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Textes orphiques et rituel bacchique

A propos des lamelles de Pélinna

Fritz GRAF

Au cours des dernières années, notre corpus de textes orphiques a, comme on sait, considérablement augmenté. L’addition la plus récente vient de nous être signalée de Thessalie : nos deux collègues grecs, MM. Tsantsanoglou et Parássoglou, ont publié, dans le dernier fascicule de la revue « Hellenika », des lamelles d’or retrouvées lors des fouilles exécutées au mois de décembre 19851. Bien que la publication soit admirablement précise et complète, les deux textes posent des problèmes : problèmes de texte, problèmes d’encadrement dans le corpus des lamelles déjà connues, et, finalement, la question du rituel dont elles me semblent témoigner.

1. La découverte

Permettez-moi de répéter très brièvement les faits de la découverte. Les deux lamelles proviennent d’une sépulture de Pélinna/Tetroporos, située à une dizaine de kilomètres à l’est de Trikka ; elles ont été découvertes dans un sarcophage de marbre, posées symétriquement sur la poitrine d’un squelette féminin (on se souvient que la lamelle de Hipponion, elle aussi, a été retrouvée sur la poitrine d’une femme défunte)2. Des monnaies retrouvées dans la sépulture donnent une date vers la fin du IVe s. av. J.-Ch.3. Singulièrement, la forme des lamelles est celle d’une feuille de lierre, stylisée en cœur ; les dimensions sont très réduites, comme toujours : le texte le plus long, que je vais appeler Pélinna 1, mesure 40 mm sur 31 ; l’autre, plus court, Pélinna 2, 35 sur 30. Dans les parties communes, les deux textes sont à peu près identiques, mises à part les erreurs du copiste ; mais Pélinna 1 a deux vers qui manques dans 2.

2. Les textes

Cette quasi-identité des textes sur les deux feuilles permet de reconstituer un texte unique, que j’appellerai Pélinna ou P. Pour commencer, je vais présenter P vers par vers.

Vs. 1 :

Νῦν ἔθανες ϰαὶ νῦν ἐγένου, τρισόλβιε, ἄματι τῶιδε.

En ce moment tu es mort, et en ce moment tu es devenu, ô trois fois bienheureux, ce jour-ci.

Le vers, d’intention hexamétrique, contient une disyllabe iambique de trop : τρισόλβιε, évidemment, n’est pas métrique. Donc, le vers altère un texte antérieur plus correct. Les éditeurs proposent comme version originale ou μάϰαρ ou θεός ; mais rien n’indique la divinisation du défunt, ainsi μάϰαρ semble bien préférable.

Dans les deux versions, le vers est donc le macarisme d’une personne à qui l’on s’adresse en tant que défunte et resurgie : la mort est le commencement d’une existence nouvelle aussi bien que la fin de la vie — c’est l’eschatologie couramment appelée orphique4. Les mots du vers semblent répéter l’expression qu’en donne Platon, dans le Ménon 81 B :

car il disent que l’âme de l’homme est immortelle : quelquefois, elle termine son existence (ce qu’ils appellent mourir), quelquefois, elle redevient5.

Mais Platon parle de la métempsycose : cette doctrine, pour le moins, n’est pas indispensable à l’orphisme. La preuve en est la petite plaque d’Olbia qui porte les trois mots βίος — θάνατος — βίος : expression, d’après l’interprétation bien séduisante qu’en a donnée Martin West, de la même eschatologie elle-même attribuée, par une seconde inscription, aux orphiques (’Ορφιϰοί)6.

Il vaut néanmoins la peine de souligner que la même doctrine se retrouve en milieu éleusinien : « heureux celui », nous dit Pindare (frag. 137), « qui va sous la terre après avoir vu cela : il connaît la fin de la vie, il en connaît aussi le commencement donné par dieu. » Dans ces conditions élémentaires de la vie d’outre-tombe, la doctrine des textes orphiques ne peut pas toujours être différenciée de celle de l’idéologie éleusinienne : le but des mystères, qu’ils soient éleusiniens ou bacchiques, est toujours de procurer le bonheur après la mort.

Pour retourner à notre vers, il semble préciser — avec une emphase bien suprenante — le moment où le macarisme est prononcé : c’est νῦν « en ce moment », ἄματι τῷδε « ce jour-ci ». On pense à un cadre mythico-eschatologique bien précis.

Vs. 2 :

εἰπεῖν Φερσεφόναι σ’ ὅτι Βάϰχιος αὐτός ἐλυσε.

Dis à Perséphone que Bacchios lui-même t’a libéré.

La situation mythique s’explique : après la résurrection, le défunt se trouve en face de Perséphone. Elle décidera de son avenir — la résurrection en tant que telle n’est pas la garantie d’une vie future bienheureuse.

