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Come… così…,… così come… de quelques cas de comparaison corrélative (et non corrélative) en italien

Emilio MANZOTTI

A Venezia, come non si puo sentire se non per modi musicali cosi non si puo pensare se non per imagini1

Chaque écrivain est obligé de se faire sa langue, comme chaque violoniste est obligé de se faire son ‘son’2

1. Préalables

Je propose ici un réexamen selon le point de vue des marqueurs de corrélation (mais pas seulement) d’une sous-classe de comparatives de l’italien, celles que pour le français Moline (2008 : 83) en suivant Le Goffic (1991) étiquette ‘propositions d’analogie’ – une désignation (proposizioni, ou comparazioni, analogiche ou d’analogia) d’ailleurs bien attestée dans la grammaire italienne : v. Herczeg (1977), Agostini (1978), Serianni (1977), etc. Ces propositions – dont deux exemples littéraires, un (corrélatif) en italien, l’autre (non corrélatif) en français sont donnés en exergue – se fondent sur une « analogie de situation » (Fuchs & Le Goffic 2005 : 269), donc sur une relation de ressemblance, de similarité, voire, à un certain niveau d’abstraction, d’identité entre deux états de choses p et q : l’état de choses q, exprimé par la phrase subordonnée Fs, est présentée comme ‘analogue’ à p, exprimé par la phrase principale F. L’introducteur le plus commun d’une proposition d’analogie, en italien comme en français, est la conjonction come (< lat. quōmo (do) et) “comme” (« le mot le plus exaltant dont nous disposions », selon Breton), qui dans des configurations particulières est remplaçable par la combinaison de et et d’un adverbe anaphorique d’analogie : e analogamente, e allo stesso modo “de la même manière / façon”, e similmente etc. ; ou par les locutions conjonctives alla stessa maniera che, allo stesso modo che, etc. Et qui, toujours dans des configurations particulières, qu’il importera d’explorer, peut entrer en corrélation avec l’adverbe così3 (< lat. ĕccum sīc) “ainsi”4 de la principale (v. : Come lui ha trattato noi, così noi tratteremo lui “Comme lui nous a traité nous, ainsi nous allons le traiter lui”5, par rapport à la version non corrélative Lo tratteremo come lui ha trattato noi), mais aussi avec les adverbes d’analogie qu’on vient de mentionner (Come lui ha trattato noi, allo stesso modo noi tratteremo lui). Così, d’ailleurs, et c’est même en italien la solution la plus courante, peut être juxtaposé à come en tête de la proposition d’analogie (Lo tratteremo così come ha trattato noi), la principale pouvant toutefois toujours intégrer comme marqueur de corrélation un adverbe d’analogie (Così come lui ha trattato noi, allo stesso modo noi tratteremo lui). On aura remarqué au passage, en comparant les citations en exergue aux exemples italiens introduits ci-dessus, que les propositions d’analogie recouvrent, de par leur définition sémantique (et) assez vague, des réalités syntaxiques très différenciées, dont il faudra tenir compte dans l’étude de leurs réalisations corrélatives.

Concrètement, je commence en distinguant ou en rappelant pour des énoncés en come du type de Lei è sveglia come sua sorella “Elle est éveillée [= ‘vive d’esprit’ ou ‘réveillée’, ‘non endormie’] comme sa sœur” l’existence en principe de quatre lectures : I) scalaire ; II) modale ; III) analogique ; et IV) additive – disponibles en fonction de différents paramètres et réalisations phono-syntaxiques (intonation, pause, dislocation du syntagme de come, etc.). Malgré cette variété interprétative, come apparaît essentiellement unitaire dans sa sémantique, qui est invariablement (et c’est aussi l’avis de Fuchs et Le Goffic 2005) celle d’un marqueur de ressemblance ou analogie, même dans son apparent emploi scalaire (mal conciliable d’ailleurs avec l’antécédent corrélatif cosi : ? Lei è così sveglia come sua sorella). Je m’adresse ensuite spécifiquement aux comparatives d’analogie : nominali et verbali (Serianni 1997), en enregistrant quelques régularités élémentaires concernant leur réalisation corrélative dans les réalisations prototypiques. J’évalue par contraste le comportement ‘corrélatif’ de certains sous-types moins prototypiques des comparatives d’analogie : les ‘généralisantes, qui insèrent p dans une série de cas semblables (Per tutta la settimana […] si comportò come si era sempre comportato6 “Pendant toute la semaine il se comporta comme il s’était toujours comporté” ; les ‘interprétatives’ ou ‘approximantes’ telles que Se ne è andato, come (se fosse) di malumore “Il s’en est allé, comme s’il était de mauvaise humeur” ; les parenthétiques à fonction de commentaire7 (Come ti avevo detto, non voglio vederla “Comme je t’avais dit, je ne veux pas la voir”, qui selon Serianni (1997) seraient « prive di qualsiasi elemento correlativo nella sovraordinata » “dépourvues de tout élément corrélatif” – une constatation en partie vraie pour les autres sous-types ; etc. Et j’en viens finalement, après quelques réflexions sur la notion même de corrélation, sémantique et formelle (= morpho-syntaxique) et sur ses manifestations linguistiques plus ou moins ‘fortes’, à des hypothèses sur la spécificité sémantique et informationnelle des réalisations corrélatives des comparatives d’analogie, en essayant donc d’évaluer le différentiel sémantique entre réalisation simple (Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono) et réalisation corrélative (Come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, così ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua) – pour préciser et développer les intuitions de Herczeg (1977 : 326 et 327) sur les couples come… così… corrélatif et così come à contact, qui souligneraient, le premier, « la conformità del contenuto delle due proposizioni » “la conformité du contenu des deux propositions”, et le deuxième – question de degré ? – « la stretta conformità tra le due proposizioni » “l’étroite conformité entre les deux propositions”.

2. Comparatives d’égalité scalaire vs comparatives d’analogie

Une des trois classiques catégories grammaticales de comparatives de degré est en italien bien sûr celle des comparatives d’égalité (= de degré égal), représentées par exemple8 dans les énoncés (1)-(3) :

(1) Lei è sveglia come sua sorella

[sveglia = “svelta nel comprendere e nell’agire”, de même que dans les exemples suivants ; mais sveglia peut aussi signifier “réveillée”, lecture à laquelle on se réfèrera aussi dans ce qui suit]

“Elle est éveillée [= “vive d’esprit”, donc] comme sa sœur”

(2) Lei è altrettanto sveglia di / *come sua sorella

“Elle est autant éveillée que sa sœur”

(3) Lei è tanto sveglia quanto / *come sua sorella

“Elle est aussi éveillée que sa sœur”.

Enoncés qui à première vue (un hedge censé dire caveat…) semblent tous homologues syntaxiquement (l’adjectif sveglia constitue invariablement avec son expansion droite, éventuellement discontinue – altrettanto… di…, tanto… quanto… –, la prédication nominale de la copulative), ainsi que sémantiquement : ils établissent tous l’identité du degré d’une qualité pour deux porteurs de cette qualité, le deuxième introduit par come, ou di ou quanto. Enoncés, de plus, qui acceptent ou qui exigent une réalisation corrélative : marginale pour l’italien contemporain9 en (1) (mais peut-être presque récupérée à une certaine acceptabilité en (1") grâce à la focalisation ?) ; obligatoire en (2) ; facultative en (3). Voir :

(1’) ?Lei è così sveglia come sua sorella

[on remarquera qu’avec une coupure intonative et syntaxique l’agrammaticalité est à peu près indiscutable ; v. : *Lei è così sveglia, come sua sorella ; il faudrait, pour la résoudre, envisager une lecture du type : “Elle est tellement éveillée… ! – comme sa sœur”]

(1") (?)Lei è proprio cosi sveglia come sua sorella

(2’) *Lei è Ø sveglia di sua sorella

(3’) Lei è Ø sveglia quanto sua sorella.

La marginalité de (1’), répliquée et accentuée d’ailleurs dans (1’a) et (1’b) :

(1’a) *Lei è altrettanto sveglia come sua sorella

(1’b) ??Lei è tanto sveglia come sua sorella

et sa ‘correction’ en (1"), sans toutefois totale contrepartie dans (1"a) et (1"b) :

(1"a) ??Lei è proprio altrettanto sveglia come sua sorella

(1’b) ?Lei è proprio tanto sveglia come sua sorella,

nous laissent à vrai dire quelque peu désorientés. Pourquoi cette différence de comportement ? En quoi l’antécédent cosi diffère de tanto e altrettanto ?

