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Peut-on aborder la notion de reformulation autrement que par la typologie des marqueurs ?

Pour une analyse sémasiologique et onomasiologique

Hélène VASSILIADOU1

1. Introduction

L’objectif de cet article est de délimiter l’empan de la notion de reformulation en empruntant (au moins) deux voies d’accès complémentaires : l’une partant de la définition du mot et de l’objet reformulation, et l’autre de l’a priori selon lequel il y aurait des marqueurs prototypiques de reformulation. Nous partons d’une hypothèse courante qui admet que l’examen de différents indicateurs linguistiques peut contribuer à écarter le danger qui consiste à assimiler au mot reformulation toutes sortes de segments plus ou moins réflexifs. L’enjeu est alors de savoir d’abord ce qu’est au juste une reformulation, et dans quelle mesure une marque linguistique peut en indiquer la présence. Est-ce que la distinction entre plusieurs types de reformulation (spécifiantes, étymologiques, définitionnelles, référentielles, explicatives, etc.) pourrait être une porte de sortie ? Et si les multiples facettes de la reformulation se retrouvent dans la grande variété de ses marques, est-ce qu’essayer de saisir la notion par leur biais peut avoir pour effet de biaiser à la fois son repérage et l’étendue de sa définition ?

Dans cette perspective, nous commencerons d’abord par définir la notion de reformulation (§ 2), puis nous illustrerons la difficulté de se fier aux marqueurs dits reformulatifs en recourant à deux tests classiques, l’insertion et la suppression (§ 3). Nous proposerons enfin un début de solution au problème posé en insistant sur l’importance de la prise en compte des facteurs syntaxiques lors du repérage des segments reformulants et reformulés.

2. La reformulation : pour une définition stricte

Quand nous avons commencé à travailler sur c’est-à-dire en français et en grec pour notre thèse soutenue en 2004, nous avons opté naturellement pour le titre « Les connecteurs de reformulation… ». Le cadre théorique concernait également les travaux, déjà abondants à l’époque, sur la reformulation, les connecteurs et les marqueurs discursifs. Très vite confrontée aux problèmes de délimitation des frontières de différentes opérations sous-jacentes à la reformulation ainsi qu’à la diversité d’emplois de c’est-à-dire, il nous a fallu revenir sur le cadre théorique pour opérer des choix, pour trouver un fil rouge apte à justifier l’étiquette de reformulation pour les emplois décrits, et pour trancher inévitablement entre une approche monosémique ou polysémique2.

En avançant de la sorte, notre tâche devenait de plus en plus compliquée, car chaque terme rencontré se trouvait lui-même dans des réseaux sémantiques complexes : signe, chose, référence, dénomination, désignation, définition, traduction, paraphrase, commentaire, reformulation de mot pris dans sa matérialité (souvent en mention), reformulation avec adéquation du mot à son référent, reformulation qui réfère à la chose (en usage, mondain), correction, répétition… La gestion de toutes ces notions appelait à son tour une gymnastique conceptuelle au service d’une analyse capable de coiffer la diversité d’emplois de c’est-à-dire.

On voyait ainsi, dans nos premiers travaux, un continuum des notions étroitement liées à celle de la reformulation et corolairement à son repérage. Mais l’absence d’homogénéité systématique pour la catégorie exigeait également un métaterme pour subsumer le continuum postulé. La solution avancée dans la majorité de nos travaux consistait à considérer que les pratiques reformulatives en tant qu’exercices langagiers en soi étaient d’une portée voisine de ce qui est généralement entendu par métalinguistique. Cette solution avait l’avantage d’être conforme – et a priori non attaquable – à la fonction principale de la reformulation, à savoir celle d’effectuer des opérations productrices de sens, dans et sur la langue, marquées par un mouvement de retour, de réflexion sur le dire et le dit3. Et le tour était joué…

Sauf que postuler que toute trace de retour sur des éléments, même en cours de production (cf. la recherche du mot juste par exemple), est une reformulation sous prétexte qu’on se situe dans la sphère métalinguistique s’est avéré une solution beaucoup trop puissante qui permettait à tout type de procédé plus ou moins métalinguistique d’intégrer le champ reformulatif (cf. Vassiliadou 2016). Et force est de constater qu’on assiste depuis les premiers travaux sur la reformulation à « un mouvement de balancier » (Rabatel 2017 : 69) entre restriction et élargissement de la notion avec une tendance nette à l’élargissement, qu’on retrouve dans différentes tentatives de définition depuis plus de 20 ans :

« Il faut replacer la reformulation dans un ensemble d’autres opérations transformatrices » (Peytard 1984 : 17).

(La reprise et la reformulation sont des) « activités discursives de répétition et de transformation d’un énoncé antérieur constituant, à chaque occurrence, un événement énonciatif distinct » (Kohler 2000 : 351).

« La reformulation doit être conçue sur une échelle graduelle qui va de la répétition à la correction » (Conceiçăo 2005 : 82).

(La reformulation est une activité qui couvre) « une multitude d’actions disponibles dans et par le discours comme expliquer, paraphraser, exemplifier, nommer, définir, résumer, récapituler, ajuster ou corriger, toutes ces actions étant opérées sur une première formulation et portant sur le même état de choses » (Kanaan 2011 : 102).