La libération, λύσις, est l’œuvre de Dionysos Bacchios — achevée, sans aucun doute, avant la mort. Bacchios est l’épiclèse du dieu des βάϰχοι, des adorants extatiques7 ; on ne devient bacchos que par initiation personnelle. Le parallèle le plus décisif, encore une fois, c’est le culte olbien : comme Juri Vinogradov vient de nous le rappeler, Hérodote nous informe du culte de Διόνυσος Βαϰχεῖος auquel Scylès, le roi scythe, désirait être initié (ἐπεθύμησε Διονύσῳ Βαϰχείῳ τελεσθῆναι) ; en conséquence, les Scythes purent l’observer jouant le βάϰχος (εἶδόν μιν βαϰχεύοντα)8. On sait que l’eschatologie des plaquettes olbiennes appartient à Dionysos ; on entrevoit la même combinaison pour le texte de Pélinna : la forme des feuilles de lierre déjà, puis la statuette d’une ménade trouvée dans le tombeau (mais en dehors du sarcophage), prouvent le caractère dionysiaque de tout ce complexe. Talismans d’une femme initiée à Dionysos Bacchios, les deux feuilles contiennent un texte dérivé d’un modèle hexamétrique qui est sans doute orphique.

Ce n’est pas tout. La libération (λύσις), l’œuvre de Dionysos, peut prendre deux formes bien différentes : libération des conséquences néfastes soit de ses propres méfaits, soit de ceux d’un ancêtre. Ces conséquences pouvaient être ou la maladie et la fureur (μανία) dans cette vie, ou des tourments éternels dans l’autre9. Parmi les ancêtres, il faut bien compter les Titans : l’anthropogonie orphique reste le fait central. Un témoignage capital est le fragment 232 Kern, une instruction adressée par Orphée à Musée, son disciple en matière rituelle : le texte oppose le culte non mystérique avec son sacrifice sanglant — qui ne peut pas nous aider — aux mystères de Dionysos — c’est-à-dire aux λύσιοι τελεταί qui nous libèrent des conséquences des méfaits commis par nos ancêtres (προγόνων ἀθεμίστων) ; ici, ces conséquences concernent la vie après la mort (ἀπείρων οἴστρος). Mais c’est Dionysos qui exerce un pouvoir sur ces ancêtres (τοῖσιν ἔχων ϰράτος) — ce qui ne peut se dire de nos ancêtres défunts (qui eux dépendent de Hadès), mais bien sûr des Titans10. Nous n’avons donc aucune raison d’exclure de la liste des ancêtres ceux vers lesquels l’anthropogonie orphique peut nous tourner, c’est-à-dire les Titans. D’après la thèse généralement acceptée de M. Rose11, ce mythe est déjà attesté, pour la première fois, dans le fameux fragment d’un thrénos pindarien (frg. 133 Sn) :

οἶσι δέ Φερσεφόνα ποινὰν παλαιοῦ πένθεος

δέξεται, ἐς τὸν ὕπερθεν ἅλιον ϰείνων ένάτωι ἔτει

ἀνδιδοῖ ψυχάς πάλιν…

Bien sûr, dans le texte P, il ne se trouve rien qui puisse prouver avec une certitude absolue qu’il présuppose cette eschatologie pindarique. Mais il me semble que la présence, dans le même texte, d’une Perséphone décidant du sort d’une âme défunte et d’un Dionysos influant sur cette décision de manière fondamentale, autorise la thèse suivante : nous avons finalement retrouvé un texte non littéraire, antique, qui atteste cette eschatologie pour les milieux bacchiques.

Vs. 3-5 :

ταῦρος εἰς γάλα ἔθορες.

αἶψα εἰς γάλα ἔθορες.

ϰριὸς εἰς γάλα ἔπεσες.

Taureau, tu as sauté dans le lait.

Vite, tu as sauté dans le lait.

Bélier, tu es tombé dans le lait.

Les trois vers qui suivent abandonnent le schéma hexamétrique. Ni le texte ni la traduction ne posent de problèmes — à l’exception peut-être du vers 5 : ici, ni Pélinna 1 ni Pélinna 2 n’attestent le sigma final de la 2e personne du singulier, mais le contexte exige cette terminaison. Vous permettrez que je me dispense, pour le moment, de la discussion plus serrée de ces vers.