L’examen des exemples précédents, auxquels on ajoutera (4), avec fracture intonative-syntaxique (et analoguement (4’), sûrement pas scalaire, et (5), plutôt modale que scalaire),

(4) Lei è sveglia, (così) come sua sorella

(4’) (Così) come sua sorella, lei è sveglia

(5) Lei è sveglia allo stesso modo di sua sorella,

nous amène à reconnaître (j’épargne ici les détails de la démonstration) que des exemples en come du type de (1) admettent en principe, en fonction aussi de la réalisation intonative (pauses comprises), trois, voire quatre lectures ou interprétations distinctes :

I. Interprétation scalaire

Si la prédication est scalaire, ou en tout cas peut aisément être interprétée en tant que telle, et si le constituant introduit par come est référentiel10 et intégré syntaxiquement à la prédication (concrètement : s’il ne constitue pas une unité intonative distincte, s’il n’y a pas de pause avant), on aura en premier lieu une interprétation scalaire : de degré égal – l’interprétation justement dont on a pris le départ. Paraphrase : (tanto)… quanto, altrettanto… di.

Il va de soi que si la prédication, comme en (6), n’est pas graduable, ou si le constituant de come est séparé de ce qui précède par une pause / virgule, comme en (7), l’interprétation scalaire n’est pas disponible11. Les deux énoncés (6) et (7) n’en demeurent pas moins acceptables, mais dans une autre lecture. On remarquera que si l’on essaye de forcer, comme en (8) et en (9), l’interprétation scalaire d’un prédicat non graduable en faisant recours aux constructions corrélatives scalaires (tanto)… quanto, altrettanto… di on parvient à une sorte de grammaticalisation des constructions en question dans les directions – dont on parlera – de la modalité et de l’additivité analogique (“Elle est mariée, de même / de la même façon / ainsi que sa sœur”). Sans effet, par contre, le même procédé appliqué, comme en (10) et (11), au constituant non intégré syntaxiquement :

(6) Lei è sposata come sua sorella

“Elle est mariée comme sa sœur”

(7) Lei è sveglia, come sua sorella

(8) Lei è tanto sposata quanto sua sorella

(9) Lei è altrettanto sposata di sua sorella

(10) ??Lei è tanto sveglia, quanto sua sorella

(11) *Lei è altrettanto sveglia, di sua sorella.

II. Interprétation modale

Chaque fois que la prédication admet différentes modalités de réalisation (ce qui n’est normalement pas le cas par exemple de « être mariée », ni probablement de « être éveillée » ou « être fatiguée », mais bien de « travailler », de « être intelligente », etc.), se rend en principe disponible, sous certaines conditions, une interprétation modale (non scalaire). Un énoncé comme (12) sera alors interprétable bien sûr en tant qu’égalité quantitative (= “autant que”), mais aussi en tant qu’identité de mode (“de la même façon que”) : une lecture qu’une explicitation successive (12a) ou préalable (12b) de la modalité rendraient manifeste (et obligée) – il n’est d’ailleurs pas toujours évident d’extraire de la prédication la modalité implicite sur laquelle come vient se greffer.

(12) Lavora come sua sorella

“Elle travaille comme sa sœur”

(12a) Lavora come sua sorella : male

“Elle travaille comme sa sœur : mal”

(12b) Lavora male come sua sorella

“Elle travaille mal comme sa sœur”

Il en est de même pour (13) et ses variantes (13a) et (13b) : lecture quantitative + lecture modale pour (13), uniquement lecture modale pour (13a) et (13b). Tandis que (14) admet évidemment, comme (14a) et (14b), la seule lecture modale :

(13) Scrive come sua sorella

“Elle écrit comme sa sœur”

(13a) Scrive come sua sorella : bene

“Elle écrit comme sa sœur : bien”

(13b) Scrive bene come sua sorella

“Elle écrit bien comme sa sœur”

(14) Vive come sua sorella

“Elle vit comme sa sœur”

(14a) Vive come sua sorella : confortevolmente

“Elle vit comme sa sœur : confortablement”

(14b) Vive confortevolmente come sua sorella

“Elle vit confortablement comme sa sœur”.

C’est bien (5) :

(5) Lei è sveglia allo stesso modo di sua sorella,

qui explicitait l’identité modale, en astreignant ainsi à une (laborieuse, mais pas impossible) ré-interprétation modale de l’égalité, qui a suggéré, même en absence de modalité explicite, et aussi pour des prédications à modalisation mal aisée, la possibilité d’une lecture modale des comparatives d’égalité en come. Il va de soi (ou peut-être pas ?) qu’aucune version corrélative de (5) n’est envisageable, ainsi d’ailleurs – et cela est pour nous plus significatif – que de (1) Lei è sveglia come sua sorella, de (12) et de (13) dans leur lecture modale et bien sûr de (14).

III. Interprétation analogique

Comme il a été dit au § 1., l’interprétation en termes d’analogie se fonde (par la définition même d’analogie) sur une ressemblance, sur une similarité entre deux états de choses p et q, lesquels sont indépendants sémantiquement autant que syntaxiquement – il n’y aura donc pas de lecture analogique disponible si la modalité est exigée en tant qu’argument (parmi d’autres arguments alternatifs) par le verbe : v. le cas de Sta come sua sorella “Elle se sent comme sa sœur”. L’indépendance est souvent (toujours ?) marquée par l’intonation et par la pause, graphiquement par une virgule, ou un tiret moyen. Ainsi, si l’on reprend en (15) (= (7)) l’exemple (1) – toujours dans la valeur “vive d’esprit” de sveglia – en y introduisant une pause (ou son correspondant graphique), l’interprétations privilégiée sera cette fois analogique (= “p, et de même q” ; pour l’italien, qui dispose de l’adverbe analogamente : “p, e analogamente q”), les interprétations scalaire et modale pouvant tout au plus être récupérées en tant que phénomène d’exécution : la réalisation en deux énonciations successives d’une structure unitaire – chose qui est incompatible avec la structure corrélative stricte, ‘insécable’, de (16), que l’on comparera à (17) :

(15) Lei è sveglia, come sua sorella

“Elle est éveillée, comme sa sœur”

(16) *Lei è altrettanto sveglia – di sua sorella

“Elle est autant éveillée – que sa sœur”

(17) Lei è sveglia – quanto sua sorella

“Elle est éveillée – autant que sa sœur”.

Sveglia dans le sens, cette fois non psychologique, de “réveillée”, “non endormie”, admettra éventuellement une lecture modale grammaticalisée (qui équivaut somme toute à une lecture analogique), mais surtout et en premier lieu une lecture analogique, mieux servie, sans doute (parce que les deux propositions p et q sont du même niveau, et non l’une enchâssée dans l’autre…) par la réalisation avec pause de (19) :

(18) Lei è sveglia come sua sorella

[sveglia = “che ha smesso di dormire ; che è in stato di veglia” (ainsi le dictionnaire de Sabatini & Coletti), “réveillée ”, donc, “non endormie”]

“Elle est réveillée comme sa sœur” [équivalent grosso modo à “Elle est réveillée, ainsi que sa sœur”, “Elle est réveillée, de même que sa sœur” et en dernière instance à “Elle et sa sœur sont réveillées”]

(19) Lei è sveglia, come sua sorella

“Elle est réveillée, comme sa sœur”.

Les exemples (15) et (19) dans les lectures analogiques respectives (sur des prédications scalaires et non scalaires – mais la scalarité potentielle de (15) n’est alors pas exploitée) autorisent la version à double introducteur così come (v. (4) en § 2.) de (20), que le pro-prédicat lo è de (21), en soulignant l’état de chose global plutôt que la modalité, déplace carrément du côté de la seule lecture analogique12. Et pourtant les versions ‘corrélatives’ (dans un sens pour le moment générique du terme) de (22), dans laquelle on remarquera l’ordre inverse come… così, ou de (23), qui intervertit les termes de la comparaison, ne paraissent pas très réussies – pour ne pas parler de (24). On y reviendra.

(20) Lei è sveglia, cosi come sua sorella

(21) Lei è sveglia, cosi come lo è sua sorella

(22) (?)Come è sveglia sua sorella, così è sveglia lei

(23) (?)Come è sveglia lei, cosi è sveglia sua sorella

(24) *Così lei è sveglia, come (lo è) sua sorella

Et finalement il est évident que des raisonnements tout à fait du même genre peuvent être répétés pour (6) et pour (12), (13) et (14).

IV. Interprétation additive

On parle couramment d’interprétation ‘additive’ pour des configurations sémantiques dans lesquelles à un premier état de choses vient s’en ajouter un deuxième, du même type ou de type différent. Un marqueur caractéristique est évidemment en italien l’adverbe anche “aussi”, qui, toutefois, dans son emploi central, opère sur des arguments ou des circonstants de la proposition, et non sur la proposition dans sa globalité, sur l’état de choses (v. (25) et (26)), même si l’on connaît, accessoirement, un emploi de anche en tant que ‘conjonction textuelle’13 entre propositions (v. (27) et (28), avec la valeur (toujours selon Sabatini & Coletti 2007, d’où je tire les exemples) de inoltre14, oltre a ciò, in più, per di più.

