Chapitre II: Observations sur la deuxième Olympique de Pindare1
Cette étude se propose de revenir sur l’analyse d’un point obscur de la deuxième Olympique de Pindare : le sens de l’hypothétique du v. 56 et sa position. L’interprétation qui sera proposée comporte principalement deux implications : d’une part une étude de la séquence des thèmes dans cette ode, de l’autre un examen d’un passage problématique : ἐς δὲ τὸ πὰν ἑρμανέων / χατίζει (85-86), qui sera traduit après discussion.
Voici pour commencer le texte (la traduction suivra également après l’analyse) :
53 ὁ μὰν πλοῦτος ἀρεταῖς δεδαιδαλμένος
φέρει τῶν τε καὶ τῶν
καιρόν, βαθεῖαν ὑπέχων μέριμναν ἀγροτέραν,
(ἐπ.γ᾿) ἀστὴρ ἀρίζηλος, ἐτυμώτατον
56 ἀνδρὶ φέγγος· εἰ δέ νιν ἔχων τις οἶδεν τό μέλλον
ὅτι…
Le lecteur est confronté à un problème de syntaxe qui avait déjà préoccupé les Anciens, comme en témoignent les scholies, et que les commentateurs plus récents ont diversement résolu : à quelle affirmation centrale rattacher l’hypothétique introduite par εἰ ?
Quatre solutions s’offrent :
a. Inventer une proposition. C’est ce que fait le scholiaste de 102d : εἰ δέ τις τοῦτον ἔχων τὸν πλοῦτον ὁρᾶι πρὸς τὸ μέλλον, ὅτι…, οὐκ ἂν αὐτῶι εἰς ὰδικίαν ἐχρήσατο. On constate que la dernière partie de cette paraphrase n’a pas de support dans le texte de Pindare. Retenons cependant qu’à l’instar d’Aristarque (schol.102b) ce commentateur tient la phrase débutant par ὅτι pour l’explication des mots τὸ μέλλον.
b. Sous-entendre une principale (ce qui revient presque au même ; il y a pourtant une nuance : on considère alors non pas que le sens est évident, mais que l’obscurité de l’expression est exploitée par le poète). C’était l’opinion de Wilamowitz2 : « Man soll sich nicht abquälen, die unterdrückte Apodosis in Worte zu kleiden. Schlimm genug, dass ein Gebrauch lange verkannt werden konnte, der in attischer Poesie und unverkünstelter Prosa keineswegs selten ist » (cf. encore l’opinion de Schroeder, citée par Farnell3 ; il remarque pour sa part que nous aurions ici un cas de « mauvaise syntaxe » or « … bad syntax is frequent enough in Shakespeare and in Byron, but not in Pindar »).
c. Supprimer l’hypothétique. Cela signifie transformer εἰ en autre chose, le « corriger ». Ce que les érudits de l’Antiquité et du Moyen Âge n’osèrent point, d’autres s’en sont chargés. On trouve de bons résumés de la question chez Farnell (loc.cit.) et chez Gildersleeve4. Les apparats critiques retiennent une part de ce travail. Nous pouvons considérer pour l’instant qu’il ne vaut la peine d’entrer en matière que si εἰ ne peut aucunement être défendu.
d. Sous-entendre un verbe dans l’hypothèse. C’est la solution de Bergk : εἰ δέ νιν ἔχων τις, οἶδεν τὸ μέλλον (après avoir choisi d’abord : οἶδέ μιν ἔχων τις, οἶδεν τὸ μέλλον5). On aurait alors une brachylogie : le verbe οἶδεν ne serait exprimé qu’une fois là où il faut l’entendre deux fois. Le sens serait alors : « Si quelqu’un (de célèbre à la fois pour sa richesse et sa valeur) connaît l’avenir, c’est bien lui (Théron) ». À juste titre, Gildersleeve s’attendrait dans ce cas à ce que le nom de Théron soit prononcé ; à la rigueur, on se contenterait d’un ὅδε désignant le laudandus, mais il n’y a là rien de tel.
Ces tentatives présentent un point commun : elles articulent la proposition hypothétique « εἰ… μέλλον » avec la suite du texte (a, b et c) ou l’isolent (d) et ne considèrent donc pas la possibilité d’une articulation avec ce qui précède. Or, le scholiaste de 102a évoquait déjà cette possibilité : ὁ γὰρ λόγος τοιοῦτος· ὁ μετὰ τῆς ἀρετῆς πλοῦτος ἀστήρ ἐστιν ἀρίζηλος καὶ ἀληθινώτατον ἀνδρὶ φέγγος, εἰ δή τις αὐτῶι χρήσεται εἰς δέον κλπ (on voit qu’il suggère δή pour δέ et qu’il se sent finalement contraint d’expliciter une proposition principale, que d’autre part son interprétation ne rend pas très bien compte du sens de οἶδεν). Si l’on veut tirer quelque profit de cette nouvelle possibilité, il faut peut-être se montrer moins rapide et ne pas escamoter le problème posé par les mots : βαθεῖαν ὑπέχων μέριμναν ἀγροτέραν (54).
