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La multidimensionnalité de la corrélation

Injoo CHOI-JONIN

1. Introduction1

Le terme de la corrélation désigne en linguistique des relations de natures diverses. En gros, il peut s’agir :

(i) d’une relation sémantique d’opposition ou de complémentarité entre deux unités lexicales :

(1) père / fils ; antécédent / conséquent ;

(ii) d’une paire d’unités lexicales qui s’emploient conjointement :

(2) soit… soit ; ni… ni ; autant… autant2 ; d’une part… d’autre part ; l’un… l’autre ;

(iii) d’une relation entre des mots morphologiquement et sémantiquement apparentés3, comme les interrogatifs, les démonstratifs, les relatifs, les indéfinis, et les relatifs indéfinis dans des langues telles que le latin et le grec ;

(3)qu-t-qu-aliqu-
(int.)(dém.)(rel.)(indéf.)
quis ? quid ?isquīaliquis
‘qui ? quoi ?’‘lui’‘qui’‘quelqu’un’
quālistālisquālis
‘de quel genre ?’‘tel’‘que’
quando ?tum, tunccum, quandoaliquando
‘quand ?’‘alors’‘que, quand’‘parfois’

etc. (cf Lavency 1997 : 68)

(iv) d’une relation syntactico-sémantique entre deux propositions formant une unité plus grande, dont l’une est représentée par une relative et l’autre comporte un terme anaphorique dont la référence s’appuie sur celle construite par la relative :

(4) [Qui compose pour l’oreille]i, ili se trompe, qu’il soit poète ou musicien (Alain).

La corrélation dont il est question dans cet article concerne le quatrième type, appelé relative corrélative, qui est considérée par Haudry (1973) comme la base de la phrase complexe. Dans ce type peut être incluse une subordonnée infinitive ou complétive, qui peut également entrer dans la structure corrélative en latin, selon Touratier (1994 : 699) :

(5) Quod autem magnum dolorem breuem, longinquum leuem esse dicitis, id non intellego quale sit (Cic., fin. 2,94)

‘Quant <au fait que> vous dites qu’une douleur vive est de durée courte et qu’une douleur prolongée est légère, je ne vois pas bien ce que cela signifie’ (J. Martha) (< Touratier 1994 : 699)

(6) Quod multitudinem Germanorum in Galliam traducat, id se sui muniendi, non Galliae inpugnandae causa facere (Caes., Gall. 1,44,6)

‘Quant au fait qu’il fasse passer en Gaule un grand nombre de Germains, cela il le fait pour se protéger et non pour attaquer la Gaule’ (< Touratier 1994 : 699).

D’un point de vue typologique, selon Downing (1973), la relative corrélative se trouverait seulement dans les langues à « tête finale » (OV), mais comme le remarque Lipták (2009 : 10) s’appuyant sur Keenan (1985) et De Vries (2002), cette généralisation doit être relativisée : parmi les langues à tête finale, seules les langues à ordre des mots « lâche » accepteraient la relative corrélative et non les langues à ordre des mots rigide comme le japonais et le turc ; les langues à ordre des mots libre comme le sanskrit, le vieux russe, le bulgare, le serbo-croate et le hongrois, disposeraient aussi de cette structure.

Le français est une langue à ordre plutôt rigide, et les structures considérées comme corrélatives dans des grammaires et travaux linguistiques ne manifestent pas toutes les propriétés qui caractérisent les corrélatives « classiques ». Deulofeu (2001) met ainsi en garde contre l’usage de la notion de construction corrélative en français, où « seul un nombre limité de morphèmes peuvent entrer dans la construction corrélative ». L’hypothèse de ce linguiste se défend surtout d’un point de vue morphosyntaxique. Cependant, si l’on considère comme marqueur de relation entre deux segments de la construction corrélative d’autres indices que morphologiques, il est possible qu’en français, la corrélation soit assurée par des marques autres que segmentales.

Afin de vérifier cette hypothèse alternative, j’examinerai d’abord les propriétés de la corrélative classique, puis celles des constructions qui sont considérées comme corrélatives en français. L’observation de la corrélation classique permettra de montrer qu’il s’agit d’une notion multidimentionnelle, qui articule les propriétés morphologiques, syntaxiques, sémantiques et discursives, alors que les corrélatives « non classiques » en français privilégient souvent soit la dimension morphologique soit la dimension sémantique. L’étude montrera également que la structure conditionnelle en si… (alors) et la structure en ceci de Adj que P, généralement ignorées dans la liste des corrélatives en français manifestent les propriétés multidimensionnelles de la corrélative.

2. Propriétés de la relative corrélative

2.1. Propriétés morphologiques

Dans les langues classiques comme le latin et le grec, ainsi que dans d’autres langues, comme le hindi, le hongrois, le basque, l’allemand et le russe, la relative corrélative est une structure bi-propositionnelle, constituée d’une relative (P1) et d’une proposition comportant un terme anaphorique (P2). La corrélation est donc assurée par deux constituants morphologiquement apparentés ou non. L’un des deux constituants est du type relatif (pronominal, adjectival ou adverbial) et l’autre a une valeur anaphorique qui s’appuie sur la référence construite par la relative. Selon Rebuschi (2009a : 25), il y aurait là une double corrélation, morphologique et sémantique. Cette structure correspond au diptyque normal de Minard (1936) :

(7) Latin (Lehmann 1988 : 184)

[quei ager ex privato in publicum commutatus est]i, de eoi agro siremps lex esto

‘Any land that has been converted from private into public, to such land the law shall apply in the same way’ (CIL I2, 585)

(8) Ancien français (Chanson de Roland, 2494)

[Ki     mult   est   las]i,   ili  se           dort       cuntre   tere

who    much  is    tired   he REFL     sleeps   against  earth

‘Those who are tired sleep on the ground’

(9) Hindi (Montaut 2003 : 235)

[jis      ke pāspaise    hãi]i  vahi  ārām se       rah      saktā   hai

REL    near   money  is       that  rest    with   stay     can     PRES

‘The one who has money can live happily’.

2.2. Propriétés syntaxiques

D’un point de syntaxique, pour Touratier (1988, 1994), une corrélative se caractérise par la position extraposée de P1 par rapport à P2, qui comporte aussi le terme corrélatif extraposé en tête de la proposition. Or, selon Rebuschi (2009a : 34), en basque, bien que le corrélat démonstratif apparaisse dans la plupart des cas en position initiale de P2, il ne s’agit pas pour autant d’une contrainte positionnelle4 : en (10), le démonstratif, en position initiale de P2 pourrait aussi apparaître devant la forme verbale et à droite de sarri (‘bientôt’). L’auteur suppose que cette liberté de position du corrélat démonstratif est liée à son caractère non obligatoire (11) :

(10) Basque (Rebuschi 2009a : 26)

[Nor ere gosez      bait-dago]i harki     sarri     janen                    du

qui ere faim-INS bait-est       DEM-E bientôt manger-PROS    AUX

‘Qui (conque) a faim, « celui-là » mangera bientôt’

(11) Basque (Rebuschi 2009a : 30)

Nork    zer   hazi      erein bait-du    biltzen              dizi     komunki

Qui-E  quel grains  emé bait-AUX  récolter-IMP   AUX   généralement

‘D’ordinaire, on récolte ce que l’on a semé’

Lit. ‘Qui quelle semence a semé, (il la) récolte usuellement’.

Par ailleurs, au vu de l’exemple (15) du hindi infra, dont P1 est représenté par une relative à tête interne, l’antéposition du terme relatif ne semble pas non plus être obligatoire. Bhatt et Lipták (2009 : 344) le confirment pour le hindi-urdu, sans fournir d’exemples, mais il semblerait que ce cas concerne la relative à valeur spécifique plutôt que la relative à valeur non spécifique.