Vs. 6 :

οἶνον ἔχεις, εὔδαιμον, ATIM(M)N

Voici, finalement, le plus grand problème d’ordre textuel ; les éditeurs grecs ne l’ont pas tranché définitivement. Il est clair que le texte doit être complet : ce n’est donc pas un hexamètre. Les problèmes se posent parce que les deux feuilles ne correspondent pas et, en outre, parce qu’elles présentent une partie finale certainement défective : ni les lettres MN ni MMN ne donnent un sens ; mais peut-être pourrait-on lire MHN. Pour le reste, je propose d’abord de lire le vocatif εὔδαιμον, et non l’accusatif εὐδαίμονα : ni oἶνον ni (peut-être) τιμήν ne peuvent, en bon grec, être définis par l’adjectif εὐδαίμονα : encore un macarisme donc, non métrique cette fois12. Pour ce qui nous reste, les éditeurs proposent οἶνον… ἄτιμον, vin gratuit. Certes, on connaît l’ironie avec laquelle Platon nous parle de ceux qui, dans l’outretombe, jouissent d’une ivresse sans fin, d’après Musée et son fils (Eumolpe, comme je persiste à croire) (rep. 363 CD). Mais, après tout, il me semble que la notion ironique de vin gratuit est insoutenable dans notre texte P. Je propose donc, avec beaucoup d’hésitation, de lire ΤΙΜΗΝ (le M est une erreur légère pour un H) : « tu as reçu, bien-heureux, le vin comme ta τιμή, ton honneur ou ton office ». Certes, on a affaire au mythologème bien répandu du symposium des bienheureux, qui se retrouve, d’après Platon, dans les milieux orphiques et éleusiniens13. Mais l’expression τιμή peut revêtir deux sens. Il peut s’agir du simple indice un peu précieux de ce mythologème ; mais on peut aussi le considérer comme l’indication d’un office spécifique : la τιμή qui consiste dans le vin, c’est l’office de l’échanson lors des symposia des bienheureux14. On se souvient des symposia archaïques où ce rôle était joué par les jeunes gens pas encore entièrement intégrés : de même, ici, les nouveaux venus deviennent pour un certain temps des échansons élyséens.

Vs. 7 :

ϰἀπιμένει σ’ ὐπ̣ό̣ γῇν τέλεα ἅσ‹σ›απερ ὄλβιοι ἄλλοι.

Et sous la terre, les mêmes τέλη m’attendent comme les autres bienheureux.

Le vers, transmis seulement dans Pélinna 1, avec passablement de problèmes de déchiffrement, continue le vers précédent et semble indiquer une séquence temporelle : maintenant, le défunt a le vin ; plus tard, tous les τέλη l’attendent. Τέλη, à mon avis, ne représentent pas les rituels (bien que l’on connaisse le mythème de l’itération des rites dans l’au-delà)15.

3. Le texte intégral

P, reconstruit par ses deux témoignages, s’adresse à une personne décédée. On la félicite de sa résurrection, on lui donne des instructions pour la rencontre décisive avec Perséphone ; après cela, un second macarisme mène à la promesse d’un futur heureux. L’identité de celui qui parle reste vague : c’est en tout cas un personnage doté d’un savoir supérieur, conseiller ou plutôt initiateur. Cette mise en scène se retrouve dans les textes du groupe B de Zuntz, textes qui, selon la lamelle de Hipponion, proviennent eux aussi des mystères bacchiques16. Là également, le narrateur indique d’abord la situation (on est dans l’Hadès, avec une source et un cyprès), puis il donne des instructions sur la manière de procéder, instructions adressées directement au défunt (μηδὲ σχεδὸν ἐγγύθεν ἔλθηις — n’approche pas ; πρόσθεν εὑρήσεις — puis tu trouveras ; σὲ εἰρήσονται — ils t’interrogeront ; εἰπεῖν — dis-leur). Il termine ses conseils par la promesse du bonheur futur

ὁδόν ἔρχεαι, ἥν τε ϰαὶ ἄλλοι μίσται ϰαὶ βάϰχοι ἱερὰν στείχονσι

toi-aussi, tu iras la voie que vont les autres mystes et bacchoi, la sacrée.

Ici, il s’agit encore d’instructions données par un initiateur omniscient.

Je pense qu’on a déjà remarqué les concordances assez frappantes entre P et B : l’infinitif εἰπεῖν en fonction d’impératif pour introduire l’information centrale, les paroles qu’il faut prononcer pour pouvoir parvenir à la vie bienheureuse ; également, la fin du vers ἄλλοι avec la promesse de la félicité permanente et identique à celle de tous les initiés. Cette mise en scène des textes B a, du reste, son but précis : elle sert d’aide-mémoire pendant la transition dangereuse, la lamelle est le don de Mnémosyné17. On peut deviner le même but pour P.

