Sur la notion de ‘corrélateur’
1. Introduction
Comme on l’a montré ailleurs, les conjonctions de coordination dites ‘corrélatives’, c’est-à-dire formellement interdépendantes, se distinguent par divers aspects des conjonctions simples (cf. Mouret 2005, 2007a, Mouret et al. 2008). Nous présentons dans cette étude une vue d’ensemble des contraintes qui les caractérisent avant d’étendre ensuite l’observation aux autres formes qui admettent un emploi corrélatif en français, recensées pour l’essentiel par Piot (2000). A première vue, aucune unité ne se dégage. Certains items ne se combinent qu’à des phrases (par exemple plus… plus, autant… autant) tandis que d’autres se combinent à des catégories plus variées (par exemple, tantôt… tantôt, les uns… les autres). Certains, par ailleurs, établissent un parallélisme discursif qui rend possible l’ellipse verbale (par exemple, tantôt… tantôt ou encore d’une part… d’autre part), tandis que d’autres mettent en jeu au contraire une relation de discours asymétrique, par exemple conditionnelle (plus… plus), qui l’exclut. Il apparaît que trois propriétés générales rassemblent malgré tout l’ensemble de ces items par-delà leurs différences de distributions et d’interprétations, qui justifient l’existence d’une catégorie analytique, et pas seulement descriptive, de ‘corrélateurs’ en français. Sur le plan sémantique, d’abord, ils s’interprètent tous comme des foncteurs propositionnels, et ce quelles que soient les catégories combinées. Sur le plan syntaxique, par ailleurs, ils sont incompatibles entre eux, y compris dans les cas où la combinaison serait pourtant sémantiquement plausible. Sur le plan prosodique, enfin, ils imposent tous, semble-t-il, une démarcation des termes auxquels ils se combinent.
2. Propriétés des conjonctions corrélatives
Considérons d’abord les conjonctions corrélatives. Le français dispose de quatre formes : et, ou, ni et soit, auxquelles on ajoute parfois les paires hybrides associant un adverbial négatif initial (non pas, non, non seulement dans les usages formels, pas, pas seulement dans les usages informels) à la conjonction mais, que nous laisserons ici de côté.
(1) a. Il parle et l’anglais, et l’espagnol, et l’italien
b. Il viendra ou lundi, ou mardi, ou mercredi
c. Il n’est allé ni à Rome, ni à Florence, ni à Venise
d. Soit il viendra lundi, soit il viendra mardi, soit il viendra mercredi
(2) a. Il viendra {non pas / non / ! pas} lundi, mais (plutôt) mardi
b. Il viendra {non seulement / ! pas seulement} lundi, mais (aussi) mardi
Ces conjonctions admettent toutes un emploi simple par ailleurs. Le dédoublement homonymique s’impose d’emblée pour deux d’entre elles. En emploi corrélatif, la forme soit établit une relation de disjonction équivalente à celle établie par ‘ou’ entre des termes de catégories quelconques, tandis qu’en emploi simple, elle établit une relation d’identité que l’on peut gloser par ‘c’est-à-dire’ entre des termes de catégories non phrastiques :
(3) a. Ce livre coûte quinze euros, {soit / c’est-à-dire} cent francs
b. Ce livre coûte quinze euros, soit il coûte cent francs.
De même, la forme ni s’analyse comme une conjonction incorporant un opérateur négatif en emploi corrélatif, tandis qu’elle fonctionne comme une variante polaire de ‘ou’ en emploi simple, ce qui explique entre autres le caractère obligatoire d’un terme négatif indépendant dans ce dernier emploi (cf de Swart 2001, Mouret 2007b) :
(4) a. Il n’est pas allé à Rome, à Florence, ni à Venise
b. *Il n’est allé à Rome, ni à Florence, ni à Venise.
2.1. Syntaxe
A première vue, les conjonctions corrélatives présentent une distribution comparable à celle de leurs correspondants simples : elles peuvent relier des syntagmes de catégories et fonctions variées (5), ou encore des ‘pseudo-constituants’ formés par composition syntaxique et sémantique de plusieurs catégories (6).