Concernant la position de P1 par rapport à P2, son extraposition à gauche (diptyque normal) ou à droite (diptyque inverse) semble être admise par tous les linguistes travaillant sur les corrélatives dans différentes langues. Rebuschi (2009a : 31) signale toutefois que P1 peut être précédé d’un élément topicalisé jouant un rôle argumental ou circonstanciel dans P2 (12) ou d’un adverbe qui porte sur l’ensemble de la structure corrélative (13) :

(12) Tibétain (Cable, 2009 : 201)

Nga [kyodrang gapa    la     ‘gro na] de    la     ‘gro gi                yin

I        you             where Dat go if       that Dat go   Non. Past aux

‘I will go wherever you go to’

(13) Basque (Rebuschi, 2009a : 31)

Maiz       [zerk      ere egin baitu           hekien   bozkariorik  handiena],

souvent   quoi-E   ere fait   bait-Aux    leur       joie-PTF        le-plus-grand

hark    kausatzen     ere       du   hekien  dolorerik       minena

cela-E causer-Imp   aussi   Aux leur      douleur-PTF le-plus-cruel

‘Souvent, ce qui a constitué leur plus grand joie (, cela) cause également leur souffrance la plus vive’.

Quant à la relation syntaxique entre P1 et P2, la non-autonomie syntaxique de P1 par rapport à P2, qui est, elle, syntaxiquement autonome, conduit certains linguistes (entre autres Touratier 1988, 1994 ; Lipták 2009) à analyser la relative comme subordonnée, et P2 comme noyau ou proposition principale (main clause) de la phrase complexe. Il s’agirait pourtant d’une subordination particulière, qui se distingue de la relative à tête et de la relative libre, et cette différence est bien résumée dans Lipták (2009) qui s’appuie notamment sur les données du hindi.

En effet, d’un point de vue typologique, la relative corrélative est présentée par Comrie (1981 : 204-211 ; 1998 : 61-62), comme une des quatre stratégies de la relativisation, et plus précisément comme un des deux sous-types de la stratégie de non-réduction :

(i) stratégie de non-réduction :

– relative à tête interne

(14) Maricopa (Gordon 1986 : 261)5

[Bonnie    va-s-ii                  uuyem]-sh             havshuu-k

Bonnie     house-dem-at     go.nomin-subj     blue-real

‘The house Bonnie went to is blue’

– corrélative

(15) Hindi (Comrie 1998 : 62)

[Maim jis                   ādmī   se bāt  kar rahā               thâ]

I.dir    which.sg.obl man      to talk do  prog.sg.m    be.impf.sg.m

vah                    kal               bhārat     jāegā

that.dir.sg       tomorrow   India      go.fut.m.sg

‘The man [to whom I was talking] will go to India tomorrow’

(lit. ‘Which man I was talking with, he will go to India tomorrow’)

(ii) stratégie du pronom résomptif :

(16) Persian (Comrie 1998 : 63)

mardhâi   [ke   ketâbhâ-râ   be   ânhâ   dâde     bud-id]

men          that   books-acc    to   them    given    were-2sg

‘the men that you had given the books to’

(lit. ‘The men that you had given the books to them’)

(iii) stratégie du pronom relatif :

(17) German

Der Mann,   [der       mich begrüβt      hat], war                ein Deutscher

man.nom     rel.nom me    greet.ptcp has    be.3sg.past one German

‘The man who greeted me was a German’

(iv) stratégie d’effacement :

(18) Japonais

[gakusei-ga      katta]     hon

student-Nom   bought   book

‘The book (that) the student bought’.

Dans la corrélative, comme dans la relative à tête interne, ce que Creissels (2006 : 207) appelle le nom de domaine (traditionnellement appelé l’antécédent), s’il est présent, apparaît à l’intérieur et non à l’extérieur de la relative. Ce qui différencie les deux est que la relative à tête interne occupe directement la position actancielle dans la matrice (en (14), la relative est marquée par le cas sujet), alors que la corrélative occupe la position périphérique et c’est le terme anaphorique qui indique sa fonction dans la matrice (en (15), c’est le démonstratif anaphorique vah qui fonctionne comme sujet, et non la corrélative).

Dans le cas où la corrélative ne comporte pas de nom de domaine, celle-ci se distingue également de la relative libre par le marquage casuel sur le relatif et sur l’anaphorique. En effet, Bhatt et Lipták (2009 : 352-353) font remarquer que le pronom qui introduit une relative libre doit indiquer la même fonction dans la relative et dans la matrice (19), alors que cette contrainte ne s’applique pas à la corrélative (20), sauf à la corrélative temporelle et locative en hindi-urdu et en hongrois (21) :

(19) Allemand

a. Wer          nicht   stark   ist, muss   klug    sein

who (Nom)  not     strong be  must   clever  be-Inf

‘Who is not strong must be clever’

b. * Wen /* Wer                     Gott schwach geschaffen hat, muss klug sein

whom (Acc) /who (Nom) God weak            creat. PTCP has must clever be-Inf

‘Who God has created weak must be clever’

(20) Hongrois

Akit           meghίvtunk,              annak      küldtüuk              meghίvόt

who. Acc PV.invite. PAST.1PL that. Dat send. PAST. 1PLinvitation

‘Whom we invited, we sent an invitation to those’

(21) Hindi

jab-se               Ram   yahã :   aa-yaa                     hai

when-since     Ram   here      com. PERF.MSG   be. PRES.3SG

(tab-se)            Sita khush hai

(then-since)    Sita happy be. PRES.3SG

‘Sita is happy since Ram came’.

La corrélative n’entretient, pour ainsi dire, qu’indirectement une relation syntaxique avec le prédicat principal.

Lipták (2009 : 7) propose pour la corrélation le schéma suivant, adaptant celui de De Vries (2002 : 20), et c’est la même structure qui est adoptée aussi par Den Dikken (2005 : 499) :

(22) [matrix clause (…) [relative clause (N)…] [matrix clause … Dem (N) …]]

La relative occupe la position périphérique de la matrice, et est adjointe à celle-ci. Il ne s’agit donc pas d’une subordonnée régie par le verbe recteur de la matrice. Or, la périphérie gauche de la corrélative est un ajout « obligatoire » à la matrice, dans la mesure où elle participe à la construction référentielle du terme anaphorique qui figure dans la matrice. Comme le remarque Rebuschi (2009a : 32), le terme anaphorique de la corrélative est purement descriptif et ne permet pas d’identifier un objet syntaxique indépendant. Le schéma syntaxique présenté sous (22) suggère aussi que les deux propositions de la corrélative forment une unité syntaxique, qui forme à son tour une phrase matrice (matrix clause). Pour Den Dikken (2005 : 498), la corrélative est une macro-structure, qui associe une subordonnée (subclause) à la matrice (headclause). Il s’agit donc d’une unité macro-syntaxique. On trouve la même idée dans Deulofeu (2001 : 107), mais dans le cadre de la macro-syntaxe du groupe aixois : les deux segments de la corrélation forment un « regroupement » macrosyntaxique, le premier étant Préfixe par rapport au Noyau que constitue l’autre.