« Tout processus de reprise d’un énoncé antérieur qui maintient, dans l’énoncé reformulé, une partie invariante à laquelle s’articule le reste de l’énoncé, partie variante par rapport à l’énoncé source, est une reformulation » (Martinot 2015 : 3).

Et on en est encore là :

« […] je voudrais montrer que les stratégies énonciatives exprimées dans les marqueurs de reformulation en dire, notamment c’est-à-dire, sont multiples et rendent compte de procédés argumentatifs et de positionnements énonciatifs pluriels et réflexifs. Ces différentes fonctions de la reformulation, au-delà de celles qui sont attendues et les plus facilement catégorisables, l’élaboration discursive (la recherche du mot juste, le recentrage thématique, la caractérisation définitoire), les stratégies argumentatives, décèlent un positionnement énonciatif du sujet, positionnement fait de tensions discursives […] » (Moïse 2018 : 206).

Cette dernière définition toute récente, en attribuant un champ, on a envie de dire sans limites, à la notion de reformulation montre clairement à quel point elle devient inopérante ! Elle fait apparaître également le cercle vicieux dans lequel les marqueurs censés la signaler sont pris, puisque on se fonde sur leur polyvalence (ici celle de c’est-à-dire et dans la foulée celle des marqueurs formés sur dire) pour justifier l’extension du domaine de reformulation (comme nous le montrerons aussi en § 3). La preuve en est que l’auteure explique dans l’exemple qu’elle donne pour illustrer sa définition, que c’est-à-dire définit la formule « quelque chose de l’ordre du psy » « en permettant l’élaboration du sens qui ne vas pas de soi » (Ibid. : 210) :

(1) F : non mais moi je je enfin si tu veux que ça se joue beaucoup au niveau de : de quelque chose qui est de l’ordre du psy c’est-à-dire que là-dessus on peut développer pendant des heures hein + à savoir que : + (bruit) un je pense qu’un gamin pour qu’il soit relativement bien dans ses pompes il faut qu’il sache un peu d’où il vient + 

Or, dans cet exemple, d’une part, il n’y a pas de définition stricto sensu de « l’ordre du psy » et ce n’est pas c’est-à-dire qui élabore sur ce segment, mais à savoir. C’est-à-dire amorce la réponse en marquant une rupture et une hésitation quant à la valeur que peut prendre l’affirmation « c’est de l’ordre du psy ». Il permet de réorienter le discours vers une précision, introduite par à savoir, véhiculant la bonne information au sujet de l’état de choses et / ou de croyances du segment antérieur.

2.1. Reformulation : sens courant vs sens technique

Le passage de Moïse (2018) est assez représentatif du fait que la plupart des travaux français font l’impasse sur la distinction entre acception technique et mondaine du terme de reformulation (et par la même occasion de celui d’élaboration cité dans l’extrait de Moïse)4 en se cantonnant sur son acception courante. Ainsi, il est rarement question5 de reformulation (« restatement ») en tant que relation de cohérence dans le sens de la tradition anglo-saxonne, depuis les travaux de Mann et Thompson (1988), Hobbs (1990), Asher et Lascarides (1993) et Halliday (1994), par exemple. Dans ce cadre précis, l’acception technique de la reformulation désigne :

– une relation de nature sémantique ou conceptuelle entre des segments, car elle se fonde dans un premier temps sur le contenu sémantique des unités reliées (vs des relations qui ont un caractère textuel servant à contextualiser les unités reliées ou pragmatique qui implique la valeur illocutoire des unités en jeu ; cf. Cornish 2006).

– une relation thématique (« subject-matter »), c’est-à-dire qu’elle s’exprime en termes de contenu sémantique et est de ce fait facilement reconnaissable par les locuteurs, la signification du satellite se trouvant dans celle du noyau (vs les relations présentationnelles qui ont pour effet désiré d’augmenter les croyances du locuteur ou le degré de son attitude positive envers le noyau de la relation).

– une relation asymétrique6 (ou subordonnante), pour la majorité des auteurs cités, car le segment reformulant est un satellite par rapport au noyau reformulé. Les deux parties contribuent toutefois à l’analyse du résultat final.

La reformulation intègre enfin un réseau des relations qui lui sont proches, telles que l’élaboration, le résumé ou le parallèle via l’instanciation du principe de Ressemblance commun aux relations citées (cf. Kleiber & Vassiliadou 2009).

Mais, comme bien souvent, le sens courant7, à savoir « formuler autrement ce qui a déjà été formulé », que le terme de reformulation a, se fait entendre ou du moins a des répercussions sur son emploi technique. À noter que le fait de parler de segments reformulant et reformulé ou encore de dire que le segment 2 (ou Y ou E2) reformule le segment 1 (X, E1) indique un rapprochement ou pousse à rapprocher le sens technique du sens courant. Si on en reste là, rien n’empêche en effet de considérer comme reformulation tout processus qui parcourt le champ sémantique du Même au Tout Autre en passant par tous les degrés entre les deux extrémités. Ceci a conduit d’ailleurs à la fameuse distinction de reformulation paraphrastique et non paraphrastique et a permis d’inclure dans la reformulation les pratiques qui vont de la paraphrase pure et dure jusqu’à la correction totale et d’entraîner dans leur sillage tout type d’altération discursive y compris la répétition, sous prétexte qu’on ne répète jamais à l’identique ! Et surtout, on constate que c’est bien souvent ce sens courant et non technique qui intervient dans la reconnaissance de la relation ou qui guide l’analyse des exemples.