(5) a. A la politique de soutien des revenus agricoles par les prix (menée depuis trente ans par la CEE), on attribue pêle-mêle et l’accumulation des stocks écoulés à coups de subventions sur le marché international et la course à des rendements élevés par le recours à des moyens de plus en plus artificiels et de plus en plus polluants (Le Monde, « French Treebank », Abeillé et al. 2003)
b. Pour qui voulait découvrir ou utiliser le Journal, le choix était dramatiquement simple : ou se contenter de l’édition publiée en 1868, et alors ne connaître du journal que des extraits très partiels (6 % du texte complet) et aucunement représentatifs ; ou retourner au manuscrit à la Bibliothèque Nationale, et alors se perdre dans les onze mille pages d’un texte touffu, difficile à déchiffrer et, pour tout dire, décourageant (Le Monde, « French Treebank »)
c. En dépit de leur attrait, les relances du type « grands travaux » peuvent entraver le redressement des comptes soit parce qu’elles interrompent les efforts de rationalisation des entreprises concernées en les rendant moins nécessaires, soit parce qu’elles font appel au marché financier alors que son volume ne s’est pas assez dégonflé (Le Monde, « French Treebank »)
d. Si l’on ajoute à cela que nous sommes en train de clore un millénaire, la question de savoir ce qui se passera dans le prochain n’est ni vaine ni artificielle (Le Monde, « French Treebank »)
e. Le diplôme d’études supérieures techniques répond véritablement à un besoin précis et de l’enseignement et de l’industrie (Frantext, Anonyme, Encyclopédie France, 1960, p. 275)
(6) a. La cour a rendu ce matin et justice aux plaignants et hommage aux victimes
b. Le paraître ne rend ni juste la justice, ni raisonnable la raison, ni vraie la vérité (Base Frantext, V Jankelevitch, Le je-ne-sais-quoi, 1957, p. 5)
c. Une erreur de calcul ne permet ni au comptable d’arrêter ses comptes, ni à l’astronome de vérifier ses prédictions, ni à l’architecte de réussir un problème de voûte (Base Frantext, V Jankelevitch, Le je-ne-sais-quoi, 1957, p. 173)
d. Ces avis font l’objet de consultations écrites ou télégraphiées, soit collectives à l’instigation du chef des français libres, soit individuelles à l’initiative des membres du conseil (Base Frantext, Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, 1954, p. 618)
Deux restrictions se dégagent toutefois. La coordination dite ‘lexicale’ dans les positions réservées aux mots, qui est naturelle avec les conjonctions simples, est difficile avec les conjonctions corrélatives, tout du moins dans les contextes où aucune analyse syntagmatique alternative n’est disponible, tels que les suivants1 (cf. Abeillé 2006). Nous y revenons plus loin, section 2.4.
(7) a. Il a tout (??et) vu et entendu
b. Il ne sait plus quoi (??ni) dire ni faire
c. Il a (et) tout vu et tout entendu
d. Il ne sait plus (ni) quoi dire ni quoi faire
Par ailleurs, la coordination de SV conjugués ou de phrases racines est plus contrainte qu’en emploi simple. Elle est naturelle et bien attestée avec les conjonctions ou et soit (8-9) tandis qu’elle semble réservée avec les conjonctions et et ni à certains usages recherchés (10), ou au contraire informels (11), en dehors desquels elle est peu acceptable (12).
(8) a. (Ou) Paul vous écrira, ou Marie vous téléphonera
b. Paul (ou) vous écrira, ou vous téléphonera
c. Soit Paul vous écrira, soit Marie vous téléphonera
d. Paul soit vous écrira, soit vous téléphonera
(9) a. Les marchandises de plusieurs de ces dépôts sont regroupées dans un camion de grandes dimensions qui, soit les transporte à une gare, soit les achemine directement, le terme du voyage étant en tout état de cause le même (Base Frantext, M. Wolkowisch, L’élevage dans le monde, 1966, p. 171)
b. Soit le processus réussit, et la croissance pourrait redevenir positive dès la fin de 1992, soit il échoue, et la production continuera de décroître jusqu’en 1993 au moins (Le Monde, « French Treebank »)
c. En Angleterre, les spiritueux ou viennent du dehors, ou sont produits par des établissements immenses, qui permettent de percevoir dans un seul d’entre eux des millions d’impôt (Base Frantext, Document Hist. Contemp., t. 2, 1959, p. 29)
d. Lorsque l’ennemi reconnaît la vaillance de l’adversaire qu’il croyait pleutre, ou il le gracie, ou il s’en fait un allié (Base Frantext, J. Lanzmann, La horde d’or, 1994, p. 312)
(10) a. L’éloignement où nous avions vécu jusqu> alors les faisait à présent affluer, et Marceline, déshabituée du monde, ni ne savait les abréger, ni n’osait condamner sa porte (Base Frantext, A. Gide, L’immoraliste, 1902, p. 422)
b. Ni le compromis ne me paraît justifié, ni l’acceptation pure et simple ne me paraît nécessaire (Dictionnaire du français Contemporain, J. Dubois, R. Lagane, G. Niobey, D. et J. Casalis, H. Meschonnic, 1966, cité par Grévisse & Goosse 2008)
c. Où est-elle en ce moment, Ondine ! Reviendra-t-elle jamais, Ondine ! Souvent quand elle a disparu, nous pensons que c’est pour toujours ! Et voyez, et cherchez, il ne reste aucune trace d’elle ! (Base Frantext, J. Anouilh, Ondine, 1939, p. 59)
d. J’ai changé, mets-toi ça dans la tête. On change, Paule. Et les idées changent, et aussi les sentiments. Il faudra bien que tu finisses par l’admettre (Base Frantext, S. de Beauvoir, Les mandarins, 1954, p. 257)
(11) a. Tu vois quand elle est revenue elle était pas ni marquée ni rien – ni elle a pleuré ni elle a crié (Corpus du GARS, Lc89, Demay, cité par Blanche-Benveniste et al. 1990)
b. – Tu me l’as dit, Fred. On se baque. A poil si on veut.