Il se trouve que cette participiale est placée sur le même plan que les autres attributs de ὁ… πλοῦτος ἀρεταῖς δεδαιδαλμένος. Elle prend place, de la sorte, dans une série qui comporte : … ὑπέχων… ἀστήρ… φέγγος. L’articulation de cette série, à son tour, ne s’explique que par référence à ce qui est dit de cette sorte de richesse : φέρει τῶν τε καὶ τῶν / καιρόν (53-54). Il semble qu’il faille accorder une attention toute particulière à cette tournure lorsqu’on lit notre passage. Les scholiastes ont voulu voir dans les mots τῶν τε καὶ τῶν καιρόν une référence aux deux conditions requises, à savoir πλοῦτος et ἀρετή (schol. 96b, 96c, 96f, 96g, 98a). Le sens serait alors que vertu et richesse allant de pair, on obtient (φέρει = « apporte ») les avantages de l’une et de l’autre. Pour le scholiaste de 96e, τῶν τε καὶ τῶν ne se réfère pas aux deux conditions requises, mais annonce l’inconstance des événements, puisque, dit-il, le poète considère au départ le cas où richesse et vertu forment une unité. Le sens serait, selon lui, que l’union de la richesse et de la vertu permet de supporter (φέρει) les biens et les maux : οἱ μετὰ ἀρετῆς πλουτοῦντες εὐγενῶς τὰ δύο φέρουσι τά τε ἀγαθὰ καὶ τὰ κακά · οὔτε γὰρ τὸν πλοῦτον ἀποδέχεται οὔτε τὴν ἀρετήν, ἀλλὰ τὰ δύο ἡνωμένα (« les riches vertueux supportent noblement ces deux choses que sont le bien et le mal. En effet, il n’entend ni la richesse ni la vertu, mais l’union des deux », l’opposition par rapport à l’interprétation la plus répandue et l’argumentation rappellent ici la manière d’Aristarque). Cette seconde interprétation paraît mieux en accord avec l’usage que Pindare fait ailleurs de cette même tournure6 : on constate en effet que le poète la met en œuvre pour exprimer une idée générale d’ambiguïté, de duplicité, ce qui est fort bien exprimé ici par le commentateur ancien.
Dans le passage qui nous occupe, c’est donc cette valeur de τά τε καὶ τά uel sim. qui imprime une articulation à la série ὑπέχων… ἀστήρ… φέγγος. En d’autres termes, cette série contient l’expression des aspects divers et opposés de πλοῦτος ἀρεταῖς δεδαιδαλμένος et il nous reste à en distribuer les éléments. Notons au passage que cette interprétation convient mieux que d’autres au principe de la correspondance entre la structure métrique et le sens, puisqu’on lit dans le vers correspondant de la seconde antistrophe : ῥοαὶ δ ᾿ ἄλλοτ᾿ ἄλλαι κλπ. Pour revenir à notre série, il est évident que ἀστήρ et φέγγος se situent du même côté, et l’on peut faire l’économie d’une démonstration établissant qu’aux yeux de Pindare ces termes sont affectés d’une valeur positive. Qu’en est-il alors de βαθεῖαν ὐπέχων μέριμναν ἀγροτέραν, mots qui nous apparaissent désormais comme l’opposé du groupe formé par ἀστήρ et φέγγος ? Si l’on considère d’abord le point de vue grammatical, on constate la présence de deux adjectifs. Selon toute vraisemblance, l’un doit être entendu comme épithète et l’autre comme attribut prédicatif. Il se trouve que βαθύς est employé ailleurs par Pindare pour qualifier des comportements de l’intelligence (comme ici pour μέριμνα)7. Par ailleurs μέριμνα s’accompagne chez Pindare d’épithètes qui peuvent être tenues pour proche des sens proposés pour ἀγροτέραν (cf. infra) : e.g. καρτερᾶν (I. 8,14), ἀγλαᾶισι (N. 3,69), σώφρονος (Parth. 2, fr.94b, 62 S.-M.). On est donc doublement porté à lier ensemble μέριμναν et βαθεῖαν et, par conséquent, à tenir ἀγροτέραν pour l’attribut prédicatif. On peut alors se transporter sur le plan du signifié et commencer par interroger ὑπέχων, pris entre un complément d’objet direct et son attribut. Malheureusement, ce mot n’apparaît pas ailleurs chez Pindare. Les scholiastes proposent comme équivalents διδούς (96g) ou προπαρασχών (96d)8, ce qui ne rend pas compte du préfixe mais s’accorde assez bien avec des emplois parallèles de ὐπέχω, comme par exemple chez Euripide μαστὸν οὐκ ὐπέσχεν (Ion, 1372). En outre, on peut encore songer à la valeur de « soumettre », comme dans l’expression de Xénophon εἰ οὖν τις τούτοις ὑφέξει ἑαυτόν (Cyr. 7,5, 44)9. L’attribut prendrait alors une valeur de résultat.