2.2. Pour un continuum, un abandon ou une restriction de la notion ?

Afin de surmonter les obstacles observés, trois solutions peuvent être envisagées :

1. Opter pour un continuum, ainsi que nous l’avons nous-même envisagé dans nos premiers travaux, qui traverserait les opérations discursives évoquées. Cette option placerait la reformulation « au cœur de phénomènes d’hybridité, parce qu’il existe une grande labilité dans la dénomination et l’analyse des phénomènes de reprise, de retours réflexifs, avec des chevauchements, voire des recouvrements […], la reformulation étant considérée tantôt comme un parasynonyme, tantôt comme un hyperonyme » (Rabatel 2017 : 66).

2. Opter pour l’abandon8 de la relation de reformulation, car elle se confond avec d’autres relations discursives. Son marquage par des indicateurs exclusifs se trouve également compromis. Si elle peut être confondue avec d’autres relations ou si elle peut subsumer un autre type de relation, elle devient une relation lâche9, redondante, pas clairement identifiable et donc inopérante, comme on l’a vu ci-dessus.

3. Opter pour une définition stricte de la reformulation qui permettrait d’exclure de son champ, autant que faire se peut, au moins les opérations qui s’éloignent le plus comme la répétition.

La première option a l’avantage d’être accueillante et non-radicale, ce qui généralement plaît10. Postuler un continuum dans le cas de la reformulation a toutefois un inconvénient majeur dont les répercussions épistémologiques sont importantes : en négligeant ou en gommant les frontières du phénomène, on aboutit à une « antinomie » scientifique, pour reprendre les termes de Rabatel (2017)11 entre la rigueur attendue des concepts et leur application floue dans les analyses linguistiques.

La deuxième, trop radicale, n’offre pas une solution satisfaisante, car ce serait nier la pertinence même du concept et des analyses de bon nombre des marqueurs fondées sur son existence. Or, la pertinence de la notion de reformulation n’est plus à démontrer suite à la somme considérable des travaux sur le sujet (Gülich & Kotschi 1983, 1987, Roulet et al. 1985, Rossari 1994 pour ne citer qu’eux). Par ailleurs, ce serait nier la possibilité de trouver des critères sémantiques et syntaxiques aptes à circonscrire ses frontières, ce qui n’est pas le cas non plus comme le laisse entendre la troisième option (cf. aussi Rabatel 2019 et Vassiliadou 2019).

Ce qui nous amène à une définition stricte de la reformulation, préalable à toute recherche de critères définitoires et / ou distinctifs12. On retient ainsi comme unique critère définitoire de la notion de reformulation que reformuler signifie formuler une deuxième fois dans un but d’éclaircir le sens d’un segment antérieur. L’enjeu de la définition de la reformulation réside dans le fait qu’il faut partir de formuler pour expliquer ce que signifie reformuler, et l’on a tendance à oublier ce point. Lors d’une reformulation, on ne se contente pas évidemment de formuler une deuxième fois, on reformule avec une volonté de clarifier, pour expliciter le sens de sorte que la reformulation « ne se confond ni avec la première formulation ni avec la répétition pure et simple » (Riegel & Tamba 1987 : 3).

La condition sine qua non de reformulation est que Y apporte toujours une information supplémentaire par rapport à X. Quand on formule une idée, on la met en forme, quand on la reformule, on la redonne sous une autre forme, mais on ne la répète pas. Ainsi, si on demande à quelqu’un de résumer, il va résumer, si on lui demande de répéter, il répétera, s’il a fait une vraie erreur de syntaxe ou de contresens, on demandera de corriger. Si le contenu de son propos n’est pas clair en revanche, on lui demandera de lui donner une autre forme, plus claire et donc de reformuler. Si on considère qu’il y a un discours source et un discours second, tout ne peut alors remplir le rôle de reformulation. Nous n’avons pas le même type d’actes quand on résume, répète13, dénomme ou quand on corrige :

(2) Peux-tu répéter ta question s’il te plaît ?

(3) Peux-tu reformuler ta question s’il te plaît ?

(4) Vous devez passer l’aspirateur souvent, surtout si vous avez de la moquette chez vous, parce que la poussière, une fois installée, peut être très allergénique, c’est-à-dire peut déclencher des allergies (émission Santé en bref, 05 / 02 / 2004)

(5) – Vous êtes marié ?

– Oui, c’est-à-dire non.

– Vous êtes marié, oui ou non ? (Le Dîner de cons, 1998)

La différence entre (2) et (3) est intuitive et en même temps constitutive de la définition en langue des verbes « répéter » et « reformuler ». Les exemples (4) et (5) illustrent, pour le premier, ce qui rentre parfaitement dans le cadre de la reformulation et, pour le deuxième, un cas de correction totale, qui, crée chez l’interlocuteur plus de confusion qu’elle ne donne d’éclaircissements. C’est-à-dire, en (5), provoque une invalidation de X et entraîne un changement de point de vue qui ne relève pas d’une opération reformulative, mais corrective. Sa substitution à autrement dit, qui apparaît strictement dans un cadre de reformulation (cf. Vassiliadou 2008, 2016) est d’ailleurs impossible :

(5’) – Vous êtes marié ?