– Ça coûte pas plus cher.
– Et ça coûte pas plus cher, et y a personne pour vous mater (Base Frantext, R. Fallet, La grande ceinture, 1956, p. 46)
(12) a. Etonnamment, (?et) Paul a chanté et Marie a dansé
b. A aucun moment (?ni) Paul n’a chanté ni Marie n’a dansé
c. Etonnamment, Paul (?et) a chanté et a dansé
d. A aucun moment, Paul (?ni) n’a chanté ni n’a dansé
2.2. Interprétation
2.2.1. Sémantique
Les coordinations admettent deux types d’interprétation. Typiquement, elles dénotent une relation entre contenus propositionnels (ou une fonction d’ordre supérieur vers une telle relation par « généralisation », cf Gazdar 1980, Partee & Rooth 1982), dont la valeur conjonctive ou disjonctive est fixée par la conjonction (ou par le contexte en cas de coordination ‘asyndétique’), et à laquelle peuvent s’ajouter diverses relations discursives, telles que le parallélisme en (13a, b), la succession temporelle en (13c), la conséquence (13d), ou encore la condition en (13e).
(13) a. Paul vous écrira ou Marie vous appellera
b. Il aime lire le journal et écouter la radio
c. Il a mis son manteau et (ensuite) quitté la salle
(13) d. Il a échoué aux examens et (par conséquent) redoublé
e. Il faut vous dépêcher ou (sinon) vous allez être en retard
Mais elles peuvent également recevoir une interprétation autre, de type ensembliste, lorsqu’elles sont formées sur la conjonction et : elles dénotent alors, par réunion du contenu des conjoints, une pluralité susceptible de recevoir une lecture collective ou distributive. Dans les exemples en (14a, b), cette interprétation est imposée par un ajout dans la phrase. En (14a), la coordination dénote une pluralité d’individus à laquelle le prédicat verbal s’applique collectivement, comme le demande l’ajout ensemble, de sorte que la phrase implique qu’il n’y a qu’un seul article d’écrit. En (14b), en revanche, le prédicat verbal s’y applique distributivement, comme le demande l’ajout chacun, de sorte que la phrase implique qu’il y a deux articles d’écrits. En l’absence de tels marqueurs, plusieurs analyses et interprétations sont généralement possibles. La coordination en (14c) par exemple, peut recevoir une lecture collective ou bien une lecture distributive. En outre, la lecture distributive peut être obtenue par deux mécanismes concurrents : soit la coordination dénote un ensemble auquel s’applique distributivement le prédicat verbal, soit elle dénote par généralisation une fonction d’ordre supérieur qui, appliquée au prédicat verbal, donne la conjonction de propositions ‘Paul a écrit un article et Marie a écrit un article’.
(14) a. Paul et Marie ont écrit ensemble un article
b. Paul et Marie ont écrit chacun un article
c. Paul et Marie ont écrit un article
Les coordinations formées sur une conjonction corrélative sont nettement plus contraintes. En premier lieu, elles ne peuvent dénoter qu’une relation de conjonction ou de disjonction de contenus propositionnels ou une fonction d’ordre supérieur vers une telle relation. On explique ainsi qu’elles soient systématiquement exclues dans les contextes qui appellent obligatoirement une application collective ou distributive d’un prédicat à une pluralité, comme c’est le cas en (15a) et (15b) du fait des ajouts ‘ensemble’ et ‘chacun’. La phrase (15c) ne peut donc recevoir qu’une analyse et une interprétation, contrairement à la phrase (14c) supra : elle dénote obligatoirement une fonction d’ordre supérieur qui, appliquée au prédicat verbal, donne la conjonction de propositions ‘Paul a écrit un article et Marie a écrit un article’.
(15) a. *Et Paul et Marie ont écrit ensemble un article
b. *Et Paul et Marie ont écrit chacun un article
c. Et Paul et Marie ont écrit un article
Par ailleurs, les termes conjoints doivent entretenir une relation de parallélisme discursif comme en (16a, b). Les relations de discours asymétriques, c’est-à-dire non nécessairement préservées lorsqu’on permute les termes conjoints, ne sont pas autorisées, qu’il s’agisse de succession temporelle (16c), de conséquence (16d) ou encore de condition (16e). C’est pourquoi les conjonctions binaires, qui sont intrinsèquement asymétriques, n’admettent pas d’emploi corrélatif (17).