Si l’on se tourne à présent vers cet attribut, on remarque que Pindare utilise le mot ἀγρότερος dans un sens constant de « vivant à l’état sauvage » : ce sont les lions par opposition aux animaux domestiques (N. 3,46 λεόντεσσιν ἀγροτέροις), c’est le centaure Chiron (P. 3,4 φήρ᾿ ἀγρότερον), c’est encore la nymphe Cyréné, qu’Apollon arrache à son « état de nature » (παρθένον ἀγροτέραν) pour en faire la maîtresse de lieux cultivés (P. 9,5-8). Le suffixe -*tero lui-même implique par lui-même l’idée d’une opposition binaire. S’il est vrai que l’activité de la chasse accompagne très habituellement l’état « sauvage », il ne semble pas que le poète ait songé à la chasse dans le passage de la deuxième Olympique qui nous occupe ; c’est bien plutôt l’embarras des commentateurs qui les aura poussés à proposer une paraphrase comme θηρευτικὴν εἰς τὸ πορίζειν (schol. 96e, d, f, 10a, b) ou à s’y rallier. D’autres ont voulu changer ce mot gênant : Wilamowitz, par exemple, a proposé ἁβροτέραν, mais sans grand succès. Or, il est évident que l’on peut conserver non seulement le texte des manuscrits, mais également le sens courant du mot chez Pindare si l’on songe à l’articulation de notre série. En effet, si l’on attend bien dans ἀγροτέραν une opposition avec ce qu’évoquent ἀστήρ et φέγγος, le sens de « vivant à l’état sauvage » (uel sim.) nous permet bel et bien de concevoir l’ambiguïté de la « richesse ornée de vertus » : c’est le revers de la médaille qui nous est présenté d’abord, en quelque sorte ; la richesse ornée de vertus, dont on peut attendre le meilleur et le pire (τῶν τε καὶ τῶν), peut soumettre des « aspirations nobles »10 et les maintenir dans un état sauvage (ou ne donner d’aspirations nobles que dans la limite de l’« état de nature ») mais peut aussi, inversément, être l’astre qui vous éclaire. On pourrait donc traduire : « … maintenant l’aspiration profonde dans son état de nature, etc. » ou : « offrant l’aspiration profonde à l’état sauvage, etc. » (uel sim.).
La subordonnée εἰ… μέλλον, dont nous sommes partis, prend alors tout son sens : elle exprime la condition qui permet de séparer ces deux effets également possibles de « la richesse ornée de vertus ». Celui qui, la possédant, connaît également l’avenir, celui-là évite les dangers que comporte cette possession ambiguë : il n’en retirera que les avantages. Inversément, celui qui n’a pas ce savoir est tenu dans un état d’aspirations « sauvages », ainsi défini par opposition au savoir supérieur qu’il pourrait atteindre. Savoir ou ne pas savoir revient à se situer sur l’un ou l’autre des versants que crée « la richesse ornée de vertus ». Sur le plan grammatical, cela suppose donc un rattachement pur et simple de l’hypothétique à ce qui précède et rend donc superflues les diverses manipulations auxquelles on avait cru bon de procéder, ainsi que les sous-entendus que l’on percevait. Sur le plan du sens, le « mythe » qui va suivre se trouve investi d’un rôle absolument fondamental – ce qui bien évidemment ne manque pas de rejaillir sur le poète qui le chante : en effet, la richesse de Théron, à qui cette ode s’adresse, ne prend de véritable valeur que par le sens que Pindare lui confère. On peut dire que sans la révélation apportée par le poète (à savoir τὸ μέλλον explicité par le « mythe » qu’introduit le mot ὅτι, comme pour Aristarque) l’ἐσλός qu’est Théron (63), malgré sa richesse, ses vertus et sa victoire olympique, aurait couru le risque d’ignorer ce qui fera de lui selon toute probabilité un « Bienheureux »11 ; sa βαθεῖα μέριμνα serait alors demeurée ἀγροτέρα, il n’aurait connu que le revers « inculte » de sa propre situation.
En isolant ainsi le cas particulier du riche qui sait sur le fond précédemment évoqué de ceux qui ne savent pas, Pindare met en œuvre un schéma syntaxique bien connu du grec, du type τὰ μὲν ἄλλα… καὶ (uel sim.). On pourrait s’en tenir là. Il semble toutefois que la syntagmatique de l’ensemble de l’ode mérite d’être examinée à la lumière de l’articulation décelée dans la série d’attributs ὑπέχων… ἀστήρ… φέγγος, et l’on verra que cette articulation se retrouve ailleurs.
Comme on l’a dit souvent, la première strophe introduit Théron en l’incluant dans une structure claire : la séquence dieux / héros / hommes du vers 2 se développe dans ce qui suit immédiatement avec les évocations de Zeus (3a) / Héraclès (3b) / Théron (5). Dans cette perspective, Théron est présenté comme l’aboutissement d’une lignée ancestrale. La geste de cette lignée est indiquée sobrement en deux temps : καμόντες… ~ ἔσχον… ἔσαν… ἔφεπε…, donc une brève évocation des peines subies débouchant avec une insistance victorieuse sur le thème du bonheur acquis. Après une prière à Zeus (12-15), la même démarche se reproduit : les malheurs évoqués à demi-mot (15b-17) sont suivis de l’affirmation qu’un dieu peut envoyer la joie et l’oubli réparateurs (18-22).
Puis, le poète l’affirme lui-même (22), ce schème s’applique à l’exemple des filles de Cadmos12. Pindare dit brièvement qu’elles ont souffert (23) pour insister ensuite sur leur félicité dans l’au-delà.