La partie la plus fascinante, ce sont les trois vers 3-5. Enfin, la formule ἔριφος εἰς γάλα ἔπεσον (ἔπεσες) a trouvé des parallèles — qui semblent d’abord plutôt compliquer la chose. On connaît bien la formule de l’eriphos par deux textes du groupe A, provenant (comme presque tous les textes de ce groupe) de Thurii. Dans A4, qu’on a retrouvé isolé dans le Timpone Grande, la formule est adressée au défunt : « chevreau, tu es tombé dans le lait » ; dans Al, un des trois textes du Timpone Piccolo, le défunt parle lui-même : « chevreau, je suis tombé dans le lait ». Cette formule a suscité une immense littérature — devenue maintenant plutôt obsolète : on voit que le chevreau n’est pas ni seul ni central — on retrouve le taureau et le bélier, ταῦρος et ϰριός. Cela réduit à néant toutes ces interprétations (assez nombreuses) qui se fondent sur la présence du chevreau : celle de Zuntz (qui regarde le bain dans le lait comme le comble de la félicité pour un chevreau — cela se peut, mais certainement pas pour un taureau ni pour un bélier)18 ; ou celle (adoptée par Cook, Paolo Xella, Burkert) qui renvoie au rituel oriental d’un sacrifice de chevreau dans le lait19 ; est exclue aussi l’identification du défunt avec Dionysos, proposée naguère par Jane Harrison : certes, on connaît le Dionysos Eriphios aussi bien qu’un Dionysos taureaumorphe, mais l’on ne connaît pas un Dionysos Bélier — et ceux qui ont toujours compris le Dionysos Eriphios comme le Dionysos qui protège les chevreaux ou reçoit leur sacrifice, se voient confirmés par le nouveau texte20. Finalement, il n’est plus possible d’interpréter ἔριφος — ϰριός — ταῦρος comme des classes de mystes (par une analogie plutôt douteuse avec ces ἵπποι attestés dans des mystères bacchiques)21 : on ne peut pas appartenir en même temps à deux classes différentes22.

De prime abord, les résultats négatifs semblent donc dominer. Mais il y a bien sûr des observations plus constructives à faire. La plus importante, c’est de constater que dans les deux groupes, A et P, le contexte des formules est le même : il s’agit toujours d’un macarisme provoqué par la nouvelle existence, résultat de l’adresse correcte à la reine des enfers. Dans A1, la réponse à Perséphone est suivie de l’adresse au défunt ὄλβιε ϰαὶ μαϰάριστέ, θεὸς ἔσηι ἀντὶ βροτοῖο, puis de la formule ; A4 a une séquence presque identique. P s’adresse d’abord au défunt (τρισόλβιε), puis donne la prescription (εἰπεῖν) et continue ensuite avec les formules du macarisme (εὔδαιμον). Il s’en suit que la formule ne doit pas avoir d’effet, elle n’est pas un mot de passe qui puisse ouvrir la voie aux morts — le mot de passe, ce n’est pas la réponse exacte à Perséphone et aux dieux infernaux : la formule n’est que l’expression du bonheur atteint par la métamorphose de son existence23. Je pense donc que « tomber dans le lait » exprime métaphoriquement cette transformation, et cela à l’aide d’une métaphore connue : εἶναι ἐν γάλαξι peut désigner tout nouveau commencement24. Le taureau, le bélier qui sont « dans le lait » recommencent leur existence ; le chevreau, ἔριφος, lui, n’est normalement pas si jeune qu’il soit encore dans le lait — on peut même songer à la formule homérique ἀρνές τ’ ἔριφοί τε « brebis et chevreaux », qui désigne collectivement les troupeaux, sans que les ἔριφοι doivent être seulement des animaux encore nourris de lait. Il se peut aussi que derrière la formule se cache un mythe bacchique qui nous est inconnu — en tout cas, la couleur bucolique de cette métaphore n’est pas du tout accidentelle : elle est plutôt l’expression de cette nature de Dionysos qui est « le dieu de l’autre » (d’après la formule bien connue de Louis Gernet). On connaît, dans le dionysisme hellénistique et romain, les détails bucoliques — l’antre où le thiase se rassemble, les βουϰόλοι en tant que fonctionnaires du culte25 : il me semble que ces détails peuvent avoir des racines plus archaïques et que le texte P nous montre la voie vers ces racines.

4. Les autres lamelles

Depuis quelque temps, j’ai fait mention des autres lamelles dans la classification de Zuntz, acceptée sans résistance. Le nouveau texte nous contraint à repenser cette classification.

J’ai déjà mentionné les éléments communs à P et B — les consonances verbales et, d’un ordre encore plus fondamental, l’appartenance commune aux mystères bacchiques. Cependant, il faut constater que les concordances entre P et A sont encore plus étroites ; ces concordances concernent tous les trois sous-groupes (Al, A2 + 3, A4) : la formule du lait apparaît dans P et A1/A4, la pénitence (ποινά ou λύσις) dans A2+3 et P — mais, tandis que dans P il appartient à Dionysos de procurer la libération, dans A2 + 3 le défunt s’est libéré lui-même et activement (ποινάν δ’ ἀνταπέτεισ’ ἔργων ἕνεϰ’ οὔτι διϰαίων). P partage encore avec Al-3 la situation générale dans l’au-delà : le défunt se trouve en face de Perséphone, il lui faut la réponse exacte pour pouvoir parvenir au bonheur final.