(16) a. Ou Paul vous écrira ou Marie vous appellera
b. Il aime et lire le journal et écouter la radio
c. *Il a et mis son manteau et ensuite quitté la salle
d. *Il a et échoué aux examens et par conséquent redoublé
e. *Ou il faut vous dépêcher ou sinon vous allez rater votre train
(17) a. Paul (*mais) lit souvent le journal, mais n’écoute jamais la radio
b. (*Car) nous l’avons embauché car nous savons que nous pourrons compter sur lui
Contrairement à ce qu’on lit parfois, ce parallélisme discursif n’est pas associé à un parallélisme syntaxique rigide : les coordinations corrélatives peuvent relier des catégories différentes dans les mêmes conditions que les autres types de constructions coordonnées (l’identité de fonctions pour résumer, cf Mouret 2007a), ou encore un syntagme complet à un syntagme elliptique (le premier en (19a), auquel manque un complément, le second en (19b) auquel manque la tête verbale, cf Abeillé & Mouret 2010) :
(18) a. Je comprends et tes soupirs profonds, et pourquoi comme un fou tu frappes des talons [SN + Ph] (Frantext, A. Barbier, Iambes et poèmes, 1840, p. 150-151)
b. Il n’est pas douteux que les modernistes n’aient réussi à s’attirer les sympathies de plusieurs catholiques plus fervents qu’instruits par cette argumentation, qui ne tend à rien moins qu’à rendre ou impossible ou sans valeur toute connaissance naturelle de Dieu [SA + SP] (Frantext, Anonyme, Dictionnaire de théologie catholique, 1920, p. 813)
c. Mais je n’ai rien à dire à celui-là qui se proclame mon égal avec hargne et ne veut ni dépendre de moi en quelque chose ni que je dépende de lui. [SV[inf] + Ph[que]] (Frantext, A. de Saint-Exupéry, Citadelle, 1944, p. 829)
d. Ils accomplissent ces tâches soit directement, soit par l’intermédiaire des receveurs particuliers des receveurs-percepteurs qui leur sont subordonnés [SAdv + SP] (Frantext, G. Belorgey, Gouvernement et administration, 1967, p. 308)
(19) a. Personne ne sait [(ni) d’où provient] ni à qui est destiné ce colis
b. (Ou bien) Paul dormira chez Marie ou bien [Marie chez Paul].
2.2.2. Pragmatique
Sur le plan pragmatique également, les conjonctions corrélatives se détachent des conjonctions simples. Elles n’apportent pas nécessairement l’information nouvelle dans l’énoncé, mais reçoivent toujours une interprétation contrastive, par exclusion pragmatique des relations alternatives, c’est-à-dire de la conjonction lorsqu’est exprimée une disjonction et vice-versa. On explique dès lors le renforcement de l’interprétation dite ‘exclusive’ de la disjonction en emploi corrélatif. Examinons brièvement les faits.
Comme on le sait, cette interprétation, qui veut qu’une seule des descriptions disjointes soit valide (et non ‘une, voire toutes’ comme le veut la lecture inclusive), résulte en emploi simple non du contenu vériconditionnel du connecteur ou, qui est toujours inclusif, mais d’une implicature scalaire (cf Horn 1972, 1989, Gazdar 1977, Pelletier 1977) : une disjonction OU (p, q) s’interprète exclusivement, lorsqu’elle est asymétriquement impliquée par l’alternative ET (p, q), c’est-à-dire moins informative que la conjonction sur une échelle, et qu’elle est malgré tout employée par le locuteur. Comme toutes les implicatures scalaires, cette interprétation peut a posteriori être annulée par certaines continuations sans effet de contradiction comme c’est le cas en (20a), ou au contraire explicitée dans le cadre d’une structure contrastive sans effet de redondance comme c’est le cas en (20b). Par ailleurs, elle est obligatoirement suspendue au profit de l’interprétation inclusive dans les contextes à inférences décroissantes qui ont pour effet d’inverser les échelles (cf Fauconnier 1977), tels que la négation (20c), le complément phrastique d’un verbe comme douter (20d), ou encore l’antécédent d’une structure conditionnelle explicite (20e) ou implicite (20f).
(20) a. Vous trouverez des brochures au stand A ou au stand B, et peut-être même aux deux stands
b. Vous trouverez des brochures au stand A ou au stand B, mais certainement pas aux deux stands
c. Vous ne trouverez pas de brochures au stand A ou au stand B
d. Je doute que vous trouviez des brochures au stand A ou au stand B
e. Si vous trouvez des brochures au stand A ou au stand B, prévenez-moi
f. Que vous trouviez des brochures au stand A ou au stand B, peu m’importe
Considérons à présent l’interprétation exclusive de la disjonction en emploi corrélatif. Comme l’illustrent les exemples (21a) et (21b), cette interprétation peut également être annulée a posteriori (la continuation introduite par et ne donne pas lieu à une contradiction) ou au contraire explicitée (la continuation introduite par mais ne produit aucun effet de redondance), ce qui montre qu’il s’agit toujours d’une implicature. L’étrangeté des exemples en (21c-f) suggère qu’elle ne peut pas en revanche être aisément suspendue : les disjonctions corrélatives sont de manière générale peu naturelles dans les contextes qui appellent une lecture inclusive, en laissant de côté les interprétations métalinguistiques, toujours possibles. En d’autres termes, l’exclusion pragmatique de l’alternative conjonctive se maintient quel que soit le contexte dans ce cas, ce à quoi on s’attend effectivement si la disjonction reçoit en emploi corrélatif une interprétation contrastive.