– * Oui. Autrement dit non.

On ne peut toutefois pas exclure, pour certains cas de correction, un effet secondaire d’éclaircissement après coup sur un contenu antérieur, par le biais d’un apport de précision :

(6) Max a quatre enfants, disons trois si on ne compte pas celui de sa compagne (Rossari 2000 : 102)

En effet, le segment introduit par disons est plus précis que le segment à gauche du marqueur, dans la mesure où on obtient une information du type « Max a quatre enfants, mais il n’est le géniteur que de trois ». Le segment Y apporte ainsi une restriction de X et rend mieux le contenu visé par le locuteur tout en le présentant comme une continuation de X. De plus, dans la plupart de ces cas, l’effet désiré par le locuteur est que son interlocuteur ait « une attitude positive » face à son dire tout en protégeant sa propre « face » en s’auto-corrigeant et en rendant ainsi « inutile toute remarque de l’interlocuteur » (Cadiot et al. 1985 : 230)14.

Pour conclure cette partie et continuer notre réflexion par l’autre bout, il est important de ne pas perdre de vue que la formulation d’une définition aussi étroite soit-elle n’est pas suffisante, même si elle est meilleure, nous semble-t-il, que les définitions « formulées en termes d’intentions imputées au scripteur vis-à-vis de son lecteur » (Cornish 2006 : 12). Il faut prendre en compte à la fois le critère définitoire de la reformulation donné ci-dessus et les contraintes qu’il impose. Il nous faut donc en plus des indices linguistiques (voir aussi Degand 1998).

3. Les marqueurs au service ou au détriment de la notion ?

Afin d’appréhender cette deuxième partie, précisons d’emblée que c’est la prise en compte de plusieurs facteurs heuristiques (donnés en guise de conclusion) qui peut conduire à la reconnaissance de la relation de reformulation. Se cantonner à l’examen des marqueurs / connecteurs ne permet pas de conclure à la pertinence de la relation de reformulation, car, comme nous l’avons évoqué, ils n’ont pas une valeur univoque. Cette remarque n’a rien d’original : il s’agit de la critique la plus courante envers tout modèle qui considère que les marqueurs discursifs sont des indices suffisants pour la reconnaissance d’une relation de cohérence (cf., entre autres, Elhadad & McKeown 1990, Knott & Sanders 1998, Rossari 2001). Le modèle de Schiffrin (1987), par exemple, malgré les descriptions précises des marqueurs étudiés, ne peut pas prédire quel marqueur sera utilisé à quel niveau ou encore quand un marqueur est nécessaire à la reconnaissance d’une relation. De même, dans les théories destinées à générer du texte, comme la L-Tag (cf. Weber et al. 1999), le consensus n’est pas atteint : certains soutiennent que c’est toute la proposition qui impose le choix de tel ou tel connecteur tandis que d’autres se fondent sur les caractéristiques propres aux marqueurs et militent pour leur présence au niveau des nœuds des arbres.

Chercher un faisceau d’indices est toutefois un travail qui dépasse le cadre de cet article. Nous nous focalisons ainsi sur la présence de marqueurs en tant que facilitateurs (ou non) du repérage de la relation de reformulation afin de mieux souligner les problèmes soulevés dans notre première partie : si la relation est lâchement définie, la liste des marqueurs pouvant la signaler peut être extrêmement accueillante d’une part, et d’autre part, nous risquons de retomber dans la situation où la reformulation est un terme en quelque sorte super-ordonné qui gouverne d’autres relations susceptibles néanmoins d’exister en dehors du cadre de la reformulation.

3.1. Insérer ou supprimer des marqueurs. Oui, mais lesquels ?

L’insertion ou au contraire la suppression possible d’un connecteur entre deux unités à relier serait un indice de la pertinence de telle ou telle relation discursive. Roulet et al. (2001 : 170) recommandent plutôt le test d’insertion pour identifier la nature d’une relation. Le test de suppression nous semblait intuitivement être plus fiable que l’insertion, dans le sens où le maintien d’une reformulation après suppression du marqueur indiquerait la présence d’une relation sémantique forte. Après examen de plusieurs cas de figure, il s’avère que ceci est valable uniquement pour les segments qui s’enchaînent de telle manière qu’ils doivent être compris comme « identiques » (des reformulations alors plutôt paraphrastiques avec, sans surprise, des cas de synonymie, de définition, d’hypéronymie / hyponymie, de traduction, d’étymologie ; voir aussi Gülich & Kotschi 1983 : 307). Pour éviter de mener de front l’examen de deux opérations qui bien que complémentaires sont différentes, nous ne testons que l’insertion, la suppression quant à elle, fera l’objet d’un travail ultérieur.