(25) Era stanca, ieri – e anche oggi lo stesso

“Elle était fatiguée, hier – et aujourd’hui aussi”

(26) Era stanca, e anch’io ero stanca

“Elle était fatiguée, et moi aussi j’étais fatiguée”

(27) « “Ma smettila”, disse brutalmente, “ora, anche, mi vuoi far male” »

“‘Mais arrête’, dit-elle brutalement, ‘maintenant tu veux aussi me faire mal’” [Moravia]

(28) « I signori fanno le iniezioni. E lei si è abituata con loro. Ma forse ha un po’ di tisi, anche »

“Les riches font des piqûres. Et elle a pris des habitudes, avec eux. Mais elle est peut-être, aussi, un peu phtisique” [Vittorini]

Cela dit, le marqueur le plus neutre et le plus sémantiquement pauvre de la relation d’additivité entre états de choses est sans doute en italien la simple conjonction e, éventuellement couplée avec inoltre (= e inoltre). Les rapports entre anche et ses hypothétiques équivalents ou concurrents, in primis l’adverbe inoltre (lui-même une ‘conjonction textuelle’) sont à vrai dire passablement compliqués, et il semblerait indispensable en particulier de distinguer au moins entre une addition ‘énonciative’ (inoltre) et une addition ‘propositionnelle’ (anche). Mais ce qui nous importe ici est bien le fait, reconnu d’ailleurs par nombre de lexicographes et de linguistes, que ‘dans certaines conditions’ l’analogie exprimée par come e comme entre deux états de choses semble décliner vers l’additivité, jusqu’à devenir (presque) indiscernable d’elle. Ainsi, selon le TLFi, comme, « grâce à l’idée de comparaison, de similitude […] sous-jacente à celle de conformité, joue le rôle d’un coordonnant » (l’attestation proposée est du type ici comme ailleurs) ; de même, Sabatini & Coletti (2007) reconnaissent un « valore di semplice congiunzione coordinante (estensione del valore comparativo) : Conosco bene lui come lei ; Riceve di mattina come di pomeriggio », et Fuchs & Le Goffic (2005 : 271) une valeur, un « effet », de coordination ; et Bikialo (2005 : 265), dans le sillage du GDLF, reconnait une ‘comparaison additive’ « par affaiblissement de sens » (GDLF), dans laquelle comme se limiterait à la « simple valeur copulative » (toujours le GDLF) de ainsi que, de même que et de et ».

L’interprétation additive, on vient de le signaler, se rend disponible « dans certaines conditions ». On pourrait hasarder l’hypothèse que cette interprétation se rend disponible chaque fois que l’analogie entre les deux états de choses en question est évidente, trop évidente pour occuper le premier plan communicatif. C’est souvent (presque toujours) le cas quand les propositions p et q sont identiques à moins d’un argument – comme dans les exemples (29) et (30) déjà évoqués en passant ci-dessus – et partant susceptibles de réduction, et normalement réduites ; v. aussi (31) et (32) :

(29) Riceve di mattina come di pomeriggio

“Elle reçoit le matin ainsi / de même que l’après midi’ [on notera : Riceve di mattina così come di pomeriggio]

(30) Conosco bene lui come lei

“Je connais bien lui ainsi / de même qu’elle” [on notera : : *Conosco bene lui cosi come lei, mais par contre : Conosco lui così come lei]

(31) Noi come voi non siamo molto convinti

“Nous comme vous ne sommes pas très convaincus”

(32) Per il compleanno le ha comperato un libro cosi come un disco.

“Pour son anniversaires elle lui a acheté un livre ainsi qu’un disque” [on notera l’agrammaticalité, dont on doit reparler, de la version ‘simple’ : *Per il compleanno le ha comperato un libro come un disco].

Par contre, à l’autre extrême, il est clair qu’une analogie-similitude, comme la phrase proustienne citée en ouverture, ne se pliera jamais à une lecture additive :

(33) Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, come [# e inoltre] ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono.

Si maintenant on revient à l’exemple (1) de départ, dans sa variante (34) (= (7), (15) e (19)) avec fracture intonative et pause avant le syntagme en come,

(34) Lei è sveglia, come sua sorella,

on est forcé de reconnaître que lecture analogique et lecture additive ne sont pas aisément séparables : la deuxième, dirait-on, est intégrée en tant que composante de la première. A un état de choses p on ajoute un état de chose q, auquel p est ensuite comparé. Tandis que l’analogie entre états de chose paraît inclure (d’une certaine manière donc l’effaçant) leur ‘addition’, avec l’analogie ‘syntagmatique’ des exemples (29)-(32), réalisée syntaxiquement (sans pause) au niveau des syntagmes, c’est bien la composante analogique qui tend à s’estomper. L’interprétation dominante de (35) sera ainsi additive.

(35) Lei come sua sorella è sveglia.

3. Comparatives d’analogie en version corrélative : quelques faits

Nous avons donc constaté que les comparatives d’analogie se disposent sur un éventail syntaxique et sémantique relativement large, qui va des réalisations nominales (réduites) aux réalisations phrasales ; et parallèlement (ou presque), de la quasi-addition d’états de choses identiques à moins de quelques arguments (avec de règle une présentation symétrique des arguments) jusque carrément à la classique similitude littéraire, qui rapproche ‘de l’extérieur’, parfois par quête à outrance des correspondances, des états de choses en soi très éloignés – même si apparentés par leur structure.

Je viens maintenant à l’éventuelle réalisation ou ‘présentation’ corrélative de ces comparatives. Cette réalisation est confiée typiquement, comme on l’a déjà suggéré, à l’adverbe così en tête de la principale, mais aussi (si l’on peut alors encore parler de corrélation) placé immédiatement devant come en tête de la subordonnée. A così peuvent se substituer les adverbes ou locutions adverbiales de ‘parenté modale’ analogamente (voire dans un registre plus élevé similmente), allo stesso modo, alla stessa maniera, in modo analogo, in modo simile, etc., lesquels, de plus, peuvent se combiner à comme en tête de la subordonnée même en présence de così devant celle-ci (v. : Così come q, allo stesso modo p – et même Così come q, così p).

Mais voyons les faits – obtenus en extrapolant à partir des jugements de grammaticalité sur les variantes de (33) : un énoncé ‘prototypique’, dépourvu d’ambiguïté sémantique, et constitué de deux propositions complètes ; on verra ensuite les ajustements demandés par l’énoncé ‘nominal’ ou ‘réduit’15 (1), dont on a reconnu la polyvalence sémantique, fonction en partie de ses différentes réalisations :

(33) Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono

(1) Lei è sveglia come sua sorella.

La variation des trois paramètres élémentaires de a) présence / absence de l’adverbe così ; b) collocation de così en tête de la principale ou à contact de come en tête de la proposition analogique ; et c) ordre de la principale et de la subordonnée analogique amènent, sur la base des jugements de grammaticalité répertoriés pour così corrélateur en note16, mais également valables pour les autres corrélateurs modaux, à établir pour la réalisation corrélative de principales-corrélative analogique, les premiers points i)-iii) suivants :

i) les corrélateurs (così et les adverbe modaux concurrents) ne sont jamais obligatoires (v. l’opposition (36)/(36’)) ; il faudra donc se poser la question de la valeur sémantique, au sens large du terme, de leur présence ;

ii) l’ordre principale-subordonnée est ‘libre’ (dans le sens que les deux ordres sont en abstrait possibles – à moins bien sûr des effets informatifs) en absence des corrélateurs (così etc.) ou si les corrélateurs sont à contact de come en tête de la subordonnée analogique (v. (36)/ (36’) e (37)/(37’)) ;

iii) l’ordre principale-subordonnée est fixe – principale en deuxième position – chaque fois que les corrélateurs (così etc.) sont présents en tête de la principale (v. (38)/(38’)) ; l’ordre inverse, très marqué, demanderait pour être admis une focalisation prononcée du corrélateur (ce qui serait à la limite possible avec così, mais pas avec les autres corrélateurs), toute la principale étant alors suspendue jusqu’à l’arrivée de la subordonnée.

Schématiquement, donc (et en se limitant au cas prototypique de così), les structures admises sont (Ia), (Ib) et (IIb) ; (IIa) par contre n’apparaît pas grammaticale en tant que corrélation.