Le sort commun des mortels, fait d’incertitudes (30b-34), est alors mis en regard (οὕτω) de celui des Emménides (35-37) : sort heureux mais qui peut comporter dans une certaine mesure des souffrances, lesquelles se changent d’ailleurs en joie. Cette section du poème obéit donc bien à la même démarche, mais elle comporte ce qu’en grammaire on nommerait une proposition subordonnée :
Sort malheureux ~ sort heureux
Malheur ~ bonheur
L’évocation des Labdacides suit évidemment la même alternance ; ἐξ οὗπερ (38) introduit les malheurs de cette lignée, cependant qu’à partir de Thersandre, l’ancêtre des Emménides (43), le destin se renverse : c’est la succession d’événements glorieux qui culmine dans les victoires aux grands jeux de la Grèce (43-52).
La « démarche-unité » répond donc au λόγος constitué par la première évocation des Emménides (καμόντες ~ ἔσχον etc.) et se reproduit avec des variantes (nombre de vers, présence d’une « subordonnée »). Rien d’étonnant, dès lors, à ce que le passage que nous avons discuté, et auquel le déroulement du texte nous amène maintenant, présente exactement la même alternance : l’aspect négatif, ou malheureux, de la « richesse ornée de vertus » est présenté d’abord, les résultats de son bon usage ensuite (εἰ… μέλλον κλπ).
La démarche se poursuit de manière analogue jusqu’à la fin du poème selon le jeu d’alternances suivant :
Criminels punis par un jugement (57-60) | ~ ἐσλοί jouissant d’une vie heureuse (61-67a) |
Peine des coupables (67b) | ~ μάκαρες dans l’éternité bienheureuse (68-83) |
Le poète en butte à ses ennemis | ~ Le poète à nouveau heureux (90) célébrant Théron (89-95, avec retour de la métaphore du jeu de l’arc) |
Théron en butte à la malveillance (95-98) | ~ Théron bienfaiteur (98-100), avec retour du mot χάρματα qui rappelle la formule des vers 19-20) |
Il ressort de là que les deux versants de la richesse, ainsi que l’ordre dans lequel Pindare nous les présente, s’inscrivent dans une syntagmatique cohérente, fondée sur une démarche qui se reproduit d’un bout à l’autre de l’ode avec des variations qui touchent principalement l’amplitude (amplitude plus forte dans les relations d’épisodes mythiques [22-45] débouchant sur le présent [46-52] et dans le mythe [57-83]). Nous sommes ainsi confortés dans notre lecture des vers 53-56. Le sens de l’expression τῶν τε καὶ τῶν καιρόν, l’articulation qu’elle imprime à la série ὑπέχων… ἀστήρ… φέγγος fait concorder cette série avec une démarche qui scande l’œuvre en profondeur. Cette démarche porte d’ailleurs le sens que le poète veut donner à l’aboutissement d’un passé de douleur dans l’extrême du bonheur humain : pour atteindre le bonheur permanent des Bienheureux, il ne manque à Théron qu’un savoir, et c’est justement ce savoir que Pindare va lui apporter (εἰ… μέλλον, ὅτι κλπ).
Nous traduirons :
La richesse qu’ornent les vertus
Produit une chance ambiguë :
(tantôt) elle tient en friche les profondes aspirations dans un état sauvage,
(tantôt) elle est l’astre étincelant, la lumière pour l’homme la plus authentique, si lorsqu’on la possède on connaît l’avenir : à savoir que…
Deux remarques se présentent encore :
Sur la structure de l’ode tout d’abord. Il serait sans doute trop rapide de considérer que la mise à jour d’une succession de cellules présentant à chaque fois une structure analogue constitue l’analyse de la structure de l’ode. Pour reprendre l’expression du poète, nous dirons qu’il s’agit plutôt là de son λόγος (22). Sur la structure, c’est à nouveau le poète qui nous livre les meilleurs indices. Deux faits sautent aux yeux (ou plutôt marquent la mémoire de l’auditeur) :
a. La cascade d’interrogatifs du vers 2 qui trouve son écho dans l’interrogation de 89sq.(τίνα… κελαδήσομεν ~ τίνα βάλλομεν κλπ) et à un moindre degré dans l’interrogation par laquelle le poème se conclut.
b. L’opposition qui apparaît à la fin de la première épode entre πῆμα et ἐσλὰ χάρματα retentit à nouveau à la fin de la cinquième épode : l’hostilité des μάργοι ἄνδρες est également opposée aux χάρματα (99).
On peut aller plus loin sur cette voie et remarquer que d’autres thèmes énoncés dans la première triade se retrouvent dans la dernière : l’éloge de Théron joint à l’évocation d’Agrigente (5-12 ; 90b-95). On observe une alternance : la séquence // passé de la famille de Théron / Agrigente // (5-12) se reflète dans une séquence inverse // passé d’Agrigente / Théron // (90b-95). Les difficultés surmontées par Théron (15 sqq.) se reflètent dans celles que surmonte le poète (83-94) cependant que les derniers mots de l’ode reprennent ce thème en nous montrant le poète et le prince faisant cause commune : c’est en effet du « bavardage » que triomphe Théron, bavardage qui veut tout obscurcir (97), et il en triomphe par la grâce du poème, et en particulier par la formule qui le conclut, – la festivité que constitue l’exécution de l’ode étant certainement l’un des χάρματα que Théron « offre aux autres » (99).