Dans le segment fabriqué (7), en l’absence de tout marqueur, trois relations peuvent être envisagées entre (a) et (b) en fonction du niveau discursif auquel on se situe : élaboration, explication, indice / preuve. L’élaboration et l’indice / preuve s’appliquent au niveau inter-propositionnel (b donne un détail supplémentaire ou une preuve par rapport à a), tandis que l’explication se situe (pour cet exemple) plutôt au niveau énonciatif, car (b) explique pourquoi le locuteur a dit que Marie a bien réussi ses examens mais ne donne pas la raison pour laquelle elle a réussi (p.ex. avoir travaillé dur). Dans ce cas, différents marqueurs peuvent être insérés (de fait, en effet, pour preuve, en fait…), leur rôle étant d’orienter vers une seule relation, ils permettent de désambiguïser les lectures en présence :

(7) (a) Marie a bien réussi ses examens. (b) Elle a eu Très Bien partout.

En ce qui concerne les opérations de reformulation, Rossari (1994 : 6-7) postule aussi que « la fonction interactive de reformulation semble plus directement liée à la présence d’un marqueur spécialisé ».

La question qui suit est inévitable : dispose-t-on actuellement d’une liste plutôt fiable de marqueurs spécialisés employés de manière exclusive dans certaines relations discursives et notamment pour la reformulation ? Grâce principalement au sémantisme des connecteurs, on trouve en effet dans la littérature plusieurs propositions de classement. Quant à la fiabilité dont il est question, la réponse n’est pas facile. Ainsi, Roulet et al. (2001) citent comme représentatifs de la reformulation les marqueurs suivants : bref, enfin, en somme, autrement dit. Et ils classent dans la relation de clarification / illustration en l’espèce, à savoir, par exemple, i.e., c’est-à-dire. Rossari (1994 : 22), dans son tableau des marqueurs de reformulation désormais incontournable (dans le sens où il est repris systématiquement dans la majorité des travaux portant sur les marqueurs de reformulation), classe « en fonction de la prise de distance du locuteur par rapport à sa première formulation » dans les connecteurs de reformulation paraphrastique c’est-à-dire, en d’autres termes, autrement dit, de récapitulation en somme, bref, de réexamen tout bien considéré, après tout…, de distanciation en fait, en réalité… et de renonciation enfin. Ce choix de classement trouve son point de départ dans la définition – assez large – des connecteurs de reformulation : « Sera donc envisagé comme un connecteur reformulatif, tout marqueur susceptible de présenter le point de vue qu’il introduit comme une reconsidération de point de vue auquel il renvoie. À ce titre, le terme de reformulation doit être compris comme un processus de réinterprétation » (Rossari 1994 : 9).

Chez Bres et al. (2019), on trouve pour la reformulation les marqueurs suivants : c’est-à-dire, je veux dire, tu veux dire, autrement dit, plutôt, en d’autres termes, en somme. Et un rapide tour d’horizon dans les titres d’articles portant sur la reformulation nous montre que la liste est extrêmement ouverte et hétérogène : au bout du compte, au total, sinon, ou, notamment, genre, quoi, mettons, disons, pour préciser, donc, espèce de, tu vois, comme qui dirait, en effet, bon

3.2. Que nous apprend le test d’insertion ?

Cinq observations peuvent être faites à ce stade :

– Quoi de commun entre c’est-à-dire (qui est d’ailleurs tantôt classé dans les connecteurs de reformulation prototypiques tantôt dans ceux d’explication, clarification, illustration…), genre et espèce (marqueurs de catégorisation / approximation), notamment et en particulier (marqueurs d’élaboration, d’extraction), enfin (marqueur d’invalidation), en somme et bref (marqueurs de résumé) ?

– Si les marqueurs sont polyvalents ou polyfonctionnels, n’orienteraient-ils pas l’interprétation et par conséquent la nature de la relation instaurée entre deux segments ? En (8), si l’on substitue c’est-à-dire à bref, on se rend compte que, bien que tous les deux soient acceptables dans ce contexte, ils n’expriment pas la même opération. Ainsi, bref souligne la clôture du dit, présente une synthèse du contexte antérieur et le locuteur, en l’employant, indique qu’il « coupe court à sa propre énumération » (Rossari 1994 : 53). C’est-à-dire en revanche met l’accent sur la reprise du dit. Il n’est pas typique d’une relation de résumé15, mais il peut, dans certains contextes uniquement (cf. Vassiliadou 2014), revenir sur la première formulation pour en tirer en quelque sorte l’essentiel :

(8) Nous allons être amants, amis, complices (c’est-à-dire / bref) éternellement amoureux (exemple avec c’est-à-dire cité par Adam et Revaz 1989 : 86)

– Dans la continuité du point précédent, le test d’insertion d’un marqueur ne serait-il pas plutôt une preuve de sa polyvalence, de sa capacité à apparaître dans une relation bien établie qui « supporterait » sa présence ? En (9), la relation entre X et Y est causale, elle s’établit entre deux faits (le fait X a entraîné le fait Y). Ce n’est pas parce que la partie descriptive de c’est-à-dire lui permet de revenir en arrière pour présenter un discours à venir comme équivalent qu’on peut parler de reformulation pour (9), or le marqueur est bien là :

(9) Il avait les crocs, (c’est-à-dire qu’ / alors) il a fallu s’arrêter. (Authier-Revuz 1987 : 58)