D’autre part, il faut souligner les différences entre P et A, dans la phraséologie aussi bien que dans la mise en scène. A2 et A3 parlent de la ποινή active, P de la libération passive par le dieu ; A1-A3 sont prononcées par le défunt lui-même, P par un instructeur quasi-omniscient (comme A4 et B). Ce qui est plus important, c’est que l’eschatologie de A1-A3 est différente : le défunt y souligne sa pureté, sa provenance d’entre les purs (ἔρχομαι ἐϰ ϰαθαρῶν ϰαθαρά), il donne sa généalogie divine et mentionne, dans Al, la libération d’un cercle. Tandis que A1-A3 semblent souligner la séparation de l’âme du corps, A4 et les autres s’adressent au défunt dans son ensemble. A1-A3 nous contraignent à supposer la métempsycose ; dans A4, B, P, on peut s’en passer.

Quel est le résultat ? P, en fin de compte, crée un lien entre A et B, dorénavant séparés l’un de l’autre. Mais, à dire la vérité, on aurait pu s’en douter depuis longtemps. Après tout, la lamelle A5 — celle de Caecilia Secundina trouvée à Rome, datée de la pleine époque impériale — combine les deux groupes A et B : les deux vers initiaux appartiennent a A, le troisième vers à B — un cas presque classique de contaminatio de deux textes. Son existence, à une telle distance chronologique et géographique de Thurii, prouve : a) que tous ces textes proviennent d’un original écrit et bien répandu sous forme de livre ; b) qu’elle appartient à un mouvement religieux tenace et vital. Le cas de Pélinna est plus compliqué : le modèle textuel de contamination ne suffit pas pour expliquer sa position entre les deux groupes. Par la substance du texte, P est plus proche de Al-3, ainsi que par la mise en scène eschatologique et mythique. Mais des consonances verbales et, surtout, le contexte religieux la rapprochent plutôt de B. Il y a donc une seule explication : A, B et P doivent appartenir au même courant religieux, doivent puiser leur forme de textes eschatologiques bien apparentés. Et comme Pélinna et Hipponion sont, sans aucun doute, bacchiques, A, B et P appartiennent tous les trois au mouvement bacchique et sont dérivées des textes orphiques26.

Je ne prétends pas que l’on puisse harmoniser les trois groupes — les différences restent trop grandes. Mais ces textes témoignent de différents courants (pour ainsi dire) dans les mystères bacchiques — on ne doit pas oublier que les mystères bacchiques n’ont jamais eu d’unité conceptuelle telle que celle que nous connaissons pour les mystères éleusiniens ou de Mithras ; il ne faut pas non plus oublier que Martin Nilsson a déjà remarqué que la tradition littéraire orphique était « still wilder than the wild Homeric tradition »27. Le courant attesté par A connaît, je l’ai dit, la métempsycose ; peut-être a-t-il subi des influences du pythagorisme qui, après tout, est identifié avec ’Ορφιϰά et Βαϰχιϰά dans le fameux passage d’Hérodote 2, 81. B et P peuvent se dispenser de la métempsycose, mais se distinguent par la mythologie infernale : à Pélinna, l’adresse à Perséphone, puis le symposion des bienheureux ; dans B, l’imagerie ample et riche avec ses sources, ses arbres, ses gardiens de la source fatale et son chemin vers le bonheur final et éternel28 ; dans P, de plus, la grâce de Dionysos Libérateur, et dans B la prononciation du mot juste comme garant de ce bonheur.

5. Le rituel

Ainsi, toutes les laminettes orphiques doivent, à mon avis, appartenir à des mystères bacchiques, tandis que les textes eux-mêmes proviennent d’un fond « orphique », au sens large d’une littérature apocryphe sous le nom du chantre thrace. Ce fond rituel des poèmes eschatologiques est bien attesté par Platon — non seulement dans le passage sur les ἀγύρται ϰαὶ μάντεις qui utilisent une masse de livres, βιβλίων ὁμαδόν, d’Orphée et de Musée (rép. 364 B), mais aussi dans le passage moins connu du Ménon, et dans l’introduction au fragment 133 de Pindare29. Ici, Platon se réfère non seulement à Pindare et à d’autres poètes en ce qui concerne cette eschatologie, mais aussi « aux prêtres et prêtresses qui se soucient de pouvoir être capables de rendre compte de ce qu’ils font » — cela ne peut se référer qu’à des initiateurs, plus informés que les ἀγύρται ϰαὶ μάντεις de la République platonicienne. Comme la doctrine dont Platon parle contient la métempsycose, rien ne nous conduit à penser que ces prêtres et prêtresses seraient ceux d’Eleusis ; et comme le fragment de Pindare cité dans ce contexte cache des associations dionysiaques, j’aimerais penser à des initiateurs et des initiatrices bacchiques. Du reste, les mots de Platon me semblent créer une dichotomie entre ces prêtres savants et les autres qui ne le sont pas — une dichotomie qui se retrouve dans le papyrus de Derveni : dans la XVIe colonne, l’auteur fait la distinction entre ceux qui se font initier dans les villes (on pense à Eleusis) et qui n’ont pas la possibilité de gagner un vrai savoir, et ceux qui subissent une initiation privée et qui auraient la chance de mieux s’informer (mais n’en font pas usage)30. Evidemment, ces prêtres privés doivent posséder le savoir nécessaire — et comme Eleusis est de nouveau exclu, il ne reste à cette époque presque rien d’autre que les mystères bacchiques dans leur variante plus ésotérique, « orphique » — pratiquée, comme le dit ce fameux vers, par le petit groupe de ceux qui sont de vrais bacchoi, πολλοὶ μὲν ναρθηϰοφόροι, παῦροι δέ τε βάϰχοι.