(Ia) p, (così) come q (Ib) (così) come q, p

(IIa) *così p, come q (IIb) come q, così p

Les données ne diffèrent pas substantiellement pour la version réduite (1) dans son interprétation analogique (avec pause / virgule, donc), que sveglia soit scalaire ou pas. Toutefois dans le cadre syntaxique de la phrase l’influence des facteurs informationnels se fait sensible, et en particulier, surtout dans le cas de la réalisation (IIb), l’exigence d’une présentation symétrique, ‘corrélée’, de l’information, incompatible avec l’ellipse du constituant verbal. Ainsi la version (36) correspondante à (IIb), par exemple, apparaît assez mal construite dans son interprétation analogique, ainsi que d’ailleurs (37) ; il faudra récupérer en q le verbe sous-entendu pour une corrélation formellement adéquate et bien organisée informationnellement (ce que (38) ne pouvait pas être en raison de ses focalisations anticipées). Mais il ne m’est pas possible d’entrer ici dans les détails.

(36) ??Come sua sorella, così lei è sveglia

(37) ??Come sua sorella, così è sveglia lei

(38) ??Come sua sorella è sveglia, così lei è sveglia

(39) Come è sveglia sua sorella, così è sveglia lei

Così, adverbe déictique textuel ou contextuel (et en tant que textuel essentiellement anaphorique), paraît effectuer et en (I) et en (II) une reprise, une sorte d’actualisation d’une des deux propositions en jeux au début de l’autre – à la rigueur pas tellement des propositions que de leur ‘modalité’17, ou pour mieux dire de leur spécifique ‘façon d’être’, ‘de se présenter’, mais cela d’une manière tellement grammaticalisée qu’elle se confond avec la simple reprise de la proposition assortie de l’assertion d’une correspondance, d’un parallélisme avec celle qui suit. Dans cette fonction così, comme il a été dit, est rigoureusement anaphorique, tandis que son emploi non grammaticalisé (avec la valeur donc de in questo modo “de cette façon / manière”), même en (pseudo) corrélation18 avec come, peut bien être proleptique, en annonçant, accompagné de règle par une focalisation forte, le ‘mode’ qui va suivre : Così la tratteremo : come lei ha trattato te19). Et così peut très bien être suivi, vu sa ‘neutralisation’, par un adverbial de modalité tel que allo stesso modo / analogamente etc. :

(40) Come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, così, allo stesso modo / analogamente /… ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua.

Così assume donc dans son emploi corrélatif une valeur qui paraît plus proche de celle des adverbes (cor) rispettivamente, corrispondentemente, parallelamente que de celle de allo stesso modo. Et on enregistrera de passage que même en italien contemporain20 un doublet così come… così est tout à fait admis, même si pas très fréquent : v. (41) :

(41) Così come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, così, allo stesso modo / analogamente /… ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua

– ce qui irait dans le sens d’un traitement différentiel de « p, così come q » et « così come q, p » par rapport à « come q, così p ». Un così ‘intensificateur’ (à contact) de come d’une part, apparenté à proprio, qui peut d’ailleurs le remplacer ou même le précéder (« proprio come q », « proprio così come q »), un così corrélatif de l’autre ? J’essaierai de discuter cette hypothèse au § 5, en examinant la question générale de la ‘corrélativité’ de nos structures.

4. Comparatives analogiques non corrélatives ou presque corrélatives

S’il est vrai que les comparatives analogiques prototypiques analysées jusqu’ici admettent toutes une version corrélative antéposée (IIb), il n’en est pas de même pour d’autre types, plus ou moins courants. Examinons d’abord les comparatives analogiques qui généralisent l’état de choses exprimé par la principale, en le ramenant à une quantification universelle sur un des arguments (v. par exemple Il a refusé, comme tous ont refusé / l’ont fait, qui réalise le schéma « P (x0), comme ∀xP (x) ») ou sur les circonstants de lieu ou, comme c’est souvent le cas, de temps (“p comme toujours”). L’état de choses p est donc rapporté à une régularité, c’est-à-dire à toute une série de situations pi. strictement du même type que p, plus que simplement analogues à p ; p est alors un élément de {pi.}. Il est ainsi dans l’exemple (42), déjà mentionné au § 2., ou dans (43) et (44), exemples tous quantifiés temporellement ; ou encore dans (45) et (46) ; entre parenthèses, et pourvu d’une (ardue) évaluation d’acceptabilité, così à contact de come ; suivent les hypothétiques versions corrélatives, plus ou moins acceptables :

(42) Per tutta la settimana si comportò (così) come si er a sempre comportato

“Pendant toute la semaine il se comporta comme il s’était toujours comporté”

(43) Chiacchieravano del più e del meno, (? così) come fanno sempre

“Ils bavardaient de tout et de rien, comme ils font toujours”

(44) Lo aiuterà (? così) come lo ha sempre aiutato

“Il l’aidera comme il l’a toujours aidé”

(45) Ha rifiutato, (? così) come hanno rifiutato tutti

“Elle a refusé, comme ils ont refusé tous”

(46) La leggerà, (? così) come legge tutto quello che gli capita sotto mano

“Il la lira, comme il lit tout ce qui lui tombe sous la main”

(47) La leggerà con grande piacere, (così) come legge tutto quello che gli capita sotto mano

“Il la lira avec grand plaisir, comme il lit tout ce qui lui tombe sous la main”

(42’) ?Come si era sempre comportato, così si comportò per tutta la settimana

(43’) ?Come fanno sempre, così chiacchieravano del più e del meno

(43") Come fanno sempre, così, anche quella volta, chiacchieravano del più e del meno

(44’) ?Come lo ha sempre aiutato, così lo aiuterà anche stavolta

(45’) ?? Come hanno rifiutato tutti, così ha rifiutato anche lei

(46’) ? Come legge tutto quello che gli capita sotto mano, così leggerà anche questa cosa.

L’évaluation de ces emplois corrélatifs, ainsi que de ceux, qu’ils soient corrélatifs ou non, avec così come en tête de la comparative, apparaît singulièrement malaisée. Sans trop entrer dans les détails, on retiendra sur la base du couple (46)/(47) et des couples semblables qu’on peut construire à partir de (43)-(45)21, que la lecture tend à se déplacer sur le plan non corrélatif de la modalité, ce qui attribue à così un degré assez élevé d’anaphoricité – d’où la meilleure acceptabilité de (47) et exemples analogues. Les versions potentiellement corrélatives de (42’) et svv. connaissent pour leur part un déplacement vers la valeur argumentative, déductive, de così, qui signalerait alors le passage ‘exemplifiant’ de la généralité à un cas particulier conforme (v. la parfaite acceptabilité de (43")).

Les faits sont relativement plus clairs pour les comparatives d’analogie qu’on pourrait étiqueter ‘interprétatives’ ou (selon un autre point de vue) ‘approximantes’ : comparatives qui expliquent, qui interprètent en termes d’une hypothétique mais typique finalité ou raison ou motivation, etc. le comportement p constaté du sujet (ci-dessous, en (47)-(49), “s’en aller”, “se taire”, “se lever”). Cette interprétation de la part du locuteur se fonde donc sur l’analogie qui subsisterait entre p et le comportement px d’un sujet générique x dans des conditions topiques ; (47) pourrait ainsi être reconduit à la paraphrase explicite “il s’en est allé comme s’en va quelqu’un qui éprouverait de l’agacement, à la manière de quelqu’un qui… ”. En raison de la composante hypothétique du raisonnement, come assume ici presque la valeur d’approximation de quasi22 (v. (47’)), un adverbe avec lequel come, significativement, alterne assez souvent dans le conteste spécifique, caractéristique de cette classe de comparatives, des didascalies théâtrales : de celles, kinésiques ou mélodiques, qui suggèrent ou prescrivent à l’acteur une gestique et/ ou un portement de voix tels que le spectateur puisse en induire l’état d’âme, les sentiments du personnage23.

(47) Se ne è andato, come infastidito

“Il s’en est allé, comme (s’il était) énervé / agacé”

(48) Taceva, come (se fosse) di malumore

“Il se taisait, comme (s’il était) de mauvaise humeur”

(49) Si è alzato, come per uscire

“Il s’est levé, comme pour sortir”

(47’) Se n’è andato quasi {infastidito / che (*se) fosse infastidito}

On constate pour ces comparatives ‘interprétatives’ ou approximantes d’une part l’indiscutable agrammaticalité de toute version corrélative (illustrée en (51)), de l’autre, de nouveau, que così devant come en tête de comparative demande un élément modal dans la principale, dont il effectue une reprise anaphorique (v. le couple (49)/(50)) :

(49) ??Taceva, così come se fosse di malumore

(50) Taceva imbronciato, così come se fosse di malumore

“Il se taisait, l’air boudeur, comme (s’il était) de mauvaise humeur”

(51) *Come se fosse di malumore, così taceva (imbronciato).