– Sachant que les connecteurs ne sont pas des mots vides de sens qui ne peuvent être décrits que du seul point de vue de leur fonctionnement discursif, leur insertion explicite-t-elle une relation déjà présente ou est-ce le marqueur qui instaure la relation ? En (10), la relation discursive de reformulation est « rigide », le marqueur ne fait que l’expliciter. Son insertion ne change en rien la fonction reformulative de la séquence. A2, comme le signale Kuyumkuyan (2009 : 323), est destiné à gloser A1 et non pas à poursuivre la phrase initiale : « une relation sémantique apparaît de surcroît entre A1 et A2 […] plutôt que prolonger la phrase initiale en lui apportant tel ou tel ajout d’information non prévisible, A2 vient « éclairer », préciser A1, en en fournissant une reformulation. A1 et A2 sont alors synonymes » :

(10) J’ai également peur du vide (A1). (C’est-à-dire) Du rien (A2) (Marie Claire, cité dans Kuyumkuyan 2009 : 323)

– Et qu’en est-il de l’impossibilité d’insertion d’un marqueur dit prototypique de la reformulation comme c’est-à-dire ? Doit-on conclure à autre chose qu’à de la reformulation ou doit-on chercher des contraintes propres à la fois au sémantisme du marqueur et au contexte qui bloqueraient son insertion ? Dans les exemples suivants, pour lesquels on parle d’ailleurs souvent de reformulation, l’insertion de c’est-à-dire est difficile contrairement à celle de à savoir qui est considéré comme son synonyme et qui figure dans la liste des marqueurs de reformulation :

(11) Je veux épouser une Tahitienne, (à savoir) Maeva / (* c’est-à-dire) Maeva. (Kleiber 1981 : 158)

(12) Je suis arrivée dans une grande ville, (à savoir) / (* c’est-à-dire) Paris.

On a affaire ici à l’article indéfini en emploi spécifique, les deux énoncés présupposent l’existence d’un X particulier : les locuteurs de ces exemples choisissent de présenter X sur le mode de l’inconnu. Du moment où l’interlocuteur ne peut pas connaître ce à quoi un N renvoie, il ne peut pas non plus voir l’utilité de c’est-à-dire qui ne peut pas reprendre un X qui n’a pas été identifié plus avant. Les contextes de (11)-(12) ne présentent pas d’éléments justifiant une telle spécification. En outre, il n’y a pas de contiguïté effective entre l’occurrence de c’est-à-dire et l’occurrence de X puisque X n’a pas encore été donné matériellement, ou n’a pas encore donné accès au référent visé. Ainsi, comme le référent n’a pas été introduit, c’est-à-dire ne peut ni servir à son identification ni à le mettre dans le focus de l’interlocuteur. Enfin, pour répondre à la question posée ci-dessus, on peut affirmer que le sens instructionnel de c’est-à-dire lui impose des contraintes : il ne peut se greffer que sur des relations d’équivalence ou d’identification qui sont construites soit préalablement (hors contexte), soit dans le contexte immédiat. Et que les exemples (11)-(12) n’expriment pas une relation de reformulation mais de spécification qui « permet le passage direct d’un ensemble à ses éléments constituants, sans reprise énonciative ni coréférence » (Murât & Cartier-Bresson 1987 : 12). À savoir, quant à lui, apparaît le plus souvent dans des contextes où il y a un manque d’information, son rôle étant de combler ce manque et plus rarement de reformuler un X. Il apporte en Y une spécification de savoir supplémentaire (Vassiliadou 2005, 2014).

En somme, on voit avec ces quelques exemples, que l’on pourrait multiplier, que le test d’insertion n’est pas très pertinent pour la détection de la reformulation. Il soulève plus de problèmes qu’il n’en résout : on peut forcer une relation là où plusieurs possibilités existent ou induire une relation au détriment d’une autre ou encore faire entrer un connecteur dans la catégorie de la reformulation alors qu’il n’a rien à y faire. La possibilité pour plusieurs marqueurs d’apparaître dans les mêmes types de contextes, malgré leurs instructions différentes, conduirait à nouveau à voir dans la reformulation une notion englobante, une supra-catégorie, subsumant différentes sous-opérations. On retrouve alors les mêmes biais que ceux observés dans les définitions extensives de la notion examinées dans notre première partie.

Toutefois, le test d’insertion est utile et efficace pour révéler les spécificités des marqueurs et expliquer les blocages de leur apparition (cf. aussi ex. 11-12). On peut aussi voir en (13) que ou n’est pas un concurrent direct de c’est-à-dire : leurs emplois ne se rejoignent que sur un petit créneau, car ou n’a pas le pouvoir de mettre deux segments en équivalence :

(13) ??? Le R.P.R ou le premier parti de l’opposition (Charolles & Coltier 1986 : 57)

(14) Le R.P.R c’est-à-dire le premier parti de l’opposition

(15) Le R.P.R ou Rassemblement pour la République

En clair, ce n’est pas ou qui pose X = Y, son inaptitude à établir des équivalences dans les cas où l’expression qu’il introduit n’est pas admise comme appartenant au lexique montre qu’il ne fait qu’emprunter l’identité déjà existante entre X et Y. C’est-à-dire en revanche ne « prédique pas l’identité » (Mortureux 1982) entre les deux segments, il l’explicite d’où sa spécialisation dans des contextes d’équivalence référentielle ou d’équivalence posée par le locuteur.