(21) a. Vous trouverez des brochures ou au stand A ou au stand B, et peut-être même aux deux stands
b. Vous trouverez des brochures ou au stand A ou au stand B, mais certainement pas aux deux stands
c. ?Vous ne trouverez pas de brochures ou au stand A ou au stand B
d. ?Si vous trouvez des brochures ou au stand A ou au stand B, prévenez-moi
e. ?Que vous trouviez des brochures ou au stand A ou au stand B, peu m’importe
f. ?Je doute que vous trouviez des brochures ou au stand A ou au stand B
2.3. Prosodie
Considérons enfin la dimension prosodique étudiée par Mouret et al. (2008). En emploi corrélatif, chaque conjoint doit appartenir à un groupe prosodique distinct marqué par une saillance mélodique sur la conjonction. Les exemples en (22) illustrent cette propriété (les parenthèses indiquent les regroupements prosodiques, le symbole _ la réalisation d’un enchaînement ou d’une liaison, et les lettres capitales, les saillances mélodiques) : on peut optionnellement rassembler dans un même groupe le dernier conjoint et le matériel qui suit (22a, b), mais pas en revanche les conjoints entre eux (22c), ni le premier conjoint et le matériel phonologique qui précède (22d, e).
(22) a. (Il achète) (ET ses pommes) (ET ses prunes) (au marché)
b. (Il achète) (ET ses pommes) (ET ses prunes_au marché)
c. *(Il achète) (ET ses pommes_ET ses prunes) (au marché)
d. *(Il achète_ET ses pommes) (ET ses prunes) (au marché)
e. *(Il achète_ET ses pommes) (ET ses prunes_au marché)
On comprend dès lors le blocage de la coordination lexicale noté supra, section 2.1, à partir du moment où cette construction impose, contrairement à ce que demandent les conjonctions corrélatives, que soient rassemblés au sein d’un seul et même groupe les termes conjoints. On comprend également que les conjonctions corrélatives ne se rencontrent pas immédiatement à droite des formes faibles, par exemple les prépositions à et de (23a, b) : on ne peut pas en effet simultanément attacher la forme faible au matériel qui suit et séparer le premier conjoint du matériel phonologique qui précède comme l’impose chaque conjonction. Il faut dans ce cas répéter la préposition devant chaque conjoint (23c, d), ou alors lui fournir un hôte phonologique indépendant (23e, f).
(23) a. Nous parlerons de / à (*et) Jean et Pierre
b. Nous parlerons de / à (*ou) Jean ou Pierre
c. Nous parlerons (et) de Jean et de Pierre / (et) à Jean et à Pierre
d. Nous parlerons (ou) de Jean ou de Pierre / (ou) à Jean ou à Pierre
e. ?Nous parlerons de / à, semble-t-il, (et) Jean et Pierre
f. ?Nous parlerons de / à, semble-t-il, (ou) Jean ou Pierre
Par contraste, les coordinations formées sur une conjonction simple sont plus flexibles, comme le sont également les coordinations asyndétiques. Les conjoints peuvent être traités comme des groupes prosodiques indépendants avec les mêmes proéminences initiales gauches que celles observées avec les formes corrélatives, et ce sans valeur pragmatique distinctive claire (24), mais un autre patron sans proéminences mélodiques initiales est également autorisé, qui aligne suivant les règles d’interface syntaxe-prosodie habituelles du français des frontières droites de constituants, qui ne sont pas alors nécessairement coextensifs aux conjoints, à des frontières droites de groupes prosodiques (25).
(24) a. (Il le dit) (A Pauline) (ET à Louise) (à chaque fois)
c. *(Il le dit) (A Pauline_ET à Louise) (à chaque fois)
d. *(Il le dit_A Pauline) (ET à Louise) (à chaque fois)
e. *(Il le dit_A Pauline) (ET à Louise_à chaque fois)
(25) a (Il le dit) (à Pauline) (et à Louise) (à chaque fois)
b (Il le dit) (à Pauline) (et à Louise_à chaque fois)
c (Il le dit) (à Pauline_et à Louise) (à chaque fois)
d (Il le dit_à Pauline) (et à Louise) (à chaque fois)
e (Il le dit_à Pauline) (et à Louise_à chaque fois)
3. Extension des observations
3.1. Inventaire des formes
Outre les conjonctions de coordination, divers items, recensés pour la plupart par Piot (2000), admettent en français un emploi corrélatif. En laissant ici de côté les systèmes impliquant une phrase en que, qui demandent sans doute un traitement à part, on trouve dans le domaine de la subordination la paire conditionnelle si… alors (26) et quelques formes comparatives d’égalité d’allure archaïque (27) ; et dans le domaine de la coordination2 des comparatifs d’inégalité, comme l’illustrent les exemples en (28) empruntés au corpus de S. Allaire (1982), mais aussi des comparatifs d’égalité (cf (29a, b)) ou d’identité/altérité (cf (29c, d)), des adverbiaux temporels (30), des adverbiaux argumentatifs (31), des pronoms et SN sans nom à valeur partitionnelle (32), et même des préfixes (33a) ou ‘préfixoïdes’ (33b).
