tout refus romantique de l’utilité est taxé sans appel de réactionnaire :
Quoi ! l’utilité prise pour fondement de nos principes et pour régie de nos travaux frapperait de stérilité le domaine du sentiment et de la pensée ! N’est-ce pas le fertiliser, au contraire, que lui faire produire, au lieu de pathos, le repos, le bonheur de tant de millions de nos semblables ? Ah ! que les hommes s’attachent sans remords à ce qui est utile ; qu’ils comparent chaque chose à son but ; et ils grandiront à leurs propres yeux par le sentiment de leur importance, par le bien qu’ils concevront possible, et par celui qu’ils accompliront. Je ne leur dirai pas comme Bossuet : Oh ! que nous ne sommes rien ! Je leur dirai Vous êtes des hommes : et le sort de l’humanité est en vos mains. Oh ! que vous êtes grands, quand vous êtes éclairés ! (Say, 1843 : 677).
Ces observations laissent transparaître une des raisons de la fascination qu’exerçait l’utilitarisme de Bentham sur la culture libérale de cette période : en se donnant comme objectif la maximisation du bien-être, cette doctrine faisait plus que simplement traduire le sens commun des classes moyennes de l’époque, elle mettait l’accent sur la valeur générale d’une utilisation efficace des ressources humaines et naturelles, sur l’effort nécessaire pour vaincre la rareté naturelle et commencer à résoudre ce que Keynes appellera plus tard le « problème économique ». Cherbuliez lui aussi, répondant à l’affirmation de Constant, pour qui l’utilitarisme inspirerait « dans l’esprit de l’homme l’espoir d’un profit et non le sentiment d’un devoir », affirme que le principe d’utilité n’a rien à voir avec une vision commerciale ou matérielle de la vie, bien qu’il propose un critère raisonné et cohérent pour les choix. Au contraire, lorsque le bien-être collectif augmentera, il comprendra aussi les plaisirs supérieurs et raffinés et il permettra un esprit de bienveillance et de générosité. Ce qui lui permet d’affirmer, un an plus tard, que « La théorie du beau moral appartient éminemment à notre école » (Cherbuliez, 1830 : 15). Cependant cette situation de bien-être et d’élévation est difficile à obtenir, c’est pourquoi toutes les énergies doivent être utilisées au mieux (Cherbuliez, 1829 : 211-231, 306-323).
On comprend pourquoi toute une génération, de Say au jeune John Stuart Mill en passant par l’italien Cavour, se réfère, comme à une révélation fondatrice à la lecture des dures critiques de la morale de l’« ascétisme » et du « principe arbitraire » contenues dans les chapitres initiaux de l’Introduction to the Principles of Morals and Legislation (Say, 1843 : 671-74 ; Mill, 1962 : 87-89 ; Roméo, 1984 : 286-90). Morale du sens commun et enthousiasme romantique, tradition chrétienne et héroïsme moderne leur apparaissent tout à coup comme un amas de doctrines vagues et incohérentes, par rapport auxquelles la « modernité » de la proposition utilitariste est davantage mise en valeur. Plusieurs commentateurs soulignent d’ailleurs la critique que fait Bentham des sophismes du droit naturel, qui apparaît de nouveau, après la parenthèse révolutionnaire, comme l’élément d’une vision conservatrice de la politique (Cherbuliez, 1829 : 24-25, 382-407, 465-468 ; Blondeau, 1819 : 34).
L’un des aspects de ce débat est la bataille culturelle naissante à propos de la valeur de l’« industrie », conçue comme une activité productive liée à l’invention et à l’esprit d’entreprise, comme le motif individuel le plus susceptible de réaliser le bien-être collectif au moyen de l’augmentation du potentiel productif de chaque pays. Ce sont les années de la révolution industrielle en Belgique, aux Pays-Bas et surtout en France. Cette bataille idéologique oppose les industrialistes libéraux et utilitaristes aux réactionnaires catholiques et se fait plus véhémente encore au sein même de la formation libérale. Si tous estiment volontiers que : « la propriété industrielle se placera, sans que la loi s’en mêle, chaque jour plus au-dessus de la propriété foncière » et qu’« il y aura de plus, relativement à l’industrie, liberté, concurrence, absence de toute intervention de l’autorité, soit pour préserver les individus de leurs propres erreurs (…), soit pour assurer au public de meilleurs objets de consommation » (Constant, 1957 : 803), rares sont ceux qui estiment que la transformation économique et politique doit aller de pair non seulement avec la recherche d’une éthique comportant des prémisses positives et une argumentation raisonnable, mais aussi avec une approche scientifique des problèmes de la société. Ils voient dans l’anti-utilitarisme des romantiques et des éclectiques une concession aux positions conservatrices, voire l’incitation d’un esprit anarchique et dissipateur qui pourrait réduire à néant les bénéfices de la civilisation.