2.3. Propriétés sémantiques

La corrélative se distingue des autres types de relatives non seulement d’un point de vue syntaxique mais aussi d’un point de vue sémantique. La sémantique de la corrélative implique, d’après les travaux de Srivastav (1991) et Grosu & Landman (1998) dont fait état Lipták (2009 : 9), la « maximalisation », ce qui est prouvé par la contrainte observable pour la forme anaphorique. Si la relative construit qualitativement un référent singulier, l’anaphorique est naturellement singulier, mais si elle construit un référent pluriel, l’anaphorique doit reprendre la totalité des référents et non une partie de l’ensemble construit par la relative. Cela expliquerait le fait que seules les expressions définies sont admises comme corrélats dans P2, et non les indéfinis (23a). Cette contrainte ne s’observe pas pour une relative à tête externe dont l’antécédent peut être aussi bien défini qu’indéfini (23b) :

(23) Hindi (Lipták 2009 : 9 ; 2005 : 3)

a. [jo   laRke KhaRe    haiN], ve/dono/sab/*do/*kuch/*adhiktam   lambe haiN

REL    boys   standing are      those/both/all/*two/*few/*most         tall      are

Lit : Which boys are standing, they/both/all/*two/*few/*most are tall

‘Those/both/all boys who are standing are tall’

b. do  laRkiyaaN    [jo      khaRii      haiN]   lambii haiN

     2    girls              REL    standing  are       tall       are

‘Two girls who are standing are tall’.

D’autre part, d’après Lipták (2009 : 9), la corrélative ne peut pas contenir plusieurs relatives, et ceci serait dû à la maximalisation qu’elle implique :

(24) Hindi (Lipták 2009 : 9)

*[jo   laRkii KhaRii hai]    [jo    ravii-kii     dost hai], vo bahut lambii hai

Rel   gril      standing is    Rel  Ravi-Gen  friend is   that very    tall    is

Lit : Which girl is standing, [*who is Ravi’s friend], she is very tall.

La corrélative fait donc appel, pour la construction de la référence, au contenu de la relative, alors que la relative appositive s’appuie sur une référence déjà construite, en dehors du contenu de la relative. En tenant compte de l’importance du matériel externe ou interne à la relative dans la construction de la référence, Lipták propose le schéma suivant, où il place à l’extrême gauche de l’échelle, la relative appositive, considérée comme relative sortale externe (sortal-external relative) et à l’extrême droite, la corrélative, considérée comme relative sortale interne (sortal-internal relative), et au milieu, la relative restrictive6 :

(25) Echelle sémantique (Lipták 2009 : 8)

Lipták (2009 : 23) signale également que si dans les langues comme le hindi, la relative de la corrélative peut avoir une valeur indéfinie spécifique (15) ou une valeur indéfinie non spécifique (9), dans les langues comme le hongrois, toutes les corrélatives ont tendance à être interprétées comme génériques, avec la relative à valeur indéfinie non spécifique (lecture free-choice). Dans ce dernier cas, P1 est interprétée comme une cause ou une condition et P2, comme une conséquence. Il est intéressant de noter qu’en tibétain, P1 de la corrélative est marquée par le même morphème que la marque conditionnelle :

(26) Tibétain (Cable 2009 : 204)

a. conditionnelle

[Khyodrang Lhasa la        ‘gro na]   nga   Ø ‘gro gi                    yin

you                Lhasa Dat     go    if      I        pro go NON.PAST AUX

‘If you go to Lhasa, I will go there’

b. corrélative

[Khyodra-s  gyag gare nyos  yod na] nga-s de bsad   pa       yin

you-Erg      yak what  buy   AUX if I-Erg that kill     PERF AUX

‘I killed whatever yak you bought’.

Bhatt & Pancheva (2006), s’appuyant sur les données du marathi (langue indienne), démontrent que la structure conditionnelle, constituée de deux propositions introduites chacune par le conditionnel dzar et le corrélatif tar, manifeste les mêmes propriétés que la corrélative : en plus du même type de marques morphologiques qui apparaissent dans les deux structures, la conditionnelle, comme la corrélative, implique la maximalisation, dans le sens où le terme anaphorique reprend la totalité de la condition établie dans P1 et non une partie de celle-ci.

(27) Marathi (Bhatt & Pancheva 2006 : 661, exemples cités dans Pandharipande 1997 : 115, 85)

a. conditionnelle

(dzar)   tyāne    abhyās     kelā                        tar  to  pā          hoīl

if             he-AG   studying   do.PAST.3MSG   then he pass      beFUT.3SG

‘If he studies, he will pass (the exam)’

b. corrélative

dzo     māṇūs tudzhyā    śedzārī                        rāhto

which  man     your          neighbourhoods.in   live.PRES.3MSG

to     māṇūs   lekhak āhe

that  man       writer   is

‘The man who lives in your neighborhood is a writer’

Ces linguistes concluent donc que la conditionnelle est une corrélative. La seule différence entre la conditionnelle et la corrélative réside dans l’objet de description : la corrélative décrit des individus, alors que la conditionnelle décrit des mondes possibles. Pour Arsenijević (2009), qui se base sur les données du serbe, la corrélative est une sous-catégorie de la conditionnelle. La même idée se trouve également pour le français dans Maurel (2002), qui analyse le conditionnel si comme relatif et l’adverbe alors comme corrélatif dans la structure conditionnelle si… alors (si on me cherche, (alors) on me trouve). Nous reviendrons sur cette structure plus tard (cf. § 3.2.1).

Cela dit, selon Orlandini & Poccetti (2009), les corrélatives en latin, comme dans d’autres langues indo-européennes, peuvent manifester aussi bien une relation symétrique qu’asymétrique. Dans le premier cas, les deux propositions sont réversibles et forment chacune une proposition sémantiquement indépendante, alors que dans le second cas, elles ne sont pas réversibles et expriment l’implication conditionnelle, la réalisation d’un procès déterminant celle d’un autre. Les deux types de relation sémantique sont d’ailleurs marqués morphologiquement dans l’oratio obliqua : la relation symétrique est marquée par l’infinitif, et la relation asymétrique, par le subjonctif. Les affinités de la corrélative avec la conditionnelle s’observent donc dans le cas où les deux composants entretiennent une relation asymétrique.

2.4. Propriétés discursives

D’un point de vue discursif, la première proposition de la corrélative est souvent analysée comme topique. Pour le latin, Touratier (1994 : 697) l’analyse comme support informatif de la seconde proposition, qui constitue, elle, l’apport informatif. Fruyt (2005a : 27) semble confirmer cette analyse, lorsqu’elle dit : « L’antéposition de la relative à l’époque classique et sa reprise par un anaphorique (is, hic, ille) peuvent être interprétées comme une thématisation, avec un effet stylistique plus ou moins marqué ». On trouve la même analyse pour le hindi dans Montaut (2003), pour le hongrois dans Lipták (2004) et pour le népalais dans Anderson (2007). S’appuyant sur Garett (1994), Lipták (2009 : 13) signale aussi que dans les langues anatoliennes, hittite et lycien, on observerait le même phénomène, et qu’en lycien, la structure corrélative est marquée par la même marque topique me.

Le vietnamien est une autre langue qui a recours au même morphème pour marquer la corrélative et le topique, au vu des données fournies par Do-Hurinville (2009) : le corrélateur thὶ, issu du mot chinois signifiant ‘temps’, figure dans une structure corrélative temporelle (28a) et conditionnelle (28b), et c’est le même morphème qui fonctionne comme marqueur topique (28c-d)7. On rappellera que pour Haiman (1978), les conditionnelles sont topiques :

(28) Vietnamien (Do-Hurinville 2009 : 417, 420, 424, 426)

a. Hôm qua   khi      tôi   đến     nhà        Paul

hier                quand  moi arriver maison   Paul

thὶ    anh áyđã        gọi          điện thoại

alors    il         Prog   appeler   téléphone

‘Hier, quand je suis arrivé chez Paul, alors il téléphonait’

b. Nếu bạn   vu’ợt         đèn     đὀ           thὶ   bạn   sẽ    bị     phạt

si             vous dépasser  lampe  ê. rouge alors vous tam subir punir

‘Si vous brûlez le feu rouge, alors vous êtes pénalisé’

c. Nόi thὶ    dễ,         làm     thὶ khό

dire     Τop     ê. facile faire    Τop ê. difficile

’Dire est facile, faire est difficile’

d. Bài hάt     này    thὶ      nό cững biết

chanson       Deict  Top       lui aussi connaître

‘Cette chanson, il la connaît aussi’.