Ce réseau de relations n’est pas unique dans l’ode. On aura remarqué que Cadmos est évoqué deux fois nommément (22 ; 78) : une première fois dans le segment consacré à lui-même et à sa descendance, une seconde fois dans le segment consacré aux Bienheureux, parmi lesquels il figure aux côtés de Pélée et d’Achille. Ces deux segments de l’ode présentent toutes deux leur récit selon un schème en deux parties :
Théron et sa descendance : les filles de Cadmos (22-30) / d’Œdipe à Théron (38-47)
Les Bienheureux : ἀπάλαμνοι… ἐσλοί (57-67) / τοὶ δ᾿… ὅσοι δ᾿… (67-83).
On remarque une asymétrie : les considérations sur l’inconstance du sort des mortels (30b sqq.) opposées au bonheur donné par les dieux aux Emménides (36) interrompent le récit dans le premier segment considéré. Il semble qu’il n’y ait rien de tel dans le segment du « mythe », à moins que l’on ne considère τοὶ δ ᾿ ἀπροσόρατον ὀκχέοντι πόνον (67) comme une reprise implicite de ce thème. Il n’en reste pas moins que les trajectoires suivies par le récit dans ces deux segments présentent une complémentarité nette : cependant que l’un mène des filles de Cadmos à Théron, l’autre mène d’un τις (56) qui est évidemment Théron à l’évocation des Bienheureux. Autrement dit, dans le premier cas, nous passons des morts mythiques au prince célébré, dans le second, nous parcourons le chemin inverse. Il est évident que les parcours ne sont pas identiques, même si leurs extrémités permutées le sont. Toutefois, une préoccupation se retrouve dans les deux cas : celle d’une norme inductible à la fois de la situation du prince et des éléments mythiques exposés, les seconds servant de garants à la première. Dans le premier segment, c’est le λόγος applicable aux filles de Cadmos et dont la formule (19-22) résultait d’une évocation voilée des malheurs de Théron (14-18), une norme qui fonde et explique le bonheur présent de Théron. Dans le second segment, la maxime sur l’ambiguïté de la richesse – et le sens que cette dernière peut prendre si le poète y ajoute le savoir –, fonde le sens même du bonheur de Théron et garantit au travers de la révélation « mythique » son bonheur futur.
Quatre segments de l’ode entretiennent ainsi des relations assez complexes fondées sur un ensemble de reflets inversés, amplifiés, enrichis. Le poète semble avoir voulu, cependant, que cette structure soit assez clairement perceptible : le retour de certains mots l’atteste suffisamment. Au centre et comme à la clef de voûte du système se trouve l’évocation des victoires ; les noms d’Olympie, de Pythô, de l’Isthme retentissent fastueusement au côté de celui des Charites chères au poète béotien (48 sqq.). Cette salve glorieuse, on le voit, n’est pas tirée au hasard ; Pindare a ménagé ses effets : l’éloge final de Théron pourrait en effet sembler bien pâle à côté de ces vers où la sonorité de mots éclatants traduit une forme d’exultation ; c’est pourtant bien au sommet de l’édifice tel qu’il nous apparaît maintenant que ces vers trouvaient leur meilleure place. L’éloge final, quant à lui, s’explique par le jeu d’opposition dans lequel il prend place. L’ode fait ainsi apparaître une structure de type ABCA’B’.
Ou encore, si l’on ne tient compte que des relations entre segments :
Les rubriques de ce schème sont exagérément simplifiées : elles ne veulent que renvoyer à l’analyse qui précède.
Remarquons au passage que ce type d’élaboration du texte est présent dès la première ode de Pindare que nous possédions13.
Une seconde remarque porte sur un point d’interprétation. Il s’agit en effet des mots difficiles du vers 85 : ἐς δὲ τὸ πὰν κλπ. Les scholiastes professent à ce sujet trois opinions différentes. Pour schol. 153a, τὸ πάν représente la foule : τὸ κοινόν ou encore τοὺς πολλοὺς καὶ χυδαιοτέρους. C’est l’opinion la plus largement reçue14. Pour schol. 153b, τὸ πάν ne désignerait rien d’autre que les poèmes de Pindare lui-même : περὶ τῶν ποιημάτων ἑαυτοῦ διαλέγεται […] τὰ ποιήματα οὖν μου, φησίν, ἑρμηνέων χρήιζει (« il parle de ses poèmes […] en effet mes poèmes, dit-il, ont besoin d’interprètes »). Enfin, pour schol.153c, τὸ πάν serait à comprendre comme τὸ πλῆθος dans le sens de la « quantité » produite par l’addition de tout ce qui demande à être exprimé ; on cite alors un vers homérique où l’on veut lire le même sens (Il. 2,488).
Ces opinions divergentes traduisent donc un certain embarras des lecteurs, et le fait qu’il a fallu chercher un vers homérique en guise de parallèle montre bien que les œuvres perdues de Pindare ne donnaient pas d’éclaircissement définitif pour le lecteur ancien.