Ce n’est pas tout. Il me paraît bien probable que le texte P n’est rien d’autre que le macarisme actuel prononcé lors de l’initiation bacchique de la femme défunte. Prouver cela, il faut bien l’avouer, c’est une affaire assez délicate : il s’agit, après tout, d’une spécification de la question plus large de la provenance orale de nos textes grecs archaïques. Ou disons plutôt que le problème est encore plus compliqué : sans aucun doute, les parties hexamétriques ont été formulées et transmises d’abord par écrit, dans les livres de la poésie « orphique ». Comment prouver que le texte P est un amalgame de parties d’origine écrite et de parties orales, mais qui faisait, dans son ensemble et avant d’être inscrit sur la lamelle, fonction de λεγόμενον rituel ?

Je pense que notre texte contient assez de signes qui puissent nous orienter dans la direction indiquée. D’abord, nous avons la juxtaposition de parties hexamétriques et de parties en prose : Zuntz en avait déja déduit que les textes A faisaient partie d’une liturgie parlée — il avait songé, bien sûr, à une Missa pro defunctis pythagoricienne, ce qui est inadmissible, mais l’observation initiale reste valide31.

Puis nous avons, dans le premier vers, le remplacement de μάϰαρ original et métrique par τρισόλβιε non métrique, mais bien plus emphatique — une emphase qui s’explique par la situation orale du macarisme rituel (Lucien, du reste, nous informe que τρισόλβιος est un όνομα ἀπὸ τῆς σϰηνῆς, un mot de théâtre, situation orale kat’exochen)32. Au même vers, on trouve la répétition emphatique, un peu surprenante, du moment actuel : νῦν… νῦν… ἄματι τῶιδε. Les autres macarismes qui se réfèrent à la vie d’outre-tombe, tous éleusiniens33, sont passablement moins spécifiques. Certes, ce premier vers vient d’un poème, où il a eu sans doute une fonction spécifique dans un cadre de fiction, et, d’autre part, il s’adresse à la défunte actuelle, décédée et resurgie ἄματι τῶιδε, « ce même jour-ci » — mais est-ce bien vrai ? Les Grecs n’ont-ils pas exposé leurs morts pendant quelques jours après le décès ? L’ekphora n’a-t-elle pas eu lieu le jour après la prothesis, le troisième jour après la mort, au moins à Athènes34 ? Et comme la laminette mnémonique a accompagné le corps, il ne faut pas dissocier le moment de l’enterrement du moment de l’arrivée sous terre, chez les dieux infernaux : l’emphase sur le temps actuel n’est peut-être pas très logique, mais elle redevient simple et claire si l’on admet que le vers a été prononcé au cours du rituel initiatique, immédiatement après la mort et la résurrection rituelles. La même remarque est valable pour le dernier vers, avec sa promesse du bonheur ὑπὸ γῆν, assez surprenante au moment où le défunt est déjà sous terre et a déjà été reçu et admis par Perséphone, mais irréprochable dans l’hypothèse d’une promesse lors du rituel initiatique. On se souvient du macarisme final de l’hymne homérique à Démèter, « heureux celui des hommes mortels qui a vu cela ; mais celui qui n’a pas participé au rituel, qui n’y a pas pris part, il aura un sort différent sous la terre sombre, ὑπὸ ζοφῶι εὐρυόεντι » ; ou bien l’on pense à Sophocle qui parle des hommes qui, après l’initiation, vont dans l’Hadès, μολῶσ’ εἰς Ἅιδου, ou, d’après Pindare, sous la terre, ὑπὸ χθόνα35. Ces formules parallèles me font croire que le dernier vers de P provient d’un texte orphique et littéraire qui contenait une promesse semblable, adressée aux vivants (peut-être avec une intention de propagande) ; mais leur présence sur la lamelle s’explique par le fait que la même promesse fait partie du macarisme rituel initiatique.

Le vin, finalement, trouve sa place à un niveau eschatologique et mythique — mais aussi bien à celui du rituel. Un des reliefs de la Farnesina à Rome représente l’initiation bacchique d’un jeune garçon ; or, à droite de l’initié, l’on aperçoit un satyre qui verse du vin dans un cratère — donc, immédiatement après le rituel initiatique, l’on commençait à boire : l’intégration dans le nouveau groupe se manifestait par le festin de vin36.