Il en est de même pour les incises courantes du type de come ti avevo detto “comme je te l’avais dit” (v. (52) et (53)), qui ‘commentent’ (Marx-Moyse 1989) un état de choses – qui dans un grand nombre de cas renvoient à une forme de evidentiality24 – et qui, dé-sémantisées, possèderaient même (Sabatini & Coletti 2007) un statut de signal discursif, puisque en atténuant la force de l’assertion elles faciliteraient l’entente avec l’interlocuteur25. Ces comparatives, construite de règle sur un verbe ou adjectif épistémique dont l’objet est un contenu informatif propositionnel (dire, penser, imaginer, suggérer, prévoir, soupçonner, etc. ; connu, plausible, possible, probable, etc.) présenté comme vrai (ce qui exclue des prédicats comme mentir : * Comme il a menti, il devait arriver ce soir), peuvent (je le pense) être reconduites à la ressemblance voire identité de ce qui est le cas avec le contenu d’une préalable hypothèse, prévision, opinion, etc. du locuteur ou d’autre personne : Comme tu avais prévu, les places seront limitées étant ainsi compris dans le sens de Comme tu avais prévu [que la situation se présenterait], les places seront limitées (c’est-à-dire, en général, selon le schéma « comme Sujet Verbeépist p’, p »26). L’objet p’ du verbe épistémique correspondrait donc à la réalité. Selon cette reconstruction, qui me paraît d’ailleurs assez plausible, la comparative serait quod superest d’une structure enchâssée, la proposition effectivement comparée étant sous-entendue – ce qui expliquerait en termes de dis-homogénéité syntactico-sémantique (sur laquelle on reviendra) l’impossibilité (v. (55) d’une réalisation corrélative :

(52) Come ti avevo detto, non voglio vederla

“Comme je t’avais dit, je ne veux pas la voir”

(53) Come avevo previsto, si è ritirato dopo la terza tappa

“Comme j’avais / je l’avais prévu, il s’est retiré après la troisième étape”

(54) Cosi come avevo previsto, si è ritirato dopo la terza tappa

(55) *Come avevo previsto, cosi si è ritirato dopo la terza tappa.

Je mentionnerais encore le cas semblable des comparatives temporelles en come quando “comme quand” (ou locatives en come dove “comme où”), qui établissent une analogie entre l’état de choses p de la principale et le ‘même’ état de choses, évoqué in absentia, dans d’autres circonstances temporelles (ou spatiales) : ce sont justement les circonstances qui permettent de reconstruire cette copie q de p ; v. (56), et pour des exemples littéraires de complexité croissante (57)-(59)27 :

(56) Si alzava presto, come quando andava a lavorare in città

[= “… come faceva quando…” , “… come si alzava presto quando…”]

“Il se levait tôt, comme quand il allait travailler en ville”

(57) « La tua parola cangia di colore, | come quando l’ulivo è sotto il vento »

[D’Annunzio, La figlia di Iorio]

“Ta parole change de couleur, comme quand l’olivier est sous le vent”

(58) « Ritornò in anticamera, senza il coraggio di guardare la Jole, come quando li occhi della mamma, fermi e grigi, gli erano addosso »

[C.E. Gadda, Accoppiamenti giudiziosi]

“Il revint dans l’antichambre, sans le courage de regarder Jole, comme quand les yeux de sa mère, fermes et gris, étaient figés sur lui”

(59) « La sua voce prendeva il solito tono alto, come quando egli teneva udienza lassù, sulla spianata del Castello ; e la gente messa fuori del salone e rimasta davanti a l’aperta grande vetrata poteva udirlo meglio che se fosse rimasta dentro, perché la voce rimbalzava per la sonorità della volta e si faceva sentire vibrante fin dal centro della piazza » [Luigi Capuana, Il Marchese di Roccaverdina]

“Sa voix prenait son habituel ton haut, comme quand il donnait audience là-haut, sur l’esplanade du Château ; et le peuple sorti du salon et debout devant la grande baie vitrée pouvait l’entendre mieux que s’il avait été à l’intérieur, puisque sa voix se répercutait sous la voûte sonore et se faisait entendre vibrante jusqu’au milieu de la place”.

En principe, de même que pour le sous-type précédent, et pour les mêmes raisons, si rien, ou presque28, n’empêche une réalisation à contact (« così come q » – v. (56’)), la réalisation corrélative paraît exclue (v. (56")), ou relativement marginale (v. (60)) :

(56’) Si alzava presto, cosi come quando andava a lavorare in città

(56") *Come quando andava a lavorare in città, così si alzava presto

(60) ?Come quando siviene almondo, cosi morendo abbiamopauradell ‘ignoto29 “Comme quand on vient au monde, ainsi en mourant nous avons peur de l’inconnu”.

L’évaluation des exemples potentiels est ici en réalité considérablement brouillée par un phénomène mal connu de grammaticalisation de quando, qui peut se transformer, en virant syntaxiquement du côté de quella volta che, littéralement : “comme cette fois-là que”), ou, mieux, de come accade che “comme il arrive que”, en simple complémenteur, en un introducteur d’un proposition analogue à p – ce qui permettrait de rétablir l’homogénéité entre p et q apparemment exigée par toute réalisation corrélative. Je me limite à signaler la belle corrélation en come quando… cosi dans un poème de G. Pascoli, Il ciocco, I, vv. 17 svv. – en enregistrant que sa grammaticalité resterait intacte si on supprimait la première proposition, à fonction en partie de cadre, de circonstance, des deux coordonnées après quand :

(61) « Come quando nell’umida capanna | le magre manze mangiano, e via via, | […] alzano il muso, e dalla rastrelliera | tirano fuori una boccata d’erba ; | […] | così dalla mannella, ogni momento, | nuova tiglia guidata era nel fuso »

“Comme quand dans la hutte humide les maigres génisses mangent, et au fur et à mesure lèvent le museau et du râtelier sortent une bouchée d’herbe ; ainsi de la botte à chaque instant un nouveau brin de chanvre au fuseau était amenée”.

5. Quelle corrélation pour (quel) les comparatives d’analogie ?

Ce qu’on peut raisonnablement dire sur le caractère corrélatif ou pas de certaines sous-classes et réalisations de comparatives analogiques dépend naturellement de la conception de corrélation adoptée, de sa définition plus au moins stricte. Quelques remarques préalables sur la notion de corrélation à laquelle je me réfère me semblent donc s’imposer.

D’un point de vue exclusivement notionnel une corrélation entre deux états de choses p e q, au sens propre et stricte du terme ‘corrélation’ opposé à ‘relation’, se définit30 en tant que « Rapporto di reciproca dipendenza » “rapport de réciproque dépendance” (Sabatini & Coletti 2007), « Rapport existant entre deux choses, deux notions, deux faits dont l’un implique l’autre et réciproquement » (TLFi31), « Rapporto di mutua dipendenza, di condizionamento reciproco » (GDLI – qui toutefois enchaîne32 en généralisant (et affaiblissant) sa définition : « intima connessione (fra idee, fatti, ecc.) » “connexion intime [sic] (entre idées, faits, etc)”.

Si l’on s’en tient à cette première acception notionnelle du terme, une ‘corrélation’ ressemblerait ou équivaudrait à une interdépendance bi-implicative cause-effet du type ‘si et seulement si’ (“si p est le cas, alors q est le cas, et vice-versa”), comme celle exprimée linguistiquement par (62) :

(62) Viene alla riunione se e solo se viene anche lei

“Il vient à la séance si et seulement si elle aussi y vient”

et en particulier, plus spécifiquement – on pourrait même y voir le noyau de la notion de corrélation –, à une interdépendance variationnelle : une variation Δp de p comporte une variation ‘correspondante’ Δq, dans le même sens ou dans le sens inverse, de q, et vice-versa :

(63) Δp ↔ Δq

Une telle interdépendance variationnelle apparaît signalée linguistiquement de façon explicite (grâce à des marques univoques) par exemple dans les comparatives corrélatives de degré (pour lesquelles v. la synthèse de Huddleston 2002 : 1135), qu’elle soient de ‘proportion croissante’ comme (64) ou ‘inverse’33 comme (65) – deux réalisations qui sont formellement corrélatives de par la présence dans p et q d’une marque ‘distribuée’ de corrélation ; ainsi qu’en (66), une réalisation qui pour sa part est formellement corrélative dans un sens plus faible (les deux phrases constituantes sont chacune pour soi (isolée), autonomes et complètes, et reliées – corrélées – uniquement par leur construction symétrique) :

(64) « Sai che l’Io è come le mosche : più lo scacci e più ti ronza d’intorno, e per questo non ti maravigliare se io comincio dal mio signor me »34

“Tu sais que l’Ego est comme les mouches : plus tu le chasses, plus il te bourdonne autour, et donc ne t’étonne pas si je commence par mon sieur moi”

(65) Più parla, meno lo ascolto

“Plus il parle, moins je l’écoute”

(66) Parla sempre più, lo ascolto sempre meno

“Il parle toujours plus, je l’écoute toujours moins”.