On défend la morale de l’utilité, non pas parce qu’elle apparaît comme le déguisement idéologique de l’esprit pratique de l’entrepreneur ou de l’homo oeconomicus, mais parce qu’elle peut suggérer aux individus de toutes les classes un comportement cohérent et rationnel, un choix pondéré des moyens nécessaires pour obtenir ce qui est nécessaire à leur bien-être présent et futur3.
Si les accusations d’aridité, de matérialisme et d’économisme sont écartées, la version idéologique et industrialiste de l’utilitarisme opère tout de même un double glissement de sens sur la vision théorique de Bentham. Ce dernier est d’abord réinséré dans la tradition sensualiste, revue entre temps par Cabanis et par Destutt de Tracy, ce qui amène parfois à voir l’éthique benthamienne comme une théorie de l’intérêt bien entendu ou de la « coïncidence naturelle entre le juste et l’utile, le beau et le bon » (Molinari, 1984 : 501). De plus, sans pour cela tomber dans une interprétation économique, on insère progressivement la morale de l’utile dans un discours qui englobe les valeurs de la production, de la liberté d’entreprise et du développement économique et social, et qui ouvre lui-aussi, du moment où il commence à être critiqué, la voie à l’interprétation de l’utilitarisme comme une philosophie bourgeoise et vénale. Pour finir, la volonté d’attribuer à Bentham l’idée que toute violation du « jeu naturel des intérêts humains » provoque « une perte et un dommage », fera de l’utilitarisme, réinterprété par les physiocrates, l’emblème du libéralisme économique de la moitié du XIXe siècle, c’est-à-dire, le libéralisme de Frédéric Bastiat.
Bibliographie
Bentham, J., « Plan of Parliamentary Reform » (1809), in The Works of Jeremy Bentham, Bowring, J. Ed., vol. III, Edinburgh, Tait, 1843.
— « Official Aptitude Maximised, Expense Minimised », in The Works of Jeremy Bentham, cit., vol. V, Edinburgh, Tait, 1843.
— « Memoirs », in The Works of Jeremy Bentham, cit., vol. X-XI, Edinburgh, Tait, 1843.
— An Introduction to the Principles of Morals and Legislation, J.H. Burns, H.L.A. Hart eds., London, Athlone Press, 1970.
— Deontology, together with A Table of the Springs of Action, and The Article on Utilitarianism, A. Goldworth ed., Oxford, Clarendon Press, 1983.
Blondeau, H., Essais sur quelques points de législation et de jurisprudence, Paris, A. Lanoe, 1819.
Bulwer Lytton, E., England and the English (1833), London, G. Routledge & sons, 1887.
Carlyle, Th., « Signs of the Times » (1829), in Critical and Miscellaneous Essays, vol. II, London, Chapman & Hall, 1868.
— « Chartism » (1839), in Critical and Miscellaneous Essays, vol. VI, London, Chapman & Hall, 1872.
Cherbuliez, A.-E. (ed.), L’Utilitaire, (revue périodique), 1829-30, I-II.
Constant, B., « Mélanges de littérature et de politique » (1829), in Œuvres, Paris, Gallimard, 1957.
Dinwiddy, J.R., « Early Nineteenth-century Reactions to Benthamism », Transactions of the Royal Historical Society, 1984.
— Bentham, Oxford, Clarendon Press, 1989.
Fichte, J.G., Reden and die deutsche Nation, Berlin, 1807-8.
Guidi, M.E.L., « Perché Marx ha considerato « l’arcifilisteo Geremia Bentham » un filosofo e un economista superficiale », Storia del pensiero economico. Bollettino di informazione e documentazione, 1989, XVIII, p. 14.
Halévy, E., La formation du radicalisme philosophique, Paris, Alcan, 1901-4.