2.5. Bilan des propriétés de la corrélative « classique »

A. Propriété morphologique :

Présence de deux termes à valeur indéfinie (non spécifique ou spécifique) et anaphorique.

B. Propriétés syntaxiques :

(i) Le terme indéfini (souvent du type relatif) est généralement en position initiale de P1, mais il peut se trouver à l’intérieur de celle-ci s’il s’agit d’un terme indéfini spécifique.

(ii) Le corrélat anaphorique n’est pas toujours en tête de P2, et sa présence n’est pas obligatoire.

(iii) La relative qui constitue un des volets de la corrélative se distingue de la relative libre et de la relative à tête interne d’un point de vue syntaxique.

(iv) Les deux propositions de la corrélative entretiennent une relation asymétrique d’un point de vue syntaxique : P1, syntaxiquement non autonome, est une subordonnée, qui occupe la position périphérique et P2, syntaxiquement autonome, constitue le noyau de la corrélative. P1 n’est donc pas régie par le verbe recteur de P2, mais constitue un constituant obligatoire à la construction référentielle du terme anaphorique qui figure dans P2.

(v) Les deux propositions de la corrélation forment une unité macrosyntaxique.

C. Propriétés sémantiques

(i) La sémantique de la corrélative implique la maximalisation, dans le sens où le corrélatif de P2 réfère à la totalité des référents construits par P1, et de ce fait, le corrélat anaphorique ne peut pas être indéfini, et la corrélative ne peut pas contenir plusieurs relatives.

(ii) La relative de la corrélative est du type sortal interne, car c’est le contenu de la relative qui est plus important que le matériel externe pour la construction de la référence.

(iii) La corrélation établit d’un point de vue sémantique aussi bien une relation symétrique qu’asymétrique entre deux propositions. Dans le premier cas, chacune des deux propositions est sémantiquement indépendante, alors que dans le second cas, les deux propositions entretiennent une relation implicationnelle du type conditionnel.

(iv) Dans le cas où la relative de la corrélative a une valeur indéfinie non spécifique, la corrélative reçoit une lecture générique. P1 de la corrélative est alors interprétée comme cause ou condition, et P2, comme conséquence.

(v) La corrélative et la conditionnelle partagent souvent les mêmes propriétés, et sont marquées, dans certaines langues, par la même marque morphologique.

D. Propriété discursive :

P1 de la corrélative fonctionne comme topique, et certaines langues ont recours au même morphème pour marquer la corrélative, la conditionnelle et le topique.

3. Corrélatives en français

Je me propose maintenant d’examiner quelques structures en français considérées comme corrélatives, avec pour but de mesurer leur affinité avec la corrélative classique dont je viens de résumer les propriétés principales. Il ne s’agit bien évidemment pas de proposer un examen exhaustif, mais plutôt de poser quelques jalons qui pourront contribuer à clarifier la notion de corrélation dans la description du français.

3.1. Structures « parallèles »

Les constructions en tel… tel et en plus… plus sont les seules qui sont considérées en français comme corrélatives par Deulofeu (2001). Elles sont en effet constituées, comme la corrélative classique, en deux volets, qui comportent chacun un terme corrélatif en position initiale. Les unités morphologiques qui assurent la corrélation entre deux propositions sont identiques dans la construction en tel… tel, comparables donc aux corrélatifs indifférenciés, que l’on trouve, d’après Haudry (1973), dans certaines langues. Dans la construction en plus… plus, les corrélatifs quantifieurs peuvent être aussi bien indifférenciés (plus… plus ou moins… moins) que différenciés (plus… moins ou moins… plus) :

(29) Tel père, tel fils / Tel maître, tel valet / Telle vie, telle fin

(30) plus l’Occident les [les produits pétroliers] achète moins cher plus il risque d’y perdre (Europe 1) (Cappeau & Savelli 1995 : 180).

D’autre part, dans les constructions en tel… tel illustrées sous (29), le premier corrélatif a une valeur indéfinie et le second, une valeur anaphorique, dans la mesure où ce dernier s’appuie sur la qualité établie par le premier. Or, cette interprétation corrélative ne semble concerner que quelques expressions, construites sur un même modèle composé de deux constructions nominales. Pour Deulofeu (2001 : 114), il s’agit alors de constructions idiomatiques, plutôt que de schémas librement disponibles. En effet, dans le cas où la construction en tel… tel est construite avec deux termes à valeur anaphorique : Les statues, ainsi réalisées et mises en valeur, frappaient l’imagination, tel était le but visé, et tel fut l’objectif atteint (ex. cité par Hadermann et al., ce volume), on n’a pas affaire à une corrélative, qui doit comporter un indéfini et un anaphorique. En outre, dans une telle construction, la présence de la seconde proposition n’est pas obligatoire : Les statues, ainsi réalisées et mises en valeur, frappaient l’imagination, et tel était le but visé.

Dans la construction en plus… plus, si l’on peut considérer sans trop de difficulté le premier corrélatif comme un terme à valeur indéfinie, la valeur anaphorique du deuxième corrélatif ne se justifie pas si l’on entend par anaphore une coréférence. En revanche, si l’on considère comme anaphorique « une expression qui tire son interprétation référentielle d’une expression antérieure sans être pour autant son coréférent » (Kleiber 1988 : 3), le deuxième corrélatif peut être analysé comme anaphorique, dans la mesure où sa variation quantitative dépend de celle du premier corrélatif.

Enfin, les deux propositions des deux structures parallèles entretiennent une relation asymétrique, la première exprimant une cause ou une condition et la seconde, une conséquence. P1 peut donc être interprétée comme topique, d’un point de vue discursif. Les deux segments qui entretiennent une relation implicationnelle ne sont donc pas réversibles sans entraîner une interprétation différente :

(31) a. Autrefois, c’était la plus fière luronne, et maintenant elle fait, comme sa maîtresse, la sainte nitouche… la dévote ; car, tel maître, tel valet… (E. Sue, Le juif errant, 1845)

b. Monsieur, si je deviens amoureux, je veux avoir la consolation que vous le soyez aussi, afin qu’on dise toujours : tel valet, tel maître (Marivaux, La surprise de l’amour, 1723)

(32) a. plus il mange plus il grossit

b. plus il grossit plus il mange.

Les deux structures parallèles ne manifestent cependant pas tout à fait les mêmes propriétés que la corrélative classique. Tout d’abord, dans la construction en tel… tel, les deux corrélatifs, comme dans la corrélative classique, ont une fonction syntaxique à l’intérieur de chacune des deux propositions, ce qui n’est pas toujours le cas pour les corrélatifs qui figurent dans la construction en plus… plus : en (30), comme le font remarquer Cappeau & Savelli (1995 : 180) « plus a une portée qui s’exerce sur l’ensemble de la séquence et non sur un segment déjà quantifié ».

En second lieu, chacune des deux propositions de la construction en plus… plus peut être multipliée, et ceci ne semble pas impossible non plus pour la construction en tel… tel, en dépit de son caractère plus ou moins figé. Rappelons que la multiplication de chacun des deux composants n’est pas permise pour la corrélative classique, d’après Lipták (2009) :

(33) Plus il mange plus il reste chez lui moins il fait du sport plus il grossit (Deulofeu 2001 : 115, note 3)

(34) Tel père, tel fils et tel petit-fils.