Toujours d’un point de vue notionnel, mais d’une manière plus floue, et certainement sans réciprocité, on parle en outre de ‘corrélation’ entre deux états de choses p et q si p apparaît ‘dépendent, influencé, en relation’ avec q. Le GDLI définit cette acception faible de réciprocité en tant que « Rapporto, relazione, riferimento [= repère ?] ; conformità, analogia, somiglianza » – en individuant ainsi (séparées par le point-virgule) deux sous-espèces, la deuxième encore plus faible, et justement, on remarquera, de caractère analogique.

Sur le plan notionnel on peut donc en résumant isoler schématiquement les trois degrés (de force décroissante) suivants de corrélativité entre états de choses, qui pourront ou moins être signalés linguistiquement :

A corrélativité-interdépendance ; voire, pour états de choses scalaires, corrélativité-interdépendance variationnelle

B corrélativité-dépendance (q ‘dépend’ de p)

C corrélativité-analogie.

Je note au passage que l’adverbe qui dans des couples de structures coordonnées ou juxtaposées pourrait être censé exprimer lexicalement le rapport de corrélation entre p et q, c’est-à-dire correlativamente (fr. corrélativement35), et qui me paraît bien représenté dans sa ‘normalité’ sémantique dans un passage tel que (67), n’est toutefois pas à même de signaler le simple rapport d’analogie entre deux propositions, qu’il soit employé seul (68) ou, pire, combiné à come (69) :

(67) « Poiché lo Stato – come si è visto – ha avocato a sé il potere (che è al tempo stesso, un dovere) di rendere giustizia, al cittadino è correlativamente riconosciuto il diritto di rivolgersi agli organi all’uopo istituiti per ottenere quella giustizia che non può assicurarsi da sé »36 “Puisque l’Etat – comme on l’a vu – a évoqué à soi le pouvoir […], au citoyen il est corrélativement reconnu le droit de s’adresser aux organes etc.”

(68) *Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, come correlativamente ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono

(69) ??/*Come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, correlativamente ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua.

On trouve exprimée par l’adverbe correlativamente dans (67) et, je crois, en général, ainsi que par une large classe d’emplois du substantif correlazione, l’idée qu’un état de chose corrélé q doit être une espèce de ‘contrepartie’ du premier état de chose p, que q s’accompagne de p pour en quelque sorte l’équilibrer. L’idée donc que p et q soient complémentaires par rapport à un certain critère ou point de vue – ce qui n’est pas requis par aucune des trois acceptions A-B ci-dessus37.

Il est alors évident, à partir de ces stipulations définitoires, que par leur nature toutes les comparatives d’analogie, quand elles relient des états de choses du même niveau, et indépendamment de leur réalisation linguistique (corrélative ou moins), peuvent être considérées corrélatives dans le sens faible de C – et ne consentent pas en général, en absence d’un très supplétif de ‘complémentarité’, l’insertion de l’adverbe correlativamente. Force et d’admettre que cela n’est toutefois que peut significatif du point de vue linguistique.

Sur un plan cette fois non plus notionnel mais linguistique, on pourra de manière générale retenir qu’il y a corrélation formelle entre deux phrases F1 et F2 si elles sont ‘solidaires’ – une solidarité qui peut à son tour se décliner selon des modalités, et surtout des degrés de force, différents. Dans le sens plus fort deux phrases F1 et F2 sont corrélées grammaticalement si F1 requiert F2 par sa forme morphologique et/ ou syntaxique, et vice-versa – comme c’est le cas dans (64) et (65), exemples dans lesquels les phrases F1 et F2, respectivement coordonnées et juxtaposées, sont à tel point interdépendantes qu’elles ne peuvent subsister de manière autonome38. Parmi les multiples réalisations de ‘solidarité’ formelle entre phrases, à côté bien sûr des couples de « mots corrélatifs »39, en quelques cas même doublés40, on peut mentionner les structures syntaxiques (et intonationnelles) qui ‘se rapportent’, comme Viene lui, parto io ; ou, pour s’approcher à nos comparatives analogiques, les ‘mots’ qui d’une manière ou de l’autre renvoient in toto à l’intérieur de F1 à la proposition exprimée par F2, en l’annonçant, en l’anticipant, ou en la résumant : comme dans une « Spezialität der deutschen Grammatik » (Zifonum 1997 : 1475), la subordination corrélative41 de par exemple Ich bedauere e s sehr, daß sie nicht gekommen ist/sei “Je regrette beaucoup (le fait) qu’elle ne soit pas venue”, ou de Warten wir lieber darauf, daß es wärmer wird “Attendons plutôt qu’il fasse plus chaud”, marginalement représentée aussi en italien :

(70) Se lo aspetta che tu lo inviti

“Il s’attend à ce que tu l’invites”

(71) Per questo la situazione ci sembra complicata, perché…

littéralm. : “Pour cela la situation nous paraît compliquée, parce que… ”.

Maintenant, ce qui établit dans notre cas le caractère formellement corrélatif du schéma (IIb) « come q, così p » des comparatives analogiques est justement la présence en tête de p de l’adverbe così à fonction anaphorique, qui, comme il a été dit au § 3., plus que renvoyer à son hypothétique ‘corrélat’ come en tête de q, reprend globalement la ‘façon de se présenter’, ‘d’être’ de q pour l’identifier à celle de p. Il en est de même avec les formules modales allo stesso modo, analogamente et semblables ; lesquelles en outre, plus explicites, peuvent se combiner à così en le suivant en apposition et en le spécifiant sémantiquement (schéma (IIb’) : « come q, così, allo stesso modo, p »). Par contre, dans le schémas (Ia) « p, (così) come q » ainsi que dans (Ib) « (così) come q, p », même quand on réalise le così facultatif, la proposition p ne résulte pas encrée à q – c’est cette fois p qui est actualisée par così en tête de la comparative analogique q, reliée ainsi à p par un lien double, celui modal-subordonnant de come et celui modal-anaphorique de così. Le caractère corrélatif de (IIb), en particulier, serait plutôt du type de la subordination corrélative par exemple de l’allemand que de celui de (64)/(65) ou, mettons, d’une reprise pronominale telle que, en latin, Qui bene latuit, is bene vixit42 “Qui s’est bien caché, celui-là il a bien vécu”. Le redoublement de così par allo stesso modo etc. est exclu, pour des raisons qui ne sont pas très évidentes (redondance ?) dans les deux schémas (Ia/b), comme le montrent (72) et (73) :

* p, così, allo stesso modo, come q * così, allo stesso modo, come q, p

(72) *Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, così, allo stesso modo, come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono

(73) *Così, allo stesso modo, come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua.

Pour venir finalement à la question formulée en ouverture, sur la spécificité de la version corrélative de la comparative d’analogie par rapport à la version simple, et en particulier à la question de sa ‘force’ (v. Herczeg 1997 cité au § 1.), il conviendra d’abord de rappeler les quelques faits significatifs qui sont apparus au cours de cette analyse. La corrélative requiert non seulement, comme le fait la version simple,

i) l’indépendance à la fois syntaxique et sémantique des deux états de choses p et q – qui, reliés en fait par la subordination ‘faible’ de come, sont à mi-chemin entre coordination et subordination ;

ii) une construction syntaxique et sémantique-informationnelle au moins dans une certaine mesure symétrique, ou qui puisse être reconstruite en tant que symétrique, des deux phrases F, Fs ou des deux propositions p, q (Herczeg 1977 : 327 parle de « blocchi ritmicamente controbilanciati » “blocs contrebalancés rythmiquement”) ;

mais aussi et surtout :

iii) un rang syntaxique équivalent (compte tenu de i)) de p et q. Il n’est pas admis, par exemple, que q soit enchâssé dans une phrase matrice introduite par come, et donc de rang plus bas que p (par exemple, la structure « come F8 che q, così p » ne sera jamais grammaticale).