L’interprétation selon laquelle τὸ πάν désigne la foule ne trouve aucun support dans l’usage que Pindare fait ordinairement de ce mot. Il semble que cette interprétation ait été dictée surtout par le désir d’opposer aux συνετοί (« connaisseurs » uel sim.) un autre groupe de personnes. Le besoin d’une telle opposition, en effet, semble suggéré par la suite du texte et la séquence d’oppositions qu’il présente : σοφός… φυᾶι ~ μαθόντες / κόρακες ~ Διὸς ὄρνιχα ; encore faut-il noter ici un chiasme, donc un système fermé qui n’inclut justement pas (ou pas nécessairement) ce qui précède. Afin de justifier cette conception, il faudrait pouvoir affirmer que les συνετοί s’opposent au (x) πάν comme le poète aux ἑρμηνεῖς, ou à tout le moins que si le poète et les συνετοί se trouvent dans le même camp, les ἑρμηνεῖς et le(s) πάν se retrouvent dans l’autre ; en d’autres termes, qu’il faut distinguer le poète et les ἑρμηνεῖς, ces derniers étant chargés d’une fonction subalterne. Or, que l’on considère le mot chez Eschyle (Ag. 616, 1062) ou chez Hérodote (e.g. 1.86), rien n’indique une valeur dépréciative du terme. Plus encore, si le mot ne se retrouve pas ailleurs dans ce que nous avons de Pindare, on peut cependant trouver dans ses emplois aux passages cités le sens d’une fonction d’intermédiaire : intermédiaire qui vient au secours de qui ne sait pas (une langue étrangère) ou qui croit comprendre un discours à double entente et se trouve dans l’erreur. Ce rôle d’intermédiaire secourable est bien dans la ligne de la fonction que Pindare se reconnaît à lui-même : μαντεύεο, Μοῖσα, προφατεύσω δ᾿ ἐγώ (« prononce, Muse, et je serai ton annonciateur » fr.150 S.-M.) ; il se déclare ailleurs ἀοίδιμος Πιερίδων προφάτας (« prophète mélodieux des Piérides » fr.52 S.-M). On peut relire, à ce sujet, les belles pages de Jacqueline Duchemin ou de C. M. Bowra15. On est ainsi amené à penser que ἑρμανεύς est un nom supplémentaire de la fonction que le poète s’attribue, et non pas la désignation d’un métier subalterne, opposé à celui de poète parce qu’il viserait « la foule » alors que le poète ne parlerait qu’aux συνετοί.
Mais alors, si l’on situe sur un même plan le « moi » du poète et les « interprètes », qu’en est-il de τὸ πάν qui n’entre plus dans un jeu d’oppositions ? C’est peut-être bien au seul exemple parallèle de τὸ πάν chez Pindare qu’il faut recourir, donc au fragment cité par Clément d’Alexandrie : τί θεός ; τὸ πάν (fr.140d S.-M.) « Qu’est-ce que dieu ? Le tout ». En effet, si nous revenons un peu en arrière, il est une question que le poète semble laisser en suspens ; ses « traits », dit-il, « résonnent pour qui comprend » (85 φωνάεντα συνετοῖσιν). Mais si Théron avait besoin du poète pour ajouter à ses richesses et à ses vertus le savoir qui seul leur donne un sens et débouche sur l’immortalité, qu’en est-il de ceux qui sont déclarés συνετοί ? Pour ces « initiés » ou « connaisseurs », le problème n’est-il pas le même ? Ou, plus simplement encore, les « connaisseurs » ne sont-ils pas ici principalement Théron et son entourage, même si le poète vise plus loin ? On pourrait encore poser une autre question : que sont ces « nombreux traits » que le poète dit explicitement n’avoir pas décochés (ἔνδον… φαρέτρας, « dans mon carquois » 84) ; simple allusion intéressée à de futures commandes ? Et si les συνετοί sont véritablement des « initiés » comme on a voulu le comprendre, qu’ont-ils besoin de ces « traits » de réserve et du poète qui déclare les conserver en son carquois ?
À ces interrogations, les mots ἐς δὲ τὸ πὰν ἑρμανέων χατίζει constituent la réponse, à condition que l’on interprète bien δέ dans son sens explicatif et non adversatif16, et que τὸ πάν soit saisi dans le sens religieux d’une totalité de l’être, comme on l’entrevoit dans les mots que cite Clément d’Alexandrie. Aux questions implicites, le poète répond par l’affirmation d’un recours nécessaire aux intermédiaires dès lors que l’on vise l’intuition la plus haute. Même les « connaisseurs » ne peuvent ici se passer d’« interprètes ». Nous traduisons par conséquent :
J’ai sous mon coude, en mon carquois,
Bien des traits qui résonnent aux oreilles de qui comprend :
Car pour le tout de l’être, il faut des interprètes.
On comprend d’autant mieux pourquoi le poète entre alors dans des considérations polémiques : il s’agit en effet de déterminer qui seront ces interprètes. Pindare saisit l’occasion d’affirmer une fois de plus la supériorité de la φυά, « don de nature », sur la διδαχή, « savoir acquis ». Il se propose du même coup, aigle opposé à des corbeaux, comme l’intermédiaire par excellence, celui que les συνετοί – son auditoire –, ont raison d’écouter s’ils aspirent à la connaissance suprême, celle du « tout »17. Si le poète auquel ces « connaisseurs » doivent la révélation contenue dans l’ode propose à nouveau ses services, c’est que sa mission divine n’est pas achevée : il lui reste de « nombreux traits » dans son carquois. En effet, Théron ne saurait se passer de Pindare, mais pour Pindare, la victoire de Théron n’est que l’occasion passagère de jouer le rôle que lui confient les Muses : ἔπεχε νῦν σκοπῶι τόξον, ἄγε θυμέ, τίνα βάλλομεν… (89), « Allons mon cœur, bandons l’arc et visons le but : qui frapperons-nous… ? ».