Enfin, d’un point de vue syntaxique, aucune des deux propositions n’est autonome dans les deux structures parallèles, ce qui les écarte de la corrélative classique, où P1 est une subordonnée adjointe à P2, qui constitue une proposition autonome. Pour Touratier (1988, 1994), il s’agit alors de structures différentes de la corrélative, étant donné qu’aucune des deux propositions n’est subordonnée à l’autre. On aurait là la coordination de deux propositions du même type (noté P par l’auteur comme proposition indépendante), qui peuvent par ailleurs être reliées par et.

La même analyse se trouve dans Abeillé & Borsley (2006) et dans Culicover & Jackendoff (1999). Ces derniers avancent l’idée de distorsion entre syntaxe et sémantique : la structure corrélative comparative du type plus… plus serait syntaxiquement coordonnée mais sémantiquement subordonnée, étant donné que les deux propositions entretiennent une relation asymétrique. En revanche, Den Dikken (2005) défend l’idée que la corrélative comparative est une structure macrosyntaxique, où le premier composant est une sous-clause (subclause), adjointe au second, qui constitue une clause-tête (headclause).

La construction en plus… plus en français semble plaider pour l’analyse de Den Dikken, si l’on considère l’exemple (35), où P2 est au subjonctif, fonctionnant donc comme clause-tête :

(35) N’est-il pas étrange que plus on vieillit, plus on soit sensible à la mort des autres ? (Pears, La chute de John Stone, 2009, ex. cité par Hadermann et al., ce volume).

Cependant, P1 de la construction en plus… plus peut être clivée, comme un constituant entretenant une relation rectionnelle avec P2 au niveau microsyntaxique, alors que P1 de la corrélative classique fonctionne plutôt comme un adjoint au niveau macrosyntaxique :

(36) Mais c’est plus elle est sûre de ce qu’elle tient que plus elle a peur de le hasarder (Rivière, A la trace de Dieu, 1937, ex. cité par Hadermann et al., ce volume).

Concernant la construction en tel… tel, composée de deux constructions nominales, on peut difficilement parler d’une relation de subordination.

D’un point de vue syntaxique, les deux structures parallèles s’écartent donc de la corrélative classique. Dans la construction en tel… tel, aucun des deux composants ne manifeste les propriétés d’une subordonnée, et dans la construction en plus… plus, son premier segment, qui peut être clivé, s’intègre dans une relation rectionnelle avec le deuxième segment. Notons cependant que l’ordre séquentiel des deux propositions des deux structures parallèles est fixe, ce qui est sans doute dû à la relation sémantique implicationnelle des deux propositions.

Les résultats d’analyse font ressortir que si les deux structures parallèles en français peuvent être considérées comme corrélatives, c’est surout à cause de leurs propriétés morphosémantiques (présence d’un terme indéfini et d’un anaphorique dans chacune des deux propositions). Elles manifestent par ailleurs une relation implicationnelle entre deux composants, dont l’ordre est fixe. Le premier composant de ces constructions peut donc être interprété comme topique. Ces deux dernières propriétés sémantique et discursive, couplées ou non avec les propriétés morphosémantiques, semblent constituer un point commun à la plupart des structures considérées comme corrélatives en français.

3.2. Structures conditionnelles

3.2.1. Si p, alors q

La structure conditionnelle en si… alors est construite, pour Maurel (2002), sur le même modèle syntaxique que la corrélative classique. De même que qui et quand sont des relatifs, qui représentent une variable respectivement dans le domaine des individus et des moments, si est analysé par ce linguiste comme relatif8, qui représente une variable dans le domaine des « cas » :

(37) a. Qui me cherche, (il) me trouve9

b. Quand on me cherche, (alors) on me trouve

c. Si on me cherche, (alors) on me trouve.

Si nous acceptons cette analyse, la construction conditionnelle en si… (alors) est une corrélative : elle comporte deux termes corrélatifs à valeur indéfinie et anaphorique, qui occupent la position initiale dans chaque proposition.

Cependant, contrairement à la corrélative classique, P1 peut être multipliée, comme c’est le cas aussi pour les structures parallèles :

(38) Je me dis que si je parviens à l’entendre, cette voix, si je consens à la laisser raisonner en moi, alors j’aurai une chance de m’approcher de ce qu’il y a en chacun de vérité (J.-B. Pontalis, Traversée des ombres, 2003 : 195)

(39) S’il ne regarde pas le vide à la place de sa jambe, s’il ne vérifie pas qu’elle n’est plus là, rien ne le lui rappelle (E. Carrère, D’autres vies que la mienne, 2009 : 133).

D’autre part, la proposition en si peut se trouver à droite de P2, à condition que le terme corrélatif alors soit absent :

(40) a. J’appelais mon Français et lui dis que j’acceptais le boulot si on me payait convenablement. (H. Mathews, Ma vie dans la CIA, une chronique de l’année 1973, 2005 : 178)

b. *alors j’accepte le boulot si on me paye convenablement.

Or, la conditionnelle serait dans ce cas intégrée dans la matrice pour Maurel (2002 : 226), qui dit ceci à propos des exemples latins suivants : « la proposition en si (ou le corrélateur qui l’annonce) occupe une position syntaxique de complément circonstanciel (c’est-à-dire de modifieur) au sein d’une proposition matrice ».

(41) Latin (Maurel 2002 : 225)

a. Ita enim senectus honesta est si se ipsa defendit, si ius suum retinet, (Cic, Sen., 38)

‘c’est ainsi que la vieillesse garde sa dignité : si elle se défend elle-même, si elle fait valoir ses droits,…’ (‘à la condition qu’elle se défende…’)

b. Summa igitur et perfecta gloria constat ex tribus his : si diligit multitudo, si fidem habet,… (Cic, Off., 2, 31)

‘la gloire complète et parfaite réclame trois composantes : que la foule nous chérisse, qu’elle nous fasse confiance,…’

L’exemple suivant où la conditionnelle en si est clivée confirme son analyse :

(42) On ira si je veux, gueula la mère, c’est si je le veux seulement qu’on ira ! (M. Duras, Un barrage contre le Pacifique, 1950 : 101).

La proposition en si exprime d’ailleurs deux types de conditions différentes selon qu’elle occupe la position à gauche ou à droite de la matrice. Selon De Vogüé (1999), la configuration si p, q, qui peut être glosée par au cas où, exprime une condition initiale dans laquelle se réalise q, alors que la configuration q si p, qui peut être glosée par à condition que, exprime une condition de validation, grâce à laquelle se réalise q :

(43) Si tu l’invites maintenant, elle t’en voudra quand même de ne pas l’avoir invitée dès le départ

a. * A condition que tu l’invites maintenant, elle t’en voudra quand même de ne pas l’avoir invitée dès le départ

b. Au cas où tu l’invites maintenant, elle t’en voudra quand même de ne pas l’avoir invitée dès le départ

(44) J’irai s’il m’invite

a. J’irai à condition qu’il m’invite

b. ??J’irai au cas où il m’invite.

Le commentaire de Maurel (2002 : 225) sur les exemples latins présentés sous (41) va dans le même sens : « Les corrélations : ita… si, his… si, et la position de la proposition en si, confirment que l’activité énonciative du locuteur ne consiste pas tant dans la construction d’une situation hypothétique comme a priori de son discours, que dans la mention des seuls cas où un prédicat est assertable ».