(26) a. Si on tient absolument à remonter le cours du temps, alors il faut balayer tout l’espace temporel et revenir à l’origine, aux « archives de la raison », les seules à n’être pas de poussiéreux grimoires (Frantext, M. Ousouf, Composition française : retour sur une enfance bretonne, 2009, p. 193)
b. [Si X est équipotent à Y et si Y est équipotent à Z], alors X est équipotent à Z (Frantext, A. Warusfel, Les mathématiques modernes, 1979, p. 74)
(27) a. De même que ma mère avait abandonné l’espoir de me faire lui demander pardon, de même elle abandonna celui de me voir me promener en rang avec la pension Barbet (Frantext, M. Duras, Cahiers de la guerre et autres textes, 2006, p. 90-91)
b. Tout comme la Rance coule vers la mer parce que sa source l’y envoie, ainsi la France est fidèle à elle-même lorsqu’elle marche vers le progrès (Frantext, Ch. de Gaulle, Discours et messages, 1970, p. 122)
(28) a. Plus les élèves sont jeunes, et moins ils sont marqués par la soumission.
b. [Plus brillante] est l’interprétation, [plus profond] est le ravissement de l’auditeur
c. Mieux il s’installera, meilleur sera son travail
d. Plus ça va, pire c’est
e. Plus vous prescrivez, [meilleur médecin] vous êtes
(29) a. Autant il est facile de se défaire d’une mauvaise jaquette, autant on a scrupule à jeter une bande (Frantext, A. François, Bouquiner, 2000, p. 58)
b. [Aussi vite] il est parti, et [aussi vite] il est revenu
c. Autre il est aujourd’hui et autre il sera demain
d. Tel il est aujourd’hui, tel il sera demain
(30) a. Depuis quelque temps, il lui semble qu’aussitôt il se met à écrire, aussitôt il sécrète des vers impeccables (Frantext, P. Mertens, Les éblouissements, 1987, p. 368)
b. Il est (aus) sitôt parti, (aus) sitôt arrivé
c. Paul prend {parfois / de temps en temps / quelques fois / des fois / tantôt / ! un coup} le métro (et) {parfois /de temps en temps /d’autres fois / ! un coup} le bus
(31) a. L’originalité de mon cas, si l’on peut dire, tenait à une différence d’âge d’une part, à une disparition prématurée, d’autre part (Frantext, E. Ollivier, L’orphelin de mer, 1982, p. 17)
b.Si, leur besogne accomplie, les hommes de l’Aigle avaient quitté leur repaire occasionnel et avaient regagné Alger, cela voulait dire, d’une part que la côte était proche, d’autre part qu’il trouverait dans l’oasis de l’eau et des vivres (Frantext, G. Pérec, La vie : mode d’emploi, 1978, p. 467)
c. Il a obtenu {d’abord/premièrement/en second lieu /… } une Licence de droit, (et) {ensuite / deuxièmement / en deuxième lieu /… } un Master d’économie
d. L’entreprise est sinon impossible, (ou) du moins risquée
(32) a. Et, soudain, tout le monde s’assit, qui sur une commode, qui sur un panier, qui sur un paquet de tapis (Frantext, G. Duhamel, La nuit de la Saint Jean, 1935, p. 70)
b. Ils sont allés les uns à Rome (et) les autres à Venise
c. Tous ces Français, aux côtés de qui je me battais, avaient un métier, celui-ci de cultivateur, celui-là de mécanicien, cet autre d’ingénieur, de professeur, d’industriel (Frantext, P. Bourget, Un drame dans le monde, 1921, p. 61)
(33) a. Les deux frères se regardèrent, mi-ironiques, mi-sérieux (Frantext, J. d’Ormesson, Tous les hommes sont fous, 1986, p. 86)
b. Puis il me tendit un bijou, une perle poire, unique au monde, moitié blanche, moitié noire (Frantext, M. de Grece, La nuit du Sérail, 1982, p. 236)
Comme les conjonctions, la plupart de ces items admettent un emploi simple par ailleurs avec des propriétés sensiblement différentes. La subordonnée conditionnelle apparaît obligatoirement en position initiale lorsque la conjonction si est corrélée à l’adverbe alors, tandis qu’elle est mobile en emploi simple :
(34) a. Si X est équipotent à Y et Y est équipotent à Z, alors X est équipotent à Z
b. *Alors X est équipotent à Z, si X est équipotent à Y et Y est équipotent à Z
c. Si X est équipotent à Y et Y est équipotent à Z, X est équipotent à Z
d. X est équipotent à Z, si X est équipotent à Y et Y est équipotent à Z.