Le rituel initiatique bacchique de Pélinna se révèle donc être la mise en scène d’une mort et d’une résurrection — rien de spectaculaire, après tout37. La résurrection était suivie d’un macarisme, qui contenait aussi l’instruction vitale et la promesse du bonheur futur : un tel macarisme, dans un tel moment, n’est pas moins banal38. On peut même soupçonner que la métaphore du lait aurait pu avoir un fond rituel : dans les mystères d’Attis, comme Philippe Borgeaud me l’a rappelé, on connaissait l’alimentation par le lait, γάλαϰτος τροφὴ, ὦσπερ ἀναγεννωμέννων, « comme pour des nouveau-nés », et après cela vient ἱλάρειαι, la joie générale39.

Peut-être cette dernière hypothèse va-t-elle déjà trop loin ; la γάλαϰτος τροφὴ métroaque, qui terminait une période d’abstention alimentaire, est isolée dans le matériel sur les mystères antiques. En tout cas, le schéma de la mort et de la résurrection semble présent dans les mystères bacchiques, et cela dans le mythe fondateur de la mort du premier Dionysos aussi bien que dans certains signaux rituels ; rien d’étonnant, si nous possédons maintenant un texte qui atteste cela plus clairement dans un rituel. Plus étonnant, mais capital, est le fait que ces legomena, inscrits sur deux feuilles de lierre précieuses, ont accompagné une défunte inconnue sur son chemin vers Perséphone.

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1 Tsantsanoglou — Parâssoglou, 1987.

2 Foti — Pugliese Carratelli, 1974, 103.

3 Le t.p.q. est donné par une monnaie d’or datée des premières années d’Antigone Gonatas, Tsantsanoglou — Parássoglou, 1987, 3 s.

4 Je ne renvoie qu’au texte le mieux connu, Eur. frg. 638.

5 φασὶ γὰρ τὴν ψυχὴν τοῦ ἀνθρώπου εἶναι ἀθάνατον, ϰαὶ τότε μὲν τελευτᾶν (ὃ δὴ ἀποθνήισϰειν ϰαλοῦσιν), τότε δέ πάλιν γίγνεσθαι.

6 Rusajeva, 1978, 87-104 (résumé allemand F. Tinnefeld, ZPE 38, 1980, 68-71) ; West, 1982, 17-29, cp. West, 1983, 17-19 et les remarques de Juri Vinogradov dans ce volume ; pour le problème de lecture Graf, 1985a, 590, Anm. 17.

7 Graf, 1985, 285-287.

8 Hdt. 4, 78, 1. 4.

9 Voir Plat., rep. 2, 364 CE. — Une mise au point fort utile chez Burkert, 1987, 12-29.

10 Orph. frg. 232 (Olymp. in Plat. Phd. 2, 11, p. 87, 13 Norv.) : ὅτι ὀ Διόνυσος λύσεώς ἐστιν αἴτιος· διό ϰαὶ Λυσεὺς ὀ θεός, ϰαὶ ὁ ᾿Oρφεύς φησιν·

ἄνθρωποι δὲ τεληέσσας ἑϰατόμβας

πέμψουσι πάσηισι ἐν ὥραις ἀμφιέτηισιν

ὄργια τ’ ἐϰτελέσουσι λύσιν προγόνων ἀθεμίστων

μαιόμενοι· σύ δὲ τοῖσιν ἔχων ϰράτος, οὕς ϰ’ ἐθέληισθα,

λύσεις ἔϰ τε πόνων χαλεπῶν ϰαὶ ἀπείρονος οἴστρου.

West 1983, 99 f. propose de voir dans ces vers ou les paroles de Zeus ou plutôt un oracle de Nyx pour Dionysos ; cela ne s’impose pas : pour Olympiodore en tout cas, ce sont les paroles d’Orphée.

11 Pi. frg. 133 ; l’interprétation de Rose 1936 a été acceptée, malgré quelques réserves, même par le très sceptique Linforth, 1941, 45-50.

12 La combinaison de μάϰαρ et de εὐδαίμων est attestée depuis Hes. OD 826, voir le commentaire de West pour les parallèles ; il appelle le vers un μαϰαρισμός. — Pour ἐυδαίμων dans un contexte bacchique, voir Pi. frg. 70 a 11 ; Ar. ran. 72 ; Eur. Ba. 73 (avec le commentaire de Dodds) ; Seaford, 1981, 253.

13 Plat. rep. 2, 363 CD ; cp. Graf 1974, 95 s.

14 νέϰταρ ἔχειν Βρομίου pour désigner l’échanson dans une épigramme funéraire d’époque impériale, Cole, 1984, 39. — Jan Bremmer me communique les attestations des rares échansons féminins, dans le mythe — Hebe (Hom. Il. 4, 2) ; Harmonia (Ath. 425 C) ; — comme dans le symposium, Phytaenet. FGrHist 299 F 3 ; Pherecrat. frg. 70 et la représentation chez Fehr, 1971, n° 409.