Appendice : sur le sens de τῶν τε καὶ τῶν uel sim.
On se reportera au lexique de W. J. Slater18. Nous prenons ici quelques passages en guise d’illustration.
On songe tout d’abord à la cinquième Isthmique, 46-53. Le poète se propose d’exalter Égine pour le comportement de ses soldats à la bataille de Salamine ; soudain (51) il se réfrène : le silence est de mise car le danger perse est encore présent. Ζεὺς τὰ καὶ τὰ νέμει / Ζεὺς ὁ πάντων κύριος (« Zeus distribue ceci et cela, Zeus, maître de toutes choses » 52 sq.). C’est bien l’imprévisible ambiguïté de la situation qui est visée dans l’expression : tout peut encore arriver par la volonté de Zeus (τὰ καὶ τὰ νέμει est mis sur le même plan que ὁ πάντων κύριος).
Un autre cas intéressant est celui du péan 6, 132 sqq. (fr.52f S.-M.). Le pouvoir de Zeus, qui dans le cas particulier a donné le bonheur à l’île d’Égine, se trouve exprimé dans ces termes : ὁ πάντα τοι τά τε καὶ τὰ τεύχων / σὸν ἐγγυάλιξεν ὄλβον / εὐρύο[πα] Κρόνου / παῖς κλπ. (« lui qui agence tout à la fois ceci et cela t’a accordé la prospérité, lui l’enfant de Cronos au vaste regard ». Il semble bien ici que τά τε καὶ τά introduise justement la notion d’inconstance. Πάντα seul eût signifié la toute-puissance de Zeus, mais pour que le bonheur d’Égine apparaisse mis en relief par un contraire possible, le poète insiste : Zeus peut accorder telle chose ou son contraire. Le parallélisme avec le cas prédécent de la cinquième Isthmique est frappant.
L’inconstance du sort est exprimée de la même façon dans la septième ode pythique (15-18) : … φαντί γε μὰν / οὕτω κεν ἀνδρὶ παρμονίμαν / θάλλοισαν εὐδαιμονίαν / τὰ καὶ τὰ φέρεσθαι (« On dit qu’une félicité constante et florissante apporte à l’homme l’un et l’autre ».). Dans cette triade adressée à l’Athénien Mégaclès, Pindare est placé dans une situation délicate : célébrer un homme dont la famille est l’une des plus puissantes d’Athènes au moment où il se trouve exilé de sa cité (on est en -486 et l’on soupçonne les Alcméonides de s’être montrés favorables aux Perses, cf. Hdt. 6,115 et 121 sqq.). La victoire pythique de Mégaclès s’inscrit donc sur le fond d’une destinée marquée par des revers. Pindare ressent lui-même des sentiments contraires : χαίρω τι· τὸ δ᾿ ἄχνυμαι (« je me réjouis, et cependant je déplore… » 14).
La première Néméenne nous présente un cas plus délicat. En effet, nous avons affaire à une structure en deux parties (26-27) : πράσσει γὰρ ἔργωι μὲν σθένος / βουλαῖσι δὲ φρήν κλπ (« dans l’action, c’est la force qui compte, dans le conseil, c’est l’intelligence »), si bien que lorsque nous lisons (29-30) : Ἁγησιδάμου παῖ, σέο δ᾿ ἀμφὶ τρόπωι / τῶν τε καὶ τῶν χρήσιες (« fils d’Agésidame, tu fais usage de ceci et de cela »), nous sommes tentés d’y voir une référence directe aux deux éléments énoncés, à savoir « force » et « intelligence » (c’est bien ainsi, du reste, que l’entendent les scholies 42 et 43). Même s’il en est ainsi, l’analyse donnerait encore raison, dans le cas du vers 53 de la deuxièmes Olympiques, au scholiaste de 96e : en effet dans ce dernier passage de Pindare, il n’est pas question de deux éléments qui seraient comme ici exprimés par une séquence de type μέν… δέ, mais bien d’une unité formée de δύο ἡνωμένα, et le passage de la première Néméenne, dans cette perspective, ferait bien apparaître la différence. On peut cependant se demander si ces vers de la première Néméenne doivent bien s’entendre comme le veulent les scholiastes. Pindare vient d’évoquer la diversité des τέχναι (25) ; c’est alors qu’il évoque son métier de poète (27-28), métier qu’il oppose à celui de guerrier qu’exerce Chromios (26) tout en les rattachant l’un et l’autre à la catégorie valorisante de la φυά (25). Vient alors le passage où Pindare dit à Chromios qu’il lui faut τῶν τε καὶ τῶν. Ces mots peuvent être lus comme une introduction de ce qui suit (tout autant que comme une référence à ce qui précède) ; le poète y prend une position éthique qui doit servir d’exemple à Chromios : inutile de cacher des trésors en sa maison ; ce qui compte, c’est d’avoir un sort heureux et une bonne réputation tout en suffisant à ceux qu’on aime, car c’est en commun que cheminent les espoirs des hommes aux nombreuses peines (31-33). Ainsi, les vœux de Pindare et ceux de Chromios sont impliqués dans une même aventure, et si Chromios peut aider Pindare dans l’acquisition d’un sort heureux, il est évident que c’est Pindare qui aide Chromios dans la conquête d’une « bonne réputation ». Donc, deux éléments contrastés se rattachent à un dénominateur commun, comme dans les vers 25-28. Or, le métier de poète se profilait sur le fond d’une variété d’arts (τέχναι δ᾿ ἑτέρων ἕτεραι 25) avant que d’être opposé au métier de guerrier : il est donc probable que le métier de Chromios soit présenté lui aussi sur le fond d’une diversité possible des conduites, exprimée par τῶν τε καὶ τῶν : on peut même dire que c’est ainsi seulement que s’explique l’articulation avec le passage gnomique qui suit, et qui vient dessiner sur le fond des multiples voies ouvertes un cheminement proposé en exemple.