La structure macrosyntaxique qui caractérise la corrélative semble ainsi être préservée en français seulement dans la configuration si p, (alors) q, où la proposition en si exprime une condition initiale. Par ailleurs, depuis Haiman (1978), la fonction topique de la conditionnelle est admise par de nombreux linguistes. Toutefois, la possibilité de multiplier si p différencie la conditionnelle de la corrélative.

En résumé, dans la configuration si p, alors q, la corrélation entre deux propositions est assurée par la présence de deux termes morphologiques (le terme anaphorique alors peut ne pas être présent, mais il peut dans la plupart des cas être restitué). La relation sémantique entre deux propositions est implicationnelle, donc asymétrique. D’un point de vue discursif, si p fonctionne comme topique. D’un point de vue syntaxique, la proposition en si s’analyse comme subordonnée, mais non intégrée à la matrice. Les deux propositions forment donc une unité macrosyntaxique, et dans celle-ci, l’ordre séquentiel des deux unités est fixe, étant donné que si p doit précéder q. La postposition de si p fait de celle-ci une proposition intégrée dans q, ce qui la fait s’écarter de la corrélative.

3.2.2. Structures parataxiques à interprétation conditionnelle

Riegel et al. (2009 : 869-870) citent les exemples suivants comme « systèmes corrélatifs » exprimant la condition :

(45) Les enfants étaient-ils un peu triste (qu’) aussitôt leur mère les consolait

(46) Un événement grave surviendrait-il (que) je n’en serais pas autrement étonné

(47) Aide-toi, le ciel t’aidera

(48) Qu’il vienne rouspéter, (et) je m’en charge.

Ces structures sont très différentes de la corrélative classique. Tout d’abord, les deux propositions ne sont pas corrélées par deux termes à valeur indéfinie et anaphorique. Le terme que ou et qui peut optionnellement figurer en tête de P2 n’est pas anaphorique.

Deuxièmement, P1, qui peut être interprétée comme une conditionnelle, est syntaxiquement autonome. En (45-46), l’inversion du sujet clitique est souvent considérée comme l’indice d’une non-autonomie syntaxique, mais je pense comme Corminbœuf (2009, chap. 9) qu’il s’agit d’une pseudo-interrogative, dans le sens où la forme interrogative est employée, non pour un acte interrogatif, mais pour la construction d’une condition initiale dans laquelle se réalise la deuxième proposition. Si donc l’on y voit un acte de parole indirect (P1 est assertée comme une possible affirmation), P1 est syntaxiquement autonome10. De même, en (47-48), P1, représentée sous forme injonctive, est syntaxiquement autonome.

D’autre part, plusieurs linguistes (Moline 1994, Muller 1996a, entre autres) signalent que la forme que qui figure en (45-46) indique une subordination « inverse », c’est-à-dire syntaxiquement subordonnée, mais sémantiquement principale. Cette analyse a pourtant été remise en question par entre autres, Deulofeu (1999), Benzitoun (2006), Béguelin & Corminbœuf (2005) et Corminbœuf (2009), qui proposent d’analyser les subordinations dites inverses au niveau macrosyntaxique. Je partage globalement leur analyse selon laquelle la forme que permet de rattacher la séquence qui suit à la séquence précédente au niveau macrosyntaxique. J’ajouterai que chacune des deux unités regroupées ainsi au niveau macrosyntaxique est syntaxiquement autonome. La forme que, qui intervient au niveau macrosyntaxique, ne fait que signaler le regroupement de l’unité qui suit avec la précédente, dans une unité plus grande.

Rappelons que dans la corrélative classique, P1 n’a pas d’autonomie syntaxique contrairement à P2. Il y a donc une asymétrie syntaxique entre les deux propositions. Or, dans les constructions à interprétation conditionnelle du type (45-48), les deux propositions sont autonomes, et sont donc en relation symétrique. En revanche, P1 ne peut que figurer à gauche de P2, ce qui met les deux propositions en relation asymétrique, comme dans les cas des structures parallèles et de la structure hypothétique en si… alors.

D’un point de vue sémantique, P1 est interprétée comme une condition ou une cause, et P2 comme une conséquence. L’analyse de P1 comme topique découle de cette relation sémantique implicationnelle. Cependant, P1 peut être multipliée, à la différence de la corrélative classique :

(49) Curieux les uns des autres, les quarante macaques qui occupent cette vaste cage à ciel ouvert le sont aussi de nous : bougeons vivement ou approchons-nous du grillage, et ils nous fixeront aussitôt de leurs grands yeux sombres (ex. cité dans Corminbœuf 2009 : 251).

Dans ce type de construction manque donc, en dehors de la possibilité de multiplier P1, surtout la dimension morphologique par rapport à la corrélative classique, si on accepte que l’asymétrie syntaxique peut être représentée par l’ordre séquentiel fixe des deux propositions, dont P1 est adjointe à P2, au niveau macrosyntaxique. Cette asymétrie syntaxique est sans doute due à la relation sémantique implicationnelle entre deux propositions regroupées au niveau macrosyntaxique, ainsi qu’à la fonction topique de P1.

3.3. Structures de comparaison d’inégalité et d’égalité

Les structures de comparaison d’inégalité et d’égalité en français, si elles gardent encore certaines propriétés de la corrélative, ont perdu, en revanche, leur statut macrosyntaxique, par conséquent certaines propriétés sémantiques et discursives. Dans la construction comme :

(50) Paul est plus intelligent que moi,

la possibilité de sauver la structure corrélative est d’abord d’analyser que moi comme une proposition elliptique : que je suis intelligent11. Ensuite, on analyse le terme que comme pronom relatif, qui représente l’élément absent dans cette proposition : que je suis (à tel degré) intelligent. Ainsi, on aurait deux propositions corrélées par les termes corrélatifs plus et que, dans le modèle du diptyque inverse, dans la mesure où la relative est postposée à la matrice. C’est une analyse qui est adoptée par plusieurs linguistes, dont Milner (1973), Rivara (1990), Muller (1996a) et Moline (1996).

La maximalisation semble être respectée, dans la mesure où c’est le degré maximal du pronom relatif qui sert de point de comparaison. La multiplication de P1 semble d’ailleurs difficile :

(51) ??Paul chante mieux mais Pierre danse moins bien que moi.

Or, la relative postposée ne peut pas pas être antéposée à la matrice, et ne s’interprète pas non plus comme un anti-topique ou comme une mise en relief (cf. le commentaire de Fruyt pour l’exemple (64)). Il s’agit d’une subordonnée régie par l’adverbe comparatif (plus / moins /aussi / mieux), et non d’une subordonnée adjointe à la matrice, qui forme avec cette dernière une unité macrosyntaxique.

On constate ainsi que l’intégration de P1 dans P2 a pour conséquence, la perte du statut macro-syntaxique, et la perte de la propriété discursive. Par ailleurs, comme l’a bien démontré Van Peteghem (2009), dans d’autres langues, le « corrélatif inférieur » de la construction comparative perd aussi sa propriété de « pronom relatif », et devient une préposition, du moment où la reconstruction d’une proposition à partir du terme nominal qu’il introduit n’est plus possible.

Si le concept de comparaison est représenté, dans les langues à corrélation classique, dans la structure corrélative, il semble refléter, en français, l’évolution dont parle Haudry (1973), à savoir le cas de subordination dérivé de la structure corrélative.

3.4. Autres structures

Concernant d’autres structures considérées comme corrélatives, elles peuvent être analysées à peu près de la même manière que les cas précédents.

3.4.1. Structures consécutives

Les consécutives en si… que P et en tellement… que P, du moins dans leur forme canonique12, peuvent être analysées en gros comme les structures comparatives d’(in) égalité : la proposition introduite par que est régie par l’adverbe tellement ou si, et est intégrée dans la matrice.