De même, les comparatifs n’ont pas exactement les mêmes propriétés dans les deux emplois, comme l’ont bien montré Cappeau & Savelli (1995). L’adverbe plus, par exemple, ne commute jamais avec beaucoup en emploi corrélatif, et peut porter sur des quantifieurs :
(35) a. Il mange plus / beaucoup
b. {Plus / *Beaucoup} il mange, plus il grossit
c. *Il mange plus peu
d. Plus il mange peu, plus il s’affaiblit (Cappeau & Savelli 1995 : 178).
L’analyse des pronoms, SN sans nom et adverbiaux restants est plus délicate. Comme le note Deulofeu (2001), la corrélation formelle est moins rigide lorsque ces items fonctionnent comme des dépendants du verbe tête de la phrase (ajout en (36a), valent en (36b)), ce qui suggère un traitement discursif plutôt que syntaxique :
(36) a. pour ce qui est de ce candidat d’une part il faut prendre en compte son CV et puis il a de l’ancienneté
b. J’ai deux frères : l’un (d’entre eux) vit ici (Exemples de Deulofeu 2001).
La situation semble différente, toutefois, lorsqu’ils sont employés comme ajouts à des catégories autres, comme c’est le cas dans les exemples suivants :
(37) a. Ils sont allés d’une part à Rome, et d’autre part à Venise
b. ??Ils sont allés d’une part à Rome, et (puis) à Venise
c. Ils sont allés les uns à Rome, et les autres à Venise
d. *Ils sont allés les uns à Rome, et à Venise.
Il semble donc que là-aussi, un dédoublement lexical s’impose, même si l’on peut sans doute discuter du détail des formes concernées.
3.2. Comparaison avec les conjonctions corrélatives
Ces items forment-ils une classe naturelle avec les conjonctions corrélatives ? A première vue, aucune unité ne se dégage. Alors que les conjonctions ont une distribution relativement homogène, il faut distinguer ici divers fonctionnements. Certaines formes, celles en (26-27-28-29), ne se rencontrent qu’à l’initiale de phrases qui ont pour certaines seulement (celles en (28, 29b, c, d)) les propriétés de structures à extraction (cf Abeillé & Borsley 2006)3. D’autres formes ne se rencontrent au contraire qu’à l’initiale de catégories non phrastiques plus ou moins spécifiques (les pronoms dans leur emploi comme ajouts partitionnels en (32) sont compatibles avec des catégories variées pourvu qu’il s’agisse de dépendants ; les préfixes et préfixoïdes en (33) n’introduisent que des adjectifs ou des noms, voir notamment Milner 1988, Delaveau 1999, Schnedecker 2006 pour les premiers, Noailly 1999 pour les seconds). Entre ces deux pôles, on trouve d’un côté les formes aussitôt et sitôt, qui ne se combinent guère qu’à des verbes au participe passé en plus des phrases (30a, b), et de l’autre, les adverbiaux temporels restants (30c) et les adverbiaux argumentatifs (31) qui sont, eux, compatibles avec des catégories diverses (voir notamment Guiraud 2008 pour les premiers, Charolles 2001 pour les seconds).
Piot (2000) propose de rassembler les uns et les autres au motif qu’ils imposeraient tous la conservation du même cadre structural d’un membre à l’autre sans possibilité de réduction elliptique, mais les données ne vont pas dans ce sens. Comme on l’a vu plus haut, les conjonctions en emploi corrélatif peuvent sans difficulté relier un syntagme complet à un syntagme elliptique sans verbe, et il en va de même des items corrélatifs considérés ici lorsque la relation de discours qu’ils déclenchent est symétrique (c’est-à-dire conservée lorsqu’on permute les termes reliés). On explique ainsi par exemple le contraste en (38) : l’interprétation est symétrique en (38a) ce qui autorise l’ellipse verbale, tandis qu’elle est conditionnelle en (38b), ce qui l’exclut (cf Beck 1996, Abeillé & Mouret 2010).
(38) a. Tantôt Paul dort chez Marie, tantôt Marie (dort) chez Paul
b. Plus Paul apprécie Marie, moins Marie *(apprécie) Paul
Nous voudrions malgré tout plaider en faveur d’un regroupement analytique. Il est clair que la diversité des formes observées ne se ramène pas à un type sémantico-pragmatique unique. On notera toutefois que l’interprétation s’effectue toujours dans le domaine propositionnel quelles que soient les catégories concernées, ce qui suggère un traitement formel par « généralisation » comparable à celui couramment admis pour les conjonctions de coordination. Sur le plan syntaxique, par ailleurs, l’existence d’une catégorie de corrélateurs explique l’incompatibilité des différents items entre eux. Si l’on peut sans doute invoquer une forme d’incompatibilité sémantique pour expliquer les malformations observées en (39), on ne voit pas bien ce qui bloque du point de vue de l’interprétation les combinatoires en (40) compte tenu de l’acceptabilité des formes en (41).