Dernier cas retenu ici : le vers 33 de la quatrième Isthmique19. La fortune est imprévisible : ἔστιν δ᾿ ἀφάνεια τύχας καὶ μαρναμένων / πρὶν τέλος ἄκρον ἱκέσθαι / τῶν τε γὰρ καὶ τῶν διδοῖ (« Même pour ceux qui luttent, le choix de la fortune peut être l’obscurité avant d’atteindre le sommet, car elle dispense l’un et l’autre »). Ces génitifs sont des partitifs, comme l’a bien vu le scholiaste de 52a, et comme l’a compris Triclinios lorsqu’il a supprimé τέλος après διδοῖ pour rétablir un mètre correct. L’interprétation par l’ambiguïté ne saurait être évitée : elle convient aussi bien au sens du texte qu’au destin changeant de la famille du vainqueur thébain (cf. schol. ad loc.).
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1 Publié dans Živa Antika 31, 1981, 121-133.
2 Wilamowitz (1922), 247, n. 1.
3 Farnell (1932), vol. 2, 16.
4 Gildersleeve (1885), 149.
5 Bergk (1878), 62.
6 Cf. l’appendice, infra, 48-50.
7 Ἑλικωνιάδων / βαθεῖαν … ὁδόν (Paean 7b, 19-20, fr.52h Snell-Maehler). φρενός… βαθείας (Ν. 4,8).
8 Cf. encore, e.g., Eur. Ion 1372 et schol. ad. loc. (προπαρασχών). Sur les diverses interprétations de ce passage, Bollack (1963, 239 sq., n. 3) résume un certain nombre de propositions.
9 Voir aussi LSJ s.v. ὑπέχω 2.
10 Cf. la note de Farnell (ad O. 1,108).
11 Sur le plan du texte, on devrait proposer de remplacer par une virgule le point qui suit φέγγος au vers 56 dans nos éditions (mais cela importe peu : Pindare n’utilisait pas notre ponctuation). Pour ce qui touche la probabilité que Théron devienne l’un des Bienheureux, Pindare a peut-être caché une allusion dans le choix des héros nommés aux vers 78 sq. : on pourrait penser que si Cadmos est montré là sans sa descendance alors que Pélée se trouve en compagnie de son fils, cette asymétrie laisse percevoir qu’une place est vacante pour un descendant de Cadmos, donc pour Théron.
12 Farnell ad loc., 14 : « a principle », pour rendre λόγος.
13 Hurst (1979 = supra, 17-24).
14 E.g. Farnell ad loc., Bowra (1964), 341 (« the vulgar »).
15 Duchemin (1955), 32 sqq. ; Bowra (1964), 8.
16 La particule se conçoit alors comme un synonyme de γάρ, ce qui n’est pas rare en poésie dès les poèmes homériques et se trouve également dans les parties lyriques de la tragédie. Cf. Denniston (19662) 169.
17 Il est à noter qu’autour du chiasme formé par l’évocation contrastée de celui qui « sait par don de nature » et de ceux qui savent « pour avoir appris » (repris en ordre inverse par la séquence des corbeaux et de l’aigle, 86-88) une organisation récurrente se développe. En effet, avant et après ce chiasme, on retrouve le thème du poète comme archer. C’est donc une construction ABCB’A’ qui reproduit à petite échelle la construction de l’ensemble de l’ode, et ceci dans un passage où il est justement question de l’art du poète (A = le poète-archer, B = le bon poète, C = les méchants poètes-corbeaux). Or, dans ce jeu de correspondances, l’élément A’ se réfère explicitement à la relation du poète et de son sujet (89-91) : il y a donc une raison de plus de penser que tel est bien le thème complet de A, et qu’en d’autres termes ce n’est pas seulement l’évocation de l’arc qui assure le reflet de A et de A’, mais aussi le fait que Pindare s’y montre en face de son sujet, ce qui exclut l’interprétation ordinaire des mots τὸ πάν.
18 Slater (1969), 367.
19 Dans l’édition de Snell-Maehler, le vers 51 du groupe formé des Isthmiques 3 et 4.