(52) Il est tellement fatigué, qu’il s’est endormi tout habillé (Pagnol < TLFi)

(53) C’est si évident qu’il est inutile d’insister (TLFi)

Si on analyse ces constructions de la même manière que les comparatives, il faudrait analyser l’adverbe tellement ou si comme un terme indéfini indiquant un degré maximal, et que, comme un anaphorique exprimant à ce degré-là. La maximalisation est donc respectée, ainsi que la propriété morphologique par rapport à la corrélative classique. En revanche, les structures consécutives s’éloignent de la corrélative par la perte du statut macrosyntaxique, qui entraîne la perte de la propriété discursive13. En revanche, elles conservent la relation sémantique implicationnelle entre deux propositions.

3.4.2. Structures à valeur causale

Les « corrélatives » à valeur causale qui comportent l’adverbe d’autant plus dans P1 et que en position initiale de P2 s’écartent davantage de la corrélative. La que-P, régie par l’adverbe, est intégrée dans la matrice, mais contrairement à ce qu’il a été proposé pour les comparatives d’(in) égalité et les consécutives, on a quelques difficultés à analyser que comme un indéfini ou comme un anaphorique.

D’après Riegel et al. (2009 : 869), la sémantique de la corrélative se trouve dans ce qui est présupposé par cette structure. Il faut donc faire intervenir un processus inférentiel pour retrouver la relation implicationnelle qui sous-tend la corrélation.

(54) Il est d’autant plus méritant qu’il a peu de facilités (Riegel et al. 2009 : 869)

a. Il est méritant parce qu’il a peu de facilités.

b. Moins on a de facilités, plus on est méritant.

La seule propriété qui rapproche ces structures de la corrélative est donc la relation sémantique implicationnelle entre deux propositions, mais celle-ci ne s’observe qu’indirectement, dans la présupposition qu’elles impliquent.

3.4.3. Structures à valeur temporelle

On observe le même phénomène dans le cas de structures à valeur temporelle :

(55) Il n’avait pas fait trois pas qu’il s’arrêta (Riegel et al. 2009 : 869)

(56) A peine avait-il ouvert la bouche qu’on le fit taire (Ibid.).

La négation ou la présence du temporel à peine qui figurent dans P1 et que qui introduit P2 peuvent difficilement être rapprochés des termes à valeur indéfinie et anaphorique. En revanche, comme le note Maurel (1992 : 83), « que est plus “argumentatif” que quand ». En effet, que et quand peuvent figurer dans le même contexte comme l’illustrent les exemples suivants :

(57) a. A peine était-on sorti, qu’il se mit à pleuvoir (Maurel 1992 : 76)

b. On était à peine sorti, quand il se mit à pleuvoir.

Or, dans un contexte fortement argumentatif, c’est que qui apparaît, et quand ne peut pas s’y substituer. Inversement, dans un contexte purement narratif, c’est quand qui apparaît, et non que :

(58) a. Il avait déjà sept ans qu’il ne parlait pas encore (Maurel 1992 : 80)

b. *Il avait déjà sept ans quand il ne parlait pas encore

(59) a. Il allait se coucher, quand le téléphone sonna (Maurel 1992 : 83)

b. *Il allait se coucher, que le téléphone sonna.

La relation implicationnelle entre deux propositions qui caractérise la corrélative est donc à chercher dans les présuppositions :

(55’) après trois pas, on ne s’arrête normalement pas

(56’) on ne fait pas taire quelqu’un, quand il a à peine ouvert la bouche

(57a’) on ne sort pas, s’il pleut

(58’) à sept an, on doit normalement parler.

3.4.4. La structure en ceci de Adj que P14

Une dernière structure que je voudrais évoquer, qui n’est mentionnée nulle part comme corrélative, est la suivante :

(60) L’écriture a ceci de mystérieux qu’elle parle (P. Claudel)

(61) Il y a ceci de singulier dans la vie qu’elle offre autant de bonnes occasions à ne point manquer que de fausses à écarter (F. Chandernagor, L’allée du Roi).

Cette structure se caractérise par la présence du démonstratif cataphorique dans la première proposition, dont le contenu est explicité dans la seconde, qui est une complétive. Rappelons que, selon Touratier, une subordonnée infinitive ou complétive peut entrer dans la corrélative en latin (5-6) infra. Les constructions qu’illustrent les exemples (60-61) sont donc comparables au diptyque inverse, où P1 suit P2 qui comporte un cataphorique. Toutefois, contrairement au diptyque inverse, elles ne permettent pas la permutation des deux propositions.

La que P n’est pas en relation rectionnelle avec la première proposition, même si elle est coréférente au démonstratif qui figure dans celle-ci. D’ailleurs, à la place de que, on trouve souvent deux points ou une virgule, dans des textes écrits :

(62) La cellulaire a ceci de bon : chacune chez elle, dans le même cubage et avec le même matériel que la voisine ; […] (A. Sarrazin, La cavale)

(63) Le fatalisme a ça de bien embêtant, il pousse au précipice (Y. Navarre, Une vie de chat).

Les deux propositions semblent alors être tous deux autonomes d’un point de vue syntaxique, mais l’asymétrie syntaxique entre les deux est assurée par l’ordre séquentiel fixe.

Par ailleurs, la que P peut être interprétée comme une cause ou une condition qui permet de valider (ou de justifier) la qualification opérée par l’adjectif qui figure dans ceci de Adj. Les deux propositions de ces constructions entretiennent donc une relation sémantique implicationnelle.

D’un point de vue discursif, la première proposition, qui ne peut jamais être négative, fournit une information présuppositionnelle, et la seconde est mise en relief. Le même effet discursif s’observe pour le diptyque inverse en latin, d’après Fruyt (2005a : 28), qui commente en ces termes l’exemple (64) : « Le D1 (diptyque nomal) de la première phrase est la tournure non marquée, tandis que le D2 (diptyque inverse) de la seconde phrase correspond à une mise en relief : ‘c’est celui que tu ne vois pas que tu nommes’ ».

(64) quem uides, eum ignoras : illum nominas, quem non uides.

‘Celui que tu vois, tu l’ignores ; et tu nommes celui que tu ne vois pas = celui que tu nommes, c’est celui que tu ne vois pas’ (exemple cité par Fruyt 2005a : 28)

La construction en ceci de Adj que P manifeste ainsi des propriétés morphologiques, syntaxiques, sémantiques et discursives de la corrélative.

4. Conclusion

L’examen des propriétés de la structure corrélative dans différentes langues a fait ressortir que la corrélation entre deux propositions est assurée non seulement par des marques morphologiques, mais aussi par les relations sémantiques, syntaxiques et discursives entre deux propositions corrélées. Il s’agit donc d’une notion multidimentionnelle.

En français, les structures considérées comme corrélatives ne manifestent pas toutes les propriétés qui caractérisent la corrélative classique, même les structures parallèles, qui seraient les seules à pouvoir entrer dans la construction corrélative, selon Deulofeu (2001).

En effet, les structures parallèles, si elles comportent les marqueurs morphologiques indéfinis et anaphoriques, en position initiale de chacune des deux propositions, ne présentent pas les mêmes propriétés syntaxiques que la corrélative classique : dans la corrélative classique, la relative n’est pas syntaxiquement autonome, contrairement à la proposition comportant le corrélat anaphorique, alors que dans les constructions en tel… tel ou en plus… plus, aucune des deux propositions n’est autonome ; dans la corrélative classique, les deux propositions, regroupées au niveau macrosyntaxique, n’entrent pas dans une relation rectionnelle, alors que dans la construction en plus… plus, la première proposition est régie par la seconde.