15 La syntaxe du vers est quelque peu étrange : on préférerait entendre ἐπιμένεις, si l’on ne considérait que la fin du vers. Néanmoins, ἐπιμένει σε τέλεα semble être nécessaire, voir Tsantsanoglou — Parássoglou, 1987, 15.

16 Le groupement chez Zuntz, 1971, 286 ; la reconstruction de l’archétype du groupe B chez Janko, 1984, 89-100.

17 En utilisant cette expression, je ne prends pas position dans la question assez compliquée de la formulation originale du v. 1 de Hipponion.

18 Zuntz, 1971, 324-327.

19 Bibliographie chez Burkert, 1977, 439, note 23.

20 Dionysos Eriphios : surtout Apollod. FGrHist 244 F 132 (Dionysos Eriphios à Métaponte), cp. Harrison, 1922, 594 f. ; Zuntz, 1971, 323 f. — Dionysos Taureau : entre autres Eur. Bacch. 618. 920 et la prière des femmes éléennes, cf. Jeanmaire, 1951, passim. — On connaît, bien sûr, le sacrifice du bélier dans un contexte dionysiaque, et Matz, 1964, 1423 a regroupé les représentations — mais ce sont toujours des représentations de l’au-delà : le bélier, victime typique du sacrifice offert à Perséphone (Graf, 1985, 282, n. 97), est l’indication iconographique de cette localisation.

21 Voir l’inscription des lobacchoi, SSIG3 1109 = IG II2 1368, cp. Moretti, 1986, 247-259.

22 Pour les classes des mystes voir déjà Dieterich, 1910, 171.

23 Les textes du groupe A, assez parallèles, excluent la possibilité que ce soit Perséphone qui parle ici.

24 Ael. var. hist. 8, 8 Κίμων ὁ Κλεωναῖος ἐξειργάσατο, φασί, τὴν τέχνην τὴν γραφιϰὴν ὑποφυομένην ἔτι ϰαὶ ἀτέχνως ὑπὸ τῶν πρὸ αὐτοῦ ϰαὶ ἀπείρως ἐϰτελομένην ϰαὶ τρόπον τινὰ ἐν γάλαξιν οὖσαν,

25 Mise au point la plus récente, Merkelbach, 1988.

26 Cela semble exclure les pythagoriciens, proposés naguère par Zuntz, 1971, 343.

27 Nilsson, 1935, 183 = 1952, 631.

28 Pour la métaphore du chemin, voir Feyerabend, 1984, 1-22 ; la métaphore se retrouve chez Poseidippos de Pella, Suppl. Hellen, 705, vv. 21 ss αὐτὰρ ἐγὼ γήραι μυστιϰὸν οἶμον ἐπὶ ᾿Ραδάμανθυν ἱϰοίμην, transformée, semble-t-il, en métaphore pour le métier du poète, voir Lloyd-Jones et Parsons ad. loc.

29 Plat. Men. 81 BC oἱ μὲν λέγοντές εἰσι τῶν ἱερέων τε ϰαὶ τῶν ἱερειῶν ὕσοις μεμέληϰε περὶ ὦν μεταχειρίζονται λόγον οἵοις τ’ εἶναι διδόναι· λέγει δέ ϰαὶ Πίνδαρος ϰαὶ ἄλλοι πολλοὶ τῶν ποιητῶν ὅσοι θεῖοί εἰσιν.

30 Col. 16, 1 [ὅσοι μέν] ἀνθρώπω[ν ἐμ] πόλεσιν ἐπιτελέσαντες [τὰ ἱε]ρά εἶδον… ὅσοι δὲ παρὰ τοῦ τέχνην ποιουμένου τὰ ἱερά…

31 Pour Zuntz, voir note 26. Wieten, 1915, 95-119, avait déjà expliqué les textes du Thurii par référence à un scénario rituel. — Walter Burkert me propose (par lettre) de penser à un rituel auprès du tombeau, voir aussi Burkert, 1987, 23.

32 Luc. Nigrin. 2.

33 Hom. h. cer. 480 ss ; Pi. frg. 137 ; Soph. frg. 753 N. Richardson, 1974, 313 s.

34 Voir la loi solonienne, citée chez Demost. or. 43, 62 ἐϰφέρειν… τῆι ὑστεραίαι ἦι ἂν προθῶνται, πρὶν ἥλιον ἐξέχειν.

35 Voir note 33.

36 Voir Matz, 1964.

37 II suffit de renvoyer à Eliade, 1958 et Brelich, 1969, 78-80 — et aux remarques dans le même sens de Burkert, 1987, 97-101 (« The basic idea of an initiation ritual is generally taken to be that of death and rebirth… Yet… the evidence is less explicit and more varied than the general hypothesis would postulate », 99).

38 Burkert, 1987, 93.

39 Sall. 4.