Cela dit, si l’on ausculte le différentiel sémantique de séries telles que (74a-d) ou (75a-d)43 ou encore (sur la base d’un de nos premiers exemples) de (76a-d) :

(74a) Io non ho accettato,(e) lei non ha accettato

“Je n’ai pas accepté, (et) elle n’a pas accepté”

(74b) Io non ho accettato, come lei non ha accettato

(74c) Io non ho accettato, così come lei non ha accettato

(74d) Come non ha accettato lei, cosi non ho accettato io

(75a) I porci si lavano nel fango, le galline nella polvere e nella cenere

“Les porcs se lavent dans la fange, les poules dans la poussière et dans la cendre”

(75b) I porci si lavano nel fango, come le galline nella polvere e nella cenere

(75c) I porci si lavano nel fango, così come le galline nella polvere e nella cenere

(75d) Come le galline si lavano nella polvere e nella cenere, così i porci nel fango

(76a) Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono

(76b) Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono

(76c) Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, così come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono

(76d) Come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, così ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua,

on est amené à reconnaître, à chaque fois, que dans les variantes corrélatives (d) l’analogie, au-delà des différentes focalisations communicatives des arguments, occupe un rôle que l’on pourrait qualifier de ‘central’, ou de ‘plus central’ (d’où l’intuition d’une ‘force’ supérieure) : p et q sont présentées par la corrélation comme propositions (syntaxiquement et) énonciativement intégrées, qui font l’objet – c’est là la caractéristique essentielle – d’une unique prédication-énonciation. L’énonciation porte sur un état de choses complexe, binaire ; elle porte, plus exactement, sur le lien d’analogie entre les deux propositions-états de choses p et q (= analogie (p, q)), tandis que p et q dans les versions non corrélatives demeurent assertivement indépendantes. Donc :

iv) co-énonciation de p et de q en tant que reliés par une relation d’analogie.

A cette co-énonciation prédicative, incompatible avec la simultanéité de distinguos entre p et q, on imputera donc l’impossibilité d’une atténuation, d’une ‘approximation’ en quasi de la proposition comparée : c’est-à-dire, du fait que l’acceptabilité de A et de B (les schémas sous-jacents à (77)/(77’) et (78)) soit indubitablement divergente ; en positif, elle consentira (v. (79)) une reprise pronominale globale44.

A « p, quasi come q » | « quasi come q, p »

B *« quasi come q, così p »

(77) Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, quasi come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono

(77’) Quasi come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua

(78) *Quasi come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, così ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua

(79) Come non ha accettato Maria, così non ha accetato lei – il che la dice lunga sull’una e sull’altra

litt. “Comme Marie n’a pas accepté, ainsi elle n’a pas accepté – ce qui en dit long sur l’une et sur l’autre”.

Les comparatives analogiques corrélatives nous apparaissent, en définitive, comme une sous-classe particulière, relativement restreinte, des comparatives analogiques, dont elles ne partagent pas la variabilité fonctionnelle ; une sous-classe caractérisée par la forte cohésion, à plusieurs niveaux – rythmique, syntaxique, sémantique, énonciatif – des propositions impliquées.

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1 “A Venise, comme on ne peut sentir que par modes musicaux, ainsi on ne peut penser que par images” : G. D’Annunzio, Il Fuoco, dans : Prose di romanzi, vol. II, éd. par N. Lorenzini, Milan, Mondadori (« I Meridiani »), 1989, p. 203 – exemple mentionné dans le GDLI sous « così 3 », mais avec une virgule avant così.

2 La devise proustienne sous forme de similitude d’une lettre, souvent citée, à Mme Straus.

3 La forme ‘simple’ (< lat. sic) de l’adverbe corrélatif, courante en ancien italien (v. par exemple le passage de G. Bambagiuoli, un auteur de la première moitié du Trecento, cité par le GDLI : « Questo dimostra chiaro | com’è ceco l’avaro | che ‘l ben lo qual possede gli manca | com ‘ quel per cui si stanca » “… car le bien qu’il possède ainsi / autant lui manque que celui pour lequel il s’éreinte”) est marquée comme très fortement littéraire en italien contemporain. Il en est de même, à un degré encore supérieur, pour le corrélatif altresì (< altĕrum et sic).

4 Dont l’étymologie, pour ce qui est du premier élément, reste controversée : v. le TLFi, s.v. ainsi.

5 Ou sans la focalisation symétrique – corrélative, j’aimerais dire ! – des arguments dans principale et subordonnée : Come ci ha trattato, cosi noi lo tratteremo.

6 Exemple cité par Herczeg (1977 : 326).

7 Ce sont les kommentierende wie-Sätze de Marx-Moyse (1989) – et les « subordonnées comparatives de modalisation autonymique » (ou au moins une de leurs variétés) de Authier-Revuz (1995).

8 Il va de soi que d’autres réalisations sont possibles, comme par exemple les comparatives d’égalité qui portent sur deux qualités d’un même porteur : Elle est autant éveillée qu’excitée.

9 Mais tout à fait normale, par exemple, dans l’italien du Trecento, et donc dans l’italien littéraire jusqu’au XIXe siècle au moins) : v. dans la grammaire ‘raisonnée’ de Vanzon (1834) les attestations tirées du Decameron : Delle fèmmine era così vago come sono i cani de ‘bastòni “des femmes il était autant désireux que les chiens des bâtons”, Veramènte è questi cosi magnìfico come uòm dice “Vraiment celui-ci est aussi magnifique que chacun le dit”, etc., auxquelles le même Vanzon, p. 124-25 joint des exemples ‘modernes’ apparemment construits : Una pera così dolce o sì dolce come lo zùcchero, Questa tela è si bianca come la neve, Gènova non era così potènte come Venèzia (une poire douce comme du sucre, une toile blanche comme neige, et Gênes et Venise comparées en puissance – on notera ici la négation…). Dans sa note 3 de p. 125 Vanzon ajoute toutefois que « Puossi elegantemente una delle due particelle, o la comparativa [così, ecc.], o la correlativa [tanto, ecc.], per elissi sottintendersi ; onde si può dire : Un oratòre eloquènte quanto Ciceròne ; un frutto dolce come lo zùcchero, sopprimendo nel primo esempio così, e nel secondo tanto » “Il est possible par ellipse d’élégamment sous-entendre une des deux particules, soit la comparative [così, etc.], soit la corrélative [tanto, etc.] ; on pourra ainsi dire etc.”.

10 Comme il est bien connu, un constituant non référentiel (et conventionnel, stéréotypé) sélectionne une lecture élative (= de degré élevé) plutôt que comparative ; voir la différence entre Lei è furba come Maria /… furba come un gatto ; È leggero come l’altro golfino /… leggero come una piuma.

11 A moins d’élaborer la solution de continuité de (7) en tant que phénomène d’exécution, comme un after thought, donc.

12 La lecture modale semble excessivement difficile à récupérer.

13 V. Sabatini & Coletti (2007, s.v. anche) : « In funzione di congiunzione testuale […] collega, con valore aggiuntivo, una frase o sequenza di discorso a quanto detto in precedenza (di solito isolata da pause, può essere anteposta, interposta o posposta alla frase a cui appartiene) : Preparati per tempo a una professione ; anche, evita la compagnia dei perdigiorno ».

14 V. encore Sabatini & Coletti (2007, s.v. inoltre) : « collega, con valore aggiuntivo, una frase o sequenza di discorso a quanto detto in precedenza ».

15 Une comparative analogique nominale, donc.

16 L’ordre est d’abord p-q et ensuite q-p.

« p… come q » :

(36) |(36’) Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono / Come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua.

« p… così come q » :

(37) |(37’) Ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, così come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono / Così come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua.

« così p… come q » :

(38)| (38’) Come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono, così ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua / ??Così ogni scrittore è obbligato a farsi la propria lingua, come ogni violinista è obbligato a farsi il proprio suono.

17 Così, selon l’entrée que l’Enciclopedia dantesca lui consacre (Ambrosini 1984 : 231), « riprendendo un enunciato precedente, precisa che l’azione o condizione dell’enunciato successivo si svolge nelle modalità prima indicate » “Così en reprenant un énoncé précédent, précise que l’action ou condition de l’énoncé suivant se déroule selon les modalités précédemment indiquées”.

18 ‘Pseudo’, parce come q est alors plutôt une apposition explicative du così.

19 Bien connu (en italien) l’incipit dantesque de Rime CIII : « Così nel mio parlar voglio esser aspro | com’è ne li atti questa bella petra » (littéralement : “Ainsi dans mon parler (dans mes vers) je veux être âpre comme cette belle pierre l’est dans ses actes).

20 Comme le rappelle Ambrosini (1984 : 232), « Non manca [nella lingua della Commedia dantesca] la ripresa di così dopo un precedente così come, ad es. in Pg II 88-89 Così com’io t’amai /nel mortal corpo, così t’amo sciolta » “n’est pas absente, dans la langue de la Commedia de Dante, la reprise en così après un précédent così come etc.”.

21 Le cas de (42), qui demande une modalité du prédicat, est évidemment différent.

22 Et en effet Sabatini & Coletti (2007) enregistrent un come « con significato affine a quasi in locuzioni di valore comparativo-ipotetico » “avec un signifié proche de quasi dans des locutions de valeur comparative-hypothétique”.