Hazlitt, W., « The Spirit of the Age » (1825), in The Collected Works of William Hazlitt, vol. IV, London, Dent, 1920.
Hegel, G.W.F., Phänomenologie des Geistes, in Gesammelte Werke, vol. IX, Hamburg, Felix Meiner Verlag, 1980.
Hume, L.J., « Jeremy Bentham and the Nineteenth-century Revolution in Government », The Historical Journal, 1967, X, p. 361.
Iser, W., « Die Appelstruktur der Texte. Unbestimmtheit als Wirkungsbedingung literarischer Prosa », in Rezeptionsästhetik. Theorie und Praxis, München, R. Warning ed., 1975, pp. 228-252.
Jauss, H.R. 1970, Literaturgeschichte als Provokation, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1970.
King, N., « ‘The airy form of things forgotten’ : Madame de Staël, l’utilitarisme, et l’impulsion libérale », Cahiers staëliens, 1970, XI, p. 5.
Leroux, P.-Reynaud J. (eds), ad vocem « Bentham », in Encyclopédie nouvelle, Paris, Librairie de Charles Gosselin, 1836, vol. II, p. 590.
Lively, J.-Rees, J., Utilitarian Logic and Politics, Oxford, Oxford University Press, 1978.
Marx, K., Le capital. Critique de l’économie politique, livre I, Paris, Editions sociales, 1976.
Mauzi, R., L’idée de bonheur dans la littérature et la pensée française au XVIIIe siècle, Paris, Colin, 1960.
Mill, J.S., « Bentham » (1838), in Utilitarianism, M. Warnock ed., London, Collins-Fontana, 1962.
Molinari, G. de, « Notice sur Bentham », in Daire, E. (ed.), Mélanges d’économie politique (1848), Genève-Paris, Slatkine, 1984, vol. II, p. 499.
Paley, W., « Moral and Political Philosophy », in The Works of William Paley, vol. 1, London, H. Fisher, son and P. Jackson, 1828.
Reybaud, L., Etudes sur les réformateurs contemporains ou socialistes modernes, Paris, Guillaumin, 1842.
Roméo, R., Cavour e il suo tempo. 1810-1842, Roma-Bari, Laterza, 1984.
Roth, R., Pratiques pénitentiaires et théorie sociale. L’exemple de la prison de Genève (1825-1862), Genève, Droz, 1981.
Sartre, J.-P., Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, 1948.
Say, J.-B., Cours complet d’économie politique pratique, Bruxelles, Société typographique belge, 1943.
Schumpeter, J.A., History of Economie Analysis, London, Allen & Unwin, 1954.
Sismondi, J.C.L. (de), « Nécrologie : Dumont (Etienne) », Revue Encyclopédique, 1829, XLIV, p. 258.
Staël, G. (de), De l’Allemagne (1813), Paris, Garnier-Flammarion, 1968.
— « De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations » (1796), in Essai sur les fictions, Paris, Ramsay, 1979.
— Corinne ou l’Italie, Paris, Gallimard, 1985.
Starobinski, J., « Suicide et mélancolie chez Madame de Staël », in Balayé, S., (ed.), Madame de Staël et l’Europe, Paris, Klincksieck, 1970.
Stephen, L., The English Utilitarians, London, Duckworth, 1900.
Storch, H., Cours d’économie politique ou exposition des principes qui déterminent la prospérité des nations, (1815) Paris, Bossange, Rey & Gravier, 1823.
Welch, C.B., Liberty and Utility. The French Idéologues and the Transformation of Liberalism, New York, Columbia University Press, 1984.
____________
1 Une traduction en français de cet article, reprographiée, peut être demandée directement à l’auteur (Facoltà di Scienze Politiche, Viale Crucioli 122, Teramo, Italie).
2 Cf. Lettre de J.B. Say à E. Dumont, 5 mars 1829 (Say, 1843 : 660-661), dans laquelle Say commissionne à Dumont une apologie du principe de l’utilité, qu’il a l’intention de publier dans le dernier volume de son Cours. Mais la mort du pasteur genevois empêchera la réalisation de ce projet.
3 Certains établissent d’ailleurs un parallèle direct entre l’industrialisme et l’utilitarisme. Cf. Leroux-Reynaud, 1836 : 594-595.