(39) a. *Il prend tantôt d’une part le bus, tantôt d’autre part le métro
b. *Autant [aussi vite] il est parti, autant [aussi vite] il est revenu
c. *Ils sont allés d’une part les uns à Rome, d’autre part les autres à Venise
d. *Les deux frères se regardaient, tantôt [mi-ironiques], tantôt [mi-sérieux]
(40) a. ??Il prend et {d’une part / tantôt} le bus et {d’autre part / tantôt} le métro
b. ??Ils sont allés et les uns à Rome et les autres à Venise
c. ??L’entreprise est ou sinon impossible ou du moins risquée
(41) a. Il prend {d’une part/tantôt} le bus et {d’autrepart/tantôt} le métro
b. Ils sont allés les uns à Rome et les autres à Venise
c. L’entreprise est sinon impossible ou du moins risquée
Sur le plan prosodique, enfin, il semble bien que les items corrélatifs considérés ici imposent comme les conjonctions une démarcation des termes auxquels ils se combinent, c’est-à-dire une frontière de groupe prosodique. On explique ainsi le blocage comparable de la coordination lexicale dans les positions réservées aux mots d’une part (comparer (42a, b) et (42c, d)), de la coordination dans la portée de formes faibles d’autre part (comparer (43a, b) et (43c, d) :
(42) a. ??Ils ont tout d’une part vu, d’autre part entendu
b. ??Il aimerait bien savoir quoi sinon faire, du moins dire
c. Ils ont d’une part tout vu, d’autre part tout entendu
d. Il aimerait savoir sinon quoi faire, du moins quoi dire
(43) a. *Nous parlerons de/à d’une part Jean, d’autre part Pierre
b. *Nous parlerons de/à sinon Jean, du moins Pierre
c. Ils ont parlé d’une part de Jean, d’autre part de Pierre / d’une part à Jean, d’autre part à Pierre
d. Nous parlerons sinon de Jean, du moins de Pierre / sinon à Jean, du moins à Pierre
e. ?Nous parlerons de/à, semble-t-il, d’une part Jean, d’autre part Pierre
f. ?Nous parlerons de/à, semble-t-il, sinon Jean, du moins Pierre.
4. Conclusion
Dans cet article, nous avons présenté un certain nombre de contraintes attachées aux conjonctions de coordination dites ‘corrélatives’ en français avant d’examiner ensuite le fonctionnement de divers items, relevant tantôt de la subordination, tantôt de la coordination, qui manifestent une interdépendance formelle comparable. Par-delà la diversité de distributions et d’interprétations observées, il semble bien que plusieurs propriétés de natures variées (sémantique, syntaxique, prosodique) caractérisent en propre l’ensemble de ces ‘corrélateurs’. Il faut conclure que le français contemporain dispose bel et bien d’un système de corrélation, même si celui-ci relève davantage, pour reprendre l’opposition de Choi-Jonin (2009), du type « morpho-lexical », qui associe des mots identiques ou apparentés, que du type « grammatical » bien connu des spécialistes des langues anciennes (cf Haudry 1973), qui associe dans sa forme canonique une proposition introduite par un relatif à une proposition introduite par un terme anaphorique.
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1 On considère que les pronoms tout et quoi s’adjoignent au V lexical plutôt qu’au SV lorsqu’ils apparaissent immédiatement à gauche du participe ou de l’infinitif car ils ne peuvent pas dans ce cas prendre portée large sur une coordination de syntagmes :
(i) ??Il a tout [vu de sa fenêtre et entendu]
(ii) ??Il ne sait plus quoi [dire à ses enfants ni faire pour les aider]).
Les coordinations en (7a, b) ne peuvent donc recevoir qu’une analyse structurale : il s’agit nécessairement de coordinations de verbes lexicaux.
2 Les structures de ce deuxième ensemble ne sont pas toujours rangées parmi les constructions coordonnées, en particulier celles formées sur des comparatifs d’inégalité dites « comparatives corrélatives » ou « proportionnelles » qui ont fait l’objet de nombreuses études (cf. pour le français Allaire 1982, Savelli 1993, Abeillé & Borsley 2006). Nous les analysons comme telles car l’insertion d’une conjonction simple est généralement possible (et, plus rarement ou, cf. (31d) ci-dessous), et surtout, les termes combinés observent les propriétés de parallélisme syntaxique caractéristiques des constructions coordonnées, notamment la contrainte d’extraction parallèle (cf. Abeillé & Borsley 2006).
3 Les arguments en faveur d’une extraction sont classiques : d’une part l’inversion dite « stylistique » du SN sujet est autorisée (cf. (28b)), d’autre part la relation entre l’item corrélatif extrait et le prédicat dont il dépend peut s’effectuer à distance avec des effets d’îlots.