Ces derniers exemples nous montrent également qu’équivalence ne renvoie pas toujours à paraphrase et moins encore à définition. Les marqueurs peuvent exploiter des mécanismes qui se fondent sur une explication par analogie (Vassiliadou 2016 : 349). Ils peuvent alors reprendre un segment qui a été dit pour le présenter comme l’équivalent d’un autre segment, que cela emprunte des chemins identificatoires, dénominatifs ou référentiels. Dans ce sens, le concept de reformulation peut quand même concilier diverses approches sur la base du postulat selon lequel elle est un phénomène général, repérable dès qu’un « locuteur / scripteur présente une expression comme explicitant […] la signification d’une autre ; que cette explication […] soit justifiée par référence au lexique ou par un lieu commun […] » (Charolles & Coltier 1986 : 57).

4. D’autres pistes pour conclure…

La section 3 a fait ressortir les difficultés rencontrées dès qu’on essaie de manipuler les exemples avec ou sans marqueur. Il n’est donc pas étonnant que, même si on évoque dans la littérature consacrée à la reformulation l’importance de prendre en compte les tests d’insertion et de suppression, dans les faits, ce travail n’est que rarement mené (autrement que de manière ponctuelle), nous l’avons nous-même souvent négligé… Explorer les deux dimensions, sémasiologique et onomasiologique, peut s’avérer à la fois fructueuse et complexe. Les marqueurs, en tant qu’unités linguistiques, sont un foyer autonome de sens qui donnent néanmoins un éclairage particulier aux relations de discours. Notre conviction rejoint celle de Hansen (1996 : 109) qui considère que seule une compréhension de plus en plus fine des connecteurs, pris individuellement, peut conduire à des propositions plus générales que celles dont nous disposons actuellement, malgré le travail considérable effectué dans le domaine. Et nous ajoutons que parallèlement à ce travail sur les connecteurs, les caractéristiques spécifiques de chaque relation discursive et les facteurs permettant de les distinguer doivent également être examinées16.

Nous défendons également l’idée que la nature des opérations marquées par les connecteurs dépend essentiellement de ce sur quoi ils portent. Le sens descriptif et instructionnel du marqueur doit ainsi être pris en compte afin de distinguer entre reformulation, modalisation du dire, introduction d’une conclusion, d’une correction, etc. Les études contrastives et la traduction offrent dans cette perspective une piste intéressante (cf. Aijmer et al. 2006) : nous avons montré par exemple dans nos études pour le grec (Vassiliadou 2004), pour les langues romanes en général (Vassiliadou 2013b) et pour l’italien en particulier (Vassiliadou 2020a) que les choix des traducteurs portent sur le « core meaning » des marqueurs, i.e. ils préfèrent les marqueurs les plus prototypiques. La comparaison des données dans plusieurs langues, nous a permis de constater que les lexicographes restent proches des emplois prototypiques des marqueurs, mais que les traductions (dans des corpus parallèles) sont beaucoup plus variées, ce qui confirme la polyvalence de leurs emplois.

Une autre piste intéressante serait d’examiner les éléments entre lesquels s’établit la reformulation à la manière du travail mené dans le cadre de la SDRT (Segmented Discourse Representation Theory) d’Asher & Lascarides (2003) : est-ce prototypiquement entre des événements ? Des participants ? Des conditions ? Des relations lexicales ? Par exemple, les relations anaphoriques s’établissent préférentiellement entre participants (cf. J’ai rencontré Marie. Elle était pressée), la relation d’élaboration s’établit entre événements, celle d’indice / preuve entre conditions, celle d’explication entre éventualités (passer l’aspirateur → faire le ménage : « l’éventualité causatrice explique celle qui est causée pour l’allocutaire […] il ne s’agit pas simplement d’une relation “objective” (sémantique) », Cornish 2009 : 168) et ainsi de suite.

Enfin, la syntaxe et la prosodie des marqueurs (Vassiliadou 2020b) sont d’une importance capitale. L’étude de Ferrari & Ricci (2011 : 36) montre bien que les phénomènes de désémantisation qui touchent les marqueurs du discours ou les « émergences interprétatives du sens lexical » de base sont liées à leur position syntaxique. La position initiale est souvent signe de structuration énonciative dans les conversations, les positions dites insérées sont associées à une valeur reformulative et les valeurs conclusives ou récapitulatives se partagent entre les zones initiale et finale. De fait, on peut être sûr que c’est-à-dire en position initiale ne reformule pas, et surtout ne paraphrase pas un X implicite, mais présente Y comme une justification d’un X implicite, ou encore comme un argument d’appui pour la réponse à suivre (Vassiliadou 2013a : 174) :

(16) Contexte : Bernadette Chirac et Philippe Seguin habillé en cuir et menotté :

B.C. : Nettoie mes chaussures avec ta langue !

P.S. : J’ai fini avec la gauche

B.C. : Et la droite ?

P.S. : C’est-à-dire… vous avez marché dans une crotte. (Les Guignols)

Cet exemple ne peut pas être analysé en termes de « reformulation de refus » (sinon on devrait avoir Vous avez marché dans une crotte, c’est-à-dire que je ne l’ai pas nettoyée, ce qui n’est ni naturel ni représentatif de l’instruction véhiculée par le marqueur) : c’est-à-dire donne l’indication Je n’ai pas nettoyé votre chaussure droite parce que vous avez marché dans une crotte. Il corrige une inférence fausse que l’on aurait pu déduire de X et engage l’interlocuteur à tirer une conclusion.