23 V. par exemple dans une pièce, Non si sa come, de Pirandello :

RESPI : Sul serio.

Sporgendosi a guardarlo da vicino : Per la moglie, tu capisci ?

GIORGIO (come ascoltando un’enormità) : Che ? Per la moglie.

Et dans le même dialogue, juste avant :

Giorgio (stordito e quasi incredulo) : Chi ? Romeo ? Scherzi ! Il più sereno -

Respi (interrompendolo, con intenzione) : A te parve sereno là in villa quand’arrivasti ?

24 V. par contre l’agrammaticalité d’exemples tels que *Come non sai, i posti sono pochi “Comme tu ne le sais pas, les places sont limitées”. La négation de la comparative parenthétique semble toutefois (marginalement) possible avec des verbes à force épistémique réduite, qui, comme imaginer, ne présupposent pas leur complétive : v. (?) Come non {immaginavi / non potevi immaginare}, i posti sono pochi.

25 Un statut qui ne paraît toutefois soutenable que pour les emplois fortement grammaticalisés (= come sai, come tutti sanno, ecc.), à valeur (presque) formulaire ; tandis qu’en général (par exemple dans : Come ti avevo ripetutamente detto, occorreva fare molta attenzione “Comme je t’avais à plusieurs reprises dit, il fallait faire très attention”) la subordonnée garde sa pleine valeur.

26 p’ étant la représentation de p du point de vue du sujet de la comparative.

27 Remarquable, en (59), est le fait que la circonstance de q (“quand il donnait audience là-haut”) soit suivie par une élaborée explicitation de q.

28 En réalité l’introduction de così, qui d’une certaine façon actualise p dans la comparative, paraît demander une présence explicite dans celle-ci de q – au moins sous forme par exemple d’une pronominalisation – et pas seulement de sa circonstance temporelle ; v. en effet le naturel supérieur, par rapport à (56’), de sa variante pourvue du pro-verbe fare : Si alzava presto, così come faceva quando andava a lavorare in città. Que plusieurs occurrences de « p, così come quando q » soit attestées (dans le web ou ailleurs : v. pour le web par exemple « E sognerei un domani colmo di questa quiete, | di questa lentezza pigra, così come quando, | tutto il mio tempo avevo, disteso accanto » (http://www.neteditor.it/content/152336/cos%C3%AC-come-quando), ou « Così come quando si viene al mondo, morendo abbiamo paura dell’ignoto » (http://www.facebook.com/notes/polvere-di-sogni/cos%C3%AC-come-quando-si-viene-al-mondo-morendo-abbiamo-paura-dellignoto/233507533331801 ? ref=nf) peut aisément être expliqué en termes d’autres facteurs.

29 Je modifie dans le sens de la corrélation un exemple attesté par le web (v. note précédente).

30 En termes biens sûr intuitifs, en tant que concept non technique, diffus ; pour des définitions dans le sens plein du terme il faut se référer aux différents domaines scientifiques (statistique, géométrie projective, etc.).

31 L’entrée du TLFi distingue ensuite entre trois spécifications du concept général qui toutes en atténuent la force (v. ci-dessous) : corrélation en tant que – A) « Rapport de dépendance dû à un lien de cause à effet ou un lien créé par une cause commune, déterminée ou non. (L’idée de réciprocité est quelquefois absente) » ; – B) « Relation nécessaire qui s’établit entre une notion et son opposé » (spécifiquement, les “paires corrélatives” de la phonologie) ; – C) « Rapport de simultanéité, variations concomitantes de deux phénomènes (sans qu’on puisse toujours en induire qu’un lien de cause à effet unit ces phénomènes) ».

32 Peut-être en suivant l’entrée correlation du OED : « The condition of being correlated ; mutual relation of two or more things (implying intimate or necessary connection) ». Sous l’adjectif correlated le OED enregistre, comme les autres dictionnaires mentionnés ci-dessous, deux degrés a) « Normally or naturally related to each other or occurring in conjunction » et b) « Related in the way of analogy, similarity, etc. ; corresponding, analogous » de force décroissante par rapport à la définition initiale 1. : « Having a reciprocal relation such that each necessarily implies, or is complementary to, the other ; mutually interdependent ; involving such a relation. Const. with, rarely to ».

33 Deux parmi les sous-types des « comparative di proporzionalità » décrites par Agostini (1978 : 400) et reprises par Serianni (1997 : 430-31). On notera que dans un cas comme dans l’autre la réciprocité, qui pourrait être imposée par un ‘inverseur’ des sens telle que et vice-versa, est normalement assurée par voie d’implicature.

34 G. Giusti, dans son Epistolario, vol. I (http://www.abruzzoinmostra.it/letteratura/giusti_01/PAGE0100.HTM), partiellement cité par Serianni 1997 : 431.

35 TLFi : « Corrélativement, adv. De façon corrélative. Lorsqu’elle s’emploie à la découverte d’un monde objectif, l’intelligence exige corrélativement une certaine maîtrise de l’émotivité (Mounier, Traité caract., 1946, p. 635). On le doue [l’individu] d’un instinct de conservation et corrélativement d’un instinct d’autodestruction (Vuillemin) ».

36 A. Torrente & P. Schlesinger, Manuale di diritto privato.

37 Remarquable en ce sens (la complémentarité) l’exemple de F. De Sanctis cité dans l’entrée correlazione par le GDLI sous l’étiquette de « Termine corrispondente, complementare » “Terme correspondant, complémentaire” : « Il sottinteso ha per sua correlazione l’espresso ; né si sveglia nella mente del lettore quando non è nella mente dell’artista » “Le sous-entendu a pour sa corrélation l’exprimé ; il ne se réveille dans l’esprit du lecteur quand il n’est pas dans l’esprit de l’artiste”.

38 Il est remarquable que, à l’autre extrême de l’échelle, les subordonnées, en raison de leur dépendance, aient pu être appelés ‘propositions partielles’ ou ‘corrélatives’ : ainsi dans la Table des divers noms que l’on donne aux propositions, aux sujets et aux attributs de l’article Construction de l’Encyclopédie : « Proposition relative ou partielle | On les appelle aussi corrélatives | L’ensemble des propositions corrélatives ou partielles forme la période ».

39 Ces « Mots qui vont ordinairement ensemble, et qui servent à indiquer une relation entre deux membre d’une phrase, tels que les mots tellement et que » (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire Universel, s.v. corrélatif).

40 Comme dans le bel exemple construit à partir d’un passage de Virgile dans le Traité de syntaxe latine (1827) de Louis Vaucher : qualisquantusque Polyphemus (tales tantique) centum alii Cyclopes altis in montibus errant (p. 245).

41 La « sogenannte korrelative Subordination, das heißt mit einem Hauptsatz durch ein Korrelat syntaktisch verbundene Nebensätze bzw. Infinitivgruppen » (Eisenberg 2006 ; mais on verra sur ce sujet le volume de Zitterbart 2002, ainsi que Mollica 2010 et ici-même la contribution de Martine Dalmas).

42 Encore un exemple introduit par L. Vaucher dans son Traité de syntaxe latine, p. 245, en élaborant cette fois la maxime ovidienne des Tristia : « bene qui latuit, bene vixit ».

43 Une série qui varie un aphorisme attribué par Columella, de re rustica, 8.4.4 à Héraclite (fr. 37 : « si modo credimus Ephesio Heraclito qui ait sues caeno, cohortales aves pulvere vel cinere lavari »). Les fragments d’Héraclite offrent, on le sait bien, un répertoire d’admirables analogies. On rappellera ici, sans la traduire, la double corrélation, une fois en come… così (incluant de plus une comparative d’approximation en come se), une fois en allo stesso modo che… così (v. § 1) du fragment 67a : « Come il ragno stando al centro della tela non appena una mosca ne rompa un qualche filo se ne accorge e svelto vi accorre come se sentisse male per la rottura del filo, così l’anima dell’uomo, quando una parte del corpo è ferita, rapida vi si reca come se non sopportasse la lesione del corpo a cui è congiunta stabilmente e secondo un determinato rapporto. Allo stesso modo dunque che i carboni accostandosi al fuoco diventano incandescenti per mutazione e una volta lontani dal fuoco si spengono, così quella parte del mondo circostante raccolta nei nostri corpi, distaccandosi dal resto, diviene quasi incapace di intendere, mentre ricongiungendosi naturalmente attraverso il maggior numero di pori diventa omogenea al tutto » (trad. de A. Pasquinelli).

44 Un argument, qui n’est toutefois pas décisif, vue que la reprise n’est pas exclue pour les versions non corrélatives : Lei non ha accettato, come non ha accettato Maria – il che la dice lunga sull’una e sull’altra.