Concernant les structures de comparaison d’(in)égalité et les structures consécutives, l’analyse de que comme relatif indéfini semble encore défendable en français. L’adverbe quantifieur présent dans P1 et que dans P2 pourraient alors être considérés comme corrélateurs morphologiques. Par contre, d’un point de vue syntaxique, P2 étant régie par l’adverbe quantifieur, elle ne forme pas une unité macrosyntaxique avec P1.

En revanche, les structures conditionnelles en si… (alors) manifestent un maximum de propriétés corrélatives : la corrélation est assurée morphologiquement par les morphèmes si et alors ; d’un point de vue sémantique, les deux propositions entretiennent une relation asymétrique implicationnelle ; P1, syntaxiquement non autonome, et P2, autonome, sont regroupées au niveau macrosyntaxique ; P1 fonctionne comme topique d’un point de vue discursif. Ce qui différencie ces structures de la corrélative classique est la possiblité de multiplier P1 et la position obligatoire de P1 à gauche de P2, au niveau macrosyntaxique.

Les structures parataxiques à valeur conditionnelle, analysées dans cet article, ne comportent pas de corrélateurs morphologiques et les deux propositions regroupées au niveau macrosyntaxiques sont tous deux syntaxiquement autonomes. En revanche, l’asymétrie syntaxique se manifeste dans l’ordre fixe des deux propositions, qui matérialise par ailleurs la relation sémantique implicationnelle entre deux propositions, ainsi que la fonction topique de P1.

Quant aux structures à valeur causale du type [… d’autant plus…]P1 [que P]P2 et à valeur temporelle du type [… ne… pas…]P1 [que P]P2, [à peine…]P1 [que P]P2, si elles sont considérées comme corrélatives, c’est à cause de la relation implicationnelle qui se trouve au niveau présupositionnel.

Enfin, la structrure [… ceci de Adj…]P2 [que P]P1, mentionnée nulle part comme corrélative, illustre parfaitement la multidimensionnalité de la corrélative, plus précisément le cas du diptyque inverse. Or, dans ce cas aussi, la position de P1 à gauche de P2 est obligatoire, et il n’est pas impossible de multiplier P1.

D’après le résultat de ces analyses, on constate que la notion de corrélation utilisée dans la description du français privilégie soit la dimension morphologique soit la dimension sémantique. Le premier cas concerne les structures parallèles, les structures de comparaison d’(in) égalité et les structures consécutives, et le second, les structures parataxiques à valeur conditionnelle ainsi que les structures à valeur causale et temporelle. Or, la structure conditionnelle en si… (alors), analysée par Maurel (2002) comme corrélative et la structure [… ceci de Adj…]P2 [que P]P1 sont généralement ignorées dans la liste des corrélatives, alors qu’elles manifestent non seulement les propriétés morphologiques et sémantiques, mais aussi les propriétés syntaxiques et discursives de la corrélative.

Liste d’abréviations15 : ACC : accusatif ; Ag : agent ; AUX : auxiliaire ; DAT : datif ; DEICT : déictique ; DEM : démonstratif ; DIR : direct ; E (rg) : ergatif ; FUT : futur ; GEN : génitif ; IMP (F) : (aspect) imperfectif ; INF : infinitif ; INS : instrumental ; M : masculin ; N : nom ; NOM : nominatif ; NOMIN : nominalisation ; NON.PAST : non passé ; OBL : oblique ; PAST : passé ; PERF : (aspect) perfectif ; PL : pluriel ; PRES : présent ; PROG : progressif ; PROS : (aspect) prospectif ; PTCP : participe ; PTF : partitif ; PV : (élément) préverbal ; REAL : realis ; REL : relatif ; SG : singulier ; SUBJ : sujet ; TAM : (marque de) temps/aspect/modalité ; TOP : topique.

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1 Je tiens à remercier Véronique Lagae ainsi que les deux relecteurs pour leurs commentaires qui m’ont permis d’améliorer une version antérieure de cet article.

2 Les énoncés corrélés par autant du type autant il était sympathique autant il est imbuvable (ex. cité dans Savelli 1995 : 83) expriment une opposition et entretiennent d’un point de vue syntaxique une relation symétrique, à la différence du type (iv) (cf. infra). Pour une description détaillée sur la construction en autant… autant, voir Savelli (1995), ainsi que Deulofeu (2001).

3 « On appelle “corrélatifs” des adjectifs, des pronoms, des adverbes qui présentent dans leur forme et dans leur sens des correspondances remarquables de série à série » (Lavency 1997 : 67).

4 Rebuschi (2009a : 34) note également, s’appuyant sur Izvorski (1996), qu’en russe, si un corrélat démonstratif doit être à l’initiale de P2, un corrélat pronominal apparaît en fin de phrase. Or, pour Olga Inkova et Katia Paykin (c.p.), l’exemple russe suivant, cité par Izvorski pour illustrer la position finale du corrélat pronominal, n’est pas acceptable :

[kogo   ty    predložiš’]i my vyberem         egoi

Whom  you suggest        we  will-appoint  him

‘We’ll appoint who you suggest’.

5 Les exemples sont tirés des chapitres 122 et 123 rédigés par Bernard Comrie and Tania Kuteva sur le site http://wals.info/supplement/8.

6 Cette analyse diffère de celle de Montaut (dans ce volume), qui considère la corrélative comme déterminative restrictive et la relative à tête externe comme appositive descriptive.

7 En hindi/ourdou, le morphème to, utilisé comme corrélatif hypothétique et temporel dans la structure corrélative (agar (ou yadi) ‘si’… to (‘alors’) ; jab (‘quand’)… to (‘alors’)), sert également à marquer le topique. Cette même marque connaît aussi les emplois conjonctif et argumentatif. Voir pour une analyse plus détaillée Montaut (2000).

8 Notons aussi que Den Dikken (2005 : 512) analyse comme une relative la première proposition de la corrélative comparative en anglais (The higher the stakes are, the lower his expections are), où la position initiale du syntagme quantifieur est obligatoire, tout comme un relatif.

9 La structure du type (37a), assez fréquente en ancien français (8), se trouve encore chez certains auteurs jusqu’au XVIIe siècle, d’après une enquête sur Frantext, mais semble disparaître complètement aux XVIIIe et XIXe siècles, pour réapparaître au XXe siècle chez quelques auteurs comme Claudel, Alain, Gracq et Audiberti : Qui croit prier, il s’écoute (J. Audiberti, L’Ampélour, 1948 : 107).

10 Dans la structure à valeur finale du type Lève la tête, que je puisse voir tes yeux, les deux propositions sont aussi syntaxiquement autonomes : la première est un acte injonctif et la seconde, un acte de souhait.

11 Il faut pourtant admettre que ce type de construction est rarement attesté en français contemporain.

12 Pour les formes non canoniques, voir Deulofeu (2007).

13 Selon Touratier (1994 : 698), les types de subordonnées qu’on trouve dans la corrélative en latin sont des relatives, des comparatives, des adverbiales (causales, temporelles, conditionnelles, concessives et finales), mais les subordonnées à valeur consécutive ne s’y trouvent pas. Notons toutefois que l’auteur ne considère comme corrélatives que les diptyques « normaux » et non les diptyques « inverses ».

14 Cette structure, en comparaison avec la pseudo-clivée, a fait l’objet d’étude de Choi-Jonin & Lagae (2012).

15 Les abréviations sont généralement celles des auteurs à qui sont empruntés les exemples, mais parfois homogénéisées pour faciliter la compréhension.