Même s’il arrive que certains de ces facteurs ne soient pas exclusifs d’une relation, ils constituent du moins des indices de sa pertinence.

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1 Université de Strasbourg, EA 1339 / LiLPa, Scolia.

2 Actuellement on penche pour une analyse en termes de sous-détermination qui est plus cohérente avec notre postulat de sens mixte (descriptif et instructionnel) pour les marqueurs discursifs.

3 Nous laissons de côté les distinctions entre reformulation et paraphrase ou encore glose et l’inévitable reformulation paraphrastique vs non paraphrastique sur lesquelles on a longuement écrit dans plusieurs de nos travaux (cf. notamment Vassiliadou 2004, 2013a, 2016, 2017, 2019, Vassiliadou & Steuckardt 2017). Notons simplement que derrière ces distinctions, nous trouvons l’idée que la reformulation est plus dynamique que la paraphrase, car elle peut condenser ou amplifier et même aller jusqu’à déformer (suivant Fuchs 1994) ou que la reformulation coïncide à la fois avec la paraphrase et la glose quand elle a une valeur explicative (cf. Manzotti 1999). Enfin, ces distinctions aboutissent à des confusions avec d’autres types de relations (hyperonymie / hyponymie, méronymie, résumé, correction) et n’apportent pas finalement les solutions attendues par leur création (voir aussi Pons-Borderia 2013).

4 Ici, on touche à un autre problème, qui mérite une étude approfondie, celui des frontières entre certaines relations discursives ou celui de l’existence d’analyses multiples en concurrence. Par exemple, la relation d’élaboration dans la grammaire systémique de Halliday (1994 : 220) est définie comme une expansion qui redit en d’autres termes le contenu du segment élaboré en le spécifiant ou en l’exemplifiant. On constate alors une superposition définitoire avec la relation de reformulation. Voir pour un début d’analyse de ce problème, Vassiliadou (2004 & 2006) et Kleiber & Vassiliadou (2007).

5 À l’exception, d’une part, des travaux de Fuchs sur la paraphrase qui distinguent les différents niveaux impliqués (linguistique, référentiel, pragmatique), et d’autre part, de l’école genevoise (cf. pour un aperçu synthétique, Roulet et al. 2001) qui propose un modèle d’organisation discursive autour des notions telles qu’acte principal et relations subordonnées, par exemple. On trouve également l’appellation de « relation interactive » chez Roulet et al. (1985).

6 Cette dernière caractéristique ne fait pas l’unanimité. Ainsi, pour Hobbs (1990), la relation est plutôt coordonnante, car elle implique deux noyaux équipollents. Nous pouvons l’envisager aussi comme symétrique quand il est question de paraphrase entre termes.

7 Même si, à bien réfléchir, le sens courant n’est pas non plus si accueillant que cela…

8 Cette solution est proposée pour la relation d’élaboration par Knott et al. (2001) pour globalement les mêmes raisons que celles qu’on évoque.

9 Même si le fait de la considérer comme lâche est assez contradictoire avec le fait que la reformulation appartient aux relations sémantiques. Cornish (2009) préfère de ce fait placer la reformulation dans les relations textuelles.

10 Nous admettons fort volontiers que ceci n’est pas un argument scientifique…

11 L’enjeu qui sous-tend l’option 1 est souligné, de manière analogue, par Rabatel (2017 : 68) : « J’ai certes souvent plaidé en faveur de continuums, mais pas au prix de confondre des phénomènes reposant sur des formes et des structures différentes. »

12 Nous reprenons une partie de nos arguments avancés dans Vassiliadou (2019).

13 C’est également la position prise dans Bres et al. (2019) qui à la question « Est-ce à dire que tout énoncé dialogique soit correspond à un énoncé reformulant soit inclut une reformulation ? » répondent par la négative : « La réponse est non. Nous distinguerons, autant que faire se peut, la reformulation d’autres actes de parole de reprise (nous utilisons ce terme comme hyperonyme) proches mais cependant différents, moins fréquents et plus marqués, comme la citation, l’écho, la répétition, la récitation, dans lesquels la relation entre énoncé(e) et énoncé(e) n’est pas identique à ce qu’elle est dans la reformulation » (fiche Reformulation).

14 Dans le cadre de la RST de Mann & Thompson (1988), on aurait une relation d’antithèse qui est foncièrement différente de celle de reformulation rien que par leur niveau de réalisation : présentationnel pour l’antithèse, sémantique (thématique) pour la reformulation.

15 C’est-à-dire ne fait habituellement pas partie de la liste des marqueurs « d’opération résumante ». Beeching (2002), par exemple, considère qu’il s’agit d’un emploi marginal et choisit de le traiter à part.

16 Rabatel (2017 : 68) en fait le même constat en reconnaissant que « c’est seulement à partir du moment où j’ai travaillé sur ces trois formes de retour réflexif (reprises, répétitions, reformulations) que j’ai mieux mesuré ce qui les distingue au plan sémio-linguistique ».